Après les ténors de Wenge Musica BCBG 4X4 Tout terrain et les leaders de la nouvelle génération musicale en République démocratique du Congo (Fally Ipupa, Ferré Gola, Héritier Watanabe…), Félix Wazekwa s’en va à la conquête du stade des Martyrs. Au cœur du rendez-vous musical de ce samedi 12 août, le patron de l’orchestre Cultura Pays Vie s’attend à offrir à ses nombreux mélomanes un spectacle haut en couleur. Bien avant ce concert plein d’enjeux, ce chanteur et fécond parolier s’est confié à son homonyme Félix Caleb Djamany, chroniqueur de musique basé en Belgique.
Félix Wazekwa, qu’est-ce qui vous a motivé à opter pour un concert au stade des Martyrs ce samedi 12 août ?
L’élément déclencheur, ce sont les fans ! C’est eux qui vous disent : ‘‘Président, on peut maintenant y aller’’. C’est comme à l’Olympia. Moi, j’ai commencé à amener des musiciens en Europe en 1999. Mais c’est en 2009, soit dix ans après, que je suis allé jouer à l’Olympia ! Pourquoi ? Parce que je savais que si je m’étais engagé avant, j’allais faire un fiasco. Il faut que les gens vous disent que le moment est propice. Qu’ils vous rassurent, vous garantissent qu’ils seront là…
Pourquoi avoir attendu le passage des jeunes leaders de la nouvelle génération musicale pour pouvoir vous lancer à l’assaut du stade des Martyrs ?
A chaque fois qu’on évoquera un concert au stade des Martyrs, il faudra très humblement penser, de prime abord, à Kester Emeneya. C’est lui qui nous a montré que ce stade pouvait aussi servir pour les concerts de musique. Il était en Europe et à son retour au pays, sept ans plus tard, il est allé animer son spectacle au Stade des Martyrs. Auparavant, cet édifice ne servait qu’à abriter les rencontres sportives et des réunions de prière. On a ainsi vu des églises remplir le stade. Avec des prédicateurs comme Denis Lessie, que je salue en passant. Devenu aujourd’hui une référence, il sera mon invité ce samedi 12 août, date de son anniversaire. Il m’a promis qu’il sera là. En lui en effet, je perçois ce côté artistique. C’est pourquoi on se comprend bien.
A propos justement de ceux qui remplissent le stade, ne serez-vous pas confronté au phénomène ‘‘plein’’ qui garantit le succès d’un concert dans cet immense édifice de 80.000 places ?
Aujourd’hui, on réalise de plus en plus que tout est numérique. Tout s’évalue en fonction du nombre, d’effectif du public… En politique par exemple, s’il n’y a pas du monde dans un meeting, on a l’impression que l’activité a échoué. On ne voit donc plus la portée du message ! C’est comme si, pour parler de Jésus aujourd’hui, il faut que l’église soit pleine. Est-ce comme cela qu’on devient un chrétien ? Faut-il donc miser toujours sur le nombre ? Si tel aurait été le cas, Jésus n’allait pas seulement avoir douze apôtres ! Il fallait alors qu’il ait 12.000 apôtres ! Et pourtant, il a juste misé sur les douze apôtres pour qu’on puisse parler de lui. Malheureusement aujourd’hui, tout est fonction du nombre. Même dans un deuil, on entend dire que ça ne s’est pas bien passé, parce qu’il n’y avait pas du monde. Mais, ce n’est pas parce que vous remplissez un deuil que le défunt va ressusciter !
N’est-ce pas un problème culturel ?
C’est un problème culturel qu’il faut rectifier. On a souvent l’habitude de dire : «La voix du peuple, c’est la voix de Dieu». Moi, je dis non. Si, face à Barabbas, la voix du peuple serait la voix de Dieu, je pense qu’on aurait plutôt tué Barabbas ! D’autant plus qu’il s’agissait de faire le choix face au Fils de Dieu ! Donc, ce jour-là en tout cas, la voix du peuple n’était pas la voix de Dieu. Comment Dieu pouvait-il accepter qu’on tue ce jour-là son fils face à un voyou ? Très souvent, on suit les tendances ambiantes comme des moutons de Panurge…
Qu’attendez-vous alors du concert de ce samedi au Stade des Martyrs ?
Moi, je vais jouer au stade, parce que les fans me l’ont demandé et parce que j’ai un spectacle à offrir. Je suis d’avis que personne ne pourra remplir ce stade au point de contenir toute la diaspora congolaise. Pensez-vous que tous ceux qui sont en Europe pourront venir pour remplir les 80.000 places du stade des Martyrs ? C’est impossible ! Notre diaspora dans le monde représente environ 6 millions de personnes. Il n’y a pas aujourd’hui un édifice qui soit capable de contenir autant de monde ! Ici à Kinshasa, nous sommes environs 14 à 15 millions d’habitants. On ne dispose pas d’un espace susceptible de contenir tant de monde ! On peut donc réaliser un bon spectacle qui sera, par après vu, par des millions de personnes !
Pouvez-vous être plus explicite ?
Je me réfère, par exemple, à mon concert d’Olympia. A l’Olympia, il n’y a pas plus de 3.000 places ! C’est à peine 2.000 et plus ! Et pourtant, ce stade de France reste mythique. Les concepteurs n’ont pas pensé à ériger un stade de 50.000 places ! Jouer au stade de France n’est pas aussi prestigieux que jouer à l’Olympia ! Parce qu’Olympia, c’est extraordinaire ! C’est là d’ailleurs qu’a joué notre compatriote Tabu Ley ! Donc, c’est pour dire que d’une petite place, on peut faire un grand évènement !
Concrètement, que réservez-vous au public ?
Je me suis dit que je vais jouer, parce que j’ai du plaisir à offrir au public. Pas seulement à ceux qui viendront ce jour-là, mais aussi à nos frères qui sont disséminés à travers le monde et à la postérité. Au regard de tous les shows qu’il y a aujourd’hui dans le monde, quel artiste musicien a-t-il fait mieux que Michaël Jackson ? Alors qu’il a arrêté de jouer il y a 20 ou 30 ans ? C’est ce que je veux : faire quelque chose qui reste comme un monument.
Dans votre spectacle de ce samedi, vous mettez un accent sur la réconciliation. Pouvez-vous être plus précis ?
Ce sera un spectacle de réconciliation entre les générations. J’ai ainsi pensé associer papa Jeannot Bomenga, Koffi Olomide, Barbara Kanam, Fabregas, Gaz Fabilous, le MPR… et d’autres. Je n’ai pas pensé associer les artistes de la diaspora, puisque je travaille avec ceux qui sont sur place.
Pourquoi avoir voulu restreindre l’effectif de vos invités ?
Si on veut faire un spectacle au stade et on veut inviter beaucoup de personnes, cela veut dire qu’on ne va pas pouvoir se produire soi-même ! Parce qu’il faut accorder au moins dix minutes à chaque invité. Déjà avec mes invités-là, c’est déjà 50 minutes sur scène. Alors, ‘‘Cultura pays vie’’, mon orchestre, va jouer combien de temps, puisque le spectacle est juste prévu pour 2h15 ? Si je mets déjà une heure à recevoir des invités, ‘‘Cultura pays vie’’ ne jouera qu’une heure ! On a donc voulu inviter peu de personnes, mais c’est Cultura qui va jouer. D’ailleurs, les invités vont venir une heure après l’entrée sur scène de Cultura.
Avez-vous aussi pensé à inviter les musiciens chrétiens ?
Bien sûr ! J’ai invité le frère Patrice, Aimé Nkanu, L’Or Mbongo, Moïse Mbiye… Sans oublier le pasteur Sony Kafuta dont j’apprécie beaucoup les prêches, de même que le pasteur Godé Mpoyi. Tous ceux qui font bien leurs tâches pour Dieu, je suis leur fan.
Propos recueillis par Félix Caleb Djamany et transcrits par Yves Kalikat