Accord-cadre d’Addis-Abeba: Tshisekedi exprime son ras-le-bol
A Bujumbura, Félix Tshisekedi a constaté, avec une profonde amertume et une grande désolation que, dix années après l’entrée en vigueur de cet Accord-cadre d’Addis-Abeba, la rupture de ce pacte collectif par un des Etats signataires, la République du Rwanda qui, sous couvert du mouvement terroriste du M23 pourtant défait et qu’il a ressuscité, s’est donné la liberté d’agresser et d’envahir une partie de la Province du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo ; ceci, en totale violation de l’engagement régional numéro 3 de l’Accord-cadre dont il est signataire, de même que les Chartes des Nations Unies et de l’Union Africaine dont il est partie, le tout sur fond d’exploitation illégale de nos ressources naturelles.
M. Félix Tshisekedi, président de la Rdc a pris part, ce samedi 06 mai 2023 à Bujumbura, capitale du Burundi, au onzième sommet sur le Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la Paix, la Sécurité et la Coopération pour la République Démocratique du Congo et la région, placé sous le thème : « Le rôle des femmes et des jeunes dans la promotion de la paix et du développement pour une mise en œuvre efficace de l’Accord-cadre ». C’était en présence M. Antonio Guterres, dont les efforts inlassables à la quête de la paix et la sécurité dans le monde, en général, et dans la région des Grands Lacs, en particulier, ne sont plus à démontrer.
En effet, la Rdc avait eu le privilège d’accueillir en sa capitale, Kinshasa, la 10ème Réunion du Mécanisme Régional de Suivi de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba. A cette occasion, c’est le président Félix Tshisekedi qui avait reçu la responsabilité de présider à la destinée du mécanisme commun au cours des quinze derniers mois.
« Au nom de mon peuple et compte tenu de l’importance qu’il porte sur cet engagement, j’acceptais volontiers votre décision collective. A cet effet, j’avais placé mon mandat sous le signe de la consolidation des progrès modestes accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba et du renforcement de la coopération régionale pour gagner le pari de la paix durable », dit-il.
Et d’ajouter que j’avais donc mis l’accent sur la promotion des investissements transfrontaliers afin de garantir la paix, un bien collectif recherché par nos peuples, et relevé qu’il revenait à toutes les parties prenantes de se remobiliser pour redynamiser notre structure régionale de gouvernance dudit Accord-cadre et de mieux impliquer nos populations dans la noble lutte pour la paix, la sécurité et la stabilité en République Démocratique du Congo et dans la Région.
Au moment de passer le témoin à son estimé homologue Evariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi, Félix Tshisekedi constate l’état alarmant de la situation sécuritaire dans la Région des Grands Lacs, en général, et dans l’Est de la République Démocratique du Congo, en particulier.
En effet, ces dernières semaines, explique-t-il, le peuple congolais a une fois de plus été endeuillé par des tueries massives, notamment à Kizimba et à Kalega dans le Masisi ainsi qu’à Kishishe dans le Rutshuru, dans la Province du Nord-Kivu, la faute à l’activisme des groupes armés et terroristes sévissant dans la région. Dans le même ordre d’idée, le regain de tension observé au Soudan, plus particulièrement à Khartoum, fait des victimes innocentes et des déplacés par milliers.
Dans son discours, Félix Tshisekedi a fait voir qu’il y a de cela une décennie, la signature de cet Accord-Cadre à Addis-Abeba augurait des lendemains meilleurs et radieux pour les peuples de notre Région. « Nos Etats souscrivaient et décidaient de faire du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des pays voisins, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des uns et des autres, de l’interdiction de fournir une assistance aux groupes armés ni à des personnes impliquées dans des crimes de guerre et contre l’humanité ou des crimes d’agression, et de la facilitation de l’administration de la justice grâce à l’entraide et la coopération judiciaire dans la Région ; la pierre angulaire de notre action collective, nous autres États géographiquement localisés dans cette Région des Grands Lacs africains », indique-t-il.
Un constat d’échec
A la lueur des objectifs consacrés par cet Accord historique, d’aucuns auraient préféré que soient célébrés, ce jour, avec faste les acquis de notre engagement collectif pour une Région des Grands Lacs complètement pacifiée, pense Fatshi.
Hélas ! c’est avec une profonde amertume et une grande désolation que nous constatons, dix années après l’entrée en vigueur de cet accord, la rupture de ce pacte collectif par un des Etats signataires, la République du Rwanda qui, sous couvert du mouvement terroriste du M23 pourtant défait et qu’il a ressuscité, s’est donné la liberté d’agresser et d’envahir une partie de la Province du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo ; ceci, en totale violation de l’engagement régional numéro 3 de l’Accord-cadre dont il est signataire, de même que les Chartes des Nations Unies et de l’Union Africaine dont il est partie, le tout sur fond d’exploitation illégale de nos ressources naturelles.
Pour le président congolais, cette attitude délibérée et plus d’une fois réitérée par un Etat signataire ne nous impose un choix tout autre que la revitalisation de cet Accord, tel que l’a notamment recommandé le Conseil de Paix et Sécurité de l’Union africaine lors de sa 1140e session, le 17 février dernier, en marge du 26e Sommet de l’Union africaine. A l’en croire, le contexte de la tenue de ce sommet nous commande donc de procéder à une évaluation lucide de ce qui aurait pu être fait, c’est-à-dire, entreprendre une réflexion approfondie sur le chemin parcouru, dès lors que pour nos peuples, et le mien en particulier, nous sommes encore à la croisée des chemins.
Ainsi donc, l’évaluation de l’état de mise œuvre de nos engagements respectifs dans le cadre de l’Accord-cadre ne saurait être un exercice limité aux seuls pays de la Région. Celui-ci devrait, sans nul doute, également requérir l’implication d’autres partenaires ainsi que celle des institutions garantes.
Et Tshisekedi qui s’est adressé à l’assistance au nom d’un peuple qui n’aspire qu’à la paix et la sécurité pour lui et pour les autres peuples frères de notre Région, a annoncé avoir lancé, dans le cadre du Processus de Nairobi initié sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est, un appel à tous ses frères et sœurs congolais constitués en groupes armés à venir sous l’arbre à palabres (pour consultations) afin de définitivement faire taire les armes et donner enfin une chance à notre désir commun de reconstruire notre pays.
Dans le même esprit, faisant face au combat engagé par le Rwanda sous couvert du M23 au Nord-Kivu, il avait été décidé lors du Mini-Sommet du 23 Novembre 2022 à Luanda en Angola, dans le cadre du Processus dit de Luanda, sous la facilitation de M. João Lourenco, Président de la République d’Angola, Président en exercice de la Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs « CIRGL », et médiateur désigné de l’Union africaine pour venir à bout de la situation sécuritaire alarmante ; de la cessation des hostilités et des attaques du M23 contre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo « FARDC », et la MONUSCO, ainsi que de son retrait des territoires occupés vers les sites de cantonnement.
Vérité et d’obtenir réparation
Pour ce qui est du renforcement de la coopération judiciaire, il vous souviendra qu’en date du 16 Juin 2022, la Rdc a abrité à Kinshasa la réunion des ministres en charge de la Justice des Etats membres de la CIRGL qui a abouti à la Déclaration de Kinshasa, laquelle a donné des orientations sur les étapes prioritaires à suivre afin d’harmoniser l’entraide judiciaire et les demandes d’extradition en matière pénale.
En effet, le peuple Congolais y attache une importance vitale parce qu’il s’agit de son droit de connaitre la vérité et d’obtenir réparation car la justice régionale devra établir les crimes et juger les coupables.
Jean-Marie Nkambua