49ème Lettre Sociale Congolaise :  Les contrats de travail conclus par Carla Tshibola avec Frontier Services Group Congo et de Joseph Mpiana avec Catholic Relief Services RDC étaient-ils à durée déterminée ?

« C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ». Benjamin Disraeli.

Chères lectrices, chers lecteurs,

Le premier des six engagements pris par le Président de la République, Felix Antoine TshisekediTshilombo, lors de son investiture du 20 janvier 2024 est « création plus d’emplois et la protection du pouvoir d’achat des ménagères ». Cet engagement est également le premier des six piliers du Gouvernement Suminwa investi par l’assemblée nationale.

Ce pilier contient deux idées forces qui sont la création de plus d’emplois et la protection du pouvoir d’achat des ménagères. La première idée force de création d’emplois va déboucher sur le travail salarié qui est une activité normée et dont l’exécution est fondée sur les faits consignés par écrit. C’est donc de ces faits consignés par écrit que le contrat de travail tire son essence normative.

Disons que le contrat de travail est un acte juridique qui prévoit et organise la relation de travail. Le contrat de travail est signé entre l’employeur et le salarié. L’Etat, par une loi, fixe le minimum des conditions en-deçà duquel un contrat de travail ne peut pas être conclu.

C’est alors qu’à l’idée de création de plus d’emplois est intimement liée celle de protection de ces emplois partant du fait que le contrat de travail est conclu sur base d’une loi que l’Etat, par ses services spécialisés, a l’obligation de veiller sur l’ utilisation de ses prescriptions afin que l’emploi soit protégé.

Cependant, l’on assiste à un recours à certaines astuces pour escamoter les normes du travail.Les cas sont légions dans ce domaine, mais les astuces utilisées dans la conclusion des contrats de travail à durée déterminée ont attiré mon attention particulière.Car, au-delà de violation des lois, ces astuces sont, à mon humble avis, une expropriation des compétences et du temps des salariés congolais.

Ainsi, est à durée déterminée, selon l’article 40 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°15-2002 portant Code du Travail, «  tout contrat qui est conclu soit pour un temps déterminé, soit pour un ouvrage déterminé, soit pour le remplacement d’un travailleur temporairement indisponible ».

Toutefois, la même loi n°16/010 du 15 juillet 2016 dispose en ses articles 41 « le contrat à durée déterminée ne peut excéder deux ans. Cette durée ne peut excéder un an si le travailleur est marié et séparé de sa famille ou s’il est veuf, séparé de corps ou divorcé et séparé de ses enfants dont il doit assumer la garde. Aucun travailleur ne peut conclure avec le même employeur ou la même entreprise plus de deux contrats à durée déterminée, sauf dans le cas d’exécution des travaux saisonniers , des ouvrages bien définis et autres travaux bien déterminés par l’arrêté du ministre ayant le travail et la prévoyance sociale dans ces attributions (…) » et 42 « lorsque le travailleur est engagé pour occuper un emploi permanent dans l’entreprise ou l’établissement, le contrat doit être conclu pour une durée indéterminée ».

Dès lors, le législateur congolais sanctionne le non-respect des dispositions susmentionnées en réputant à durée indéterminée,à chaque dernier paragraphedes articles 41 et 42 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016, tout contrat de travail à durée déterminée conclu en violation de ces deux articles.

C’est ainsi que réagissant à la lettre n°OCT/SG/JJN/01/033/2021 dénonçant des atteintes portées aux droits reconnus et garantis aux employés salariés œuvrant dans les Organisations Non Gouvernementales Humanitaires en RDC, la Ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance Sociale, par sa lettre n°CAB/ETPS/CNM/OSD/FL/1129/10/2021 du 0 4 novembre 2021, écrit : «  (…)Et pour ce faire, j’instruis Madame l’Inspecteur Général du Travail qui me lit en copie, de prendre toutes les dispositions pour mettre fin à cette confusion savamment orchestrées par ces organisations ». La confusion savamment orchestrée est donc l’astuce utilisée pour exproprier les salariés congolais de leurs expérience et temps en concluant avec eux des contrats à durée déterminée de plus de deux ans et pour les emplois permanents et ce, en violation des articles 41 et 42 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016.

Il demeure ainsi fondé de préciser que si Madame l’Inspecteur Général avait mis fin à cette confusion savamment orchestrée, il n’y aurait plus de contrats à durée dans les Ong ni dans d’autres établissements de toute nature de celles et ceux qui viennent au Congo Kinshasa pour faire les affaires en utilisant le capital humain congolais. Il était souhaitable que le contrôle des Ongs internationales annoncé au compte rendu de la cent cinquièmeréunion du conseil des ministres de la RDC ait porté aussi sur le contrôle d’utilisation de la législationcongolaise du travail dans ces Ongs.

Hélas, s’il faut contextualiser les deux cas de contrats de travail à durée déterminée cités dans le titre de cette 49ème lettre Sociale Congolaise, après analyse documentaire de ces contrats, l’on se rend vite compte du point de vue légalque les contrats de travail de Carla Tshibola et de Joseph Mpianaétaientréputés à durée indéterminée.

Car, Carla Tshibola a été engagée comme Gérante Locale par Frontier Security Services DRC pour un contrat à durée déterminée de 12 mois. Alors que l’emploi de Gérante Locale était permanent, Frontier Security Services DRC devenue Frontier Services Group Congo a conclu encore un autre contrat à durée déterminée de deux ans avec Carla Tshibola comme Agent Marketing pendant que son premier contrat subsistait conformément à l’article 80 de la n°16/010 du 15 juillet 2016. Il s’agissait d’une violation déjà sanctionnée par le dernier paragraphe de l’article 42 du code du travail ci-haut cité. Ainsi, la lettre n°FSGC/KIN/007/2021 du 19 avril 2021 mettant fin au contrat de Carla Tshibola était une résiliation abusive de son contrat de travail en violation de l’article 62 du Code du Travail. Pire encore, Frontier Services Group Congo n’a pas délivré à son employée le Certificat de fin de service tel que prévu à l’article 79 de ce même code du travail.

Par ailleurs, les multiples contrats de travail de Joseph Mpiana et son attestation de fin de service montrent qu’il a conclu plus ou moins cinq(5) contrats de travail avec Catholic Relief ServicesRDC. Ces contrats ont été conclus en violation de l’article 41 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016. Même si l’astuce utilisée était l’arrêté ministériel n°063/CAB.VPM/ETPS/ 2011 du 22 juillet 2011 dont l’utilisation abusive était déjà qualifiée par la Ministre du Travail de confusion savamment orchestrée, Catholic Relief Services RDC n’a pas présenté cinq ou six lettres signalant aux services spécialisés du Ministère du Travail ce renouvellementrépété des contrats de travail à durée déterminéeconformément à l’article 3 de l’arrêté ministériel n°063/CAB.VPM/ETPS/ 2011 du 22 juillet 2011 stipulant : « les entreprises ou établissements concernés par les travaux énumérés à l’article 2 du présent arrêté sont tenus d’informer dans les quinze jours du renouvellement, la Direction Provinciale de l’Office National de l’Emploi et de l’Inspection du Travail du ressort ». Ainsi donc, la lettre n°CRS/RH/189/23 du 09 mai 2023 mettant fin à son contrat de travail est une résiliation abusive violant ainsi l’article 62 du Code du travail ci-haut cité.

Ce sont là des graves violations dans le secteur du travail que la prédécesseure de l’actuel Ministre du Travail a qualifié de confusion savamment orchestrée, mais sans palliation.

 

J’ai fait ma part avec ma coupe pleine.

Fait à Kinshasa, le 25 juillet 2024

Jean Joseph NGANDU NKONGOLO

Anthropobibliologue,Chercheur,Spécialiste et Expert en Anthropobibliologie du Travail.

E-mail jsphngandu@gmail.com

+243 994 994 872