La notion de « guerre psychologique » se réfère aux actions guerrières qui visent le mental des combattants et des dirigeants. Elles sont positives lorsqu’elles motivent et encouragent les combattants, et négatives quand leurs objectifs consistent à démotiver, affaiblir, distraire ou à attirer l’attention de l’adversaire hors de ses propres buts de guerre.
Ces actions peuvent prendre plusieurs formes. Dans ce texte, nous nous limitons aux aspects liés aux discours et aux écrits.
Les observateurs auront remarqué, combien sont nombreux dans la presse comme dans les réseaux sociaux, les messages de « conseils ou de suggestions » de toutes provenances à l’adresse de la RDC, plus précisément de ses autorités, quant à ce que ces derniers devraient poser comme actes pour mieux défendre la souveraineté de notre pays. Cette approche relève de la guerre psychologique.
Ces messages d’origines diverses et variées visent des objectifs bien différents et souvent contradictoires, même s’ils prennent tous les apparences d’une volonté de secourir la Nation congolaise.
Sans être exhaustif, on peut distinguer : les messages d’encouragement ou de découragement des nationaux, les propos de professionnels extérieurs, les proclamations des ennemis, les dires des prétendus amis et même des propos parfaitement inconscient de certains compatriotes.
Les conseils des nationaux
Nombre de ces messages, d’encouragement ou pas, viennent de nos compatriotes. Il est rare d’ouvrir un organe de presse sans tomber sur un éditorial ou une tribune qui ne critique, n’encourage ou ne suggère telle ou telle attitude à adopter. Confirmant la banalisation de la réflexion politique qui sévit chez nous et la désormais équivalence des avis qui domine dans notre société, les réseaux sociaux se sont substitués aux bibliothèques, aux salles de conférence et autres lieux de réflexion. Ce climat de dévaluation de l’intelligence et du débat critique méthodique permet à tous et à chacun d’indiquer ou de recommander au gouvernement ce qu’il doit faire.
Entendre des personnes, sans formation ni qualité particulière, s’adresser directement, en les nommant, aux plus hautes autorités, sous un ton franchement comminatoire devient courant. Parmi ces conseilleurs, se trouvent également ceux qui consciemment ne visent que l’affaiblissement de l’autorité établie dans l’espoir naïf de prendre sa place.
Dans ce brouhaha, certaines des personnes qui étaient aux affaires pendant les législations précédentes et, notamment, au cours de celle qui s’est achevée en décembre 2018, s’invitent aussi au débat. En règle générale, si les dires de nos compatriotes sont bien accueillis, les avis des « anciens gouvernants» passent mal, accueillis par la méfiance dans certains milieux. La culture dominante dans le débat politique congolais étant que les hommes du passé n’ont plus rien d’intéressant à proposer. Selon cette opinion, ces vétérans auraient dû mettre en pratique leurs idées et compétences lorsqu’ils étaient aux responsabilités. Je me rappelle avoir entendu ce genre de propos au départ de Mobutu et même à la suite de la mort de Mzee L.D. Kabila. Il ne s’agit donc pas d’une nouveauté, mais d’une habitude. Cette appréciation paraît erronée, irréfléchie et bornée puisqu’elle part de la prémisse intellectuellement inadmissible selon laquelle, les expériences jugées discutables ou contestables n’enrichissent, ni leur auteurs, ni la nation, et ne peuvent pas contribuer à l’édification du futur. Ce raisonnement, évidemment faux, fait injure à toute sagesse.
Un marché pour les professionnels
La situation délicate dans laquelle se trouve notre pays attire, comme un aimant, les vrais et les faux spécialistes de tous acabits. Comme dans la fable de la fontaine, le Corbeau et le renard, leurs discours ne servent pas à nous aider à trouver des solutions à nos difficultés, mais à récolter des millions de dollars. Ainsi, l’Américain Herman Cohen est l’exemple parfait de ce genre de personnages. C’est dire que lorsque ce Monsieur affirme que pour le Pentagone, le Kivu appartient déjà au Rwanda, il n’y a aucune vérité dans cette affirmation. Cette sentence constitue une manœuvre pour dévaloriser nos dirigeants, décourager le peuple et conduire les autorités à négocier, en position de faiblesse, avec les envahisseurs. Il s’agit, tout simplement, d’un fallacieux argument de vente pour nous inciter à acheter ses douteux services de lobbying.
Des nombreux autres professionnels du découragement, notamment dans le domaine de la presse internationale, agissent de la sorte.
Les conseils des ennemis
Nos ennemis, – nous pensant définitivement empêtrés dans la naïveté, sans doute par le nombre des nôtres qui participent à leur projet macabre, – s’avisent aussi à nous tendre des pièges à travers des faux conseils.
N’avons-nous pas entendu Paul Kagame nous conseiller, comme si c’était nécessaire, de nous entendre avec les « Tutsi congolais » et nous encourager au dialogue avec le M23 ? Ce dictateur sanguinaire n’est-il pas celui qui tourne en dérision nos protestations en les présentant comme des pleurs ? N’a-t-il pas été suivi par les dirigeants de la Tanzanie et ceux du Kenya ? La malienne Bintu Keita, de la Monusco, n’a-t-elle pas repris le même thème, en demandant à nos dirigeants de se montrer responsables ? Quelque soient leurs motivations profondes, il n’y a dans ces affirmations aucun encouragement sincère, sauf la contribution volontaire ou pas à une stratégie visant à présenter nos dirigeants comme des faibles pleurnichards, à les dévaluer à nos yeux et à les faire taire en faveur des thèses de nos ennemis.
Halte à l’infantilisation des Congolais
Le plus gênant de cette situation se trouve dans les discours paternalistes ou infantilisants que l’on entend venir de certains intellectuels africains. Ceux-ci, volontairement ou non, nous font passer pour des distraits, des irresponsables, des incapables de concevoir une politique de défense apte à faire face à l’agression rwandaise. Ces gens, généralement bien informés, ignorant sciemment la spécificité de la situation congolaise, ne cessent de comparer la prudence explicable de nos dirigeants à l’impétuosité actuelle des pays tels que le Mali, le Burkina et le Niger. Ce n’est pas en décourageant tout un peuple que on l’amène à la survie ou au progrès. Le professeur camerounais, Francis, semble se spécialiser dans cette tâche sur TikTok. Notre admirable sœur Nathalie Yamb et Kemy Seba jouent régulièrement sur ce terrain glissant.
Il arrive aussi que nous soyons surpris de voir et d’entendre, comme dans cette vidéo publiée le 7 février 2024 dans les réseaux sociaux, un officier congolais prétendre que le rôle de nos soldats serait d’observer les atrocités des M23, afin de convaincre le monde entier de la malfaisance de nos ennemis. Comment ne pas se révolter face à une telle idiotie ? Là où l’on perd son latin c’est lorsque l’officier naïf où inconscient justifie sa stupidité en l’attribuant aux politiques. Qui en RDC n’a pas entendu le discours du Chef de l’Etat et des autres autorités sur l’agression rwandaise ? Qui ne sait pas que tous nous sommes derrière et avec les Wazalendo ?
Dans ce contexte de guerre, l’intérêt et la stratégie de l’ennemi est de présenter les Congolais comme des idiots qui ne méritent pas ce vaste, beau et riche pays. Nous devons nous garder de tomber dans ce piège.
Gardons la tête sur les épaules
L’usage de la parole, la protestation, la dénonciation participent de la guerre depuis la nuit des temps. Le point de vue de nos ennemis ne doit pas limiter ou déterminer nos angles de réaction ou d’attaque. L’enthousiasme guerrier de nos amis insuffisamment informés sur les tenants et aboutissants de notre réalité ne doit pas non plus nous entrainer dans une fâcheuse glissade. Nos adversaires veulent nous exclure du champ de la protestation parce qu’ils connaissent l’impact des prises de positions morales sur les opinions publiques en ces temps de la communication multiforme. Il ne faut surtout pas abandonner ce terrain ! Voilà, plus de vingt ans, que le régime de Kigali pleure sans cesse les victimes du génocide qu’il avait lui-même planifié et organisé ; alors que les Interamwe ont été exterminé, ces derniers sont toujours et encore présents dans le discours de Kigali. Ces pleurs contribuent réellement, consciemment et incontestablement à la politique étrangère de Kigali.
Vous comprendrez donc aisément pourquoi Kigali ne veut pas que Kinshasa se présente objectivement comme victime d’une quelconque cause extérieure.
Au stade actuel de l’histoire et la géopolitique de cette guerre d’agression, la stratégie politique en vigueur est celle qui convient : chasser les Rwandais de notre territoire, dénoncer les massacres ayant lieux sur notre sol, soutenir notre armée et valoriser nos jeunes lorsqu’ils descendent dans les rues pour montrer leur désapprobation et leur colère aux diplomates occidentaux et à la Monusco.
Les complices de nos envahisseurs remplissent leurs journaux d’articles dithyrambiques en faveur de leurs alliés et nous présentent comme des moins que rien.
La catastrophe serait de voir les Congolais se laisser, une fois de plus, manipuler et tomber dans le piège de l’auto-mépris ou de l’auto-flagellation. C’est là ce que cherchent les promoteurs de notre effacement de la carte du monde.
N’en déplaise à ceux là, malgré les positions surprenantes de quelques uns, l’immense majorité des Congolais se montre unis derrière le discours de responsabilité, de courage, d’unité et de souveraineté que tient le Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Il faut gagner cette guerre psychologique et résister aux manipulations.
L’opposition actuelle ne devrait pas tomber dans les divagations de ceux qui pensent qu’il faut fragiliser le gouvernement en place pour le remplacer. Un départ dans ces conditions de trahison pourrait signifier la disparition du pays.
La RDC vaincra, le pays se doit de demeurer fort et uni derrière son gouvernement.
Jean-Pierre Kambila Kankwende