Alignement du projet de loi Tshiani à la session ordinaire de mars 2023 à l’A.N  « De père et de mère » fait polémique  

C’est le pugilat général opposant ‘pro et anti’ projet de loi de Noël Tshiani. La toile est en ébullition depuis que ce projet dit ‘de père et de mère’ a été alignée parmi les points sous examen lors de la session ordinaire du mois de mars à l’Assemblée nationale ouverte le 15 mars 2023. La dernière sortie médiatique du Cardinal Fridolin Ambongo sur les antennes de la RFI n’a fait que jeter de l’huile au feu des conjectures sur la loi que d’aucuns appellent loi sur la ‘congolité’, feu que le porte-parole du gouvernement a mis un peu d’eau dans le vin en affirmant au briefing presse de ce lundi qu’ « on ne peut pas répondre à un discours ségrégationniste par un discours discriminatoire ». C’est très clair !

La loi initiale à modifier consacre le jus sanguinis, ce qui veut dire que par votre mère et/ou par votre père, vous êtes Congolais. C’est la nationalité d’origine. Et elle vous ouvre la voie aux responsabilités pour votre pays. Mais, le projet de Tshiani souhaite verrouiller l’accès aux fonctions de souveraineté dont la Présidence de la République. Pour le projet de loi Tshiani, « ne peut être candidat président de la République que celui qui est né de père et mère congolais ».

Le sujet est diversement apprécié. Comme il y a plus d’une année, en juillet 2021, à l’occasion de la cérémonie de prise de possession canonique de l’Archevêque métropolitain de Lubumbashi, Mgr Fulgence Muteba Mugalu, le Cardinal Ambongo qui avait rejeté la loi Tshiani, estimant que « cette proposition de loi apparait comme un instrument d’exclusion et de division », revient à la charge sur les antennes de RFI, fustigeant l’inscription du projet de loi dans l’ordre du jour des matières à examiner au Parlement en session ordinaire ouverte le 15 mars 2023.

« Je vous invite tous à rester extrêmement vigilants par rapport à toutes ces initiatives dangereuses qui n’ont comme unique mérite que de créer la tension au sein du peuple », avait lancé le Prince de l’Eglise en 2021. Comme lui, à l’époque, la Représentante du SG de l’ONU et l’ambassadeur des Etats-Unis en poste à Kinshasa, avaient désapprouvé cette proposition jugée discriminatoire et même le bureau d’études de l’Assemblée nationale constitué d’éminents juristes l’avait rejetée.

Et Delly Sesanga d’alerter en disant que ce projet de loi « aux apparences nationalistes, dont l’enjeu purement électoraliste est loin d’être national ».

Ce n’est pas du tout ce que pense le Président de l’UDPS le peuple, Valentin Mubake, « Parce que l’objectif de chaque loi est de règlementer les rapports sociaux au sein de la communauté nationale. Donc la loi est faite pour sécuriser toutes les communautés qui forment une nation ». Le projet de loi Tshiani tombe donc « à une période où la gouvernance politique du pays est gangrenée par une ultra tribalisation des institutions publiques. Et c’est sa tribu qui est accusée d’entretenir un tribalisme historique que le pays n’a jamais connu depuis l’indépendance. Certains compatriotes voient dans cette initiative la tentative de délimitation des potentiels adversaires de taille au Président actuel, selon eux », a affirmé Médard Wabenga.

Pour Delly Sesanga, c’est « une démarche d’un groupe privé, qui a ravalé les Institutions et n’instrumentalise plus leurs dépouilles qu’aux fins inavouées de conservation de pouvoir par la restriction de l’espace politique. Mais la menace est nationale », il estime que « ce genre d’initiatives se révèle complice en ce qu’il alimente indirectement les revendications de ceux qui, dans le même objectif, visent à entretenir le conflit et à donner voie à la balkanisation de notre pays ».

« Laisser tout le monde dans le jeu et que le meilleur gagne. Le peuple choisit lui-même ces idées-là, ces hommes-là. On n’a pas besoin d’une loi pour empêcher le peuple de se choisir, un candidat qui peut être capable, mais pour la couleur de sa peau ou parce que son père ou mère est étranger c’est une idiotie colossale. On va aux élections pour élire, choisir les idées avant tout »

Pour la paix et de la stabilité du pays, évitons le schéma de l’ethnicité

En 3 cycles électoraux, la 3ème République en RDC ne va que de crise de légitimité en crise de légitimité. En 2006, d’aucuns avaient affirmé que c’était Jean-Pierre Bemba qui aurait reporté les élections, en 2011 l’on a parlé de la victoire d’Etienne Tshisekedi et en 2019, c’est Martin Fayulu que la vérité des urnes, affirment-on, aurait désigné gagnant. Les élections ont donc constitué la potentielle source de conflits sociaux du fait qu’au pays de Lumumba la légitimité semble n’être que du côté de ‘mon frère’ que je dois défendre à tout prix. L’électorat se reposant sur des bases sociologiques.

« Non sûrs de leur légitimité ni de leur popularité réelle, ils cherchent à écarter ceux dont la popularité fait peur », clament ceux qui se sentent visés par ce projet de loi.

« Il s’agit d’une question dont il ne faut jamais oublier qu’elle fut au cœur des conflits qui ont émaillé l’histoire de notre pays. Le risque qu’encourt notre pays est d’être gouverné désormais sur la base du souvenir personnel des dirigeants de la majorité, de leurs caprices et fantaisies », alerte Delly Sesanga qui estime que les règles de cohésion nationale sont transgressées et qu’il faut laisser tout le monde dans le jeu et que le meilleur gagne.

De l’avis de Valentin Mubake, au regard du contexte socio-historique actuel de la RDC, il est opportun que les critères soient renforcés pour accéder à certaines fonctions politiques. Ceci en vue de sécuriser le pays qui vient d’une très longue guerre très meurtrière et y est encore dans sa partie orientale du pays.

S’il faut juger l’histoire avec les arguments du passé, Mobutu, pressentant à l’époque le même danger que celui qui guette la RDC aujourd’hui, avait introduit la même condition dans la loi qu’on avait érigée exactement avant les élections de 1984. Sans polémiques !

A la conférence nationale souveraine, une disposition pareille figurait dans l’acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition. Acte produit par la commission présidée par l’actuel Vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères et Francophonie, Christophe Lutundula et même dans le projet de Constitution produit par la commission présidée par le Pr Marcel Lihau Ebua. Il ne s’agit donc pas de discrimination, estime Mubake.

Le principe de la Congolité, de père et de mère venait des options levées par le Comité Central du MPR et coulées dans la loi n°81/ 002 du 29 juin 1981 qui a été incorporée dans le Code de la famille et tel que modifié à ce jour sous l’influence la communauté internationale. Pourtant à la naissance, les 2 premiers droits d’un individu sont le droit à la vie et le droit à la nationalité. « La loi de 1981 relative à la Nationalité visant à corriger les lois antérieures introduites subtilement par Barthélémy Bisengimana dans les ordonnances – lois et qui avaient été signées par le Président Mobutu durant les vacances parlementaires, accordant collectivement la nationalité Congolaise à tous les rwandophones sans être recensés ni inventoriés , mérite d’être traité en ce moment où un congolais de père et de mère dirige le pays, ne sachant de quoi sera fait demain ni ce que prépare la Communauté internationale contre le Congo», estime un pro projet de loi Tshiani.

Ce dernier estime que « Nos frères du Kivu qui vivaient les conséquences préjudiciables et dommageables à la suite des 2 ordonnances – lois de 1971 et de 1972 ont levé le ton et pour régler le problème. Mobutu, en stratège, avait bien compris la duperie lui faite par son puissant directeur de cabinet qui appartenait à la communauté bénéficiaire desdites lois a ensuite confié au Comité central la charge de réfléchir sur la question et de lever les options fondamentales relatives à la matière de nationalité. C’est ce que préconise le projet de loi Tshiani.

« Ce n’est donc pas une nouveauté susceptible de diviser les Congolais. La seule chose neuve est l’extension du principe de Congolais de père et de mère aux fonctions régaliennes et autres bien limitées », conclu un autre observateur. Dans tout ce qui précède, pour la paix sociale et la stabilité du pays, il est capital d’éviter le schéma de l’ethnicité des ‘coteries ethnico-tribales’ qu’avait fustigé en son temps le Pr. Marcel Liahu.

 

 

Willy Makumi Motosia