La semaine dernière, je me suis improvisé une retraite d’une journée au Monastère Bénédictin de Mambré, situé au quartier Koweit/Ngombe-Lutendele, Commune de Mont Ngafula, loin de tous les bruits du centre de ville. Dans le même quartier, se trouve la Paroisse Saint Irenée. J’étais choqué de constater que ce quartier demeure totalement enclavé, les infrastructures routières sont complètement ruinées par les érosions; et par conséquent, les locaux qui y habitent sont absolument isolés et ne peuvent accéder à leurs maisons qu’à pied. Même les motos ne peuvent plus passer. Cette situation est vécue par beaucoup d’autres Kinois habitant d’autres quartiers et communes populaires de la capitale congolaise et dont les maisons sont menacées par plusieurs têtes d’érosion; sans oublier les nids de poule sur les principales artères de la ville de Kinshasa qui les entrecoupent. Si la réhabilitation voire le développement des infrastructures dans la capitale du pays qui se trouvent dans un état de délabrement avancé ne constituent pas une priorité pour le gouvernement, combien à plus forte raison dans l’arrière-pays ?!
J’en ai fait l’expérience en 2018 lorsque j’ai mené ma campagne comme candidat à députation nationale à Yahuma mon territoire, le plus grand territoire de la Province de la Tshopo. Pour arriver à Yahuma, à bord de la moto bien entendu car les véhicules ne passent plus, il faut transiter par le Territoire d’Isangi. Traverser la rivière Lokombe dans Territoire d’Isangi pendant la période de la crue c’était périlleuse voire impossible. J’ai dû payer les jeunes locaux, les uns pour transporter ma moto, et les autres pour me transporter moi-même sur leurs dos! Au 21eme siècle, j’ai trouvé ça surréaliste, moi qui, trois ans plutôt, suis rentré de l’étranger! A Yahuma, la dernière fois que les routes, de desserte agricole certes, ont été aménagées c’était vers la fin des années 1970 grâce au système de cartonnage. Et les cantonniers étaient matriculés et donc payés par l’Etat. Là j’étais à l’école primaire. J’espère que mon neveu Paul Gaspard Ngondankoy, qui actuellement occupe la fonction de directeur de cabinet du premier ministre Sama Lukonde partage cette mémoire avec moi car nous avons grandis tous ensemble au village (Mission Catholique Simba). Aujourd’hui, les routes sont devenues comme des pistes d’animaux, les rivières telles que Lonuha, Loohe (dans laquelle nous nagions sur notre chemin de retour de l’école), etc., se sont rebellées, les eaux ont quitté leurs lits et se sont déversées à plus d’un kilomètre là où c’était jadis la route !
Pour paraphraser le compatriote Tongele N. Tongele dans son article publié dans la revue Congo Indépendant du 6 décembre 2021, du scandale géologique, la RDC est devenue scandale mondiale de misère. Présidence de la République, Premier ministre et ministres, sénateurs et députés nationaux, gouverneurs, membres des assemblées et gouvernements provinciaux, gestionnaires des entreprises de l’Etat, quel est le bilan que vous faites dans vos cœurs et dans vos consciences? C’est vous qui êtes au volant du développement de votre pays pendant que votre pays se ruine, et votre peuple se noie dans le fleuve de misère. C’est facile de dire que « cette misère n’a pas commencé avec nous »; mais qu’est-ce que vous faites concrètement pour faire la différence, pour mobiliser et motiver les populations à arrêter cette descente en enfer par les travaux de leurs mains? Comment est-ce possible que vous, dirigeants de ce pays, semblez avoir conscience tranquille, dormir tranquillement, abonder dans des verbiages démagogiques et mensongers, pendant que tout le pays se ruine devant vos yeux? Le peuple souffre de la misère et de la précarité, de l’insécurité et de la dépréciation du franc congolais. Vous voyez des gens autour de vous, dans vos quartiers, villes et cités, vous voyez des gens dans vos villages et provinces d’origine, se noyer dans le fleuve de misère, être égorgés par les pays voisins et les Mbororo comme des animaux pendant que vous festoyez à Kinshasa ! Nous nous demandons si dans ce pays il y a encore des nationalistes de la trempe de Patrice Lumumba et de Mzee Laurent Désiré Kabila capables de mettre leurs propres intérêts derrière l’intérêt national suprême. La politique-commerce et le goût du lucre e du pouvoir (tiré de l’exploitation et du pillage des richesses du pays et de la privatisation du trésor public) n’ont-ils pas pris le dessus sur les consciences des acteurs politiques Congolais; même s’il faut marcher sur les cadavres de leurs compatriotes ? L’assassinat de Cherubin Okende en dit long !
Et alors, lorsque le gouvernement, à la veille des « élections » nous dit que, dans le cadre du Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T), il a commandé de la France, et à travers l’Office des Routes, des ponts qui seront construits sur toutes nos rivières à travers toute la République, il s’agit d’une surenchère électorale qui ne convainc pas ! D’abord nous ne voyons pas comment ou par quelle magie, à 5 mois des « élections », ces ponts seront posés sur toutes nos rivières à travers toute la République. Pire, le gouvernement nous dit que chacun de nos territoires sera doté d’au moins un pont. Par exemple, dans le seul Territoire de Yahuma d’où je suis natif et originaire, il y a plus de 20 rivières qui traversent les routes, et donc plus de 20 ponts à poser sur ces rivières ! Si chacun de nos territoires sera doté d’au moins un pont comme le promet le gouvernement, laquelle des rivières sera prioritaire et dans quel secteur parmi les quatre que compte le Territoire de Yahuma, sans provoquer des mécontentements des uns contre les autres; étant donné que la RDC a besoin d’un plan de reconstruction nationale qui s’étend sur tous les coins de toute l’étendue du territoire national; et non seulement là où les politiciens en font la cible pour gagner des votes (leurs propres « fiefs électoraux »)?
Et puis, comment va-t-on, dans un court délai, parachuter les matériaux de construction des ponts et des bâtiments administratifs dans l’hinterland congolais où les routes n’existent plus ? Par motos ou par hélicoptères ? Et il en faudra combien de motos ou d’hélicoptères ? La priorité ne serait-il pas de réhabiliter les routes d’abord ? Les Chinois disent : ‘Si vous voulez devenir riche, commencer d’abord par construire des routes ». C’est pour dire que le manque de routes entrave le développement d’un pays.
Au même moment, c’est aberrant de constater que le gouvernement congolais a accepté que l’Ouganda et la Tanzanie viennent construire des routes au Congo (pour évacuer les minerais pillés) alors que ces deux pays voisins de la RDC ont modernisé leurs infrastructures routières grâce à leur coopération avec la Chine dans le cadre de l’Initiative chinoise «Une Ceinture, Une Route ». Sommes-nous devenus des sous-traitants des pays voisins ou des sous-hommes par rapport aux autres peuples de la région ? C’est aussi étonnant de constater que, sous le régime du président Felix Tshisekedi, nos accords avec la Chine dans le domaine de la construction des infrastructures, plus spécialement dans le cadre de « L’Initiative une Ceinture, Une Route » n’ont jamais franchi la ligne des protocoles d’accord pour atteindre le niveau de mise en œuvre !
Cependant, la Chine et la Russie sont même prêtes à construire des infrastructures pour les pays connaissant des difficultés financières dans le cadre du système Build–Operate–Transfer1 (BOT). L’acronyme anglais Build–Operate–Transfer1 (BOT) ou Build–Own–Operate–transfer (BOOT) est une méthode de livraison de projet, généralement pour les projets d’infrastructure à grande échelle, dans laquelle une entité privée reçoit une concession du secteur public pour financer, concevoir, construire, posséder et exploiter une installation mentionnée dans le contrat de concession. Cela permet au promoteur du projet de récupérer ses dépenses d’investissement, d’exploitation et d’entretien dans le projet (à travers le péage par exemple s’il s’agit d’une route). Le projet est restitué à l’entité publique au terme du contrat. Le nouvel aéroport d’Entebbe en Ouganda a été construit par la Chine dans le cadre du système Build–Operate–Transfer1 (BOT). Tout comme la route nationale Kinshasa-Matadi sous le régime de Mzee Laurent Désiré Kabila.
La RDC aurait eu un nouvel aéroport moderne à Ndjili à la suite d’un contrat de 4 ans signé en 2017 par le gouvernement du Président Joseph Kabila avec la compagnie de construction chinoise Wietech. A l’avènement de Felix Tshisekedi au pouvoir, ce dernier a annulé le contrat pour le donner à la compagnie turque Milvest (…). Depuis lors les coups de pioche n’ont plus retenti à Ndjili. Après la résiliation de son contrat, le chinois WIETC agite la menace d’un arbitrage, selon la revue Africa Intelligence du 10 juillet 2023.
L’autre problème qui se pose c’est que les experts locaux Congolais ne sont pas associés dans l’exécution dudit Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T). A cet effet, voici la question que se pose l’un de mes étudiants Bruno Nzau : « Comment expliquer le fait que les jeunes Congolais experts en construction qui sortent de nos Instituts Nationaux de Bâtiment et Travaux Publics (INBTP) ne sont pas associés aux projets de reconstruction nationale mais ce sont toujours les étrangers qui raflent tous les contrats ? A quoi sert toute cette formation que les étudiants Congolais suivent pendant des années durant ? » Bruno a raison. Moi personnellement je ne parviens pas à expliquer que le projet de la construction de l’extension de l’INBTP Kinshasa-Ngaliema, à un jet de pierre de la résidence présidentielle, soit confié à un partenaire étranger (…). « C’est comme un homme qui entre chez vous et rend grosse votre épouse et vous acceptez l’enfant », disent les étudiants de l’INBTP ! Le Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T) doit montrer son sérieux en associant les jeunes ingénieurs diplômés de nos INBTP que l’Etat Congolais lui-même forme pour construire des routes, des ponts et des bâtiments administratifs à travers toute la République.
Arrêtons avec ce maquillage à l’instar d’un homme qui met le vernis sur les ongles de ses pieds pour les embellir alors que dessous il y a des chiques qui le mordent ! Cessons de croire que le peuple sera toujours le dindon de la farce lors des campagnes électorales. Il ne va plus acheter les illusions lui proposées par la crasse politique congolaise ! « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps », disait Abraham Lincoln.