350e anniversaire des révélations à Marguerite-Marie Alacoque

Le 27 décembre 2023, Monseigneur Celestino Migliore, nonce apostolique en France, a présidé la messe d’ouverture du Jubilé des 350 ans des apparitions de Jésus à la religieuse visitandine, Marguerite-Marie Alacoque.

Tout au long de ce Jubilé, vous pourrez suivre en exclusivité sur ZENIT les événements liés au Jubilé, être en communion de prière par des neuvaines spécifiques, découvrir la spiritualité du Sacré-Cœur et les spécificités de la dévotion au Cœur Sacré de Jésus.

Ci-dessous, nous publions dans son intégralité, l’homélie prononcée par Mgr Migliore lors de la messe d’ouverture du Jubilé à Paray-le-Monial (France) le 27 décembre.

Il y a trois cent cinquante ans, comme aujourd’hui, ici à Paray-le-Monial, Marguerite-Marie Alacoque, une jeune sœur visitandine priait en silence, agenouillée dans une chapelle en pierre, froide. Elle menait une vie religieuse normale, à part quelques stress occasionnels.

Autour d’elle, certains la soutenaient, d’autres la trouvaient un peu étrange et un peu nerveuse. Mais en elle il y avait quelque chose d’autre, un émoi, une espérance et un désir de Quelque chose, de Quelqu’un. Ce matin-là, alors qu’il faisait encore nuit, elle regarde le crucifix au-dessus de l’autel. Elle sent quelque chose dans l’obscurité. Et elle voit quelque chose. Elle voit quelqu’un. Elle le voit. « Voici le Cœur de Jésus ». Elle hésite un moment et se demande : je dors, je rêve en voyant cette chose ? Non. Elle ne voyait pas seulement, mais elle se sentait regardée avec tendresse et a entendu : « Voici le Cœur qui t’a tant aimé ». Elle se demande si c’est réel. Les saints l’ont vu, c’est sûr. Mais je ne suis pas une sainte, pense-t-elle. Mais je le vois. Il peut faire ce qu’il veut, même avec une pécheresse comme moi, écrira-t-elle.

C’était le 27 décembre 1673. Au cours des semaines et des mois suivants, sœur Marguerite-Marie Alacoque aura plusieurs visions du Sacré-Cœur de Jésus dans la chapelle de son couvent. Elle décrivait son cœur comme transpercé et sanglant, avec des flammes, une couronne d’épines surmontée d’une croix. Ces visions puissantes l’inspiraient et la déroutaient. Parfois, il se présentait à elle avec des instructions très précises : « Honore mon Sacré-Cœur le premier vendredi de chaque mois. Dis à tes sœurs de faire de même ». Jésus lui demanda aussi d’instituer une fête en l’honneur de son Cœur après la Fête-Dieu.

Quand elle en parla avec sa communauté, elle fut accueillie par des réactions diverses. Curiosité et conviction, mais aussi incrédulité. Elle en parla avec sa supérieure, qui ne savait pas bien ce qu’il fallait en penser. Marguerite était-elle une sainte ou une jeune femme problématique. Ou les deux en même temps ?

Sa supérieure s’adressa à un jeune prêtre jésuite, Claude La Colombière. Les personnes ont vite pris conscience de sa sagesse et de sa fidélité. Peut-être pouvait-il aider cette jeune sœur et donner un sens à ses visions. Par ailleurs, les visions étaient cohérentes avec la foi de l’Église, les Écritures et la Tradition. En réalité, il n’y avait rien de nouveau.

L’essence de son expérience de prière était celle-ci : « Jésus m’aime. Il nous aime tous. Il veut que nous l’aimions et que nous nous aimions tous. » C’est ce que nous dit aujourd’hui l’apôtre Jean : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour ».

Jésus lui demandait de diffuser ce message, mais une moniale cloitrée n’avait pas de contact avec l’extérieur. Twitter, Instagram et TikTok étaient encore loin d’arriver. Alors Jésus lui demanda de dire au père La Colombière de prêcher ce message. Il devint ainsi un grand apôtre du Sacré-Cœur, à travers ses homélies, ses retraites et ses écrits, diffusant cette dévotion dans toute la France et au-delà. Après Paray, Claude devint aumônier de la duchesse d’York à Londres. À cause de manœuvres politiques, il fut emprisonné puis éloigné d’Angleterre.

Aujourd’hui, nous ouvrons le jubilé du 350è anniversaire de la première vision du Sacré-Cœur que sainte Marguerite-Marie Alacoque a eue. Jubilé qui durera 18 mois, la durée de ses visions. Dans les années 1600, il y avait un grand besoin d’humaniser la vie privée, familiale, sociale et politique de l’humanité. C’est dans ce contexte que se situent les révélations reçues par Marguerite-Marie Alacoque. L’ère dans laquelle nous vivons est à nouveau une époque qui a un grand besoin d’humanisation. Aujourd’hui, le monde est confronté aux effets tragiques de la pandémie, avec l’incertitude et la peur pour le présent et le futur ; à la recrudescence de la violence à tous les niveaux, à la guerre barbare en Europe de l’Est et au Moyen Orient ; à la déconstruction de la vie familiale, sociale et politique ; à l’indifférence envers les perdants, les vaincus, les oubliés : tout ceci constitue le tableau de la misère humaine dans lequel nous vivons.

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos », nous a dit Jésus. Le repos est l’une des toutes premières paroles de la Bible. Nous le trouvons dans le récit de la création, lorsque Dieu se repose le septième jour, après avoir laissé libre cours à sa puissance créatrice. La Bible dit que Dieu « se repose », c’est-à-dire qu’il cesse de créer. Certainement pas parce qu’il était fatigué, ni parce qu’il avait épuisé son imagination. Mais, Dieu freine plutôt sa toute-puissance créatrice ; il met une limite à sa toute-puissance pour faire place à la vie et à l’activité des vivants, en particulier pour faire place à la liberté de l’homme. Comme pour dire que sa grandeur réside dans sa puissance créatrice, mais qu’elle brille dans sa capacité à se fixer une limite : c’est le repos de Dieu qui est synonyme de douceur, de mansuétude.

« Je suis doux et humble de cœur ». La douceur qui est mansuétude est l’une des premières caractéristiques par lesquelles Dieu se fait connaître à l’homme. Le Sacré-Cœur est central et d’une grande importance dans notre vie spirituelle et sociale pour nous chrétiens. La mansuétude de Dieu, soulignée par la spiritualité du Sacré-Cœur, doit devenir notre mode de vie : mettre des limites à notre tendance à nous affirmer devant les autres, à décider pour les autres, à toujours parler pour les autres, à toujours vouloir avoir le contrôle absolu de ce qui se passe autour de nous, à prétendre être le maître et à ne faire qu’enseigner aux autres, pour maîtriser toute violence dans notre vie personnelle et sociale, afin de contribuer à l’humanisation de la vie communautaire et sociale. La douceur, la mansuétude de Dieu est un joug facile à porter, un fardeau léger, car elle permet à ceux qui vivent avec nous d’exister, de s’exprimer, d’être eux-mêmes devant Dieu et devant nous-mêmes. Elle garantit aux pays et aux sociétés du monde entier le droit d’exister, de s’exprimer, de s’épanouir et de coopérer.

Le message de l’amour miséricordieux et l’appel à la réparation prennent un sens nouveau dans la société actuelle. Le dévoilement des abus sexuels et des abus de pouvoir dans l’Église, dans les différentes institutions civiles et dans la famille ; la persistance de la barbarie des nouvelles guerres, l’indifférence envers les rebuts de l’humanité ; la confusion qui existe au sujet du respect et de la protection de la vie nous font découvrir combien l’amour de Dieu est blessé et combien il redouble de miséricorde, ouvrant des voies de vie inespérées.

Qui, aujourd’hui, a besoin de la dévotion au Sacré-Cœur ? Nous tous. Le Sacré-Cœur est pour nous, pour notre société humaine. Si nous sommes socialement gênés, fidèles mais pas sûrs de nous-mêmes comme Marguerite-Marie, alors notre cœur a toujours une place dans le cœur de Jésus. Si notre cœur est brisé par une relation en crise ou la perte d’un être cher, nous pouvons trouver la guérison et l’intégrité dans son Cœur. Si nous sommes jeunes, pleins d’énergie, désireux d’enflammer notre cœur et de partager cette flamme avec les autres, alors le Sacré Cœur est

fait pour nous.