Appel à la modération
Lorsque l’agora, le lieu de dialogue est déserté, l’arène, l’instance de la violence, risque de se remplir. Ceci, en vertus d’une règle d’une simplicité radical, la nature a horreur du vide. Ainsi, pour éviter les excès de l’absence totale de dialogue, un quidam s’empare de la parole, parfois, sans apprécier la force du courant et la profondeur de la rivière dans laquelle il plonge.
Ainsi, consciemment, je suggère ici que l’on s’attaque à dénouer un entremêlement de fils extrêmement fins, délicats et complexes. Je n’ignore donc pas que le poids de la tâche dépasse largement mes capacités, mais j’ose…
Je diserte donc ici sur le malheureux malentendu, entre la justice congolaise et l’Église catholique locale. J’estime que du point de vue de notre politique interne, il s’agit d’une question urgente de plus haute portée.
Ce qui se passe présentement sous nos yeux devrait interpeller la sagesse de toutes les grandes consciences du pays et appeler à la modération de tous. Hélas, si les réseaux sociaux s’enflamment dans leur imbécillité habituelle ; du côté de la réflexion on ne voit personne bouger et la parole devient rare ! Le silence des intelligences est aussi assourdissant que le bruit du tonnerre du pluvieux mois d’avril à Kinshasa.
Nos sages sont-ils tétanisés par le potentiel de danger politique que recèle ce conflit ou seulement indifférents ? Ont-ils peurs de se mêler des affaires des hautes personnalités ? Sont-ils tombés dans le syndrome du vidéaste inconscient, qui se précipite vers son téléphone pour filmer la scène de bagarre de rue au lieu d’aller séparer les protagonistes ? Adoptent-ils ce que déplore l’adage luba à travers « bitshikila tuboya » qui veut dire « laisser renverser, nous ramasserons après” ? Sont-ils tous partisans de la sagesse mongo qui veut que “les délicats jeux des cimes des arbres géants soient laissés aux singes suffisamment entraînés à l’art de l’équilibre instable” ? Sagesse qu’exprime par le losako : Lisano ya likoo,to tsikela nkema.
Dans cette conspiration du silence, seule la CENCO s’est distinguée en affirmant que le dossier était traité de manière responsable avec les autorités. La même CENCO est allée plus loin en se démarquant de tout encouragement à l’endroit de ceux qui rejoignent le M23 ou l’AFC.
J’estime, dans ma naïveté, que tout patriote congolais devrait se poser, dans les circonstances brûlantes actuelles, les questions suivantes :
quelles pourrait être la conséquence de l’embrouille qui oppose actuellement la justice du pays à la personnalité la plus marquante de l’église catholique locale sur la stabilité de nos institutions et notre environnement international
que pensent les dictateurs Kagame et Museveni dans leur diabolique recherche des moyens d’affaiblir la cohésion nationale en RDC ?
Comment ceux qui nous jugent incapables de gérer le grand Congo et préparent sa balkanisation vont-ils analyser la situation et en tirer profit ?
Il n’y a aucun doute, chacun de nos ennemis apportera son seau d’huile afin d’attiser d’avantage le feu que les sages de chez nous n’arrivent pas à éteindre à temps. Dans ces circonstances, je préfère agir comme le colibri du conte amérindien qui, voyant la forêt en feu, se précipita vers la rivière pour, à l’aide de son bec, puiser quelques goûtes d’eau et alla les jeter sur l’immense feu de forêt.
N’attendons pas que la mésentente se règle comme celle de Mobutu-Malula dans les années 1970 ou celle de Kabila- Mosengwo plus tard. A ces époques ni Kagame, ni Museveni n’étaient aussi impliqués dans le complot contre nous ; de plus la pression des puissants lobbyistes hostiles à l’existence de l’immense RDC n’était pas aussi virulente.
Dans cette embrouille, il n’y a pas de place pour la neutralité. En tant que Congolais, nous avons tous un seul et unique parti pris : la cohésion nationale, la sauvegarde de l’intégrité territoriale et la souveraineté de notre pays.
Ce parti pris nous contraint à éteindre le feu, en toute urgence… maintenant… immédiatement. Et pour ce faire, il n’existe qu’une seule et unique voie ; celle de la modération dans nos propos et agissements. Est-ce à quoi nous assistons ? Non ! Ayant choisi chacun son camp, l’on estime nécessaire de trouver le coup qui fera le plus de mal à l’autre ; en oubliant que c’est la cohésion de la Nation qui souffre le plus et se meurt à petit feu.
Je lance donc, très humblement aux uns et aux autres, un appel pressent à la modération et, aux sages, j’exhorte de ne pas attendre l’atteinte du point de non-retour ; calmer le jeu et sauver la Nation… maintenant.
Merci.
Jean-Pierre Kambila Kankwende