L’encre du communiqué du 11 mars 2025 de la Présidence de l’Angola commençait à peine à sécher et le débat à la kinoise à enfler qu’une date était déjà annoncée pour la réunion de prise de contact entre la délégation du Gouvernement de la République et la délégation du M23-AFC à Luanda : le 18 mars prochain. Comme pour signifier particulièrement à Kinshasa qu’il n’a désormais pas à continuer de compter sur elle, la SADC, réunie en sommet extraordinaire par visioconférence le jeudi 13 mars, a décidé du retrait de ses troupes déployées sur le territoire congolais dans le cadre de sa Force régionale. De quoi démotiver les troupes sud-africaines et burundaises présentes pourtant en RDC dans le cadre de la coopération bilatérale. Bref, la RDC se retrouve (comme) seule.
Il va falloir se préparer à d’autres couacs
Que va-t-il se passer d’ici au 18 mars 2025 ? Il y a déjà la position positive du principal acteur en la personne du chef de l’Etat congolais : Félix Tshisekedi. Pendant que certains boutefeux suggestionnent la contestation du schéma angolais, le Chef de l’Etat s’est congolais s’est prononcé clairement. «Cette démarche qu’il assume pleinement et avec détermination témoigne de la volonté de l’Angola d’accompagner notre région vers une sortie de crise. Il est crucial que les décisions prises à cette occasion se traduisent rapidement en actions concrètes sur le terrain», ont affirmé ses services le jeudi 13 mars. Ça, c’est côté jardin.
Côté cour, le miracle serait la non répétition de l’histoire. La “tradition” installée depuis l’Afdl en 1996 est de voir la veille de chaque rencontre importante entre belligérants la prise ou la reprise d’une ville ou d’une localité. On l’avait vécu par exemple le 10 juillet 1999 lors de la signature de l’Accord de Lusaka. Ce jour-là, pendant que la délégation gouvernementale s’était retrouvée avec des facilitateurs et des témoins, le Rcd et le Mlc s’étaient organisés, eux, pour être absents. Ils étaient en train de s’emparer d’autres contrées parce que le poids des territoires occupés était érigé en critère de participation aux négociations. Cette “tradition” s’était manifestée jusqu’à la veille et même pendant le Dialogue Intercongolais à l’étape de Sun City. La prise de Moliro était intervenue le 16 mars 2002 alors que le round de Sun City s’était ouvert le 25 février !
La “tradition” va se confirmer sous le Cndp et, plus tard, le M23 première version.
Ainsi, quand on verra les Fardc avec les Wazalendo ou la coalition M23-AFC avec l’armée rwandaise bouder un rendez-vous et prendre des nouveaux coins du pays, c’est dans la tactique des négociations. De même que la surenchère. C’est le cas avec le communiqué du 13 mars 2025 du M23-AFC évoquant “L’absolue nécessité que M. Tshisekedi exprime publiquement et sans ambiguïté son engagement pour des négociations directes avec notre organisation”.
D’aucuns pourraient y trouver matière à blocage. Effectivement, ça l’est. Il va falloir se préparer à d’autres couacs.
De un, de deux, de trois
Le premier pourrait être celui du cadre de la rencontre du 18 mars 2025.
Pour le Gouvernement – à différencier du Président de la République – c’est le Processus de Nairobi aujourd’hui fusionné avec celui de Luanda. C’est aussi la résolution 2773 (2025) du 21 février 2025 du Conseil de sécurité de l’Onu.
Pourtant, à la lecture pragmatique des enjeux sur le terrain, il se révèle que le Processus fusionné est encore au stade informel, cela en attendant sa formalisation par le prochain sommet conjoint EAC-SADC.
Partant, l’Initiative Lourenço (terme employé pour établir la distinction avec le Processus de Luanda) semble se passer de ce cadre. Ceci de un.
De deux, les exigences du Conseil de sécurité sont (comme) mises entre parenthèses. Personne de raisonnable ne voit aujourd’hui le M23-AFC, par exemple : “se retirer de Goma, de Bukavu et de toutes les zones contrôlées, y compris les voies terrestres et lacustres, et annuler complètement la mise en place d’administrations parallèles illégitimes sur le territoire de la RDC, et que ce retrait ne sera pas entravé”.
Cette exigence a d’ailleurs tout du copier-coller des dispositions antérieures du même Conseil de sécurité de l’Onu avec l’Afdl, le Rcd, le Mlc et le Cndp. C’est vrai qu’avec le M23 première version, une exception s’était produite. Après avoir pris Goma le 20 novembre, ce groupe armé avait cédé aux pressions internes et externes. Il s’en était retiré le 1er décembre 2012.
Pourquoi l’exception aujourd’hui ? La réponse est à chercher peut être dans les succès diplomatiques engrangés par Kinshasa.
De trois, la lecture “pragmatique” de l’Initiative de Luanda doit aussi prendre en compte la déclaration du Président angolais la veille du sommet ordinaire de l’Union africaine ! Joao Lourenço a renoncé à sa mission de facilitation dans le cadre du Processus de Luanda d’ailleurs fusionné avec celui de Nairobi. “Il est temps pour moi de passer le témoin à un autre chef d’État concernant la médiation entre Kinshasa et Kigali», a-t-il déclaré dans une interview à Jeune Afrique publiée le 13 février 2025.
On pourrait en déduire que s’opérant en dehors du Processus de Luanda et de la Résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’Onu, l’Initiative Lourenço obéit à d’autres considérations.
Pour une communication politique de suffisamment avertie
Lesquelles, par exemple ? On peut supposer le “Corridor de Lobito” qui va de l’Angola au…Rwanda en passant par la Zambie avec pour axe central la RDC. Précisément la partie orientale. ” Nous pouvions travailler au développement d’un embranchement du couloir de Lobito si nous parvenions à stabiliser l’Est de la RDC. Un cadre bien négocié par les parties existe. Il était sur la bonne voie (…) Le Rwanda a fait marche arrière», déplorait sur RFI Molly Phee, secrétaire d’État adjointe sortante pour l’Afrique, dans une interview publiée le 18 janvier 2025.
Au moment où il veut renouer avec Washington pour l’exploitation des minerais stratégiques, Kinshasa doit participer activement à la stabilisation de cette partie.
Aussi, Luanda lui est-il utile, très utile dans cette perspective. Après tout, le leadership de Joao Lourenço y est reconnu, surtout avec en sus son mandat de président en exercice de l’Union africaine.
“À l’échelle régionale, les États-Unis ont soutenu l’émergence de l’Angola en tant qu’acteur africain clé, notamment comme chef de file du processus de Luanda, dont le but est de résoudre les tensions entre le Rwanda et la RDC”, lit-on dans une publication d’ISS (Institut d’ Etudes de Sécurité) sous le titre ” Les États-Unis resserrent les liens avec l’Angola”.
Pour rappel, en décembre 2023, Joe Biden qualifiait ce corridor du «plus grand investissement ferroviaire américain jamais réalisé en Afrique» ; le coût estimé étant entre 1 et 2 milliards de dollars.
Comme on peut bien s’en rendre compte, il est quasiment impossible de se passer de Luanda dans le contexte actuel.
C’est la raison pour laquelle la communication politique de Kinshasa doit être suffisamment avertie, de façon à se focaliser sur l’essentiel, en l’occurrence le retour à la paix, à un prix certes raisonnable.
En 2013, les réseaux sociaux n’avaient pas l’influence qu’ils ont actuellement. Ils peuvent semer le doute et faire ruiner les avancées réalisées.
Avec les intérêts tractés par l’Initiative Lourenço, tout obstacle à sa réalisation pourrait se révéler fatal…
PROCHAINEMENT : “AVEC LUANDA, LA RDC FACE À 3 DIALOGUES INCONTOURNABLES”
Omer Nsongo die Lema