Solaire, éolien, gaz naturel et, éventuellement, le nucléaire. Le Maroc explore déjà toutes les pistes pour diversifier sa production énergétique. Objectif: répondre aux exigences de développement durable, tout en allégeant la dépendance énergétique à l’étranger qui a longtemps pesé sur l’économie nationale.
“Le début de la fin des énergies fossiles”. C’est sans doute l’annonce phare qui ressort en prime de cette 28ème Conférence des parties (COP) qui s’est tenue du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, aux Émirats arabes unis. “Nous avons une formulation sur les énergies fossiles dans l’accord final, pour la première fois”, a indiqué Sultan Al-Jaber, président émirati de la COP28, après l’adoption par 194 pays du tout premier texte, jugé “historique”, appelant à une transition vers l’abandon des énergies fossiles.
C’est donc sans grande surprise que le Maroc, dont le sol a toujours été réputé par sa pauvreté en termes de ressources énergétiques fossiles, avec tout ce que cela lui pose comme handicap sur le plan économique, a misé sur une forte présence lors de ce grand rendez-vous, en dépêchant une délégation composée de 824 membres, se hissant ainsi dans le top 10 des pays les plus représentés, devançant même plusieurs grands pays industriels comme les Etats-Unis, la France ou encore le Royaume-Uni. Il faut dire que, depuis plus d’une quinzaine d’années maintenant, le Maroc fait des énergies renouvelables un chantier prioritaire et un pari de très haute importance dans ses objectif de développement durable, sous l’impulsion et la supervision constante du roi Mohammed VI. “La profonde conviction du Maroc, dont l’engagement climatique est précurseur, se concrétise à travers plusieurs leviers stratégiques et politiques, dont une contribution nationale déterminée rehaussée en 2021. Notre nouveau modèle de développement est conçu dans une optique de durabilité. Notre stratégie nationale de développement durable est pensée et déclinée dans une perspective de forte inclusion”, a rappelé le Souverain dans son discours au sommet mondial sur l’action climatique, organisé dans le cadre de la COP28.
Concrètement, le Royaume s’est engagé, depuis le lancement de sa nouvelle stratégie énergétique en 2009, pour la diversification de son mix énergétique afin d’atteindre 52% de la puissance électrique installée à partir de sources renouvelables d’ici 2030. Un objectif qui semble largement atteignable selon si l’on croit les chiffres avancés par Leila Benali. Si son département n’a pas donné de retour aux multiples sollicitations de Maroc Hebdo à ce sujet, la ministre de la Transition énergétique a affirmé dans une tribune exclusive publiée le 28 novembre 2023 par le média émirati spécialisé Attaqa que le Maroc a déjà atteint plus de 40% de part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. À ce jour, le Royaume affiche 4,1gigawatts (GW) de puissance installée de sources renouvelables, à cela s’ajoute 4,2GW dans le cadre des projets en cours de développement.
C’est le cas par exemple pour le gigantesque complexe Noor, dont la première station, Noor I, a été inaugurée en février 2016 par Mohammed VI, avant que Noor II, III et IV ne soient mises en service deux ans plus tard. Au total, le complexe qui s’étend sur 3.000 hectares et qui a nécessité des investissements de plus de 24 milliards de dirhams (MMDH), offre une puissance de 580 mégawatts (MW).
Le projet Noor Midelt
“Pour être un pays fort et indépendant, il faut absolument être souverain en matière d’énergie et c’est pour cela que le Maroc doit continuer sur cette voie. On a vu comment les Européens ont souffert par rapport au gaz russe dont ils dépendent beaucoup”, explique à Maroc Hebdo, Mohamed Bouhamidi, expert en énergies renouvelables. Une politique qui pourrait bénéficier d’ailleurs de la crédibilité et de l’attractivité du Maroc aux yeux des institutions financières internationales, poursuit notre interlocuteur.
Le développement du solaire ne s’arrête pas là. Le projet Noor Midelt, lancé en 2016 et dont la première phase devrait entrer en service en 2024, permettra une puissance installée totale cumulée de ses trois phases estimée à 1.600 mégawatts (MW). Par ailleurs, l’éolien reste jusqu’à maintenant le “champion” des énergies renouvelables au Maroc. Selon les chiffres de l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE), cette source générait 1.553MW en termes de puissance installée en 2022, soit environ deux fois plus que le solaire. Une performance qui est dûe aux nombreux grands projets déjà en place notamment dans les régions du sud. À titre d’exemple, la ville de Tarfaya abrite le plus grand parc éolien d’Afrique, entré en service en décembre 2014, avec une puissance de plus de 300MW. Plus récemment, c’est un autre parc éolien aussi important qui a déjà commencé à produire de l’électricité dans la ville de Boujdour depuis juillet 2023, offrant une puissance de 300MW.
Mix énergétique
Conséquence, la dépendance énergétique du Maroc a reculé de 97,50% en 2008 à 90,31% en 2021. Une tendance qui devrait se renforcer, alors que Leila Benali avait mis l’accent, début 2023, sur le très important potentiel du pays en termes d’énergies renouvelables, qui s’élèverait à 400GW, soit largement plus que les 4,1GW déjà disponibles et les 4,2GW en cours de développement.
Outre son engagement concernant le mix énergétique, le Maroc s’est également posé comme objectif, dans le cadre de sa contribution déterminée au niveau national du Maroc, actualisée en 2021, de réduire de 45% ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport au niveau de 2010. À cet égard, il faut noter que le contribution du Maroc est l’une des seules à répondre aux exigences concernant l’objectif de limiter le réchauffement climatique au niveau mondial à 1,5°C.
Dans ce sens, le Maroc s’est déjà lancé dans la décarbonation de son industrie, qui s’accapare à elle seule 30% des émissions de gaz du pays. Une orientation plus que jamais urgente et nécessaire, alors que l’Union européenne (UE), qui reçoit les ? des exportations marocaines, a commencé à appliquer dès le 1er octobre 2023 son fameux mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, communément appelé “taxe carbone”. Une phase transitoire a été décidée jusqu’au 31 décembre 2025, date après laquelle les exportateurs issus de pays tiers, dont le Maroc, devront payer des coûts supplémentaires en fonction des émissions de gaz à effet de serre engendrées par leurs activités.
Gazoduc Nigéria-Maroc
À cet égard, le Royaume s’est tourné également vers le gaz comme source d’énergie fossile dont l’impact en termes d’émissions reste nettement moins important que le charbon. Le projet pharaonique du gazoduc reliant le Nigéria au Maroc en passant par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest pour exporter le gaz à l’Europe est au coeur de cette stratégie. Le ministre nigérian chargé des Ressources pétrolières, Ekperikpe Ekpo, avait annoncé le 29 novembre 2023 que le démarrage des travaux de construction du gazoduc Nigéria- Maroc se fera en 2024. À cela s’ajoute l’accélération du rythme d’exploration des potentiels gisements gaziers situés dans le nord du pays. De quoi aider à atteindre l’objectif de supprimer totalement le charbon dans la production électrique nationale d’ici 2040.