1er Février 2017- 1er Février 2024, il y a 7 ans disparaissait … Étienne Tshisekedi, l’opposant historique
Il y a 7 ans, le 1er février 2017, disparaissait l’ancien Premier ministre du Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga, Étienne Tshisekedi Wa Mulumba, père biologique de l’actuel président de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Réputé ‘opposant historique’, celui que l’on appelait « Sphinx de Limete », a tiré sa révérence à Bruxelles, en Belgique, des suites d’une embolie pulmonaire. Pour les Kinois, « Ya’Tshitshi reste le symbole d’une lutte pacifique pour l’intérêt de la population », le ‘vrai opposant’ et après sa disparition, beaucoup estiment que l’opposition a disparue.
À l’occasion du 7ème anniversaire de la mort d’Etienne Tshisekedi Wa Mulumba ce 1er Février 2024, nombre des kinois interrogés se souviennent du sphinx de Limete comme étant le symbole d’une lutte pacifique pour l’intérêt de la population congolaise. Estimant que la classe politique dans sa globalité n’œuvre que pour des intérêts personnels et au service de l’étranger, Etienne Tshisekedi était donc considéré comme « l’opposant » par excellence du système de prédation qui gangrène l’ex-Zaïre, celui qui ne cessait d’appeler au changement radical en faveur de l’intérêt général du « Peuple d’abord » !
7années après sa disparition, l’ombre d’Étienne Tshisekedi continue de planer sur la vie politique nationale et sa mort reste pour le kinois lambda une perte lourde. Symbole d’une lutte pacifique, le Premier ministre honoraire du Zaïre, l’un des rédacteur de la première Constitution du Congo (Constitution dite de Luluabourg) et corédacteur du manifeste de la N’Sele, texte fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution « MPR », ‘Ya’Tshitshi’, comme l’appellent affectueusement ses admirateurs, fut « quelqu’un qui avait de la légitimité au sein de la population, qu’il pouvait utiliser pour mener une rébellion et prendre le pouvoir s’il l’avait voulu mais, il a consacré sa vie pour l’avènement de la démocratie pacifique», a dit Jean-Baptiste Mboyo, un habitant de la capitale congolaise.
« C’est grâce à son combat sans arme mais avec ‘stylo’ que Tshisekedi a chassé la dictature le 24 avril 1990, avant que l’AFDL, sous l’impulsion du’ tutsi power’, n’agresse le Zaïre et chasse Mobutu par les armes le 17mai 1997, et perpétuer ainsi le système de prédation par le truchement de Kagame, le suppôt des prédateurs et maître du Rwanda. Etienne Tshisekedi est donc le pionnier de la démocratie aux yeux de plusieurs observateurs de la politique congolaise. Celui qui a voulu que le peuple congolais soit libre et indépendant dans son pays, son slogan : « Le peuple d’abord » résonne toujours dans nos cœurs », témoigne un kinois de la commune de Limete, abordé par la rédaction du journal L’Avenir.
Beaucoup des kinois reconnaissent en ‘Tshisekedi le Père’ l’image de quelqu’un qui aimait sa patrie, « la République a perdu quelqu’un qui aimait vraiment son pays. Je retiens de lui la phrase : ‘Le peuple d’abord’. Nous ne pouvons pas aimer le pays sans aimer son peuple, Tshisekedi avait cet amour sincère pour son pays et pour son peuple. Il a fait moins d’une semaine à la tête de la Primature mais les choses avaient bougé positivement, son départ avait laissé un trou dans l’opposition, c’est une perte énorme. Tshisekedi est mort mais l’esprit incarné par cet opposant congolais, est bien vivant », a déclaré un compatriote d’une soixantaine d’années. Ce dernier espère que Félix Tshisekedi, le fils du sphinx de Limete actuellement à la tête du pays, va faire du slogan « Le peuple d’abord » une réalité durant son second mandat.
Un proche de Mobutu qui ne le ne caressait pas dans le sens des poils
Déjà en 1960, Étienne Tshisekedi est membre du collège des Commissaires généraux, gouvernement provisoire mis en place par Joseph-Désiré Mobutu après son premier coup d’État du 5 septembre 1960. Il y est en tant qu’adjoint du commissaire à la Justice, Marcel Lihau.
Étienne Tshisekedi obtient son diplôme de Docteur en droit à l’université Lovanium (Actuellement université de Kinshasa) en 1961, devenant ainsi le premier diplômé en droit du Congo. Il devient recteur de l’École nationale de droit et d’administration (ENDA), entre 1961 et 1965, et avait pris part à la rédaction de la Constitution congolaise de 1964. Il participe au gouvernement congolais et devient ministre de l’Intérieur et des Affaires coutumières du président Joseph-Désiré Mobutu en 1965. Au cours de l’année 1967, au conclave de Nsele, Tshisekedi rédige avec Mobutu, Justin-Marie Bomboko et Singa Udjuu, le manifeste de la Nsele, créant ainsi le Mouvement populaire de la Révolution (MPR), le 20 mai 1967, qui devient ensuite le parti unique, MPR-Parti-Etat.
Bien que très proche collaborateur du Président Mobutu ayant participé, dans l’exercice de ses fonctions, à certaines décisions importantes pour la bonne marche du pays, Étienne Tshisekedi est connu pour être l’un des rares à dire ouvertement ‘non’ à Mobutu lorsqu’il naviguait à contre-courant des intérêts du peuple. Ce qui fit de lui l’« opposant historique, le seul qui s’est battu pour l’intérêt du peuple alors que tous ‘chantaient et dansaient pour honorer le guide’ », témoigne avec nostalgie un sexagénaire qui dénonce « l’affairisme et la transhumance des pseudo-opposants actuels ». « Bien que proche collaborateur de Mobutu, en véritable ami et frère, Etienne Tshisekedi ne le caressait pas dans le sens des poils quand il s’écartait de la bonne voie et était toujours là quand son frère avait des ennuis de santé et pour des événements heureux et malheureux dans sa famille », témoigne un ancien ‘conférencier’ ayant participé à la Conférence nationale souveraine présidée par Monseigneur (devenu Cardinal) Laurent Monsengwo Pasinya aujourd’hui disparu et qui faisait partie de la délégation de la CNS partie à Gbadolite, dans la province de l’Equateur, consolé le Maréchal Mobutu lors de la disparition de l’un de ses fils.
L’Opposant historique
Après les guerres du Shaba (actuel Katanga, en 1977 et 1978), qui ont laissé entrevoir la faiblesse de l’armée de Mobutu, et par la gestion déplorable des finances du pays, le régime de Mobutu semble fragilisé. En 1980, quand le président de l’Assemblée nationale, Kalume meurt, au lieu de son remplaçant légal Etienne Tshisekedi, Mobutu nomme à sa place Nzondomio Adokpelingbo . Une immixtion dans le pouvoir législatif contraire aux us démocratiques qui, entre autres raisons, poussent Etienne Tshisekedi et d’autres parlementaires, en décembre 1980, à rédiger une lettre ouverte à Mobutu, la ‘Lettre des 13 parlementaires’ dans laquelle ils dénoncent la dictature exercée par Mobutu. Une bravoure rare pour cette époque du Parti-Etat !
En 1982, Tshisekedi participe à la fondation de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). Un péché de lèse-majesté, qui leur coûta, à maintes reprises, des privations de libertés (bien que conforme au manifeste de la N’Sele qui prévoyait l’existence de deux partis politiques au Zaïre mais jamais mis en application). Il est plusieurs fois emprisonné et subit des persécutions, de même que les autres fondateurs du parti, dont certains y trouveront même la mort.
A l’ouverture du Zaïre à la démocratie pluraliste, et lors de la période d’instabilité politique qui s’en suivie au début des années 1990, le Zaïre met en place une Conférence nationale souveraine chargée de redresser le pays. Tshisekedi accède une première fois au poste de Premier ministre entre le 29 septembre et le 1er novembre 1991, puis à nouveau le 15 août 1992 après son élection à la Conférence nationale souveraine.
Toutefois, les Occidentaux lui préfèrent Kengo wa Dondo, rejetant le choix du « peuple en conférence ». Et, en contradiction avec les résolutions de la Conférence nationale, Mobutu démet Tshisekedi de son poste de Premier ministre le 5 février 1993. Finalement, il est de nouveau nommé Premier ministre du 2 au 9 avril 1997. Avant d’être remplacé par le Général Likulia jusqu’à la chute de Mobutu et l’avènement du régime AFDL proche du ‘Rwanda’ le 17 mai 1997. Etienne Tshisekedi, s’y opposera à nouveau et lutta contre sa perpétuation via le régime Joseph Kabila, jusqu’à sa mort en Belgique le 1er Février 2017, le jour de la disparition en Belgique de l’Opposant historique !
Willy Makumi Motosia