Ce qui (nous) arrive à Kinshasa depuis le second semestre de 2024 au travers des embouteillages n’a rien de phénomène. C’est la conséquence normale de la non-planification des dispositions à prendre absolument pour les prévenir, les éviter. En l’espèce, la première disposition est l’état du réseau routier, la deuxième la quantité et la qualité des véhicules en circulation, la troisième le nombre d’usagers en circulation quotidienne dans une mégalopole de plus de 15 millions d’habitants, ville sans tram ni métro, ni bateau et, pire, ni transport public par bus en nombre suffisant. Aucune Institution ne peut à ce jour prétendre disposer des données fiables, même approximatives…
Absence d’une politique d’urbanisation prospective
Kinshasa est une agglomération tentaculaire en ce qu’elle s’étend dans toutes les directions, sans respecter la moindre des règles d’urbanisme. Naturellement, la voirie ne suit pas.
Au cours de ces 64 ans et demi d’indépendance, le tracé routier n’a pas véritablement évolué. Les routes laissées par la colonisation sont les mêmes. On en veut pour preuve l’avenue Kabambare qui va de Barumbu à Lingwala (rond-point Démocratie, ex-Huileries). C’est un boulevard. De même, du même rond-point, l’avenue Nyangwe jusqu’au croisement de Libération (ex-24 novembre). C’est un boulevard. De là, l’avenue Sergent Moke tronçon Libération et Rond-point Socimat/GB. C’est un boulevard. Vient l’avenue de l’Union africaine de ce rond-point jusqu’à l’hôtel Diplomate. C’est aussi un boulevard.
Il est possible d’avoir un long boulevard du quartier Bon Marché à l’hôpital de Kitambo. Hélas !, au niveau de l’école Dr Shaumba, le complexe ecclésial de Philadelphie a rétréci la chaussée avec risque de voir d’autres riverains en faire autant.
Autre exemple : en 64 ans et demi d’indépendance, la rivière Ndjili ne compte que le pont routier du Bld Lumumba. Comparativement à Paris, la Seine en aligne 37 ponts ! Autre exemple également : entre le rond-point Ngaba et la bifurcation Triangle (entrée de la cité Mama Mobutu), l’avenue By Pass n’a que deux avenues parallèles : Kimwenza et, tout récemment aménagée, Elengesa. L’absence d’une politique d’urbanisation prospective est la cause principale des embouteillages dans la capitale.
Bref, le laisser-aller trop longtemps entretenu nous rattrape
Or, il n’y a pas que la voirie urbaine.
Il y a tous les autres secteurs de la vie nationale : santé, éducation, eau, électricité, alimentation, habitat, sécurité, justice, sports, tourisme, emploi, transport, Industrie, pouvoir d’achat, syndicat, parti politique, ONG, médias, télécommunications, minerais, commerce, tourisme, justice, élections, fonction publique, etc.
Déjà, faute de recensement général, un pays s’est volontairement mis dans l’impossibilité connaître sa propre démographie ! La dernière opération d’identification remonte à 1984. Celle lancée avec l’Onip depuis le 30 juin 2023 tarde à prendre forme.
A partir de cet instant, avouons qu’il y a navigation à vue dans tous les domaines nécessitant des statistiques fiables et viables.
En effet, comment peut-on planifier la construction des infrastructures de base sans en déterminer d’abord les besoins quantitatifs et qualitatifs ?
Quand, dans un Programme donné, le Gouvernement annonce la construction de 1000 écoles, de 2000 dispensaires, de 3000 mini-centrales hydroélectriques et de 4.000 forages d’eau, on doit bien se demander sur quelles données démographiques et géographiques se fonde-t-il dès lors que les réalités du territoire de Bokungu sont différentes de celles du territoire de Kole !
Conséquences multiples et multisectotrielles :
-embouteillages dans des centres d’éducation (salles de cours en surnombre de l’école primaire à l’université),
-embouteillages dans des casernes militaires,
-embouteillages dans les locaux de l’administration publique,
-embouteillages dans les centres santé,
-embouteillages dans les cachots et prisons,
-embouteillages dans les quartiers, les parcelles ou les maisons pour cause de proximité,
-embouteillages dans les églises,
-embouteillages dans les moyens de transport,
-embouteillages dans la desserte en électricité eten eau potable,
-embouteillages dans l’organisation du processus électoral,
-embouteillages devant les guichets des banques à chaque paie des fonctionnaires,
-embouteillages dans les organisations politiques,
-embouteillages dans les groupes armés,
-embouteillages dans les prix sur le marché,
-embouteillages dans le trafic fluvial et lacustre,
-embouteillages même dans les insultes, toutes catégories sociales confondues.
Bref, le laisser-aller trop longtemps entretenu nous rattrape, mais alors de la mauvaise façon.
L’essentiel est de repenser le Congo
En effet, de 1960 à ce jour, le Congo a connu 5 changements de régime successivement avec Joseph Kasa-Vubu, Mobutu Sese Seko, Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila et Félix Tshisekedi.
Aucun de ces changements n’a cependant obéi à la notion sacrée de continuité de l’Etat.
A l’exception peut-être de Joseph Kasa-Vubu entré en fonction en connaissant un peu plus l’état des lieux du pays hérité de la Belgique, aucun de ses successeurs ne peut prétendre avoir joui du même privilège.
Mobutu a pris le pouvoir sans avoir une idée exacte de ce qu’était la 1ère République. Mzee Kabila a pris le pouvoir sans savoir ce que le pays représentait. Joseph Kabila lui a succédé sans en avoir une idée exacte.
La petite expérience Fcc-Cach avec Félix Tshisekedi et Joseph Kabila a été gâchée, et on en fait les frais. D’ici à 2028, le successeur du chef de l’Etat en fonction pourrait vivre la même infortune. Ceci au niveau de la gouvernance institutionnelle.
Au niveau des entreprises, des établissements et des services publics, il y a la propension pour l’équipe sortante à cacher certaines réalités à l’équipe entrante, et pour celle-ci à se méfier de tout héritage. A commencer par soupçonner par avance de traîtrise l’expertise trouvée.
Résultat : les structures d’Etat sont obligées de vivre de rupture des programmes à chaque changement d’équipe dirigeante.
Au bout du compte, on se retrouve avec des embouteillages du fait de pléthore du personnel, de carence de locaux et de mobiliers, d’insuffisance de l’enveloppe salariale, de dispute autour des missions de service, etc.
Que faire alors ?
Ce qu’il faut faire, c’est de commencer par admettre que la RDC a tout d’un corps malade et que le phénomène “embouteillages”, en observation à Kinshasa, est la conséquence normale de tout manque de planification.
C’est bon, par exemple, de voir l’État préconiser le bétonnage pour les artères non adaptées au bitumage. Mais, a-t-on songé aux “embouteillages” que sont les inondations liées au changement climatique ? Certainement pas.
C’est qu’il faut alors faire, c’est aller à l’organisation d’une sorte d’États généraux de la République, peu importe la dénomination à lui trouver.
L’essentiel est de repenser le Congo. L’autre dirait, de ré-créer, de refonder le pays. On sent déjà le frémissement du corps dans le chef de ceux qui y voient un appel au dialogue ! Les embouteillages (lisez aussi embrouilles), ils en ont fait un double modus : l’operandi et le vivendi…
Omer Nsongo die Lema