A-t-il fallu 30 ans à la Rdc pour dire à l’Union européenne : ça suffit ? 

Assimiler le Congo-Kinshasa à un conglomérat d’amnésiques n’a rien de discriminant ni d’injure, surtout en cette période rappelant la guerre du 2 août 1998 qui incita Laurent-Désiré Kabila à qualifier l’Afdl de conglomérat d’aventuriers.

Premiers à vivre les affres de cette guerre démarrée à l’Ouest par la prise du barrage d’Inga, les Kinois furent privés d’électricité presque deux mois durant et Yerodia Abdoulaye Ndombasi fut mis sur la liste noire de la Cour internationale de justice non pour avoir exhorté les Ne Kongo à ne donner ni eau, ni manioc aux troupes du Rcd abandonnées au Kongo Central par les troupes rwandaises, mais utilisé un terme que la bienséance interdit de reprendre.

On sait seulement que la guerre du 2 août fit parmi ses rejetons les plus connus le Cndp créé en 2008 et le M23 en 2012 avant de se réactiver en 2022.

Pour l’histoire, pendant que Mzee L-D.K. s’acharnait à la présenter en agression, les puissances occidentales la réduisaient en rébellion, entendez une affaire congolo-congolaise.

Vingt-cinq ans après l’ire du successeur de Mobutu à l’égard des Occidentaux, certains des faiseurs d’opinion du « conglomérat d’amnésiques » saluent la bravoure de Rose Mutombo Kiese, ministre d’État en charge de la Justice et Garde des Sceaux, d’avoir remis à sa place l’ambassadeur de l’Union européenne Jean-Marc Châtaigner, auteur d’une correspondance qui n’a pas plu aux autorités congolaises au sujet de la prise de position de l’acteur politique Justin Bitakwira.

Dans sa correspondance du 17 juillet 2023, agissant au nom de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, de la Grèce, du Pays-Bas, du Portugal, de la Suède et de la Tchéquie, le diplomate européen demande aux autorités rdcongolaises de prendre des mesures en l’encontre du ministre honoraire Justin Bitakwira, frappé récemment par les institutions européennes des sanctions à la suite de ses propos jugés discriminatoires à l’égard de la communauté rwandophone Banyamulenge.

En réplique, la ministre d’Etat congolaise fait observer le 24 juillet : « Après lecture, je suis choquée de constater que vous vous exprimez en défenseur de la communauté Tutsi/Banyamulenge qui serait victime d’un discours de haine, alors que vos condamnations sont généralement inexistantes, voire trop faibles, sur les tueries des milliers de Congolais par l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23».

Et ajoute : «Par la présente, je réaffirme mon engagement à lutter contre toute forme de stigmatisation en RDC et vous invite à l’observance de votre devoir de réserve et à vous référer, à toutes fins, au Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires Etrangères et Francophonie».

Premier vice-président du Bureau de l’Assemblée nationale, André Mbata, au nom du caucus des députés USN, rapporte un média, dit de l’ambassadeur Jean-Marc Châtaigner qu’«*Il se trompe d’époque en se croyant dans une colonie et reçoit ici une leçon sur les principes élémentaires du droit diplomatique qu’un ambassadeur de son rang était censé maitriser».

Survenant dans la foulée, primo, des évènements du Niger (réaction musclée du Mali et du Burkina Faso suite à la menace de la France), secundo, du sommet Russie-Afrique et, tertio, de la rencontre Sassou-Kagame à Kigali, ce bras de fer entre Kinshasa et Bruxelles (siège de la Commission de l’Union européenne) suscite tellement de passions qu’on en vient à se demander si nous, Zaïro-Congolais, avons le sens de l’Histoire.

Pour ne pas remonter au déluge, il est connu de tous les observateurs que tous les régimes qui se succèdent à Kinshasa depuis 1990 ont à un moment ou à une autre maille à partir avec l’Union européenne.

En effet, entre 1990 et 1997, le Pouvoir de Mobutu fut affaibli par l’Ue. De 1997 à 2001, le Pouvoir Laurent-Désiré Kabila fut affaibli par l’Ue.

De 2001 à 2019, le Pouvoir Joseph Kabila fut affaibli par intermittences par l’Ue. Quoi de plus normal pour l’Ue – confortée dans sa position de préfet de discipline – de se croire autorisée d’affaiblir le Pouvoir Félix Tshisekedi en utilisant la même arme et les mêmes munitions confiées autrefois à l’opposition, aux églises, aux ONG et aux médias et, depuis 2015, aux mouvements dits citoyens !

On peut à ce stade le dire clairement et le faire reconnaître publiquement : ce sont des faiseurs d’opinion zaïro-congolais, de surcroît de père et de mère, qui s’offraient à l’Union européenne pour matraquer les gouvernants de leur propre pays.

Fin mandat, car devant être remplacé par Berlanga Martinez, Jean-Marc Châtaigner fait exactement ce qu’avait fait son prédécesseur Bart Ouvry, expulsé en 2018 «pour comportement répréhensible» à la suite des «sanctions infligées unilatéralement par le Conseil européen à des éminentes personnalités» de la République proches de Joseph Kabila. Cette expulsion avait été désapprouvée par l’opposition de l’époque.

La faiblesse du leadership congolais est justement là : vouloir tirer profit du malheur des uns en oubliant le principe divin selon lequel «on ne récolter que ce qu’on sème…».

Toutes les organisations humaines qui jouent au jeu du «ôte-toi que je m’y mette» savent qu’elles labourent dans l’eau, pour paraphraser un beau-fils du maréchal. Toutes savent que les pays qui ont gagné en souveraineté ont vu leurs leaders adopter la même position face à une injustice non justifiable.

La preuve est que l’unique fois qu’ils l’avaient osée (c’était en 1960 lors de la table-ronde politique de Bruxelles en réclamant à l’unanimité la participation de Patrice-Emery Lumumba), les Congolais avaient gagné devant les Belges décontenancés.

Depuis, les puissances occidentales l’ont compris : pour maintenir le Congo sous dépendance perpétuelle, la solution est dans la maxime latine « Divide et impera », en français Diviser pour mieux régner.

La question est donc de savoir qui est à plaindre le plus entre, d’un côté, «celui qui divise pour bien régner» et, de l’autre, «celui qui se laisse diviser pour ne jamais régner véritablement»…

Omer Nsongo die Lema