“Opposition ya pete” (Opposition molle). C’est le qualificatif attribué par le régime en place à l’Opposition actuelle constituée, pour rappel, d’acteurs politiques institutionnels (députés nationaux et sénateurs) et d’acteurs politiques non institutionnels (au nombre desquels les candidats ayant échoué aux dernières élections et les non candidats). La première catégorie comprend les membres d’Ensemble de Moïse Katumbi. La deuxième Adolphe Muzito, Martin Fayulu, Delly Sessanga etc. La troisième les “Résistants” de Joseph Kabila déterminés à rentrer aux affaires en 2028. Ils les estiment assez, les 10 à passer en dehors des institutions à l’érection desquelles ils ont largement contribué et pour lesquelles ils sont actuellement copieusement vilipendés…
Le mythe Étienne Tshisekedi en train de s’écrouler
Pourquoi ” Opposition ya pete ?”. Réponse : pour avoir gouverné le pays à un niveau ou à autre, les membres de cette Opposition peinent à mobiliser la rue.
Normal : dans un pays où l’Opposition est perçue en termes des marches non autorisées, sit-in, journées ville-morte, diabolisation à outrance, etc., il n’est pas aisé d’utiliser les mêmes méthodes puisqu’on a une autre perception du Contre-Pouvoir.
Cette perception, l’Udps en fera la découverte lorsque – alternance politique oblige – il va rentrer à l’Opposition.
Pour avoir gouverné, il peinera à remobiliser les foules avec les méthodes qui lui réussissaient hier.
C’est quoi, cependant, le rapport avec le titre ?
De tous les acteurs politiques de l’Opposition parlementaire et extra-parlementaire actuelle, seul Martin Fayulu n’a pas encore exercé à proprement parler la fonction exécutive de chef d’Etat, de Premier ministre, de ministre ou de gouverneur de province. Il a été dans sa vie député provincial une fois (cycle électoral 2006) et député national une fois (cycle électoral 2011). Il n’a pas siégé à l’Assemblée nationale ou au Sénat, moins encore à l’Assemblée provinciale ni en 2018, ni en 2023. C’est ainsi qu’on le qualifie d’acteur politico-médiatique.
Est-ce pour lui une assurance d’être plus blanc que neige pour espérer succéder à Félix Tshisekedi, arrivé aux affaires lui aussi plus blanc que neige ?
La réponse est d’emblée non !
Le mythe Etienne Tshisekedi est en train de s’écrouler, et le “parricide” est l’oeuvre de l’Udps, son parti, en raison des scandales qui ponctuent la gouvernance institutionnelle. Scandales qui auraient pu être gérés autrement que sur la place publique avec, pour acteurs, des proches du Chef de l’Etat utilisant les médias pro-Pouvoir comme fantassins. Ni les premiers, ni les seconds ne réalisent toute l’opprobre qui rejaillit sur Félix Tshisekedi et l’Udps.
Très à l’aise dans l’Opposition extra-parlementaire
Pour mémoire, à partir du 24 avril 1990, Etienne Tshisekedi avait pris son “abonnement” à l’Opposition extra-parlementaire. La déduction est de l’observation de ses faits et gestes faite par les analystes avertis.
En effet, tout son parcours entre 1991 (Accords du Palais de Marbre I) et 2017 (Négociations du Centre interdiocésain catholique) en passant par la Cns et le Dialogue intercongolais l’a amplement démontré : sous Mobutu, le lider maximo n’aura pas eu son pareil dans l’art de susciter des incidents avant d’être nommé Premier ministre ou pendant qu’il en exerce la fonction. Question, pour lui, de se faire virer et, par effet d’entraînement, d’entretenir son mythe dans l’opinion et garder son aura.
C’est vrai qu’à la différence de ses compagnons de l’Opposition extra-parlementaire, il n’avait à proprement parler pas des problèmes financiers. Par contre, ses camarades broyaient du noir. D’où la tactique d’auto-exclusion qui était, en réalité, de l’exclusion suggestionnée à l’encontre de tout compagnon soupçonné de rapprochement avec successivement les régimes Mobutu (entre 1990 et 1997), Laurent-Désiré Kabila (entre 1997 et 2001) et Joseph Kabila (entre 2001 et 2018). La liste est longue : Dikonda, Ngalula, Lihau, Kibassa, Birindwa, Mulumba, Mbwankiem, Massamba, Phongo, Moleka, Badibanga, Mavungu, Tshibala etc. !
Ainsi, Etienne Tshisekedi se sentait (très) à l’aise dans l’Opposition extra-parlementaire, même après le Dialogue intercongolais.
C’est de bonne guerre
Après que son propre fils biologique et politique Félix Tshisekedi ait accédé à la magistrature suprême, pense-t-on encore voir quelqu’un d’autre remplacer valablement Etienne Tshisekedi dans l’animation de l’Opposition extra-parlementaire ?
Certes, la politique étant dynamique, rien n’est à exclure ; tout peut arriver.
Toutefois, voir les Congolais tenter une nouvelle aventure avec à la tête du pays un Opposant extra-parlementaire qui viendra apprendra le métier une fois aux affaires, ça pourrait ne plus passer ! Le précédent Udps suffit.
En termes clairs : des acteurs politiques qui croient se faire une place au soleil en s’inspirant de la méthode Etienne Tshisekedi (animer l’Opposition extra-parlementaire) ont trop peu de chance, sinon aucune de briguer la magistrature suprême.
Averti, le Congolais lambda, victime première et principale de cette méthode (Opposition extra-parlementaire plus forte dans la rue et dans les médias que l’Opposition parlementaire), ne sera plus aussi “tentable” facilement.
A la limite, il optera pour ceux qui connaissent le métier pour peu que ces derniers lui garantissent la volonté et la capacité du changement plus d’une fois promis, mais jamais réellement entamé. En témoigne : le double chiffre du classement de la RDC parmi les 10 pays les plus pauvres au monde et l’incapacité du Gouvernement d’assurer la prise en charge des déplacés de guerre (150 FC l’an).
Sur ces entrefaites, les Opposants ayant autrefois gouverné le pays rêvent du retour aux affaires avec engagement de réparer et d’améliorer. C’est de bonne guerre…
Jeu dangereux
C’est pour dire que le Congo a besoin, désormais – et c’est cela l’intérêt même des élections – d’une Majorité et d’une Opposition issues toutes les deux du même corps électoral : le souverain primaire.
Dans cet exercice, ce n’est pas tout le monde qui est élu. On peut être candidat pour le compte de la Majorité et échouer. On ne bascule pas pour autant à l’Opposition. On reste dans la Majorité, mais dans la “périphérie”.
De même, on peut être candidat pour le compte de l’Opposition et échouer aussi. On ne bascule pas pour autant dans la Majorité. On reste dans l’Opposition, mais dans la périphérie.
Le jeu dangereux consiste à être de l’Opposition sans avoir été élu, mais qu’en se retrouvant dans l’Opposition extra-parlementaire, on cherche à passer pour plus légitime que le compagnon ou la compagne élu (e).
Pire, c’est de voir la Majorité préférer à l’Opposition parlementaire, avec laquelle elle partage pourtant le même cordon ombilical, plutôt l’Opposition extra-parlementaire avec laquelle elle n’a peut-être qu’un lien affectif. C’est juste un stratagème pour réduire l’Opposition parlementaire à la figuration, car on est conscient des conséquences de ce stratagème : l’Opposition parlementaire ne saura pas s’appliquer la loi n°07/008 du 04 décembre 2007 portant statut de l’Opposition politique. Notamment les droits déterminés à l’article 8, à savoir “Etre informée de l’action de l’Exécutif” et “Critiquer ladite action et, le cas échéant, formuler des contre-propositions, sous réserve du respect de la Loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs”.
En définitive, l’Opposition extra-parlementaire forte est contre-productive pour la démocratie et le développement.
Elle n’est responsable devant aucune loi qui puisse la régir…
Omer Nsongo die Lema