Lettre ouverte au Président Félix Tshisekedi : «Svp, pour une fois, prêtez une oreille attentive à l’initiative CENCO-ECC sur le Pacte Social»”
Cette initiative a pour titre complet : « Feuille de route pour le Pacte Social pour la Paix et le Bien-être ensemble en RDC et dans la Région de Grands Lacs ».
Excellence Monsieur le Président de la République,
Le 15 janvier 2025, deux Eglises chrétiennes pionnières en RDC, en l’occurrence l’Eglise Catholique Romaine et l’Eglise du Christ au Congo, ont cosigné et publié une feuille de route dont le contenu est résumé est inspiré de Matthieu 5,9 et Psaume 133, à savoir «Ma priorité c’est la Paix et le Bien-Vivre-ensemble». Elles font le constat suivant : «Les conflits politiques et armés ainsi que leur cortège de divisions et d’impacts dévastateurs sur la vie humaine, l’environnement et les conditions socio-économiques de nos peuples ne peuvent plus nous laisser indifférents. Chaque jour qui passe est un jour de trop ! Et jour après jour, le temps nous fuit et les sombres perspectives d’une catastrophe humanitaire aux conséquences incalculables se précisent. Hâtons-nous donc de sceller en toute responsabilité et toutes affaires cessantes ce ‘Pacte social pour la Paix et le Bien-Vivre-ensemble en RD Congo et dans les Grands-Lacs’».
Excellence Monsieur le Président de la République,
Depuis, c’est le branle-bas de combat au sein des états-majors des forces politiques et sociales membres de l’Union sacrée de la nation, plateforme dont vous êtes le Haute Autorité de Référence. Les réactions sont des plus acerbes, preuve de la colère non ruminée à l’égard des Catholiques et des Protestants devenus, selon vos proches, le relais de l’Opposition.
Dans leur déclaration commune, ces églises exhortent les personnes de bonne volonté «à manifester une adhésion massive et enthousiaste à cet Appel prophétique et pastoral de la CENCO et de l’ECC, lequel nous convie à interagir et à échanger sur base entre autres des postulats suivants” :
“- Revenir à nos valeurs sociologiques et spirituelles de Bumuntu pour construire la Paix durable et le Bien-Vivre-ensemble en RDC et dans la Région des Grands-Lacs”.
“- Privilégier les consensus par le palabre pour trouver des solutions idoines aux causes profondes à la base des conflits politiques et armés qui endeuillent interminablement la RD Congo et ensanglantent cycliquement la sous-région des Grands-Lacs”.
“- Nous unir dans le respect de nos diversités pour bâtir une Afrique forte, unie et prospère face aux défis de la mondialisation (…)”.
“- Influencer les dirigeants politiques d’Afrique en général et de la Région des Grands-Lacs en particulier à adhérer à cette initiative socio-spirituelle pour faire cesser les bruits des armes dans notre continent et à construire des Partenariats bilatéraux et multilatéraux pour notre développement intégral et durable (business for peace), mettant fin à l’exploitation illicite des ressources naturelles en RDC et aux conflits armés dans la Région des Grands-Lacs”.
“- Interpeller la Communauté internationale à accompagner en toute responsabilité et sincérité les peuples africains à construire et léguer un continent où règnent la justice, la paix et les meilleures conditions de vie et environnementales aux générations futures».
Excellence Monsieur le Président de la République,
A votre place, moi, Omer Nsongo die Lema, je serais le premier à adhérer à cette initiative dès lors qu’elle s’insère, mieux elle s’incruste dans votre vision initiale lorsque vous avez fait adhérer la RDC à la CAE (East African Community), lorsque vous avez proposé au Rwanda une coopération win win, lorsque vous avez renforcé la participation de la RDC à la SADC, à la CIRGL et à la CEEAC, organisations sous régionales dont plusieurs Etats sont membres.
Certes, il y a l’agression rwandaise et le terrorisme M23 et AFC. Mais, vous serez d’accord avec moi qu’il s’agit d’incidents de parcours du moment que les peuples des Grands Lacs – qui sont dans leur grande majorité transfrontalière – survivront à cette situation.
En effet, contrairement à la thèse consacrée jusque-là, la latte utilisée à Berlin 1885 pour procéder au découpage de l’Afrique n’a jamais été une arme de conflits entre Etats :.c’est plutôt un bâton de paix entre communautés.
En toute logique, et pour prendre le cas précis du conflit actuel, dès l’instant où il a conscience de la présence des Tutsi en RDC, le Rwanda ne peut pas attaquer son voisin. De même qu’à partir du monde où elle a conscience de la présence des Hutu au Rwanda, la RDC ne peut pas attaquer le Rwanda. La latte de Berlin a mis des Hutu de part et d’autre de la frontière, de même des Tutsi.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Telle qu’elle doit être perçue, l’initiative combinée «CENCO-ECC»” du Pacte Social trouvera un écho favorable auprès des partenaires nationaux, étrangers et internationaux que je vous conseille en toute modestie d’approcher et non de négliger. C’est dans votre intérêt en tant que Chef d’Etat et Citoyen.
Hasard du calendrier ou non, trois jours après la publication de cette initiative, recevant le corps diplomatique pour le message traditionnel de Nouvel An, vous avez déclaré : «Le dialogue avec un groupe terroriste comme le M23 est une ligne rouge que nous ne franchirons pas».
La veille, intervenant comme «Grand Invité Afrique Rfi», le ministre angolais des Affaires étrangères Téte António a déclaré : «…il y a une question qui bloque jusque-là, c’est justement la question du M23. C’est ça le hic qu’il faut chercher à résoudre. Nous sommes convaincus que la guerre ne résoudra pas le problème. Si, plus tôt on peut aller à une table des négociations plutôt que de faire la guerre pendant plusieurs années pour revenir à la même table, autant prendre le raccourci». Le raccourci auquel allusion est faite est le dialogue direct.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Au regard de ce précède – j’aimerais sincèrement avoir tort – l’enchaînement des faits ne peut que vous interpeller, nous interpeller tous indistinctement. Voici pourquoi :
-15 janvier 2025. La CENCO et l’ECC lancent l’initiative du « Pacte Social » impliquant la Communauté internationale dans la crise des Grands Lacs.
-16 janvier 2025. Le Président angolais Joao Lourenço, Médiateur de l’Union Africaine dans le conflit RDC-Rwanda, effectue une visite d’Etat en France où il échange avec son homologue français Emmanuel Macron des questions de sécurité en Afrique, dont celle du Processus de Luanda.
-17 janvier 2025. Le ministre angolais des Affaires étrangères Teté Antonio suggestionne le dialogue RDC-M23.
-18 janvier 2025. Le Chef de l’Etat congolais répond : niet !
A la lumière de ce qui précède, par sa prise de position, la RDC agit comme si elle mettait fin au «Processus de Luanda» dans sa configuration actuelle.
La conséquence pourrait être la prise de relais par l’initiative «CENCO-ECC» qui ouvre, elle, la perspective de sa relance sous un format élargi.
Or, 2025 a la particularité de voir le Médiateur angolais exercer la présidence tournante de l’Union Africaine. Le sommet prévu à cet effet va du 17 au 18 février. Ce qui a pour double effet de renforcer son autorité sur le continent et sa crédibilité dans les institutions internationales et auprès Etats étrangers tous intéressés par la situation sécuritaire dans les Grands Lacs en général, la RDC en particulier.
Excellence Monsieur le Président de la République,
A votre place, je tiendrais compte de tous ces facteurs pour pouvoir garder l’initiative politique au lieu de la subir.
Pour l’Histoire, de 1996 à 1997, le maréchal Mobutu avait perdu cette initiative sous la pression interne de l’Udps. Et de 1998 à 2001, Laurent-Désiré Kabila avait perdu la même initiative, encore sous la pression interne de l’Udps. A partir de 2016, Joseph Kabila a perdu l’initiative politique.
Il n’est pire posture pour un chef d’État en fonction que celle de ne pas la garder !
C’est le sens du titre.
Omer Nsongo die Lema