Formation du Gouvernement : Sama Lukonde reçoit de Judith Suminwa  des orientations sur les futures étapes

Poursuivant ses échanges avec les membres du Présidium de l’Union Sacrée, la Première Ministre Judith Suminwa Tuluka a reçu en audience, jeudi 11 avril à l’Hôtel Fleuve Congo, Sama Lukonde, Premier Ministre sortant et Président de la Dynamique Agissons et Bâtissons (Dynamique AB).

À l’issue de leur entretien, Sama Lukonde a affirmé élégamment avoir bien noté les orientations de la nouvelle cheffe du prochain gouvernement sur les consultations des forces politiques qui vont débuter d’ici peu.

“Nous avons reçu l’invitation de son Excellence Mme la Première Ministre en tant que membre de l’Union Sacrée. Cet échange a consisté à avoir ses orientations sur les futures étapes qui nous attendent du moins les consultations des forces politiques. On a eu le temps d’échanger sur ces étapes, il faut simplement attendre que nous revenions ici avec nos forces politiques respectives pour la suite des échanges. Ça sera à cette occasion que nous aurons à livrer plus sur les messages et les contenus des annotations qui nous ont été données par Mme la Première Ministre. Nous avons eu des échanges très courtois et nous attendons l’invitation qui nous sera lancée comme Dynamique Agissons et Bâtissons que je représente comme force politique au sein de l’Union Sacrée”, a déclaré Sama Lukonde.

La dynamique AB attend ainsi participer à la gestion de la chose publique afin de contribuer à la matérialisation de la vision du Président de la République, dans le cadre de l’Union Sacrée.

C’est depuis sa nomination que Judith Suminwa a amorcé des échanges avec le Présidium de l’Union Sacrée en perspective de la formation du premier gouvernement du deuxième mandat du Chef de l’État Félix Tshisekedi. Ces échanges précèdent les consultations proprement dites qui vont débuter la semaine prochaine.

Rappelons que la Première femme cheffe du gouvernement en RDC, Judith Suminwa, a aussi reçu tour à tour d’autres membres du Présidium de l’USN notamment Bahati Lukwebo, Christophe Mboso, Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe et Augustin Kabuya.

À l’allure du travail, sous la houlette de la Première Ministre, le prochain gouvernement sera connu dans un délai relativement court.




Croissance économique : Bien gérer le retour de la politique industrielle, la barre est haute

Afin d’éviter les erreurs coûteuses, il faut plus de données, d’analyses et de concertation.

Dans l’histoire, les États ont communément eu recours à des interventions sélectives regroupées sous le nom de politique industrielle pour favoriser les industries nationales en renforçant la compétitivité de leurs entreprises ou en soutenant le développement de certains secteurs. Tombée en disgrâce il y a des années dans la majeure partie du monde en raison de sa complexité et de ses avantages incertains, la politique industrielle n’était plus appliquée que par quelques pays en développement.
Aujourd’hui, il semble que la politique industrielle est partout de retour. La pandémie, l’accroissement des tensions géopolitiques et la crise climatique ont fait craindre pour la résilience des chaînes d’approvisionnement et pour la sécurité économique et nationale et, plus généralement, pour la capacité des marchés à allouer les ressources de manière efficace et à faire face à ces préoccupations. Dans ces circonstances, les États subissent une forte pression pour que la politique industrielle reprenne du service.
La comparaison des avantages et des inconvénients de la politique industrielle est un vieux débat parmi les économistes. Certes, les mesures en question peuvent contribuer à remédier aux défaillances du marché ; c’est le cas, par exemple, des interventions en faveur de la transition climatique. Mais la politique industrielle est coûteuse et peut conduire à diverses formes de défaillance des pouvoirs publics, allant de la corruption à la mauvaise affectation des ressources. Les politiques industrielles peuvent également avoir des effets de contagion transfrontaliers, en augmentant le risque de représailles de la part d’autres pays, ce qui finirait par affaiblir le système commercial multilatéral et aggraver la fragmentation géoéconomique. Davantage de données, d’analyse et de concertation sont nécessaires si l’on veut éviter les erreurs coûteuses.
Dans ce blog, nous analysons le retour de la politique industrielle en nous intéressant particulièrement à trois questions : les raisons de cette résurgence, les arbitrages qu’elle suppose et l’action du FMI à ce sujet.
La nouvelle vague
Le FMI s’est récemment uni au groupe Global Trade Alert pour suivre l’évolution de la situation. Nos dernières études montrent qu’il y a eu plus de 2 500 interventions de politique industrielle dans le monde l’année dernière. Plus des deux tiers d’entre elles ont produit un effet de distorsion sur les échanges commerciaux, en exerçant probablement une discrimination à l’encontre d’intérêts commerciaux étrangers. Cette campagne de collecte de données constitue la première étape vers la compréhension de la nouvelle vague de politiques industrielles.

La multiplication des mesures de politique industrielle ces derniers temps est le fait des grandes puissances économiques : la Chine, les États-Unis et l’Union européenne totalisent près de la moitié de l’ensemble des interventions en 2023. Les pays avancés semblent avoir été plus actifs que les pays émergents et les pays en développement. Les données relatives aux dix dernières années sont moins précises, mais les informations dont on dispose montrent que le recours aux subventions a toujours été plus répandu dans les pays émergents, contribuant ainsi au grand nombre de mesures héritées du passé toujours en place.

Les mesures récentes se concentrent davantage sur la transition écologique et la sécurité économique, et moins sur la compétitivité. Cette dernière a néanmoins été l’objectif d’une mesure de politique industrielle sur trois en 2023, les deux autres étant motivées par l’atténuation des changements climatiques, la résilience des chaînes d’approvisionnement ou des considérations de sécurité.
D’un point de vue sectoriel, étonnamment, ce sont les produits à double usage — militaire et civil — et les technologies de pointe, y compris les semi-conducteurs et les solutions sobres en carbone ainsi que leurs composants, tels que les minéraux critiques, qui ont concentré la plus forte activité de politique industrielle.

La politique industrielle oriente la réaffectation des ressources vers certaines entreprises, industries ou activités nationales que les forces du marché ne parviennent pas à promouvoir de manière socialement efficace. Toutefois, pour produire des avantages économiques nets, ces interventions doivent être bien conçues, ce qui signifie qu’elles doivent viser à remédier à des défaillances du marché bien identifiées et se fonder sur des principes d’amélioration de la concurrence et sur une analyse coûts–avantages rigoureuse.
Étant donné que la politique industrielle vise à modifier les incitations pour les entreprises privées, elle implique aussi deux risques : que les ressources soient mal affectées et que, avec le temps, certaines industries accaparent le soutien public. La politique industrielle peut également perturber les échanges commerciaux, les investissements et les flux financiers, ainsi que les prix sur les marchés mondiaux, ce qui pourrait avoir des retombées importantes sur les partenaires commerciaux et sur l’économie mondiale.
Le premier enseignement qui ressort de l’analyse des nouvelles politiques industrielles par les services du FMI est que la prudence s’impose.
· Les mesures annoncées ou mises en œuvre l’année dernière n’étaient pas toujours clairement liées à des défaillances du marché. Autrement dit, dans certains cas, des politiques bien conçues qui visent à améliorer l’environnement des affaires en général auraient été plus judicieuses que des interventions étatiques ciblées avec leurs risques inhérents de mauvaise affectation des ressources et de coût budgétaire élevé.
· Les études des services du FMI apportent des preuves supplémentaires d’une dynamique de représailles. Les chances que les interventions se concentrent sur un produit en particulier sont accrues si le produit en question fait déjà l’objet de mesures chez d’autres partenaires commerciaux. De fait, les mesures comme les subventions entraînent souvent des effets de contagion transfrontaliers qui peuvent inciter les autorités d’autres pays à réagir de la même manière.
· Certains éléments révèlent aussi que la politique industrielle peut être influencée par des intérêts particuliers.L’analyse montre une forte corrélation entre le nombre de mesures et des variables d’économie politique telles que l’imminence d’une élection et l’importance de certains produits dans le panier d’exportations, laissant entendre que les autorités favorisent peut-être les entreprises établies.
Le rôle du FMI
Le caractère inédit et l’importance macroéconomique des nouvelles mesures de politique industrielle en général ont incité les services du FMI à intensifier leurs travaux dans trois domaines.
Le travail de collecte de données et d’analyse des politiques a été étoffé afin d’accroître la sensibilisation et d’éclairer le débat sur les politiques. Outre la nouvelle activité de surveillance des données, les services s’emploient à vérifier l’efficacité des politiques industrielles dans la réalisation des objectifs fixés — tels que la promotion de l’innovation (voir l’édition d’avril 2024 du Moniteur des finances publiques) et les objectifs climatiques —, ainsi que leurs retombées hors des frontières nationales.
Dans le cadre de la surveillance bilatérale, les services du FMI se concentrent sur l’évaluation des mesures de politique industrielle capables d’influencer fortement la stabilité intérieure ou extérieure d’un pays ou de générer d’importants effets de contagion transfrontaliers. La portée de l’analyse et des conseils des services dépend du type de politique industrielle et de ses objectifs, ainsi que des informations et des compétences spécifiques disponibles. Deux documents récents du FMI fournissent un cadre conceptuel et des principes directeurs pour le traitement de la politique industrielle dans le cadre des activités de surveillance au FMI, y compris les questions touchant aux échanges commerciaux et la cohérence avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Enfin, le FMI collabore avec l’OMC pour lancer une concertation multilatérale sur le commerce et la politique industrielle. Une réunion technique sur les politiques de résilience a été organisée en février avec la contribution de plusieurs pays et d’autres organisations internationales. L’objectif est d’approfondir et d’élargir ces travaux dans les prochains mois. Des échanges de ce type peuvent améliorer le partage d’informations sur les mesures adoptées, leur efficacité et leurs retombées, et aider à établir une compréhension commune des problèmes ainsi que des possibilités de solutions coopératives.
Anna Ilyna, Ceyla Pazarbasioglu, Michele Ruta




Les années 2020 : turbulentes, moroses ou transformatrices ? Des remèdes au choix pour une économie mondiale frêle

Texte préparé pour l’intervention

Merci, Fred, pour cette aimable présentation. Mes remerciements à vous et au personnel du Conseil atlantique pour l’accueil de cet événement. Comme le FMI, le Conseil est une institution qui croit fermement que le dialogue et la coopération peuvent contribuer à bâtir un monde plus prospère.

Nous avons également des origines communes. Le secrétaire Dean Acheson, cofondateur du Conseil atlantique, était également présent à la conférence de Bretton Woods de 1944 qui a donné naissance au FMI et à la Banque mondiale.

Des années plus tard, en se remémorant ses années de service public, Acheson écrira : « La simple vérité est que persévérer dans l’exécution de politiques judicieuses est la seule voie de réussite [… ] ».

Dans un monde marqué par des chocs plus fréquents et une incertitude accrue, nous avons plus que jamais besoin de politiques judicieuses. Il est indispensable de faire les bons choix qui définiront l’avenir de l’économie mondiale.

Il y a un siècle, le monde vivait « les Années folles ». Que retiendra l’histoire de cette décennie-ci ? « Les Années turbulentes », une décennie de perturbation et de divergence des destinées économiques ? « Les Années moroses », une période de croissance lente et de mécontentement populaire ? Ou plutôt « Les Années transformatrices », une ère d’avancées technologiques rapides pour le bien de l’humanité ?

Permettez-moi d’évoquer tout d’abord la situation actuelle. D’après nos Perspectives de l’économie mondiale qui paraîtront la semaine prochaine, la croissance mondiale s’est marginalement accélérée, grâce à la bonne santé de l’activité aux États-Unis et dans bon nombre de pays émergents. La vigueur de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises et l’atténuation des problèmes des chaînes d’approvisionnement ont contribué à cette embellie. De plus, l’inflation est en baisse.

La résilience de l’économie mondiale s’explique principalement par les solides bases macroéconomiques établies ces dernières années. Elle s’appuie également sur le dynamisme des marchés du travail ainsi que sur l’accroissement de la main-d’œuvre, sous l’effet notamment de l’immigration, qui est particulièrement utile dans les pays à la population vieillissante.

Dans l’ensemble, les données disponibles à ce jour pourraient inspirer un soulagement. Contrairement à certaines prédictions, nous avons évité une récession mondiale et une période de stagflation.

Mais les sujets d’inquiétude ne manquent pas.

À l’échelle mondiale, les défis se multiplient. Les tensions géopolitiques accroissent le risque d’une fragmentation de l’économie mondiale. Comme nous l’avons appris ces dernières années, nous vivons dans un monde dans lequel il faut s’attendre à l’imprévu.

Hélas, l’activité économique est frêle par rapport à la moyenne historique et les perspectives de croissance ralentissent depuis la crise financière mondiale. L’inflation n’est pas complètement vaincue. Les marges de manœuvre budgétaire se sont épuisées. La dette est en hausse, ce qui est un défi de premier plan pour les finances publiques de beaucoup de pays.

Et nous ressentons encore les séquelles de la pandémie. Les pertes de production enregistrées dans le monde depuis 2020 s’élèvent à quelque 3 300 milliards de dollars, les pays les plus vulnérables en payant un prix disproportionné.

Qui plus est, la divergence au sein et entre les groupes de pays augmente.

Parmi les pays avancés, les États-Unis ont enregistré le rebond le plus net, favorisé par une accélération de la croissance de la productivité. En contraste, dans la zone euro, l’activité reprend beaucoup plus progressivement, ce qui tient aux effets persistants des prix élevés de l’énergie et au repli de la croissance de la productivité.

Parmi les pays émergents, des pays comme l’Inde ou l’Indonésie s’en sortent mieux.

Mais l’écart se creuse le plus avec les pays à faible revenu, eux qui ont subi les plus graves séquelles. De ces nations, ce sont les pays fragiles ou touchés par des conflits qui portent le fardeau le plus lourd.

Ces constatations ont un point commun : l’affaiblissement de la croissance est principalement dû à un ralentissement notable et généralisé de la croissance de la productivité. Selon notre analyse, ce phénomène explique plus de la moitié du ralentissement de la croissance économique dans les pays avancés et les pays émergents, et la quasi-totalité dans le cas des pays à faible revenu.

Par conséquent, nos perspectives de croissance mondiale à moyen terme, juste au-dessus de 3 %, restent de loin inférieures à la moyenne historique.

Faute d’un changement de cap, l’histoire retiendra « les Années moroses », une décennie timide et décevante sur le plan de l’économie.

À ce stade, les dirigeants ont un choix à faire.

Ils peuvent choisir d’éviter des décisions difficiles et d’avancer tant bien que mal en menant des politiques qui laissent à désirer.

Mais un autre choix est possible. En suivant le conseil d’Acheson, ils peuvent opter pour des politiques judicieuses : s’attaquer résolument à l’inflation et à la dette tout en promouvant la transformation économique pour stimuler la productivité, ainsi qu’une croissance inclusive et durable.

Optons pour « les Années transformatrices ».

Mais commençons par la priorité : restaurer la stabilité des prix.

Cette tâche incombe aux banques centrales, dont beaucoup s’attellent aujourd’hui à un exercice délicat : déterminer le moment et l’ampleur de la réduction des taux d’intérêt.

Depuis le pic de l’inflation au milieu de 2022, nous avons pu observer les retombées de politiques judicieuses. Au dernier trimestre de 2023, l’inflation globale était de 2,3 % dans les pays avancés, alors que seulement 18 mois plus tôt, elle avait culminé à 9,5 %. Dans les pays émergents et les pays en développement de la tranche médiane, elle a été ramenée à 4,1 %.

Cette tendance qui devrait se poursuivre en 2024 créerait les conditions permettant aux banques centrales des principaux pays avancés d’amorcer une réduction des taux au second semestre de cette année.

Le rythme et le calendrier de ce virage de la politique monétaire varieront toutefois. Certaines banques centrales ont déjà entamé un assouplissement, surtout dans les pays émergents où la lutte contre l’inflation n’avait pas tardé. Mais ailleurs, principalement dans les pays avancés, les banques centrales attendent encore. Elles doivent soigneusement adapter leurs décisions aux nouvelles données disponibles.

Sur cette dernière ligne droite, il est impératif que les banques centrales préservent leur indépendance. En effet, la crédibilité est d’une importance vitale dans la lutte pour restaurer la stabilité des prix.

Au besoin, les banques centrales doivent résister aux appels à une réduction hâtive des taux d’intérêt. Un assouplissement prématuré pourrait déclencher de mauvaises surprises sur le plan de l’inflation, forçant le retour à un resserrement de la politique monétaire. D’un autre côté, un assouplissement trop tardif risquerait de freiner l’activité économique.

Deuxièmement, il est temps de reconstituer les marges de manœuvre budgétaires.

Ces deux dernières années, nous avons préconisé une politique budgétaire prudente pour aider les banques centrales à lutter contre l’inflation. À présent, les finances publiques méritent toute notre attention. Les marges budgétaires sont épuisées et la plupart des pays sont clairement trop endettés.

La hausse de la dette est une tendance qui a commencé il y a plus de dix ans, à la faveur d’une longue période de taux d’intérêt très bas. La pandémie a nécessité la mobilisation d’un appui budgétaire d’une ampleur inédite pour protéger la population et les moyens d’existence — et la dette a explosé.

Nous sommes entrés dans une ère de taux d’intérêt bien plus élevés, ce qui accroît le coût du service de la dette.

Dans les pays avancés, à l’exclusion des États-Unis, les paiements d’intérêts sur la dette publique représenteront en moyenne 5 % des recettes publiques cette année.

Mais les pays à faible revenu sont ceux qui peinent le plus à assurer le service de la dette : les paiements d’intérêts devraient absorber environ 14 % de leurs recettes publiques, soit à peu près deux fois plus qu’il y a quinze ans.

Pour la plupart des pays, les perspectives d’un atterrissage en douceur et la vigueur des marchés du travail signifient que c’est le moment ou jamais d’agir afin d’assurer la viabilité de la dette et de renforcer les amortisseurs pour se prémunir contre de futurs chocs.

Pour certains, un report n’est tout simplement pas envisageable : le rééquilibrage doit commencer dès à présent pour éviter de basculer dans le surendettement.

Et pour les quelques pays déjà surendettés, une restructuration peut s’avérer nécessaire. À ce titre, le cadre commun du G20 peut aider. La Zambie a récemment conclu un accord avec les détenteurs de ses obligations, en plus de la restructuration de sa dette envers ses créanciers bilatéraux officiels : nous ne pouvons que nous en réjouir.

Nous devons mettre à profit les enseignements tirés pour améliorer le processus de restructuration de la dette. Lors des réunions de printemps, nous organiserons à nouveau notre table ronde mondiale sur la dette souveraine. Nous comptons expliciter davantage le principe de « comparabilité de traitement » entre les différents groupes de créanciers et établir des calendriers clairs et prévisibles pour la restructuration de la dette.

Pour les pays riches comme pour les pays pauvres, la prudence budgétaire n’est facile pour personne. C’est particulièrement vrai en cette année marquée par un nombre record d’élections et en cette période de profonde anxiété née de l’incertitude qui nous entoure et des chocs qui se sont succédé année après année.

Nos prévisions montrent d’ailleurs que les déficits resteront trop élevés pour stabiliser la dette dans plus d’un tiers des pays avancés et des pays émergents, et dans plus d’un quart des pays à faible revenu.

C’est pourquoi nous préconisons aux pays d’adopter des cadres à moyen terme réalistes ; c’est à notre sens le meilleur choix stratégique qu’ils puissent faire.

Nous recommandons également de mettre davantage l’accent sur l’élimination des échappatoires fiscales, le renforcement du recouvrement des impôts et l’amélioration de la qualité des dépenses publiques. Des finances publiques saines permettent aux pays à la fois de soutenir les tranches les plus vulnérables de la société et d’investir dans un avenir meilleur.

Cela m’amène à une troisième priorité : les politiques qui raviveront la croissance.

Il est indispensable de relever les perspectives de croissance pour rehausser les niveaux de vie et renforcer la résilience économique. Il faut pour cela éliminer les freins à l’activité et créer des débouchés pour stimuler la croissance de la productivité.

Des réformes fondamentales — renforcer la gouvernance, réduire les formalités administratives, accroître la participation des femmes au marché du travail, élargir l’accès aux capitaux — ont toutes un rôle à jouer. Dans les pays émergents et les pays en développement, un train de réformes judicieusement échelonnées pourrait relever la production de 8 % en quatre ans.

Les mesures propices à la transformation économique, pour accélérer les transitions écologique et numérique, permettraient d’aller encore plus loin. Le legs de cette décennie dépendra de notre degré de réussite sur ces fronts.

Cela vaut tout particulièrement sur le front de la transition écologique. La rapidité de cette transition sera un facteur déterminant dans notre capacité à maîtriser les risques climatiques. Mais le passage à une économie soucieuse du climat ne se limite pas à la gestion des risques. Cette transition offre aussi d’immenses possibilités d’investissement, d’emploi et de croissance.

Les avantages économiques, sanitaires et environnementaux des investissements transformateurs (notamment dans les énergies renouvelables, la mobilité électrique et la restauration des écosystèmes) sont déjà visibles. Aujourd’hui, pour chaque dollar dépensé dans les combustibles fossiles, 1,7 dollar est consacré aux énergies propres. Il y a cinq ans, ce ratio était de un pour un. Toutefois, il est nécessaire de pouvoir s’appuyer sur des mesures et des institutions solides pour créer un environnement stable et favorable à l’investissement et pour remédier aux nombreuses défaillances du marché.

De nombreux secteurs de l’économie sont concernés par les progrès technologiques, de l’industrie manufacturière à la santé en passant par les services financiers. Nous avançons vers une nouvelle économie numérique et il est fort probable que l’intelligence artificielle (IA) accélère considérablement la quatrième révolution industrielle.

Cette évolution présente un énorme potentiel, mais aussi des risques. Une étude récente du FMI montre que l’IA pourrait toucher jusqu’à 40 % des emplois dans le monde, voire 60 % dans les pays avancés. Elle pourrait accroître la productivité des travailleurs, mais aussi menacer certains emplois. La rapidité d’adoption de l’IA et son impact sur la productivité dépendra du niveau d’investissement dans les infrastructures et compétences numériques, et dans des dispositifs de sécurité sociale robustes.

Pour tirer parti des avantages de la transition écologique et de la transformation numérique et pouvoir gérer les risques qu’elles présentent, une coordination au niveau mondial est nécessaire.

J’en arrive ainsi à un dernier point: la coopération autour de politiques publiques qui intéressent le monde entier.

La pandémie, les guerres et les tensions géopolitiques ont changé les règles du jeu des relations économiques à l’échelle mondiale. Les décideurs cherchent à concilier efficacité et sécurité ; ils mettent en équilibre les considérations de coût et la résilience des chaînes d’approvisionnement. Les premiers signes d’une redéfinition des relations commerciales sont déjà visibles.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la croissance des échanges entre pays de blocs politiquement éloignés a ralenti de 2,4 points de pourcentage de plus que le commerce entre pays plus étroitement alignés.

Les pays « connecteurs » pourraient bénéficier de la réorientation des flux commerciaux. Mais les chaînes d’approvisionnement s’allongent, et des coûts pourraient s’ajouter à chaque étape.

Les politiques industrielles sont de nouveau en vogue : une nouvelle analyse fait état de plus de 2 500 interventions des pouvoirs publics dans le monde l’année dernière. Près de la moitié sont attribuables à la Chine, aux États-Unis et à l’Union européenne.

Comment appréhender ces mesures ?

En bref, s’il s’agit de remédier à une défaillance du marché (accélérer l’innovation pour faire face à la menace existentielle du changement climatique, par exemple), l’intervention des pouvoirs publics est justifiée, y compris sous forme de politique industrielle.

En l’absence de défaillance du marché, il faut être vigilant : les arguments en faveur d’une intervention des pouvoirs publics sont beaucoup moins convaincants. Certaines des mesures annoncées ou mises en œuvre l’année dernière n’étaient pas toujours clairement liées à des défaillances du marché.

Les services du FMI ont intensifié leurs travaux dans ce domaine parce plus de données, d’analyses et de discussions sont nécessaires pour éviter de commettre des erreurs qui coûteraient cher.

Plus généralement, nous plaidons pour une augmentation des échanges commerciaux et des flux d’investissements internationaux pour accroître la productivité et relever les défis mondiaux. Nous souhaitons aussi que l’accent soit mis sur les modes de répartition des bénéfices du commerce et de l’investissement au sein de la société. Nous devons éviter de commettre les erreurs du passé, comme lorsque les effets négatifs de la mondialisation sur certaines populations ont été ignorés, entraînant ainsi un mouvement de résistance contre une économie mondiale intégrée.

Tout au long de son histoire, le FMI a été et reste un vecteur de politiques judicieuses et une instance de coopération économique.

Dans un monde en rapide évolution et de plus en plus perturbé, il est plus important que jamais que les pays se réunissent pour relever les défis et saisir les opportunités.

Lorsque le monde a été frappé par la pandémie et la crise du coût de la vie, le FMI a agi de manière décisive pour fournir des conseils et un appui financier à ses membres.

Nous avons également étendu nos activités pour aider les pays à relever les défis liés aux transformations, tels que le changement climatique et la transition numérique, grâce à de nouvelles analyses, de nouveaux partenariats et de nouveaux instruments. Par exemple, 18 pays ont jusqu’ici fait appel à notre nouveau fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité.

Les pays doivent renforcer leur résilience pour faire face aux chocs futurs et le FMI doit en faire de même.

C’est déjà le cas.

Nos membres ont soutenu une augmentation de 50 % de nos ressources de prêt permanentes, et un renforcement de nos capacités pour apporter une aide financière à nos membres les plus pauvres.

Nous venons d’atteindre l’objectif de constitution de nos propres réserves financières, afin d’être une ancre fiable pour les pays qui subissent des chocs sur leur balance des paiements. Il s’agit maintenant de savoir comment mieux exploiter notre bilan afin de nous assurer que nous sommes bien positionnés pour continuer à aider nos membres.

J’aimerais conclure sur cette note. Tout comme notre bilan représente la force financière collective de nos membres, nos réunions de printemps de la semaine prochaine représentent notre engagement collectif en faveur de la coopération et du dialogue international.

Ainsi, à l’occasion de notre rencontre à Washington, nous aurons à faire un choix qu’Acheson décrivait comme un choix fondamental : « répondre aux problèmes auxquels le monde sera confronté […] par le biais de la coopération internationale [ou] en laissant chaque nation compter sur ses propres ressources et sa propre force et tracer son propre chemin dans le monde ».[2]

Travailler ensemble, c’est précisément faire le choix d’une politique judicieuse.

C’est choisir la croissance, l’emploi et la prospérité auxquels les gens aspirent dans le monde entier.

Je vous remercie.




Croissance économique : Relancer la productivité est une priorité mondiale pour réveiller la croissance à moyen terme  

Sans mesures ambitieuses pour renforcer la productivité, la croissance mondiale descendra nettement sous sa moyenne historique.

L’économie mondiale fait face à une réalité bien peu enthousiasmante. Le taux de croissance mondial, net des variations conjoncturelles, ne cesse de ralentir depuis la crise financière mondiale de 2008–09. Sans intervention des pouvoirs publics et mise à profit des nouvelles technologies, les taux de croissance plus soutenus risquent d’appartenir définitivement au passé.

Plusieurs vents contraires ont eu raison des bonnes perspectives de croissance : d’après les projections à cinq ans de notre dernière édition des Perspectives de l’économie mondiale, la croissance mondiale va ralentir et s’établir à juste un peu plus de 3 % d’ici 2029. Notre analyse [link] montre que la croissance pourrait chuter d’environ 1 point au-dessous de son niveau moyen prépandémique (2000–19) d’ici la fin de la décennie. Cette situation menace d’annuler les progrès obtenus en termes de niveaux de vie, et le caractère inégal du ralentissement observé dans les pays riches et les pays pauvres pourraient limiter les perspectives d’une convergence mondiale des revenus.

Un scénario d’affaiblissement durable de la croissance, conjugué à des taux d’intérêt élevés, pourrait compromettre la viabilité de la dette, restreignant la capacité des gouvernements à contrer les ralentissements économiques et investir dans des initiatives en faveur du bien-être social ou de l’environnement. De plus, l’anticipation d’une croissance faible pourrait décourager l’investissement dans le capital et les technologies, au point peut-être d’accentuer le ralentissement. Les vents très contraires de la fragmentation géoéconomique ainsi que les mesures commerciales et industrielles prises unilatéralement ne font qu’aggraver la situation.

Notre analyse la plus récente donne cependant des raisons d’espérer : diverses politiques, de l’amélioration de l’affectation du travail et du capital entre les entreprises à la lutte contre les pénuries de main-d’œuvre liées au vieillissement de la population dans les grands pays, pourraient collectivement relancer la croissance à moyen terme.

Les principaux leviers de la croissance économique sont le travail, le capital et l’utilisation judicieuse de ces deux ressources, c’est-à-dire la productivité globale des facteurs (PGF). Le recul de la croissance mesuré depuis la crise s’explique pour plus de la moitié par un essoufflement du troisième facteur, la PGF. Celle-ci augmente grâce au progrès technologique et à une meilleure allocation des ressources, qui permet d’orienter le travail et le capital vers les entreprises les plus productives.

Notre analyse montre que l’allocation des ressources est cruciale pour la croissance. Or, ces dernières années, une répartition de plus en plus inefficiente des ressources entre les entreprises a plombé la PGF et, partant, la croissance mondiale.

Cette affectation toujours moins efficiente s’explique par des obstacles persistants, par exemple des politiques qui favorisent ou pénalisent certaines entreprises sans tenir compte de leur productivité, empêchant le capital et le travail d’atteindre les plus productives d’entre elles, ce qui limite leur croissance potentielle. Si le problème de la mauvaise allocation des ressources ne s’était pas aggravé, la PGF aurait pu augmenter de 50 % et la décélération de la croissance aurait été moins drastique.

Deux autres facteurs ont ralenti la croissance. Dans les principales puissances économiques, où la population d’âge actif diminue, la pression démographique a freiné l’augmentation de la main-d’œuvre. Dans le même temps, le faible niveau d’investissement des entreprises a retardé la formation de capital.

Des pressions à moyen terme

Les Nations Unies prévoient une accentuation des pressions démographiques dans les principales puissances économiques, qui déséquilibrera l’offre de main-d’œuvre et modérera la croissance au niveau mondial. La population en âge de travailler augmentera dans les pays à faible revenu et certains pays émergents, tandis que la Chine et la majorité des pays avancés (sauf les États-Unis) devront composer avec une contraction de la main-d’œuvre. D’ici 2030, le taux de croissance de la population active mondiale devrait se réduire à tout juste 0,3 %, très en deçà de son niveau moyen d’avant la pandémie.

La mauvaise affectation des ressources se corrigera peut-être en partie d’elle-même avec le temps, car le travail et le capital afflueront vers les entreprises plus productives. Ceci contribuera un peu à atténuer l’essoufflement de la productivité globale des facteurs, malgré les obstacles structurels et réglementaires qui continuent de ralentir le processus. L’innovation technologique pourrait aussi limiter le ralentissement.

Néanmoins, le rythme d’accroissement de la PGF devrait continuer de baisser dans l’ensemble, en raison de certains défis comme la difficulté grandissante d’enregistrer de nouvelles percées technologiques, la stagnation des niveaux scolaires et le processus de rattrapage plus lent des pays moins avancés par rapport à leurs homologues plus avancés.

Faute de progrès technologiques ou de réformes structurelles majeures, nous tablons sur une croissance économique mondiale de 2,8 % en 2030, bien inférieure à la moyenne historique de 3,8 %.

Ranimer la croissance mondiale

Notre analyse évalue l’incidence des politiques sur l’offre de main-d’œuvre et l’affectation des ressources, dans un contexte marqué par les progrès rapides de l’intelligence artificielle (IA), le surendettement public et la fragmentation géoéconomique.

Nous étudions des scénarios de modifications ambitieuses mais néanmoins possibles des politiques, visant à corriger la mauvaise affectation des ressources en donnant plus de souplesse aux marchés des produits et du travail et en améliorant l’ouverture aux échanges et le développement financier. Nous examinons également des politiques destinées à renforcer l’offre de main-d’œuvre ou la productivité en réformant les pensions de retraite et l’indemnisation du chômage, à soutenir les services de la petite enfance, à développer les programmes de reconversion et de perfectionnement et améliorer l’intégration des travailleurs immigrés, mais aussi à supprimer les barrières sociales et les inégalités de genre.

Nous en arrivons à la conclusion que les avantages associés à l’augmentation du taux d’activité, l’intégration de migrants plus nombreux dans les pays avancés et une affectation optimisée de la main-d’œuvre dans les pays émergents sont relativement modestes.

En revanche, les réformes qui stimulent la productivité et exploitent toutes les possibilités de l’IA sont essentielles pour redynamiser la croissance à moyen terme. Notre analyse indique que des politiques publiques ciblées visant à accroître la concurrence commerciale, l’ouverture aux échanges, l’accès aux financements et la flexibilité du marché du travail pourraient rehausser la croissance mondiale d’environ 1,2 point d’ici 2030. En outre, même si l’on ignore aujourd’hui dans quelle mesure l’IA peut doper la productivité, son potentiel est sans doute substantiel, avec à la clé une hausse possible de 0,8 point de la croissance mondiale, en fonction de l’adoption de l’IA et de ses incidences sur la population active.

À long terme, des politiques axées sur l’innovation [Link Fiscal Monitor Ch 2] seront indispensables au maintien de la croissance mondiale.

— Ce billet, qui se fonde sur le chapitre 3 des Perspectives de l’économie mondiale intitulé « Ralentissement de la croissance mondiale à moyen terme : comment inverser la tendance ? », rend compte des travaux de Chiara Maggi, Cedric Okou, Alexandre B. Sollaci et Robert Zymek.




Fiscal policy and management : La politique industrielle n’est pas un remède miracle contre la faible croissance  

Si un recours à la politique industrielle peut être tentant pour certains pays, une panoplie de mesures qui soutiennent l’innovation à plus grande échelle peut pourtant contribuer à stimuler la croissance économique.

Sur fond de préoccupations sécuritaires, bon nombre de pays intensifient leur politique industrielle afin de promouvoir l’innovation dans des secteurs spécifiques et dans l’espoir de relancer la productivité et la croissance à long terme. Des initiatives majeures voient le jour dans le monde entier, à l’instar du CHIPS and Science Act aux États-Unis, qui investira dans la recherche et la production de semi-conducteurs au niveau national, du plan industriel du Pacte vert en Europe, qui entend soutenir la transition de l’Union européenne vers la neutralité climatique, de la nouvelle orientation de l’économie et de la politique industrielle au Japon ou encore du K-Chips Act en Corée, sans compter les politiques adoptées de longue date dans des pays émergents comme la Chine.

Menée de façon judicieuse, la politique industrielle, qui consiste pour les pouvoirs publics à soutenir des secteurs spécifiques, peut être favorable à l’innovation. Il est cependant primordial de trouver le bon équilibre, car les antécédents d’erreurs stratégiques, de coûts budgétaires élevés et de répercussions négatives pour d’autres pays sont légion.

Ce tournant récent vers la politique industrielle pour soutenir l’innovation dans des secteurs et pour des technologies spécifiques n’est pas une solution miracle, comme nous le décrivons dans un chapitre du numéro d’avril 2024 du Moniteur des finances publiques. En revanche, des politiques budgétaires judicieuses, qui encouragent l’innovation et la diffusion des technologies à plus grande échelle et privilégient la recherche fondamentale, à la base de l’innovation appliquée, peuvent favoriser une plus forte croissance dans tous les pays et accélérer la transition écologique et numérique de l’économie.

Notre analyse du ciblage du soutien budgétaire à l’innovation dans des secteurs spécifiques montre que ces politiques ne génèrent des gains de productivité et de bien‑être que dans certaines conditions restrictives :

lorsque les secteurs ciblés génèrent des avantages sociaux mesurables, tels que la réduction des émissions de carbone ou l’augmentation des externalités de connaissances vers d’autres secteurs ;

lorsque les politiques ne sont pas discriminatoires à l’égard des entreprises étrangères ; et

lorsque les pouvoirs publics disposent d’une forte capacité à administrer et à mettre en œuvre ces politiques.

La plupart des politiques industrielles recourent largement à des subventions ou des allègements fiscaux, mesures dispendieuses qui peuvent nuire à la productivité et au bien-être si elles ne sont pas bien orientées. C’est souvent le cas, par exemple lorsque les subventions sont détournées au profit de secteurs bénéficiant de liens avec le monde politique. En outre, la discrimination à l’encontre des entreprises étrangères peut s’avérer autodestructrice, car elle peut déclencher des mesures de rétorsion coûteuses. Qui plus est, la plupart des pays, même les principaux pays avancés, s’appuient sur l’innovation développée dans d’autres pays.

Dans certains cas, le recours à la politique industrielle peut se justifier, notamment lorsqu’elle soutient des secteurs qui génèrent d’importantes externalités de connaissances pour l’économie nationale (dans le secteur des semi-conducteurs, par exemple). La promotion de l’innovation verte est un autre motif important de mener une politique industrielle. En effet, pour atteindre l’objectif de zéro émission nette, il faudra faire appel à des technologies qui n’existent pas encore. Cependant, les subventions à l’innovation verte doivent être transparentes, axées sur des objectifs environnementaux et complétées par un système robuste de tarification du carbone afin de minimiser les coûts budgétaires.

Plus généralement, les États adoptant une politique industrielle doivent investir dans les capacités techniques, réajuster leur soutien en fonction de l’évolution de la situation et agir dans le respect de l’ouverture et de la compétitivité des marchés. Les mesures qu’ils prennent doivent être élaborées de manière à éviter les dépenses inutiles et des politiques protectionnistes qui risqueraient de fragmenter davantage le commerce mondial.

Un dosage de politiques favorable à l’innovation

Les pays à la pointe de la technologie gagneraient à adopter un ensemble de mesures qui soutiennent largement l’innovation, en particulier parce que la recherche fondamentale ayant un vaste spectre d’applications souffre généralement d’un déficit de financement.

Un moyen financièrement avantageux de stimuler l’innovation et la croissance consiste à adopter un ensemble complémentaire de mesures de financement public de la recherche fondamentale, de subventions à la recherche et au développement pour les start-up innovantes et d’incitations fiscales pour encourager l’innovation appliquée au sein des entreprises. Selon nos estimations, en augmentant les dépenses consacrées à ces mesures de 0,5 point de pourcentage du PIB, soit environ 50 % du niveau actuel dans les pays membres de l’OCDE, on pourrait accroître de 2 % le PIB d’un pays avancé moyen. Ce niveau de dépenses en faveur de l’innovation pourrait même réduire le ratio dette/PIB à long terme.

La conception de telles mesures est toutefois déterminante. Ainsi, les subventions sont plus utiles si elles sont accordées aux premiers stades du cycle de l’innovation, tandis que les incitations fiscales doivent être aisément accessibles si l’on veut qu’elles ne profitent pas uniquement aux grandes entreprises déjà bien établies.

Le soutien à l’innovation peut certes porter ses fruits à long terme, mais pour les pays disposant d’un espace budgétaire limité, il peut être plus judicieux à court terme de redéfinir d’autres priorités de dépenses et de mobiliser plus de recettes.

Les pays moins avancés sur le plan technologique n’ont pas les mêmes priorités. Les autorités de ces pays peuvent percevoir des dividendes de productivité plus importants grâce à des mesures qui favorisent la diffusion de technologies développées ailleurs. Elles doivent cependant investir dans le capital humain et l’infrastructure stratégique pour profiter pleinement de ces apports technologiques.

Le renforcement de la coopération internationale et l’intensification des échanges de connaissances sont essentiels pour tous les pays afin d’accélérer les transformations vertes et numériques et de parvenir à un avenir plus prospère. Les mesures de repli sur soi amoindrissent la capacité d’innovation mondiale et ralentissent la diffusion des technologies, en particulier vers les pays qui en ont le plus besoin.

—Ce billet est basé sur le chapitre 2 du Moniteur des finances publiques d’avril 2024.




Stabilité du secteur financier : L’intensification des cybermenaces suscite de grandes inquiétudes pour la stabilité financière  

Dans un contexte d’accélération de la transition numérique et d’exacerbation des tensions géopolitiques, le risque augmente de voir une cyberattaque avoir des répercussions systémiques.

Le nombre de cyberattaques a plus que doublé depuis la pandémie de COVID-19. Les pertes directes enregistrées par des sociétés victimes de cyberattaques ont été jusqu’ici relativement modérées, mais certaines ont tout de même payé un beaucoup plus lourd tribut. Par exemple, l’agence de notation américaine Equifax a dû s’acquitter d’une amende de plus d’un milliard de dollars à la suite d’une violation massive de données qui avait touché environ 150 millions de clients en 2017.

Comme nous le montrons dans un chapitre de l’édition d’avril 2024 du Rapport sur la stabilité financière dans monde, le risque de pertes extrêmes provoquées par des cyberincidents est en hausse. Ces pertes pourraient confronter des sociétés à des problèmes de financement, voire compromettre leur solvabilité. L’ampleur de ces pertes extrêmes a plus que quadruplé depuis 2017 pour atteindre 2,5 milliards de dollars. De surcroît, les pertes indirectes, comme l’atteinte à la réputation ou les dépenses engagées pour renforcer la sécurité, sont devenues beaucoup plus lourdes.

Le secteur financier est plus exposé que tout autre au cyberrisque. Du fait des gros volumes de données sensibles et d’opérations qu’elles traitent, les sociétés financières sont souvent la cible de criminels cherchant à voler de l’argent ou à perturber l’activité économique. Les sociétés financières sont concernées par près d’un cinquième des attaques et les banques sont les établissements les plus exposés.

Des incidents survenant dans le secteur financier pourraient mettre en péril la stabilité financière et économique s’ils portent atteinte à la confiance accordée au secteur financier, désorganisent des services essentiels ou occasionnent des répercussions sur d’autres institutions.

Par exemple, un cyberincident de grande ampleur dans une institution financière pourrait ébranler la confiance et, dans des cas extrêmes, provoquer des cessions d’actifs massives sur les marchés ou des ruées sur les dépôts bancaires. Bien que l’on ne recense à ce jour aucun mouvement de panique majeur à la suite d’un cyberincident, notre analyse montre qu’une cyberattaque a donné lieu pendant un certain temps à des retraits de dépôts, certes modérés, dans des banques américaines de petite taille.

L’activité économique pourrait également être gravement perturbée par des cyberincidents entraînant une désorganisation de services essentiels comme des réseaux de paiement. Par exemple, la cyberattaque subie par la banque centrale du Lesotho en décembre 2023 a désorganisé le système national de paiement, empêchant les banques du pays d’effectuer des opérations.

Il faut également tenir compte du fait que les sociétés financières sous-traitent de plus en plus leurs activités informatiques à des prestataires tiers, une tendance qui devrait s’accentuer avec le rôle émergent de l’intelligence artificielle. Ces prestataires extérieurs peuvent certes renforcer la résilience opérationnelle mais ils exposent aussi le secteur financier à des chocs d’ampleur systémique. L’an dernier, par exemple, une attaque au rançongiciel sur un fournisseur de services informatiques sur le nuage a entraîné des interruptions de services simultanées dans 60 caisses de crédit mutuel américaines.

En cette période où, comme le montre le chapitre, le système financier mondial fait face à des cyberrisques considérables et croissants sous l’effet de l’accélération de la transition numérique et de l’exacerbation des tensions géopolitiques, les procédures et dispositifs de gouvernance au sein des sociétés doivent évoluer en conséquence.

Cependant, les motivations guidant le secteur privé pourraient ne pas suffire pour lutter contre les cyberrisques. Par exemple, les sociétés pourraient ne pas tenir pleinement compte des effets systémiques des incidents. Une intervention des pouvoirs publics pourrait alors se révéler nécessaire.

Or il ressort d’une enquête menée par le FMI auprès de banques centrales et d’organes de supervision que les dispositifs des pouvoirs publics en matière de cybersécurité restent souvent insuffisants, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement. Par exemple, les pays dotés d’une stratégie nationale de cybersécurité ciblée sur le secteur financier ou de réglementations spéciales en matière de cybersécurité ne représentaient qu’environ la moitié de l’échantillon.

Pour renforcer la résistance du secteur financier, les autorités devraient mettre au point une stratégie de cybersécurité nationale adéquate, et l’accompagner de capacités de réglementation et de supervision efficaces englobant les axes suivants :

évaluer régulièrement la situation de la cybersécurité et détecter d’éventuels risques systémiques liés à l’interconnexion des acteurs et aux concentrations, notamment ceux engendrés par les prestataires de services tiers ;

promouvoir la « cybermaturité » au sein des sociétés du secteur financier, ce qui passe notamment par une expertise en matière de cybersécurité chez les dirigeants, comme le montre l’analyse du chapitre, qui laisse apparaître qu’une meilleure gouvernance en matière de cybersécurité pourrait atténuer le cyberrisque ;

améliorer la « cyberhygiène » des sociétés, à savoir la sécurité en ligne et la fiabilité des systèmes informatiques (outils de protection contre les logiciels malveillants et authentification multifactorielle, par exemple), ainsi que la formation et la sensibilisation aux questions de cybersécurité ;

donner la priorité à la communication des données et au recensement des cyberincidents, et diffuser les informations aux acteurs du secteur financier afin d’améliorer leur état de préparation collectif.

Sachant que les attaques sur des sociétés financières proviennent souvent de l’étranger et que les gains engendrés peuvent traverser les frontières, il est impératif de faire fonctionner la coopération internationale pour traiter le cyberrisque de façon efficace.

Des cyberincidents se produiront inévitablement mais le secteur financier doit être en mesure d’assurer la continuité de services essentiels pendant les périodes de perturbations. Pour ce faire, les sociétés financières devraient mettre au point et tester des procédures de riposte et de retour à la normale. Quant aux autorités nationales, elles devraient disposer de protocoles et de dispositifs de gestions de crise efficaces.

Le FMI s’emploie à aider ses pays membres à renforcer leurs dispositifs de cybersécurité en leur prodiguant des recommandations, par exemple dans le cadre du programme d’évaluation du secteur financier, et en leur fournissant des activités de développement des capacités.

— Ce billet s’inspire du chapitre 3 de l’édition d’avril 2024 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde, intitulé « Les cyberrisques : une préoccupation croissante par la stabilité macrofinancière ».




*Communiqué Nécrologique*

La famille Mikanda a la profonde douleur d’annoncer aux amis et connaissances, la mort de leur père, frère, oncle et grand père Guy Willy Mikanda Nzudio, décès survenu le jeudi 11 Avril 2024 de suite d’une longue maladie.

En attendant le programme des obsèques, le deuil se tient à la résidence familiale située sur l’avenue Gungu numéro 46, dans la commune de Ngaba, route Université voir arrêt Mopulu vers Rond point Ngaba.

Ce communiqué tient lieu de faire part.

 

Lequotidien




Marchés financiers émergents et pré-émergents : Les pays émergents pèsent plus lourd sur l’échiquier économique mondial

Les décideurs doivent se tenir prêts à bien gérer les répercussions issues des pays émergents, dont l’influence sur l’économie mondiale va grandissant.

Les grands pays émergents du Groupe des Vingt (G20) exercent une influence croissante sur l’économie mondiale. Au cours des deux dernières décennies, ils ont fortement accru leur intégration aux marchés mondiaux et sont à l’origine de retombées économiques plus importantes sur le reste du monde.
En cette période où les perspectives de croissance se détériorent en Chine et dans plusieurs autres grands pays émergents, il est primordial que les décideurs, aussi bien ceux des pays émergents du G20 que ceux des pays susceptibles d’être touchés, comprennent les circuits par lesquels un ralentissement pourrait se propager à l’économie mondiale.
Les répercussions que des chocs survenant au sein de pays émergents du G20 peuvent avoir sur la croissance ont pris de l’ampleur au cours des deux dernières décennies, au point d’être désormais comparables à celles provoquées par les chocs frappant les pays avancés, comme nous le montrons dans un chapitre analytique des Perspectives de l’économie mondiale d’avril 2024. Nous examinons aussi la manière dont ces chocs se propagent aux entreprises et aux secteurs d’activité d’autres pays par l’intermédiaire des échanges commerciaux.
Les répercussions les plus importantes sont celles venant de Chine et leur influence sur la variation de la production des pays émergents est désormais aussi puissante que celles provoquées par les États-Unis. D’autres pays émergents du G20, tels que l’Inde, le Brésil, la Russie et le Mexique, jouent également un rôle important sur les résultats économiques de leurs voisins.

Nos simulations, établies à l’aide d’un modèle appliqué aux échanges commerciaux de plusieurs pays dans plusieurs secteurs, laissent apparaître qu’une baisse de la productivité dans les pays émergents du G20 peut faire peser sur la production mondiale un effet trois fois supérieur à son niveau de 2000.
Répercussions sectorielles
Depuis l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, les pays émergents du G20 ont doublé leur part dans les échanges commerciaux internationaux et l’investissement direct étranger, et ils représentent désormais un tiers du PIB mondial. Ils sont devenus de gros importateurs de produits manufacturés et de gros exportateurs de biens intermédiaires, en particulier dans l’industrie manufacturière et l’exploitation minière.

Par ailleurs, dans la mesure où les pays émergents du G20 sont de plus en plus intégrés aux chaînes de valeur mondiales, l’évolution de leur conjoncture économique peut avoir de plus grandes retombées à l’étranger.
De bonnes surprises en matière de croissance peuvent stimuler la progression du chiffre d’affaires d’entreprises étrangères dans des secteurs comme les installations électriques, l’outillage et les produits métalliques, qui sont davantage tributaires de la demande des pays émergents du G20. L’accélération de la croissance dans les pays émergents, comme l’Indonésie et la Türkiye, peut également être favorable à des entreprises étrangères dans des secteurs qui dépendent davantage d’intrants bon marché.
Cependant, une accélération de la croissance dans les pays émergents peut également être le signe qu’ils étendent leur capacité de production en aval afin de fabriquer et d’exporter de nouveaux produits faisant directement concurrence à ceux fabriqués par des entreprises à l’étranger. Les effets de la concurrence des importations en provenance de pays où les salaires sont moins élevés, tels que la Chine et le Mexique, semblent prédominer dans les secteurs dépendant fortement de fournisseurs étrangers, comme les industries textile et chimique.

Il n’est donc pas surprenant que les chocs survenant dans les pays émergents du G20 puissent aussi entraîner de vastes redistributions de l’activité économique entre les pays et les secteurs.
Nos modèles montrent que la plupart des secteurs verront leur activité se contracter à la suite d’un déclin généralisé de la productivité, plus particulièrement en Asie. Cependant, les répercussions sont hétérogènes, en particulier si le déclin est concentré dans des secteurs qui sont intégrés dans les chaînes de valeur mondiales. Dans ce cas de figure, la plupart des secteurs manufacturiers dans le reste du monde connaîtraient une expansion, en particulier l’industrie textile, les produits métalliques et l’électronique, les entreprises tirant profit de la diminution de l’offre en provenance des pays émergents du G20.
Les répercussions sur d’autres pays se manifestent aussi sur le marché de l’emploi. Un choc positif sur la productivité dans des pays émergents du G20 peut provoquer des pertes d’emplois dans les secteurs correspondants en raison d’une concurrence accrue, alors que les retombées provenant de secteurs reliés par les chaînes de valeur mondiale tendent à créer des complémentarités et des possibilités d’emploi.
Une plus grande responsabilité
Les pays émergents du G20 — en particulier la Chine, mais pas uniquement — continuent de montrer qu’ils peuvent générer de vastes effets de contagion au niveau mondial et régional.
Les incidences négatives d’un ralentissement de la croissance dans les pays émergents du G20, notamment à la suite de chocs du côté de l’offre, pourraient mettre en péril la trajectoire descendante de l’inflation dans les pays avancés. Dans les autres pays émergents et les pays en développement, les répercussions pourraient être encore plus importantes, ce qui compromettrait la croissance et la convergence des revenus.
Un ralentissement en Chine pourrait se révéler particulièrement néfaste compte tenu du statut de superpuissance manufacturière de ce pays et de son haut degré d’intégration. Mais le rôle croissant de tous les pays émergents du G20 montre que d’autres peuvent participer au bon fonctionnement de l’économie mondiale. Une accélération de la croissance dans ces pays, qui est un scénario plausible, pourrait générer des retombées positives à l’échelle mondiale et ajouter un demi-point de pourcentage aux taux de croissance mondiale.
Si elle peut avoir des côtés néfastes, la réaffectation de l’activité et des emplois entre les entreprises et les secteurs en raison de répercussions issues de pays émergents du G20 ouvre aussi de nouvelles possibilités. Les secteurs positionnés pour tirer parti de cette réaffectation pourraient être aidés par des réformes structurelles, en particulier dans les marchés du travail et la réglementation des entreprises. Parallèlement, les décideurs devraient également déployer des politiques inclusives, y compris à l’aide d’appuis budgétaires ciblés, afin de permettre une réaffectation efficace de la main-d’œuvre entre les secteurs et d’atténuer les éventuels effets négatifs de ces retombées sur la distribution des revenus.
En cette période où le pouvoir économique mondial continue de se déplacer, une coopération multilatérale efficace et une coordination internationale de l’action des pouvoirs publics demeurent des axes prioritaires pour bien gérer les répercussions et atténuer les risques de fragmentation, y compris en renforçant le dispositif mondial de sécurité financière.
— Ce billet est basé sur le chapitre 4 des Perspectives de l’économie mondiale d’avril 2024 : « Changement de rôles : répercussions économiques réelles des pays émergents du G20 ».
—Nicolas Fernandez-Arias est économiste au département des études du FMI, où Alberto Musso, Carolina Osorio Buitron et Adina Popescu sont économistes principaux.




Politique monétaire : Le logement est une des raisons pour lesquelles les effets des taux d’intérêt plus élevés diffèrent selon les pays  

Ces effets peuvent se manifester avec un décalage dans certains pays : si les taux d’intérêt restent plus élevés plus longtemps, les propriétaires en ressentiront vraisemblablement les conséquences lorsque les taux du crédit hypothécaire s’adapteront.

Les banques centrales ont considérablement relevé les taux d’intérêt ces deux dernières années pour maîtriser l’inflation au sortir de la pandémie, faisant craindre pour beaucoup un ralentissement de l’activité économique. La croissance mondiale s’est pourtant globalement maintenue, une décélération ne se manifestant que dans quelques pays.

Pourquoi certains pâtissent des taux élevés, et d’autres pas ? Les effets des taux directeurs de la politique monétaire sur l’activité dépendent en partie des caractéristiques du marché du logement et du marché hypothécaire, qui varient grandement selon les pays, comme le montre un chapitre de la nouvelle édition des Perspectives de l’économie mondiale.

Le logement est un important vecteur de transmission de la politique monétaire. Les prêts hypothécaires sont le principal engagement financier des ménages et le logement constitue souvent l’essentiel de leur patrimoine. L’immobilier représente en outre une grande part de la consommation, de l’investissement, de l’emploi et des prix à la consommation dans la plupart des pays.

Afin d’évaluer dans quelle mesure certaines caractéristiques du marché résidentiel affectent les effets de la politique monétaire sur l’activité, nous nous sommes appuyés sur de nouvelles données sur les marchés du logement et des prêts hypothécaires recueillies dans différents pays, et avons constaté que ces caractéristiques variaient considérablement selon les pays. Ainsi, la part des prêts hypothécaires qui sont à taux fixe est presque nulle en Afrique du Sud, alors qu’elle est supérieure à 95 % aux États-Unis et au Mexique.

Nos résultats indiquent que la politique monétaire a des effets plus importants sur l’activité dans les pays où la part des prêts hypothécaires à taux fixe est faible. Cela s’explique par le fait que si le taux hypothécaire est variable, le montant des remboursements mensuels augmente en fonction des taux directeurs de la politique monétaire. À l’inverse, les ménages qui ont emprunté à taux fixe ne verront pas de différence immédiate si les taux directeurs changent.

Les effets de la politique monétaire sont également plus marqués dans les pays où le montant des prêts est élevé par rapport à la valeur des biens, ainsi que dans ceux où l’endettement des ménages est élevé en pourcentage du PIB. Dans tous ces pays, un plus grand nombre de ménages sont exposés aux risques de variation des taux hypothécaires, avec des effets accrus si leur endettement est élevé en proportion de leur patrimoine.

Les caractéristiques du marché du logement jouent aussi un rôle : la transmission de la politique monétaire est plus forte là où l’offre de logements est plus restreinte. Par exemple, une baisse des taux réduit les coûts d’emprunt pour les primo-acquéreurs, entraînant une hausse de la demande. Sur les marchés où l’offre est restreinte, cela se traduit par une appréciation des biens. Les propriétaires existants voient donc leur patrimoine augmenter et peuvent consommer davantage, surtout s’ils peuvent donner leur bien en garantie pour emprunter plus.

La transmission est également plus forte si les prix de l’immobilier résidentiel ont connu une surévaluation récente. Les flambées de l’immobilier tiennent souvent à un optimisme déraisonné quant à l’évolution attendue des prix. Elles s’accompagnent souvent d’un endettement excessif qui peut déboucher sur une spirale de chutes des prix des logements et de saisies immobilières en cas de durcissement de la politique monétaire, les revenus et la consommation diminuant plus encore.

Le logement transmet moins les effets de la politique monétaire

Les marchés du crédit hypothécaire et de l’immobilier ont connu plusieurs transformations depuis la crise financière mondiale et la pandémie. Au début du récent cycle d’augmentation des taux directeurs et après une longue période marquée par des taux d’intérêt faibles, les paiements d’intérêts sur prêts hypothécaires étaient à un niveau historiquement bas, la durée moyenne des prêts était longue et la part moyenne des crédits à taux fixe était élevée dans de nombreux pays. En outre, la pandémie a incité les populations à s’éloigner des centres urbains, leur préférant des zones où l’offre est relativement moins restreinte.

Il se peut donc que la transmission de la politique monétaire par le vecteur de l’immobilier résidentiel se soit affaiblie dans plusieurs pays, ou tout au moins qu’elle soit retardée.

Les circonstances varient toutefois énormément selon les pays. L’évolution des caractéristiques du marché hypothécaire dans des pays comme le Canada ou le Japon indique un renforcement de la transmission de la politique monétaire par le vecteur du logement, principalement en raison de la diminution de la part des crédits à taux fixe, de la hausse de l’endettement et de la contraction de l’offre de logements. Cette transmission semble au contraire s’être affaiblie dans des pays tels que les États-Unis, la Hongrie, l’Irlande ou le Portugal, où ces caractéristiques suivent le trajet inverse.

Calibrer la politique monétaire

Il ressort de notre étude que pour calibrer et adapter au mieux la politique monétaire, il faut bien comprendre ses mécanismes de transmission par le vecteur du logement dans chaque pays. Dans les pays où ce vecteur est puissant, surveiller l’évolution du marché résidentiel et de la dette des ménages peut aider à déterminer rapidement si le resserrement de la politique monétaire est trop important. Là où la transmission de la politique monétaire est faible, les autorités peuvent prendre des mesures vigoureuses dès les premiers signes de surchauffe ou de pressions inflationnistes.

Mais que faire aujourd’hui ? La plupart des banques centrales se sont considérablement rapprochées de leur cible d’inflation. À la lueur de ce qui précède, on pourrait conclure que si la transmission est faible, mieux vaut opter pour une politique un peu trop restrictive qu’un peu trop souple. Pourtant, à l’heure actuelle, un resserrement excessif ou le maintien prolongé des taux d’intérêt à un niveau élevé serait plus risqué.

S’il est vrai que les crédits hypothécaires à taux fixe sont devenus plus courants dans de nombreux pays, il est fréquent que ces taux ne soient fixes que sur une courte période. Au fil des révisions de taux de ces prêts, la politique monétaire pourrait soudain transmettre ses effets plus efficacement et freiner la consommation, surtout dans les pays où les ménages sont lourdement endettés.

Plus les taux d’intérêt resteront élevés longtemps, plus les ménages courront le risque d’accuser le coup, même dans les pays où ils sont jusqu’ici relativement épargnés.

— Ce billet est basé sur le chapitre 2 des Perspectives de l’économie mondiale d’avril 2024 : « Qui accuse le coup ? Effets de la politique monétaire sur les marchés du logement ». Ce chapitre a été rédigé par Mehdi Benatiya Andaloussi, Nina Biljanovska, Alessia De Stefani et Rui Mano, avec l’appui d’Ariadne Checo de los Santos, Eduardo Espuny Diaz, Pedro Gagliardi, Gianluca Yong et Jiaqi Zhao. Amir Kermani y a contribué en tant que consultant externe et Jesper Lindé a contribué à la modélisation.




Stabilité du secteur financier : L’essor rapide du marché du crédit privé, qui pèse 2 000 milliards de dollars, exige une plus étroite supervision  

Le marché du crédit privé, au sein duquel des institutions financières non bancaires spécialisées, comme des fonds d’investissement, octroient des prêts à des sociétés emprunteuses, a atteint l’an dernier les 2 100 milliards de dollars d’actifs et de capitaux engagés. Les États-Unis, où sa part de marché se rapproche de celle des crédits syndiqués et des obligations à haut rendement, concentrent environ les trois quarts de ce volume.

Ce marché a vu le jour il y a une trentaine d’années pour octroyer des financements à des entreprises trop grandes ou risquées pour les banques commerciales, et trop petites pour lever des fonds sur les marchés obligataires. Depuis quelques années, il se développe à grande vitesse, les emprunteurs appréciant sa rapidité, sa flexibilité et l’attention qui leur est apportée. Des investisseurs institutionnels tels que des fonds de pension et des compagnies d’assurance ont investi avec empressement dans des fonds qui, bien qu’illiquides, offraient des rendements supérieurs et une volatilité moindre.

Le crédit privé a eu des bienfaits économiques notables en permettant à des sociétés emprunteuses d’obtenir des financements de long terme. Cependant, la migration de ce crédit depuis le cadre des banques réglementées et des marchés obligataires plus transparents vers l’univers plus opaque du crédit privé crée des risques potentiels. Les valorisations ne sont pas établies sur une base régulière, la qualité du crédit n’est pas toujours évidente ou facile à évaluer, et il est difficile de comprendre la façon dont des risques systémiques pourraient se former compte tenu des interconnexions difficilement lisibles entre fonds de crédit privé, sociétés de capital-investissement, banques commerciales et investisseurs.

Aujourd’hui, les risques que le crédit privé fait peser sur la stabilité financière dans l’immédiat semblent limités. Cependant, compte tenu de l’opacité et de la grande interconnexion de cet écosystème, et dans l’hypothèse où le secteur poursuivrait sa croissance rapide avec une supervision limitée, les vulnérabilités existantes pourraient virer en risque systémique pour l’ensemble du système financier. Nous recensons plusieurs fragilités dans notre Rapport sur la stabilitéfinancière dans le monde.

En premier lieu, les sociétés qui ont recours au marché du crédit privé sont généralement plus petites et plus endettées que leurs homologues qui souscrivent des prêts à effet de levier ou émettent des obligations. Cela les rend plus vulnérables face aux hausses des taux d’intérêt et aux ralentissements de l’activité économique. Notre analyse montre qu’avec le récent relèvement des taux d’intérêt de référence, plus d’un tiers des emprunteurs présentent aujourd’hui des charges d’intérêt supérieures à leurs bénéfices actuels.

La croissance rapide du crédit privé a récemment animé les banques à leur faire davantage concurrence sur de grosses opérations. Cela a poussé les fournisseurs de crédit privé à déployer des capitaux, avec pour conséquence un relâchement des normes de souscription et des clauses des prêts, phénomène dont les organes de supervision ont déjà détecté certains signes.

En deuxième lieu, les contrats de prêt sur le marché du crédit privé sont rarement échangés, si bien qu’ils ne peuvent pas être valorisés à l’aide des prix du marché. Au lieu de cela, ils ne sont souvent notés que sur une base trimestrielle à l’aide de modèles de risques, ce qui pourrait donner lieu à des valorisations dépassées et subjectives en fonction des fonds. Notre analyse compare le crédit privé et les prêts à effet de levier (qui sont échangés régulièrement sur un marché plus liquide et plus transparent) et montre que malgré une qualité de crédit inférieure, les actifs du crédit privé tendent à subir des dépréciations moins importantesen périodes de tension.

 

En troisième lieu, bien que l’effet de levier des fonds de crédit privé semble faible, la possibilité que de multiples effets de levier soient dissimulés dans cet écosystème soulève des inquiétudes, compte tenu de l’insuffisance des données disponibles. L’effet de levier est également déployé par les investisseurs dans ces fonds et par les emprunteurs eux-mêmes. Cette superposition des effets de levier complique l’évaluation des vulnérabilités systémiques que pourrait renfermer ce marché.

En quatrième lieu, l’écosystème du crédit privé se caractérise par un degré d’interconnexion élevé. Prises dans leur ensemble, les banques ne semblent pas présenter une forte exposition au crédit privé : la Réserve fédérale a estimé que les emprunts sur le marché du crédit privé américain s’élèvent à moins de 200 milliards de dollars, soit moins de 1 % du total des actifs bancaires du pays. Cela dit, certaines banques pourraient avoir concentré les expositions à ce secteur. De plus, plusieurs fonds de pension et compagnies d’assurance s’engagent plus franchement dans l’univers du crédit privé en augmentant considérablement la part de ces actifs moins liquides dans leurs portefeuilles. Il s’agit notamment de compagnies d’assurance sous le contrôle de sociétés de capital-investissement, comme nous l’avons vu dans un récent rapport.

Enfin, même si les risques de liquidité semblent limités aujourd’hui, la présence grandissante de fonds de détail pourrait modifier ce constat. Les fonds de crédit privé bloquent des capitaux sur de longues durées et restreignent les remboursements des investisseurs afin d’aligner l’horizon de placement sur les actifs illiquides sous-jacents. Mais de nouveaux fonds destinés à des investisseurs individuels pourraient présenter des risques de rachat plus élevés. Bien qu’ils soient estompés par des instruments de gestion de la liquidité (tels que des seuils et des périodes de rachat prédéterminées), ces risques n’ont pas été mis à l’épreuve d’un scénario de sorties massives.

Globalement, ces vulnérabilités ne représentent pas aujourd’hui un risque systémique pour le secteur financier au sens large, mais elles pourraient continuer de prendre de l’ampleur, avec des retombées sur l’économie. Un ralentissement marqué pourrait brutalement détériorer la qualité du crédit, ce qui provoquerait des défauts de paiement et des pertes considérables. Or, l’opacité de ce marché pourrait compliquer l’évaluation de ces pertes. Les banques pourraient réduire leur volume de prêts en faveur des fonds de crédit privé, les fonds de détail pourraient faire face à des remboursements massifs, et les fonds de crédit privé et leurs investisseurs institutionnels pourraient connaître des tensions sur la liquidité. Le haut degré d’interconnexion entre les acteurs pourrait affecter les marchés obligataires, dans la mesure où des compagnies d’assurance et des fonds de pension pourraient être contraints de vendre des actifs plus liquides.

Mis bout à bout, les effets de ces liens pourraient entraîner des répercussions économiques considérables si la tension sur les marchés du crédit privé se traduisait par un recul des prêts aux sociétés. La supervision de ces vulnérabilités au niveau des marchés financiers et des institutions étant compliquée par d’importantes lacunes en matière de données, les décideurs et les investisseurs pourraient tarder à réaliser une évaluation correcte des risques.

Conséquences sur le plan de l’action publique

Il est impératif de redoubler de vigilance en matière de réglementation et de supervision afin de surveiller et d’évaluer les risques sur ce marché.

Les autorités devraient envisager d’appliquer une supervision et une réglementation plus actives à l’égard du crédit privé, en prêtant attention au suivi et à la gestion des risques, aux effets de levier, à l’interconnexion des acteurs et à la concentration des expositions.

Elles devraient renforcer la coopération transfrontalière et intersectorielle afin de combler les lacunes en matière de données et d’harmoniser les évaluations des risques dans l’ensemble des secteurs financiers.

Les organes de réglementation devraient améliorer les normes d’information et le recueil des données afin d’assurer un meilleur suivi de la croissance du crédit privé et de ses implications pour la stabilité financière.

Les organes de réglementation des valeurs mobilières devraient surveiller de près les risques de liquidité et de conduite dans les fonds de crédit privé, en particulier les fonds de détail, car ils peuvent faire face à des risques de rachat plus élevés. Les organes de réglementation devraient appliquer les recommandations du Conseil de stabilité financière et de l’Organisation internationale des commissions de valeurs s’agissant de la conception des produits et de la gestion de la liquidité.

— Ce blog est basé sur le chapitre 2 de l’édition d’avril 2024 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde : « L’essor du crédit privé et les risques associés ».