L’Ambassadeur Nkengasong : « Il y a donc tant de lacunes que le continent doit combler »

« Vous avez été directeur du CDC Afrique pendant la COVID. Quelle est votre expérience des systèmes de santé africains, des gouvernements et de la réponse à la pandémie ? » A cette question, l’Ambassadeur Nkengasong pense qu’il y a beaucoup de travail à faire en Afrique en partenariat pour continuer à renforcer les systèmes de santé publique et faciliter la prestation de soins de santé en tant que (inaudible).

Il y a plusieurs choses dans des domaines d’intérêt que le PEPFAR a fournies au cours des 21 dernières années qui ont aidé à combler ces lacunes, en particulier dans les domaines de la main-d’œuvre, du renforcement des institutions, du renforcement des réseaux et du travail avec le secteur privé. Ce sont tous des domaines sur lesquels le continent doit continuer à s’appuyer pour promouvoir l’accès à des soins de santé de qualité pour la population, ce qui est si important pour son propre développement.

L’Agenda 23 ne réussira – l’Agenda 2063 ne réussira que si l’on facilite réellement la prestation des soins de santé. Le PEPFAR a été le partenaire clé et le restera alors que nous progressons avec les pays. Nous ne nous contentons pas de prévenir et de traiter le VIH, nous renforçons également les systèmes qui sont nécessaires pour que le traitement du VIH et la prévention des infections soient économiques en termes de coût.

Il y a donc tant de lacunes que le continent doit combler, mais avec des partenaires dont les États-Unis sont très fiers. Comme je l’ai indiqué précédemment, nous avons investi 110 milliards de dollars sur ce continent pour financer la lutte contre le VIH/sida. Une grande partie de cette somme a servi à renforcer les infrastructures nécessaires et nous a permis d’arriver là où nous sommes aujourd’hui. Une fois encore, je me réjouis d’un partenariat très efficace avec les pays d’Afrique avec lesquels nous travaillons pour mettre un terme à cette lutte et, je l’espère, déclarer une génération libérée du VIH/sida dans les six prochaines années environ.




Nécessité de supprimer ces barrières structurelles qui favorisent la discrimination

Quelques questions quelque peu liées ont été posées. La première vient de Joyce Namugambe de Msnews en Ouganda, qui est celle de savoir : « Comment pouvons-nous aider les personnes vivant avec le VIH à le dire et s’exprimer en toute confiance ? » La seconde question, posée par Byamukama Alozious, de Mama FM en Ouganda, est la suivante : « Qu’en est-il de la stigmatisation accrue des patients séropositifs en Ouganda ? »

Pour l’Ambassadeur Nkengasong, les deux questions sont liées. Je pense qu’il faut tout d’abord reconnaître les progrès que nous avons accomplis dans la déstigmatisation du VIH. Nous devons également reconnaître que certaines pratiques qui ont eu cours et continuent d’avoir cours sur le continent – la loi anti-homosexualité en Ouganda – ne permettent pas aux gens de parler librement de leur sexualité et, bien sûr, dissuadent et font obstacle à la lutte contre le VIH/sida. Nous devons donc supprimer ces barrières structurelles qui favorisent la discrimination, la stigmatisation et l’aliénation, en particulier dans des groupes tels que les LGBTQI – les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, et d’autres. Je pense que c’est très important. Cela fait également partie des défis que nous rencontrons dans le domaine du traitement.

Il s’agit donc d’une responsabilité collective, une responsabilité morale de ne pas stigmatiser, criminaliser et discriminer les personnes vivant avec le VIH/sida. Nous ne discriminons pas, nous ne stigmatisons pas les personnes souffrant d’hypertension, de diabète, de maladies cardiovasculaires ou de cancer, alors pourquoi devrions-nous faire de la ségrégation ou de la discrimination à l’égard des personnes atteintes d’une maladie qui peut être guérie. Et même si la maladie n’avait pas de remède, il est de notre responsabilité de faire preuve de compassion, d’attention, de compréhension et de soutien à l’égard de toute personne vivant avec le VIH/sida. Le traitement existe. Personne ne devrait mourir du VIH/sida – à ce stade de la lutte contre le VIH/sida – car nous disposons de traitements très efficaces. Personne, et je dis bien absolument personne, ne devrait mourir du VIH/sida à notre époque.




La science et de l’innovation au secours de la lutte contre le VIH/sida

Un autre journaliste Kenyan, John Muchangi, qui écrit pour The Star, a voulu savoir : « Quel est le plan du PEPFAR pour promouvoir l’accès à la thérapie antirétrovirale injectable à longue durée d’action et au nouveau produit injectable »– « la prophylaxie pr­é-exposition lenacapavir en Afrique ? »

Non, c’est bien ça, Johann. Nous pensons que les nouveaux développements survenus ces deux derniers mois, c’est-à-dire les résultats d’études menées en Afrique, montrent que l’administration de médicaments injectables préventifs à longue durée d’action peut limiter l’apparition de nouvelles infections de près de 100 %, s’ils sont administrés deux fois par an. C’est le cas du lenacapavir, produit par Gilead. Cela nous semble très prometteur.

« Nous avons des conversations très actives avec les dirigeants de Gilead. Nous nous sommes rencontrés à deux reprises lors de l’Assemblée générale des Nations unies et, la semaine prochaine déjà, nous nous réunirons à nouveau avec le Fonds mondial et la Fondation Gates – Bill et Melinda Gates – pour discuter des questions de tarification et d’accès. Nous pensons que cela pourrait changer la donne si nous l’utilisions de manière très ciblée, en identifiant véritablement la population ou la sous-population à risque, et si nous allons vraiment sur place pour administrer les médicaments à grande échelle et de manière cohérente. Car n’oubliez pas que vous devez utiliser ces médicaments ou ces injections deux fois par an pour le reste de votre vie. Nous sommes optimistes et pensons que nous parviendrons à un terrain d’entente – en termes de volumes et de prix – afin de pouvoir traduire ces nouvelles évolutions, les développements scientifiques, en programmes, des laboratoires de recherche à l’administration aux personnes qui en ont besoin, comme nous le disons.

Vous disposez également, à l’heure où nous parlons, d’une prophylaxie pré-exposition orale et injectable à longue durée d’action produite par ViiV, une société qui produit – la société que vous avez mentionnée. Mais cette intervention est administrée tous les deux mois.

Encore une fois, cela montre le pouvoir de la science et de l’innovation dans la lutte contre le VIH/sida. Qui sait, dans les années à venir, si nous avons la chance de bénéficier de la science, d’un investissement continu dans la science, nous pourrons peut-être disposer d’une prophylaxie pré-exposition à longue durée d’action qui ne sera administrée qu’une fois par an. Encore une fois, nous sommes très enthousiastes quant aux nouveaux développements du lenacapavir, injectable tous les six mois, mais nous avons encore du travail à faire pour que le prix en soit vraiment abordable, oui.




« Il reste encore beaucoup à faire pour remédier aux inégalités s’agissant des enfants »

C’est ce que pense l’Ambassadeur Nkengasong, qui répondait à la question de Lilys Njeru, du Nation Media Group, un très grand journal kenyan, qui s’est questionné sur : « Un récent rapport publié par l’ONUSIDA montre que des progrès significatifs ont été réalisés au Kenya. Le nombre de personnes recevant un traitement a presque doublé. Cependant, les enfants sont toujours à la traîne en termes d’accès au traitement. » Elle donne ensuite quelques chiffres. « Pourriez-vous commenter le phénomène du retard des enfants en termes d’accès au traitement ? »

Pour l’Ambassadeur Nkengasong, la situation du retard en ce qui concerne les enfants est préoccupante et devrait l’être pour tous ceux qui se sentent concernés. Si l’on pense aux inégalités en matière de santé mondiale et de santé publique, à l’accès des enfants aux traitements et à la poursuite de la suppression de la charge virale chez les enfants, c’est vraiment quelque chose que nous devrions tous prendre au sérieux, et le PEPFAR en fait une priorité. Le PEPFAR a annoncé l’année dernière une initiative spéciale intitulée « accouchement sans risque et bébés en bonne santé ». Il s’agit d’une initiative de 40 millions de dollars qui vise à renforcer, à continuer à renforcer nos partenariats pour combler les écarts que vous venez de mentionner.

Et ce n’est pas seulement le cas au Kenya. Nous le constatons partout dans le monde, dans tous les pays aidés par le PEPFAR, et nous travaillons avec l’ONUSIDA, le Fonds mondial et d’autres partenaires pour lancer une alliance de lutte contre le VIH/sida chez les enfants. La question clé est toujours la suivante : où sont les enfants ? Où les trouvons-nous ? Comment les atteindre ? Et comment s’assurer qu’ils restent sous traitement une fois qu’ils l’ont commencé ? Et surtout, il faut s’attaquer aux problèmes de la stigmatisation liée à l’identification des enfants et s’assurer qu’ils restent sous traitement. Quel type de régime devrions-nous avoir qui soit facile à utiliser pour les enfants, et ce pour leur vie entière ? Nous avons fait des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire pour remédier aux inégalités s’agissant des enfants.




« Le PEPFAR a facilité le renforcement de plus de 3 000 laboratoires gouvernementaux en Afrique »

Au cours de ce point de presse numérique, M. Elton Mulenga, journaliste indépendant de la Zambie a posé la question suivante : « Le PEPFAR renforce-t-il les capacités du personnel médical dans les pays bénéficiaires ? »

A cet effet, l’Ambassadeur Nkengasong explique que le PEPFAR – nous n’insistons pas assez dans le programme PEPFAR sur la composante de renforcement des capacités. Pour vous donner quelques chiffres, le PEPFAR a facilité le renforcement de plus de 3 000 laboratoires, des laboratoires gouvernementaux, en Afrique.

« Nous avons formé plus de 240 000 travailleurs de la santé. Nous avons renforcé plus de 170 000 établissements de santé sur le continent. Et nous avons soutenu – nous avons joué un rôle essentiel dans le renforcement des systèmes d’information, des systèmes de surveillance et de la gestion de la chaîne d’approvisionnement en produits de base dans de nombreux pays africains, qui ont servi de plateforme pour permettre aux pays de répondre à d’autres menaces de maladies auxquelles ils sont actuellement confrontés, notamment la mpox, la COVID », rétorque-t-il.

Il avoue qu’une grande partie des succès face à la COVID que nous avons constatés en Afrique reposaient sur les travaux mis en place par le PEPFAR. Nous sommes donc très fiers d’être les partenaires du renforcement des systèmes de santé sur le continent. Nous n’aurions jamais atteint les objectifs de sauver 25 millions de vies, de faire en sorte que 5,5 millions d’enfants naissent séronégatifs sans des systèmes très solides, sans le développement des capacités sur le continent. C’est l’un de ces programmes qui (inaudible) les connaissances qui bénéficieront à tous. Le PEPFAR a transformé le paysage de la santé publique mondiale en Afrique.




« L’avenir du PEPFAR après 2030 dépendra de notre réussite et de plusieurs autres facteurs déterminants »

Comment se présente l’avenir du PEPFAR en Afrique après 2030. Prévoyez-vous en quelque sorte moins de financement, moins d’implication de la part des États-Unis ? À quoi ressemblera exactement cet engagement après 2030, pour autant que vous puissiez le dire à ce stade ? Sont là les questions qui ont été posées par Carmen Paun de Politico.

En répondant aux questions de Carmen, l’Ambassadeur Nkengasong pense que sa plus grande priorité aujourd’hui est de travailler avec vous et avec d’autres, avec notre société civile, et de continuer à inciter tout le monde à reconnaître que la lutte contre le VIH/sida n’est pas terminée. Ma priorité absolue est de continuer à travailler avec le Congrès pour obtenir une réautorisation sans réserve pour cinq ans, ce qui nous permettrait d’atteindre notre objectif de 2030. Ce segment est donc très important, car lorsque nous pensons à l’après-2030, nous pensons avant tout à la voie à suivre vers 2030. C’est très important, car l’après-2030 dépendra de notre succès jusqu’en 2030. À l’approche de 2030, je veux dire que nous avons progressé dans la lutte contre le VIH, ou que nous n’avons rien accompli dans la lutte contre le VIH ou que nous sommes parvenus à quelque chose dans la lutte contre le VIH. C’est à cela que ressemblera 2030.

Et de poursuivre, je pense donc que ma priorité ici est de travailler avec tout le monde, principalement avec le Congrès, pour obtenir une réautorisation sans réserve de cinq ans. De cette manière, nous pourrons avoir une conversation durable avec les pays partenaires et leur dire : « Écoutez, abordons notre parcours sur la voie de 2030 dans un esprit de responsabilité et de responsabilisation communes. » Nous avons mis – le gouvernement américain ne conçoit pas la lutte contre le VIH dans une perspective transactionnelle. Nous n’avons pas – nous sommes un partenaire engagé et fier. Nous l’avons fait avec succès et impact au cours des 21 dernières années, et nous n’allons pas baisser les bras.

Après 2030, les résultats permettront de définir une voie à suivre. Mais permettez-moi de dire ceci en guise de conclusion : les États-Unis œuvrent dans le domaine de l’aide extérieure depuis 1961, sous la présidence de Kennedy. Et je ne pense pas que l’aide extérieure, en particulier pour les programmes de santé, sera supprimée. L’avenir du PEPFAR après 2030 dépendra de notre réussite et de plusieurs autres facteurs déterminants, dont je ne peux pas prédire l’évolution en 2030 dans l’état actuel des choses.




En dépit des progrès, la lutte contre le VIH/sida n’est pas terminée (l’Ambassadeur Nkengasong)

« Pensez-vous que l’on puisse considérer le VIH/sida comme la pandémie “oubliée” ? Et parmi d’autres menaces mondiales émergente telles que la COVID-19, la mpox, le changement climatique, et les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, quel impact ceux-ci ont-ils eu sur le financement pour les programmes de lutte contre le VIH au – pas seulement au Botswana, mais en Afrique en général ? »

A ce sujet, l’Ambassadeur Nkengasong tient d’abord à dire que le VIH/sida n’est pas une maladie du passé. C’est une maladie du présent. Et nous devons veiller à ne pas être vulnérables du fait de notre propre réussite. Nous avons obtenu d’excellents résultats en termes de contrôle du VIH. La lutte n’est pas terminée.

Il a, à cette occasion, donné quelques chiffres. L’année dernière, seulement au Botswana, le pays a enregistré 4 200 nouveaux cas d’infection, dont beaucoup chez des jeunes. Je ne pense pas que nous ayons – dans ce pays, enregistré 4 000 cas de variole ou de toute autre maladie émergente. Le VIH est donc toujours là. Le VIH continue de tuer des gens, et si nous savons que, selon les données d’ONUSIDA, l’année dernière seulement, 650 000 personnes dans le monde sont mortes du VIH/sida, 60 % d’entre elles se trouvaient en Afrique, 60 % d’entre elles. Et je ne pense pas que la mpox ait tué 450 000 personnes en un an ; cela représente 60 % des décès, des décès dans le monde. Le VIH est donc toujours présent.

Ce qui est dommage et une mise en garde pour nous tous, c’est que le VIH est une pandémie cachée. Il n’apparaît pas comme ça. Il est très discret dans nos communautés et se propage silencieusement. C’est pourquoi il n’est pas très visible. Et grâce au succès, au succès remarquable que la plupart – que nous avons obtenu au cours des deux dernières décennies, nous n’allons pas dans les cliniques et nous ne voyons pas le visage du VIH et le visage hideux du VIH partout. C’est pourquoi il est juste de dire qu’il n’est plus aussi visible qu’avant sur le radar politique de nombreux pays.

C’est l’une des raisons pour lesquelles j’entame une tournée sur le continent afin de rencontrer les plus hauts dirigeants de chaque pays – pour leur dire, écoutez, nous avons fait des progrès, mais la lutte contre le VIH/sida n’est pas terminée, elle n’est pas finie. Vous devez continuer à mobiliser vos propres ressources dans la lutte, tout comme nous engageons les ressources américaines. Vous devez concevoir vos programmes de manière à ce qu’ils puissent répondre aux besoins actuels et remédier aux inégalités qui existent chez les jeunes enfants, les adolescentes et les jeunes femmes, ainsi qu’au sein des populations clés.

« Je pense donc qu’il faut toujours se rappeler d’où nous venons, et se rappeler que si nous ne parvenons pas à poursuivre nos actions de riposte, le visage hideux du VIH que nous avons vu il y a 20 ans émergera au Botswana et dans de nombreux pays d’Afrique », martèle

-t-il.




« Définir la voie à suivre sur la base de nos succès passés » (l’ambassadeur Nkengasong)

« Comment travaillez-vous avec les pays respectifs pour assurer la durabilité au cas où le PEPFAR prendrait fin un jour ? Les systèmes de santé africains pourront-ils fonctionner de manière autonome ? » C’est la question qui a été posée à M. l’ambassadeur Nkengasong par Mme Fumbe Chanda de Prime TV, en Zambie.

«  Absolument, c’est une très bonne question, Fumbe, car nous devons penser à l’avenir. Le VIH est malheureusement un virus très intelligent. C’est un rétrovirus, ce qui signifie qu’il faudra déployer des efforts considérables, si nous avons la chance de disposer d’un vaccin et d’un remède, pour pouvoir dire que nous avons éradiqué le VIH ou éliminé le VIH, tout comme nous l’avons fait pour la polio – nous le faisons pour la polio ou la variole », répond-t-il.

Et d’ajouter que cela signifie que nous devons réfléchir aux moyens de poursuivre les progrès que nous avons réalisés au cours des 21 dernières années en maintenant les personnes sous traitement et en veillant à ce que le nombre de personnes nouvellement infectées diminue. Le dialogue est donc ouvert : comment atteindre nos objectifs pour 2030, dont nous sommes tous convenus dans le cadre des objectifs de développement durable, afin de mettre fin à la menace du VIH/sida pour la santé publique et de nous projeter au-delà de 2030 ? La réalisation de ces objectifs passe par des conversations claires avec les pays partenaires tels que le Botswana sur les questions suivantes : que pouvons-nous faire pour poursuivre sur cette voie ? Il ne s’agit pas de mettre fin au PEPFAR ; Il s’agit plutôt de définir la voie à suivre sur la base de nos succès passés.




Dans un point de presse numérique: L’ambassadeur Nkengasong donne les grandes lignes du plan présidentiel d’aide d’urgence des États-Unis à la lutte contre le sida (PEPFAR)

« L’avenir du rôle du PEPFAR, le plan présidentiel d’aide d’urgence des États-Unis à la lutte contre le sida, en Afrique », c’est le thème du point de presse numérique abordé par l’ambassadeur John N. Nkengasong, coordonnateur des États-Unis pour la lutte mondiale contre le sida et haut responsable du Bureau de la sécurité et de la diplomatie sanitaires mondiales.

Dans son mot introductif, le modérateur a indiqué l’ambassadeur John N. Nkengasong, haut responsable du Bureau de la sécurité et de la diplomatie sanitaire mondiale, et coordonnateur des États-Unis pour la lutte mondiale contre le sida. « L’ambassadeur Nkengasong nous parlera du PEPFAR, le plan présidentiel d’aide d’urgence des États-Unis à la lutte contre le sida, de l’importance de l’établissement de solides partenariats public-privé pour assurer la viabilité de la riposte, de la prise en charge de la riposte au VIH/sida par les gouvernements et de leur leadership dans ce domaine », dit-il.

« Je suis très heureux de voir certains visages familiers sur cette plate-forme. Les médias et la presse jouent un rôle essentiel dans notre réponse collective aux menaces de maladies, et même dans nos programmes collectifs de santé sur le continent. C’est donc pour moi un honneur de continuer à échanger avec vous tous sur cette plateforme », a indiqué l’Ambassadeur Nkengasong.

Et d’ajouter que cet après-midi, je suis à Gaborone, au Botswana, et j’ai passé la semaine dernière en Afrique du Sud pour sensibiliser le public à deux questions. La première a trait à une feuille de route, notre réflexion sur l’approche de notre parcours sur la voie des objectifs de 2030 et au-delà, en poursuivant les actions de lutte contre le VIH/sida que nous menons depuis 21 ans dans le cadre du PEPFAR, le plan présidentiel d’aide d’urgence des États-Unis à la lutte contre le sida.

A l’en croire, il est temps d’en parler, car nous avons fait d’énormes progrès. Un pays comme le Botswana a atteint les trois objectifs de 95 fixés par l’ONUSIDA, un programme commun des Nations unies contre le sida, selon lequel nous devons essentiellement, d’ici 2025, nous assurer que chaque pays identifie 95 % des personnes touchées, qui doivent connaitre leur statut, que 95 % d’entre elles sont sous traitement et que la charge virale de 95 % d’entre elles est supprimée. Le Botswana a atteint cet (inaudible). La lutte contre le VIH/sida n’est pas terminée, nous devons donc poursuivre ces actions de riposte, continuer à traiter les personnes infectées et prévenir les nouvelles infections.

« Je pense que globalement, au cours des 21 dernières années, le PEPFAR a investi plus de 110 milliards de dollars, et au Botswana, il a investi plus d’un milliard de dollars dans le cadre de notre partenariat avec le gouvernement, ce qui a contribué à la réussite que je viens de vous décrire », note-t-il.

Comme je l’ai dit, insiste-t-il, le PEPFAR s’est engagé à accompagner le peuple botswanais vers une génération sans sida, d’ici 2030 nous l’espérons.




Le prof Michel Nsomue scrute la 1ère sortie médiatique de la Première ministre Judith Tuluka

J’ai franchement aimé cette interview de la Première Ministre de la RDC : sa pertinence dans les réponses, son humilité face à la presse, sa vue globale de la situation de la vie nationale, son expression facile, sa dextérité dans le contexte, …

J’ai aussi aimé la sélection des journalistes dont je connais personnellement le professionnalisme dans le domaine des interviews, principalement Alain Irung de la Radio Okapi et sa consœur Odia de la RTNC avec lesquels j’ai déjà eu, dans le passé, pas mal d’entrevues dans le cadre de leurs émissions.

Néanmoins, n’eût été la voix féminine de la Première Ministre, j’aurais cru entendre parler Adolphe Muzito ou Matata Ponyo sur l’essentiel des questions économiques.

C’est là que je note l’absence cruelle de l’innovation : les mêmes propos sur la diversification de l’économie nationale, l’amélioration du climat des affaires, la stabilisation de la monnaie, la baisse du prix du carburant, les arrangements avec les syndicats des travailleurs, la spéculation des commerçants, la protection du pouvoir d’achat de la population, etc.

Mais, à la suivre de près, les réponses de Judith Tuluka me semblent plutôt être, en réalité, des questions auxquelles elle n’a pas, elle-même, de réponses à donner.

Par exemple :

– Au chapitre des réalisations de son gouvernement dans les 100 jours:

Mme Tuluka s’accroche à la baisse des prix à la pompe du carburant (et, plus loin, à la stabilisation du taux de change). Le reste, ce sont des mesures prises ou à prendre pour d’hypothétiques résultats futurs.

Mme semble avoir oublié qu’au tout début du mandat de l’actuel Président, la ministre de l’Economie de l’époque, Mme Acacia Bandubola, avait pris la même mesure de baisser les prix à la pompe, avec le même engagement de l’État d’apurer le manque à gagner des pétroliers distributeurs. La suite est connue, c’est-à-dire, la reprise, un peu plus tard, des mêmes prix à la hausse, sans qu’un seul bien sur le marché, ait reflété, une seule fois, la baisse tant vantée des prix du carburant.

Curieusement, la Première Ministre ne semble pas réaliser qu’elle est en train de poser la question fondamentale du prix d’équilibre du marché (et même celle de la nature de notre marché des biens et services). En l’occurrence, le prix de CDF 2990 à la pompe relève-t-il d’un caprice ministériel ou d’une expression concertée de l’offre et de la demande ? Du coup, vient une autre question : pourquoi les prix des autres biens ne réagissent-ils pas spontanément à cette baisse des prix du carburant ?

A cette question, la réponse de la Première Ministre nous renvoie à la théorie falsifiée des délais d’attente. Cette théorie de Judith Tuluka, en rapport avec l’existence des stocks anciens, ne serait-elle valable que pour le cas de la baisse des prix du carburant et/ou de la baisse du dollar américain sur le marché des changes? Pourquoi ces mêmes opérateurs ne s’offrent-ils jamais un délai d’attente lorsqu’il s’agit d’augmenter leurs prix de vente à l’occasion de l’embardée du dollar ou de la hausse du prix du litre d’essence à la station ?

Comme ses prédécesseurs, Mme Tuluka, omettant de considérer “la défaillance du marché, au Congo, a plutôt l’explication ci-après.

La spéculation des commerçants véreux

C’est l’alibi naturel de chaque Premier ministre lorsque les prix s’éloignent des espérances du gouvernement. Pourtant, en ce disant, Mme Tuluka esquive, tout en la soulevant, la pertinente question de savoir : Pourquoi les opérateurs économiques préfèrent-ils spéculer au lieu de “faire confiance” aux décisions du gouvernement ? En d’autres termes, pourquoi les opérateurs économiques anticipent-ils toujours l’échec, à terme, des mesures apparemment salutaires du gouvernement ? Là, également, Mme la Première Ministre se trompe de réponse et accuse les opérateurs économiques d’un déficit de patriotisme. Ce n’est pas une réponse économique. Elle est, peut-être, scientifique, mais, en tout cas, pas de la science économique qui ne repose que sur le principe de l’intérêt. Du reste, sauf votre respect, Mme, la spéculation, en Économie, est une vertu cardinale parce qu’elle est indissociable de la rationalité ou, plus précisément, des anticipations rationnelles. Plus encore, elle fait partie de ce qui suit :

Le climat des affaires

Ça ne pouvait pas manquer aux propos d’une ancienne ministre du Plan. Mais le problème est que ce disque rayé est comme une prière effacée que le vieux prêtre, la récitant, se croit en train de lire dans son grimoire froissé. Comment peut-on se plaindre du mauvais climat des affaires dans une économie du sauve-qui-peut ? Qui sait précisément à quel système économique appartient effectivement la RDC si on tient compte des caractéristiques classiques de chaque système économique ? Dans une économie dont plus de 90% de la population opèrent dans le secteur informel, y compris le gouvernement de temps en temps, quelles sont les normes d’un bon climat des affaires ? Et, s’il y en a, quelles leçons le gouvernement Suminwa a-t-il déjà tirées de l’échec de ses prédécesseurs dans ce seul domaine de l’amélioration du climat des affaires ? Parmi les mesures que ce gouvernement a déjà prises ou entend prendre, laquelle est-elle nouvelle aux oreilles des agents économiques ?

De là à passer au chapitre suivant, j’ai l’impression que la politique économique prend les formes d’un jeu de saut-de-mouton.

De la diversification de l’économie nationale

Aux dires de la Première Ministre, c’est la dernière planche de salut. On dirait une sorte de viatique pour sauver l’économie et le pays des flammes de l’enfer. Mais que signifie, sans qui-pro-quo, la diversification d’une Économie ? Est-ce, comme j’ai cru l’entendre, le simple fait de la transformation de nos matières premières en produits finis ? Ou, encore cette assertion de “la revanche du sol sur le sous-sol”?

Si tel est le cas, alors, dans un cas comme dans l’autre, nous avons encore de longs jours à attendre. A ce sujet, la Première ministre n’a pas touché mot sur l’absence cruelle de la Structure économique de la RDC. Comment peut-on diversifier une Économie désintégrée, déstructurée, désarticulée, …? En un mot, une “économie noire”.

Encore que l’économie en question échappe, dans sa partie formelle et officielle, au contrôle des nationaux: le transport, les mines, les banques, la communication, … Donc une sorte d'”Économie étrangère domiciliée au Congo”.

A la place, le gouvernement y voit plutôt ce qui suit.

Le problème des infrastructures (et de l’énergie)

Sans Structure claire, visible, lisible et crédible, à quoi ressembleraient ces fameuses “infrastructures” ?

Pour faire bref, arrêtons-nous aux infrastructures routières dont la Première Ministre a parlé : 58.000 kms de routes laissées par les belges, c’est-à-dire, les routes coloniales. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Il s’agit des routes que le colonisateur avait tracées pour l’intérêt de la colonisation, c’est-à-dire, de la spoliation des ressources naturelles de la RDC vers la Belgique. En d’autres termes, il s’agit des routes qui répondent de la logique de l’extraversion et de la désarticulation de l’économie congolaise au profit du développement de l’Occident. Les routes d’appauvrissement de la cohésion nationale. C’est tout l’objet du Cours de Géographie des Transports enseigné à tous les étudiants de la Faculté des Sciences Économiques en RDC; cette géographie qui oriente toutes les voies de communications vers le Fleuve Congo en vue de l’acheminement de nos produits vers l’étranger.

A quand les routes d’intégration nationale, des routes de communication inter-ethniques, des routes de facilitation des échanges à l’intérieur du pays ?

Du coup se pose la question de l’étendue du marché intérieur dans un espace géographique désintégré (La Première Ministre y a subtilement fait allusion). Et on comprend, en même temps, pourquoi les fonctions de demande et d’offre sont en convergence parallèle (pour paraphraser feu Laurent Cardinal Monsengo”). Et on produit ce qu’on ne consomme pas, et on consomme ce qu’on ne produit pas. Comment la diversification peut-elle tenir dans un système où l’offre et la demande se boudent ?

Dans ce contexte, comment parler de la création des emplois? Mme Tuluka en a dit quelque chose :

S’agissant de la création des 6 millions d’emplois en 5 ans

Ce qui m’a fait sursauter, c’est que, pour le gouvernement Tuluka, il est impossible que l’Etat congolais, lui-même, engage, dans ses services, sur 5 ans, 6 millions de Congolais sur une population estimée autour de 120 millions d’habitants.

Pourtant, non seulement on a beaucoup déploré la pléthore des services de l’État, notamment à la Présidence de la République, mais aussi et surtout, il est de notoriété que l’Etat congolais est drôlement absent du territoire national. En clair, il est facile d’effectuer 100 kms de route, à l’intérieur du pays, sans y trouver le moindre service de l’État ! Un des prédécesseurs de Mme Tuluka, en l’occurrence Matata Ponyo, avait aligné, parmi les priorités de son programme gouvernemental, l’impératif d’assurer la présence physique et l’autorité juridique de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national. Quand bien même ceci n’était qu’une autre des promesses politiciennes, il n’en reste pas moins que l’Etat congolais n’a pas capitalisé la Loi d’Okun (la production est une fonction positive du facteur travail). En clair, des pays comme la France, où la technologie limite les besoins en ressources humaines, sont capables de compter jusqu’à 5 millions de fonctionnaires de l’État. A combien plus forte raison, l’État congolais, dont la présence et les services devraient s’étendre sur un territoire aussi vaste qu’un demi-continent (2.345.410 km2), en plus menacé de toutes parts par ses 9 voisins, devrait-il ressentir le besoin de compenser son déficit technologique par sa main d’œuvre surabondamment inutilisée ?

Il n’est, cependant, pas faux de reconnaître au secteur privé la place d’honneur dans l’emploi de la main d’oeuvre. Par contre, Madame la Première Ministre a omis, de compter, parmi les préalables à cet engagement privé, l’absence drastique d’un “marché de travail” structuré, sur lequel devraient se croiser les offres et les demandes en vue de la détermination du “salaire d’équilibre”. C’est, pourtant, ici le fond de la question de la protection du pouvoir d’achat de la population. Mais qu’est-ce que la PM en dit?

Au chapitre de la protection du pouvoir d’achat de la population

Sur cette question, la Première Ministre évoque la deuxième principale réalisation de son gouvernement (après la baisse des prix du carburant), à savoir : la stabilisation de la valeur de la monnaie nationale sur le marché des changes. Évidemment, le gouvernement congolais demeure dans le seul raisonnement des économies extraverties. C’est l, peut-être, soit une obsession soit une obstination. Car, le taux de change, dans une économie normale, n’est pas un déterminant significatif du pouvoir d’achat. C’est “la valeur externe” de la monnaie nationale. A la limite, il y a des économies qui se battent pour maintenir leurs monnaies faibles par rapport aux monnaies étrangères. En l’occurrence, la dépréciation de la monnaie offre des avantages significatifs sur la balance commerciale.

La Chine en emmerde les USA. Mais, qu’importe! Parlons du Congo. Non, Madame la Première Ministre, souffrez que je vous le dise: le gouvernement n’a pas stabilisé la valeur (même externe) du Franc congolais. Il faut faire la part des choses entre la statique et la stabilité ; la statique ou l”immobilisation du taux de change par des forces ou décisions inertielle s’oppose à la dynamique ou la stabilisation, dans ce contexte, des mouvements du taux de change. La première (la statique) est déséconomique parce qu’elle sort l’économie de sa vocation naturelle qui est : “le mouvement”. La deuxième (la dynamique) est impossible dans le contexte d’une monnaie facultative, voire inutile, comme le Franc congolais, parce que vidée de toutes les propriétés monétaires.

Voilà pourquoi il est impossible d’arrêter la dégringolade du Franc congolais sans bloquer les salaires des agents et, même, nombre de dépenses essentielles de fonctionnement de l’Etat. Il n’est pas normal, moins encore vrai, de prétendre améliorer le pouvoir d’achat des individus lorsque ces derniers sont privés des revenus de leur travail. On ne peut pas prétendre stabiliser la monnaie nationale en privant l’Etat des moyens de son fonctionnement normal et, même, des moyens de sa souveraineté internationale. Nous sommes, par-dessus tout, un pays en guerre et un potentiel thésaurisé des ressources inexploitées ! En français facile, les mesures politiques de répression financière, en pareilles circonstances relèvent soit du cynisme politique, soit du suicide volontaire.

Il va sans dire que cette question de protection du pouvoir d’achat appelle, donc, au-delà du problème crucial d’organisation du marché du travail actuellement absent en RDC, une lecture sérieuse de la conception du budget de l’Etat et de la gestion de la monnaie nationale dont se félicite le gouvernement.

Je promets d’y revenir plus tard, parce que, à mon avis, par la faute des journalistes, la Première Ministre n’en a pas eu de questions pertinentes.

Qu’à cela ne tienne, cette interview de la Première Ministre de la RDC m’a donné l’occasion de découvrir du potentiel gigantesque qui gît dans cette grande dame. Je crois qu’elle est capable de relever de grands défis auxquels le pays est confronté, si et seulement si, bien entendu, elle s’appuie plus sur ses armes d’économiste que sur son militantisme politique.

Je soutiens Judith Suminwa.