Le président algérien a demandé, dimanche dernier, à son Premier ministre de procéder immédiatement au lancement d’une étude en vue de l’ouverture rapide d’une zone de libre-échange entre la Mauritanie et l’Algérie. Cette décision, à inscrire dans le registre des effets d’annonce sans lendemain, intervient en pleine crise algéro-malienne, alors que certains observateurs la lient à l’absence de la Mauritanie à la réunion du week-end dernier entre le Maroc et les pays enclavés du Sahel. Or, cette réunion ne concerne pas la Mauritanie, un État non enclavé, à l’instar de nombreux autres États sahéliens. Explications.
Une nouvelle donne géopolitique vient de s’imposer au Sahel: qui perd le Mali perd aussi le Burkina Faso et le Niger. La France l’a appris à ses dépens. L’Algérie est en train de suivre son géniteur à grands pas.
En effet, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, dits pays des «trois frontières», où s’activent de nombreuses organisations terroristes affiliées à Al Qaïda et Daech, viennent de créer l’Alliance des États du Sahel, dont le Mali est le vaisseau amiral, car c’est dans le sillage de Bamako que des coups d’État ont eu lieu successivement à Ouagadougou puis à Niamey. Ce trio a en commun d’avoir rompu avec la France, tout comme il est en train de se démarquer de l’Algérie, accusée directement d’ingérence et indirectement d’être à l’origine de la prolifération des groupes terroristes qui ensanglantent le Sahel, et dont plusieurs ont été, ou sont encore, dirigés par des «émirs» algériens ou des protégés d’Alger.
Face à cette situation délétère sur son flanc sud, où ses relations avec le Mali ont connu ces derniers jours une brusque et grave dégradation, l’Algérie cherche son salut du côté de la Mauritanie, pays qu’elle a gorgé, depuis la fin des années 60 du siècle dernier, de promesses jamais tenues, mais qu’elle brandit à chaque fois qu’elle croit déceler une faille dans les relations maroco-mauritaniennes.
C’est ainsi que, dimanche dernier, en concomitance avec la clôture à Marrakech d’une réunion Maroc-pays enclavés du Sahel, le régime algérien a cru saisir au bond l’absence de la Mauritanie, un pays du Sahel certes, mais loin d’être enclavé, pour y voir un froid dans les relations entre Rabat et Nouakchott. C’est dans cette optique que le président algérien Abdelmadjid Tebboune a demandé à son Premier ministre, Nadir Larbaoui, de lancer une étude urgente afin de créer rapidement une zone de libre-échange à la frontière algéro-mauritanienne. Cette ZLE, qui attendra certainement Godot comme les précédentes promesses algériennes, n’est pas un cadeau de fin d’année offert à la Mauritanie. Ce pays dispose déjà d’une ZLE active près de la capitale économique du pays, Nouadhibou, à quelques encablures de la frontière maroco-mauritanienne et du passage commercial d’El Guerguerat. La décision de Tebboune n’est rien d’autre qu’une nouvelle tentative de l’Algérie visant à soulever des vagues entre les deux pays voisins du Maghreb atlantique.
Or, ce que l’Algérie oublie, comme d’ailleurs certains analystes des affaires du Sahel et de la région nord-ouest africaine, c’est que si la Mauritanie n’a pas assisté à la réunion Maroc-pays enclavés du Sahel, c’est tout simplement parce qu’elle n’est pas concernée par ce conclave, dédié uniquement aux pays sahéliens qui n’ont pas accès à l’Atlantique.
Or, la Mauritanie dispose d’un littoral atlantique qui avoisine les 900 km, en plus de centaines de kilomètres sur le fleuve Sénégal dont elle accueille l’embouchure se déversant dans l’Atlantique.
Par ailleurs, le Sahel est une vaste région géographique, qui n’est pas limitée au seul ancien G5-Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), mais englobe dix États (Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal et le Tchad), voire 13 États si l’on y ajoute le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire et le Bénin, membres du CILSS (Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel) créé en 1973.
Et parmi les 13 États suscités, seuls les 4 pays présents à Marrakech le week-end dernier sont enclavés. Tous les autres ont une façade maritime sur l’Atlantique et ce sont justement eux, à l’exclusion cette fois-ci des pays enclavés du Sahel, qui ont assisté, à Rabat en juillet dernier, aux travaux de la troisième réunion ministérielle du Processus des États africains atlantiques (PEAA), qui a réuni 21 pays africains riverains de l’Atlantique, dont la Mauritanie.
De même, deux jours seulement avant la réunion Maroc-pays enclavés du Sahel, le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, était à Marrakech, où il a participé au Forum Russie-Monde arabe, tenu les 20 et 21 décembre. S’il était concerné par la réunion Maroc-pays enclavés du Sahel, il aurait simplement prolongé son séjour dans la ville ocre afin d’y assister, sinon revenir au Maroc deux jours plus tard, Nouakchott étant la capitale africaine la plus proche au sud du Maroc, auquel elle est reliée de surcroît par plus de 14 vols hebdomadaires partagés entre Royal Air Maroc et Mauritanie Airlines.
Il est donc clair que le régime algérien s’est adossé à un faux problème en vue de faire une fausse promesse, celle d’ouvrir une ZLE avec la Mauritanie, alors qu’il y a quelques jours seulement, Tebboune ne parlait que d’une zone de troc commercial entre les deux pays. De même, son projet d’ouvrir avant la fin de cette année le passage frontalier entre la Mauritanie et l’Algérie semble tomber à l’eau, car non seulement 2023 touche à sa fin, mais la construction d’une route bitumée Tindouf-Zouerate, que la Mauritanie pose désormais comme condition à l’activation du passage terrestre entre les deux pays, tarde à voir le jour.
C’est ce qui explique, en plus de raisons de sécurité liées aux activités des milices du Polisario et des bandes terroristes du Sahel, que les frontières terrestres algéro-mauritaniennes restent encore fermées, et ce depuis presque trois années maintenant.
Aujourd’hui, c’est par voie maritime que l’Algérie continue de commercer avec la Mauritanie et le Sénégal, quitte à essuyer de lourdes pertes, car son seul but est de perturber les relations multiformes du Maroc avec son hinterland africain.
Par Moh
ammed Ould Boah