24ème lettre sociale congolaise : Qui a saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation contre l’Arrête ministériel N° 086/CAB/EPS/MIN/2023 DU 23 /02/2023 de convocation et fixation du calendrier du déroulement des élections syndicales dans les entreprises ou établissements de toute nature en Rdc pour la 8eme édition 2023 – 2026 ?

« C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ». Benjamin Disraeli.

Chères lectrices, chers lecteurs;

1. Les travailleurs salariés en tant que citoyens jouissent, au niveau des entreprises et établissements de toute nature, d’un droit de se choisir leurs représentants afin qu’ils participent au processus de prise des décisions qui touchent à leurs conditions de vie et de travail.

Les représentants des travailleurs peuvent être des délégués du personnel ou délégués syndicaux.

2. En Républiques démocratiques du Congo, depuis les premières élections sociales du 1er mai 1964, la tendance générale est que les représentants des travailleurs sont souvent les délégués syndicaux.

Car, ces représentants sont élus sous le label des syndicats qui participent aux élections sociales dans les entreprises ou établissements de toute nature.

3. Les syndicats qui obtiennent au moins un siège aux élections sociales acquièrent la qualité de syndicats représentatifs d’une entreprise ou d’un établissement de toute nature.

4. Cependant, la requeté en annulations contre l’arrêté ministériel n° 086/CAB/EPS/MIN/2023 du 23 /02/2023 modifiant et complétant l’arrêté ministériel n° 011/CAB/MINETAT/MTEPS/FBK/R/2018 du 29 janvier 2018 portant convocation et fixation du calendrier du déroulement des élections syndicales dans les entreprises ou établissements de toute nature en République démocratique du Congo pour la 8ème édition 2023 – 2026 risque de porter gravement atteinte à la démocratie sociale si les élections ne sont pas organisées suivant le calendrier prescrit par le Ministère du Travail, Travail et Prévoyance sociale.

5. Il semble que cette requête serait l’œuvre de l’ « Intersyndicale Nationale du Congo ». D’où la nécessité de questionner la nature de l’ « intersyndicale ».

6. D’emblée, une requête en annulation est un recours juridictionnel qui est, selon Hyppolite Masani Matshi (2015 : 7), un procès fait à un acte administratif unilatéral». Au sujet de ce recours, Matshi précise que l’on saisit le juge administratif par voie de requête.

7. Félix Vunduawe te Pemako et Jean Marie Mboko Dj’Andima (2020 :1096) montrent qu’ « en matière administrative le recours désigne les différentes voies de droit intentées par les particuliers ou des personnes morales devant les autorités administratives ou les juridictions administratives ».

8. L’on retient de ces auteurs qu’il n’y a que des personnes physiques et morales qui peuvent saisir le Conseil d’Etat, la Haute juridiction administrative, par voie de requête. De cette précision, la question qu’il convient de se poser est celle de savoir si l’ « Intersyndicale nationale de la RDC » est une personne morale ?

9. Zénon Mukwakani (1967 :220) montre que l’origine du terme « intersyndicale » remonte aux années 1962 avec la conférence internationale des leaders syndicalistes à Dakar au mois de janvier 1962. La finalité était de créer un panafricanisme syndical via la Confédération Syndicale Africaine. L’article 28 des statuts de cette Confédération stipule : « lorsqu’il existe dans un pays plusieurs organisations syndicales, celles – ci doivent procéder à leur Unification avant le prochain congrès ».

10. Dès lors, l’unification des syndicats à l’intérieur de chaque pays fut imposée aux syndicats pour être membres de la Confédération Syndicale Africaine (CSA).

11. C’était dans ces conditions que les trois syndicats congolais les plus représentatifs de l’époque, notamment, l’Union des Travailleurs Congolais ‘’UTC’’ la Fédération Générale des Travailleurs du Congo ‘’FGTK’’ et la Conférassions des Syndicats Libres du Congo ‘’CSLC’’ constituèrent en septembre 1962 l’intersyndicale afin d’unifier ces trois syndicats. Cette unification devint effective en 1967 avec la naissance de l’Union Nationale des Travailleurs du Zaïre ‘’UNTZ a’’ comme syndicat unique, la fille ainée du Mouvement Populaire de la Révolution, ‘’M.P.R.’’

12. Ainsi donc, l’usage du terme « l’intersyndicale » semble pérenniser idéologiquement le mono syndicalisme de triste mémoire. Pourtant, le pluralisme politique et syndical, annoncé le 24 avril 1990 et prescrit par l’article 38 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, a déjà marqué la fin de la pensée syndicale unique.

13. Qu’à cela ne tienne, bien que composée des syndicats qui ont des personnalités juridiques du fait de leur enregistrement en vertu de l’article 249 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail, l’ « Intersyndicale » ne peut pas se substituer aux syndicats représentatifs pour ester en justice pour les matières qui relèvent de la compétence de ces derniers. Car, l’ « Intersyndicale » n’est ni une fédération ni une confédération des travailleurs du Congo.

14. Le fait pour les responsables des syndicats des travailleurs, qualifiés de représentatifs, de participer au Conseil National du Travail conformément à l’article 224 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail, ne leur donne pas une quelconque qualité d’user de leur présence ou participation à ce conseil pour créer une structure extra syndicale pour émonder l’idéal syndical.

15. D’ailleurs, la présence et la participation des syndicats représentatifs au Conseil National du Travail sont intimement liées au mandat des délégués élus dans les entreprises. Ce mandat est de trois ans selon l’article 257 de la loi°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail.

16. Au-delà de ce que les juristes peuvent appeler ‘’défaut de qualité’’ de l’ « Intersyndicale », il y a lieu de lire certains extraits des correspondances produites par les responsables de l’ « Intersyndicale » afin de comprendre le fondement de leur contestation.

17. Les responsables de l’ ‘’ Intersyndicale’’ font la digression vis-à-vis des élections. Par leur lettre du 21 juin 2022 adressée au Ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance Sociale, ils écrivent : «(…) le Ministère du Travail devrait penser à organiser des rencontres de la tripartites pour une réflexion commune qui mettrait fin aux violations perpétués par le banc gouvernemental(…) ». Ces violations ne sont ni identifiées ni nommées.

18. Par leur lettre du 26 mai 2018 adressée au Ministre d’Etat, Ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance, ils ont écrit : « En effet, vous avez réagi à la lettre n°CAB/PM/DISR CAB/MK§2018 du 15 mai 2018 de Son Excellence Monsieur le Premier, Chef du Gouvernement, vous instruisant l’ordre de surseoir l’organisation des élections sociales et d’obtenir la signature d’un pacte de paix sociale, par nous, pour toute la période du moratoire de trois ans (2018 – 2021) ».

19. Tout compte fait, la requête en annulation est donc une énième manœuvre dilatoire des responsables des syndicats qui préfèrent se maintenir au pouvoir social au mépris souverain des travailleurs salariés. Ils ont par ce fait emboité le pas à leurs camarades de l’administration publique qui totalisent aujourd’hui dix ans alors qu’un mandat syndical est de trois ans.

20. Par sa lettre n°CAB/MIN ETAT/MTPS/FBM/RO/399/01/2918 du 21 mai 2018 adressée au Premier Ministre, Lambert Matuku Memas alors Ministre d’Etat, Ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale, avait déjà balayé d’un revers de la main les faux arguments évoqués par certains responsables des syndicats représentatifs au Conseil National du Travail pour boycotter les élections sociales. Il a écrit : « (…) face à la situation des travailleurs lambinés, le Gouvernement de la république ne peut apparaitre comme celui qui offre une caution à la situation en confortant cette propension encore pour 3 ans de plus ». Cette précision du Ministre d’Etat, Ministère honoraire de l’emploi, travail et prévoyance sociale mérite d’être prise en compte pour la protection de la démocratie sociale.

21. J’ai fait ma part. Si vous êtes intéressés par cette lettre sociale congolaise, rejoignez la coupe pleine au numéro + 243 994 994 872 pour appel normal, whatzApp ou twiter et à l’e-mail jsphngandu@gmail.com pour la suite.

Fait à Kinshasa, le 03 avril 2023

Jean-Joseph NGANDU NKONGOLO

Anthropobibliologue, Expert en Anthropobibliologie du Travail, Formateur Psycho Socio-Professionnel et Chercheur à l’Observatoire Congolais du Travail.