Après le plébiscite : Tshisekedi II, enjeux et perspectives
Le 31 décembre 2023 depuis son Quartier général à Kinshasa, appelé Centre Bosolo ou la vérité, la Commission électorale nationale indépendante (CENI), a proclamé le Président de la République sortant et candidat à sa propresuccession, Félix- Antoine Tshisekedi Tshilombo, vainqueur de l’élection présidentielle, ayant recueilli plus de 73 % des voix des suffrages exprimés. L’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi se positionnait en 2è place, avec 18 %. Contrairement à l’élection passée, et principal challenger de Tshisekedi en 2018, Martin Fayulu, comme d’ailleurs le Prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a informé que son équipe ne déposerait aucune contestation des résultats devant la Cour constitutionnelle. Ce qui ne doit être traduit par une reconnaissance de la victoire du président sortant, bien que plusieurs présidents africains aient salué la réélection de Félix Tshisekedi à la tête de la RDC. Ainsi, la victoire du leader de l’UDPS devient incontestable. Après ce plébiscite, le souverain primaire est en droit d’exiger des résultats et la concrétisation des promesses électorales. Quels sont les enjeux et perspectives de Tshisekedi II ?
Jamais dans l’histoire des élections en RDC, exception faite de l’époque du parti-Etat, un président de la République en fonction ne puisse être élu massivement dans la capitale de Kinshasa. Avec plus de 73% des voix sur les suffrages exprimés, c’est tout simplement une victoire à la Staline, véritable plébiscite ! Mais, derrière ce raz-de-marée électoral, il y a des ententes des électeurs, la problématique de la concrétisation des espoirs du peuple qui constitue les enjeux et perspectives de Tshisekedi II.
« Peuple Congolais, ezalaki nde likambo ya mabele », (entendez, peuple congolais, c’est une question de souveraineté, de notre terre), a déclaré Félix Tshisekedi, après sa réélection sans surprise.
« Comment pour répondre d’une manière concrète au souhait du peuple congolais qui reste attaché à sa terre ? ». Un observateur averti, praticien de Droit, Me Bamuangayi Kalukuimbi Ghislain épingle cette problématique comme l’enjeu du 2è mandat du président Félix Tshisekedi. De fil en aiguille, le Directeur de cabinet de la candidate numéro 9 à la présidentielle de 2023, Marie-Josée Ifoku Puta Mpunga s’attaque directement à l’actuelle constitution. Cela, considère-t-il, est l’un des éléments majeurs permettant aux compatriotes réquisitionnés par des intérêts étrangers, d’utiliser l’article 64 et se donner une légitimité afin de déstabiliser la RDC.
Pour mémoire, en effet, la candidate sue-évoquée (fut la seule femme prétendante à la présidentielle de 2018. En en 2023, elles ont été deux).
« C’est une raison majeure de changer cette constitution, afin de barrer la route aux ambitieux de la balkanisation du pays », déclare Me Bamuangayi. Il est d’avis que le vote d’une nouvelle constitution devrait être la priorité pour ce nouveau mandat du président Tshisekedi. « Ça sera un élément fondamental pour garantir la souveraineté de la RDC. Les élections ont démontré que le peuple congolais reste attaché à sa terre et la protège chaque fois qu’elle en a l’occasion malgré multiples tentatives », préconise –t-il, estimant que c’est là la meilleure façon de répondre concrètement au souhait du peuple qui tient à jouir de ses terres.
Pius Muabilu se félicite de la stratégie électorale de l’USN
Dans son message de félicitations au Président réélu, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, Pius Muabilu Mbayu Mukala a estimé qu’« en votant massivement pour Tshisekedi, les Congolais ont dit non à l’occupation, au diktat extérieur et aux antivaleurs ». Celui que l’on présente comme ‘précurseur de l’Union sacrée de la Nation’ (USN), le Ministre d’Etat en charge de l’Urbanisme et de l’Habitat Pius Muabilu, reste convaincu que le Président de la République mettra « tout en œuvre pour y arriver».
Ce haut cadre de l’USN, qui a été au four et au moulin de la stratégie électorale du Chef de l’Etat axée sur l’ancrage politique de ses alliés ayant bien compris que l’élection s’appuie sur des bases sociologiques, et sur des regroupements politiques et partis politiques forts comme AAAP. Une stratégie qu’il a soutenu personnellement en allant battre campagne dans son Kabinda natal, chef-lieu de la province de Lomami pour la réélection du candidat numéro 20, appelé affectueusement ‘FATSHI BETON’.
Tout en passant en revue les réalisations du Président durant la mandature passée, particulièrement le bilan inhérent à la gratuité de l’enseignement de base et de la maternité ainsi que quelques réalisations du projet de 145 territoires entre autres la construction des routes, des écoles, des hôpitaux, des immeubles publics, aéroports, etc… Pius Muabilu, comme plusieurs observateurs, estime que les projets en cours d’exécution, aura d’impact visible et réel sur le décollage de l’économie car les routes de desserte agricole seront opérationnelles et surtout la mise en place de la politique agricole.
Marie Josée Ifoku et Joëlle Bile, les femmes candidates à la présidentielle de 2023 parlent des défis de Tshisekedi II
Lors des élections générales de 2023, la CENI a enregistré plus de 50% d’électrices, mais seulement 17% des candidats sollicitant les suffrages du peuple dont seulement 2 à la présidentielle à savoir Marie Josée Ifoku et Joëlle Bile. La femme étant majoritaire en RDC, la réaction de ces deux représentantes de la junte féminine mérite attention.
Si l’ex-journaliste Joëlle Bile, qui était à sa première expérience à ce niveau, avait désisté en faveur du Président sortant, Marie Josée Ifoku elle s’est battue jusqu’au bout pour solliciter l’adhésion des Congolais dans sa vision de la ‘Kombolisation’ (nettoyage, éradication) du système de prédation instauré depuis la Conférence de Berlin en 1885. Mais toutes reconnaissent que plusieurs défis attendent le président réélu, entre autres l’amélioration des conditions de vie des Congolais, la restauration de la paix dans le pays, l’instauration d’un vrai État de droit, la réduction du train de vie des institutions, la lutte contre l’insécurité et le tribalisme, la relance de la Miba…
« Après des années de tergiversations à la tête du pays, nous avons désormais besoin d’un véritable plan directeur du développement du pays, ce qui permettra la continuité de l’action de l’Etat. (…)Il doit servir le Peuple. Il doit travailler sans relâche pour assurer la paix, le développement économique et le bien-être de tous. Ce mandat, il le doit au peuple, à personne d’autre ! », a martelé Joëlle Bile qui prévient qu’ « Il n’y aura pas d’excuse cette fois-ci. Il n’y a pas de FCC ni de COVID. On veut du concret et non les promesses sans accomplissement ».
De son côté, l’unique femme candidate à la présidentielle 2018, l’ex-gouverneure de la Tshuapa Marie Josée Ifoku, estime que les élections actuelles se sont tenues dans la même géostratégie du ‘système de prédation’ instauré à la conception de l’Etat indépendant du Congo en 1885 à Berlin. En martelant sur le danger de voter pour les ‘candidats de l’étranger’, « le Président Tshisekedi abordait en d’autres mots un aspect de la Kombolisation que prône Ifoku », affirme le Directeur de la Commission Communication et Médias du Réseau Ekoki-Inatosha que préside Marie Josée Ifoku. Pour cette dernière, l’éradication de ce système de prédation qui se perpétue à travers les élections qui se conforme au système est la voie idéale pour l’émergence du pays. Elle propose donc que le président élu fasse de son mandat un mandat transition afin d’appeler à « une révolution républicaine », convoquer les forces vives, la classe intellectuelle, la classe politique et des scientifiques afin d’écrire une nouvelle Constitution qui n’ait rien avoir avec la Constitution actuelle (réputée taillée sur mesure pour les intérêts des ex-belligérants), et aller ainsi à la 4ème République, la Renaissance d’un Congo nouveau.
Ainsi donc, contrairement aux autres candidats à la présidentielle à l’instar de Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Denis Mukwege, ainsi que six autres candidats, qui contestent les résultats et appellent à la réorganisation des élections, excluant même la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle, Marie Josée Ifoku tout en respectant la légalité en appelle plutôt à la consolidation de l’unité dans la diversité pour éradiquer le système de prédation et conduire le pays à sa renaissance pour un Congo nouveau. En digne mère de la nation, pragmatique, Ifoku formalise donc son message de félicitation au Président élu, les enjeux et perspectives du nouveau mandat de Félix Antoine Tshisekedi.
Willy Makumi Motosia