Pour évaluer et clarifier le mandat de la force régionale de l’EAC: Le Rwanda fait capoter la réunion de Goma

Estimant que leur sécurité n’était pas garantie à Goma, la délégation rwandaise a sollicité la délocalisation de la réunion des ministres de Défense d’Afrique de l’Est sur la RDC, prévue ce mercredi 19 avril 2023. De ce fait, la réunion des ministres sollicitée par la Rdc et obtenue de la Communauté Est africaine, a été reportée et la réunion préparatoire des experts des pays membres de l’EAC prévue lundi à Goma avait été annulée. Les ministres devaient évaluer et clarifier le mandat de la Force régionale, selon la demande du Vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale et anciens combattants, Jean-Pierre Bemba Gombo. Depuis Goma le lundi 17 avril 2023, dans son briefing, le ministre de la Communication et médias, Patrick Muyaya s’était réservé de tout commentaire sur ce report, estimant qu’il revenait au ministère de la Défense de préciser les choses.

La force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a commencé à se déployer depuis le 6 janvier 2023 dans la base militaire de Rumangabo. Selon certains observateurs de la politique sécuritaire de la région des Grands-lacs africains, les termes de la feuille de route de Luanda stipulent que les forces de l’EAC coordonnent le retrait du M23 et demandent aux autres groupes armés de déposer les armes. Mais la force régionale n’engagera le combat que lorsque les autres options auront été épuisées.
Depuis quelques temps, le M23 ne cesse d’annoncer avec battage médiatique son retrait des territoires occupés, alors que la population locale et certaines organisations de la société civile affirment que « le retrait du M23 ne serait pas effectif dans ces localités ». C’est le cas de Jean-Claude Bambanze, président de la société civile du territoire de Rutshuru, qui affirme que les rebelles n’ont nullement la volonté de quitter les zones sous leur contrôle. Ce dernier dit ne pas comprendre l’attitude de la force régionale qui était censée avoir un mandat offensif en cas de non-respect du chronogramme fixé au mini-sommet de Luanda en novembre dernier. Selon des sources, les troupes de M23/RDF sont partout, dans toute la zone aux alentours de Rumangabo, à Katale, à Mushoro etc…

 

‘’Aujourd’hui, elles sont comme si elles cohabitaient déjà avec le M23, c’est comme si elles étaient venues en négociations. On se pose la question : est-ce une complicité ou un soutien apporté au M23 ? Et toutes ces questions, la population se les posent jusqu’à présent”, se demande certains habitants de la région.
Face à cela, le porte-parole de l’armée congolaise dit ne pas croire aux déclarations du M23, raison pour laquelle, à en croire le général Sylvain Ekenge, « les FARDC prennent leurs dispositions et qu’il y a des discussions avec la force régionale de l’EAC ».
Pour certains analystes, « si la force régionale n’a pas encore commencé à combattre le M23, c’est parce que la RDC et tous les autres acteurs régionaux ont convenu qu’il fallait d’abord épuiser les voies diplomatiques et dans ces voies diplomatiques, il y avait ces différents retraits du M23 ».
Soutien aux frères de la communauté Hima?
La question sécuritaire dans la partie orientale de la RDC est étroitement liée à l’histoire du Rwanda. Et dans la politique étrangère du pays des mille collines avec la RDC, le facteur identitaire joue un rôle déterminant. Selon le DDH et expert DESC, Marcellin Cikwanine « tous les rois qui se sont succédé au Rwanda précolonial menaient les guerres pour réunir dans une seule nation les populations d’expression Kinyarwanda avant d’œuvrer à imposer l’hégémonie rwandaise au-delà de des territoires rwandophones. Assurez la grandeur et la domination du Rwanda fut la première préoccupation de tous les rois histoires et mythiques du Rwanda ». Et ce fait, si l’on tient compte de la dimension du Rwanda originel qui n’était qu’un petit territoire au centre du Rwanda, le royaume du Rwanda est à 95% le fruit de la conquête territoriale. Dans la conception rwandaise, toutes les terres foulées par les rwandophones Tutsis (réfugiés fussent-ils), sont un prolongement du Rwanda.
C’est dans cette logique de la théorie des terres perdues, propagée et inculquée aux Banyarwanda que Paul Kagame s’est illustré dans sa tentative de falsification de l’histoire le week-end dernier à Cotonou au Benin.
Cette logique est donc générationnelle et aussi communautaire pour le tutsipower. Car, pour les tireurs de ficelles dans l’insécurité dans l’Est, cela consisterait à appliquer sur terrain une étude développée par le Professeur Kenyan Mazrui, qui consiste à revoir les tracés des frontières des Etats sur base des affinités ethniques pour aboutir à l’émergence de l’Empire Hima à l’Est du Continent Africain, actuellement représenté par l’EAC dont la force régionale s’est déployée dans l’est de la RDC pour entre autre objectif « coordonner le retrait du M23 » ! .
Dans le rapport de la réunion de la Commission Vangu, lors de la Conférence nationale souveraine, le brillant diplomate zaïrois, aujourd’hui disparu, Me Gérard Kamanda Wa Kamanda, ancien Secrétaire générale adjoint de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine, actuellement Union africaine, ‘UA’) et Vice-Premier ministre et ministre des Affaires Etrangères du Zaïre (RDC), affirme avoir perçu de façon précise deux choses à la réunion de l’OUA d’Addis-Abeba en Ethiopie.  A savoir : «  l’exode des réfugiés rwandais au Zaïre est à considérer comme la tête d’un Iceberg, car cette situation n’était pas accidentelle, mais plutôt quelque chose de bien programmé dont seul le Zaïre semblait ignorer les tenants et les aboutissants » et d’ajouter « un puissant lobby anglo-saxon travaille sur ce dossier depuis des années avec des solides ramifications : au Bureau du Secrétaire général de l’ONU ; dans les structures mêmes de l’ONU ; en Allemagne ; au Congrès américain ; en Grande Bretagne ; au Bureau de l’O.U.A. ».
Par ces propos, Gérard Kamanda indexait les anglo-saxons (le Royaume-Uni et les États-Unis), comme manipulant les organisations internationales (ONU et OUA) dans une visée occulte pour l’actuelle RDC en vassalisant l’ex colonie allemande qu’est le Rwanda.
Protéger les tutsi coute que coute, même au prix de plus de 12 millions de congolais tués !
« Le Rwanda actuel est tout simplement l’extension de l’héritage de la dynastie des Abanyinginya qui a régnée sur le rwandais, voir co-régné avec la tribu des Abega (clan de Paul Kagame) desquels sortaient les reines- mères. La question identitaire est au cœur des guerres rwandaises précoloniales et postcoloniales pour rendre ‘justice’ aux rwandophones victimes des ‘génocides’», renseigne en substance le DDH et expert DESC, Marcellin Cikwanine.
Dans sa chronique, Marcellin Cikwanine publié le 01 mars 2022, il relate comment qu’au début, « en 1996, les autorités rwandaises disaient intervenir militairement pour protéger les Tutsi Banyamulenge, avec des discours tels que « soit on leur reconnaît la nationalité zaïroise, soit on les retourne au Rwanda avec leurs terres héritées du Roi Ndori Nyamuheshara. Sinon, l’abcès va crever ». Ce qui arriva avec l’AFDL. En 1998, l’argumentaire de la protection des Tutsi fut largement utilisé pour justifier l’agression du Congo. En 2004, les troupes de Laurent Nkunda soutenus par le Rwanda mènent une expédition punitive à Bukavu pour ‘protéger les Tutsi du génocide en cours ‘. (Noter que Kunda Batware c’était même illustré dans des scènes de cannibalisme). En 2006, le Rwanda créé le CNDP et envoi des armes et munitions avec le même discours de protéger les Tutsi menacés par, entre autres, les FDLR. Pendant ce temps, la dynamique de la «rwandophonie» est créée pour unir les Hutus et les Tutsi autour des objectifs stratégiques rwandais. L’histoire se répète en 2012 quand le CNDP de Mwangachuchu créa le M23 !
Selon la théorie des terres perdues du Rwanda, le pays des mille collines s’étendait jusqu’à Masisi, Rutshuru, Goma et Idjwi. La tradition rwandaise affirme que même Bishugi, c’est-à-dire, actuelle chefferie de Ngweshe, était conquise et annexée au Rwanda.
En 1996, le président rwandais, Pasteur Bizimungu, aurait même affirmé, pour justifier la guerre de 1996, que Bishugi est le berceau des Banyamulenge.
Toutefois, il est très important que cette thérie n’a pas la caution de tous les Banyamulenge/Banyarwanda. Suite à la prise de conscience de ces derniers, les tenant de la théorie des terres perdues du Rwanda «  les considèrent comme traitre qu’il ne fallait pas laisser impunie, au risque de les exterminer pour justifier un soi-disant génocide des Banyamulenge », préviennent des analystes de la politique dans la région des grands-lacs africain.
Paul Kagame et le tutsipower rêvent de ‘récupérer’ des terres qu’ils pensent être les terres perdues du Rwanda à défaut de contrôler le Kivu qu’ils considèrent comme la zone naturelle d’influence du Rwanda.
Willy Makumi Motosia