Ce que le dossier des biens immobiliers algériens à Rabat dit de l’impéritie des dirigeants du régime d’Alger
Après avoir déclaré «clos» un dossier dont elle a fait un motif de guerre avant de se rendre compte de son impéritie et de sa grande ignorance, la diplomatie du pays voisin rajoute une couche en limogeant ses consuls à Casablanca et Oujda. Des mesurettes qui en disent long sur l’improvisation qui règne dans un pays qui navigue à vue.
«Le minaret est tombé, épinglez le barbier». Cette expression, bien marocaine jusqu’à la prochaine tentative d’usurpation, désigne tout l’écart pouvant exister entre un fait grave et une réaction puérile ou ridicule, censée rendre justice ou apporter réparation. En sacrifiant le premier bouc émissaire qui se présente. Et c’est là encore l’exacte définition de la récente attitude des autorités algériennes qui, après avoir créé un véritable scandale et invoqué l’ONU (officiel!!!) autour de la vraie fausse confiscation de biens algériens à Rabat, ont dû lamentablement battre en retraite. La queue entre les jambes. Et pour cause, les révélations faites par le Maroc. Celles-ci attestent que la diplomatie du voisin de l’est était parfaitement au courant du processus, en fait, de transfert de biens immobiliers entre le Maroc et l’Algérie. Mieux, elles étaient parfaitement d’équerre avec le Maroc.
En échange du bien algérien située à proximité du ministère des Affaires étrangères que le Maroc voulait récupérer, l’Algérie avait déjà engagé la récupération de la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Alger, «dans le cadre de l’exécution du plan d’aménagement directeur de la ville d’Alger».
Le scandale s’est à l’évidence retourné contre ses auteurs. Nommons le département des Affaires étrangères dirigé plus ou moins par Ahmed Attaf. Coupable, le 17 mars, d’un communiqué tout sauf diplomatique où le grossier l’a disputé au martial, le MAE a surtout montré toute l’étendue de son incompétence en transcrivant la dictée d’Abdelmadjid Tebboune ou d’un général. Le Maroc y était accusé de «violation inqualifiable du respect et du devoir de protection à l’égard des représentations diplomatiques d’États souverains que sanctuarisent tant le droit que la coutume internationale». Sauf qu’Ahmed Attaf et ses équipes n’étaient naturellement pas au fait des échanges de correspondances entre le ministère marocain des Affaires étrangères et les services consulaires algériens à Casablanca quant à l’évolution de ces transferts, consentis de part et d’autre. Ahmed Attaf et ses commanditaires auront ainsi été aussi clairement bêtes que franchement méchants.
Un tel cafouillage aurait nécessité, dans un pays normal où les choses se passent normalement, des excuses formelles à la partie lésée, en l’occurrence le Maroc, des audits internes pour sonder les origines d’un tel ratage et une démission d’un chef de la diplomatie à l’impéritie établie. En Algérie, on s’est contenté de… mentir. Un sport national. Cette fois avec un minimum de malice, doit-on avouer. Mais pas assez pour masquer la gêne. Le bobard est cette fois signé par Ahmed Attaf lui-même, face caméra. Pour lui, «le dossier est clos». Mais encore? «La décision du Maroc est appropriée», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse organisée le 26 mars au siège du ministère, à Alger.
On n’en saura pas plus. Ni sur le fait que la diplomatie algérienne était parfaitement au courant de toutes les procédures engagées, ni sur les preuves écrites qu’elle n’était pas opposée à la procédure d’expropriation.
Notons juste que le Maroc ne réagit plus aux communiqués algériens depuis la rupture des relations diplomatiques, décidée unilatéralement en août 2021 par le régime d’Alger. Depuis un bref communiqué du MAE marocain qui a fait suite à l’annonce de cette rupture, le Royaume a décidé de ne plus répondre aux sorties ectoplasmiques du voisin oriental. Le communiqué hystérique d’Ahmed Attaf, ainsi que la fin de la transe qu’il a décrétée devant la presse relèvent du monologue.
«Un pays dirigé par des amateurs»
Quelques jours après le communiqué de son patron, la diplomatie algérienne a remercié, en toute discrétion, les chefs respectifs de ses deux missions consulaires à Casablanca et Oujda. Le 28 mars, on apprenait que dans le cadre d’un mouvement ayant concerné 28 ambassadeurs, 3 consuls généraux et 3 consuls, Djoudi Belgjit a été nommé comme consul général à Casablanca et Hichem Farhati consul à Oujda. Bien malin celui qui réussira à trouver la moindre ligne sur Internet concernant ces deux consuls qui ont l’apparence de faux diplomates et le profil de vraies barbouzes.
L’essentiel est toutefois ailleurs. Car, la diplomatie algérienne a beau s’en cacher, ces deux nominations sont la preuve patente d’un manque total de communication et de concertation entre la tutelle et ses antennes à l’étranger. «Ahmed Attaf s’emporte et lance des propos virulents sans même être au courant de toutes les démarches. Juste pour plaire à son patron et bienfaiteur, le président Tebboune. Le tout en faisant preuve d’un amateurisme pour le moins consternant. On a provoqué gratuitement une crise dont on est sortis totalement ridiculisés et discrédités. L’affaire n’est pas close parce qu’il n’y a pas eu d’affaire, si ce n’est celle de la grande incompétence de nos gouvernants qui montent à chaque fois sur leurs plus grands chevaux, pour tout de suite après en descendre et battre en retraite. Nous sommes dirigés par des amateurs qui jouent avec la crédibilité de l’État et l’image de tout le pays», commente Abdou Semmar, journaliste et youtubeur algérien en exil, patron du site Algérie Part.
Un amateurisme mené de bout en bout par une classe dirigeante qui non seulement ne prend pas le temps de se renseigner avant de réagir, mais qui en plus, une fois l’erreur commise, cherche comme par réflexe le premier bouc émissaire qui se présente. Le minaret de la gouvernance du duo Tebboune-Chengriha est tombé, et ce sont les consuls à Casablanca et à Oujda qu’on épingle.
Par Tarik Qattab