Bintou Keita prévient le Conseil de sécurité d’un risque très réel posé par le M23 de conflit régional plus large dans l’est du pays 

Ce matin, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo (RDC) a présenté au Conseil de sécurité le dernier rapport sur la MONUSCO –la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo- en avertissant que l’expansion rapide du Mouvement du 23 mars (M23) pose « un risque très réel » de conflit régional plus large.

En cette année où la MONUSCO opère son retrait, les délégations concernées-la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda- ont pris position sur les propositions du Secrétaire général s’agissant de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en RDC.

Mme Bintou Keita, qui est à la tête de la MONUSCO, a commencé son exposé en saluant la mise en place d’un nouveau Gouvernement, le 12 juin 2024, avec une « première » Première Ministre de l’histoire du pays, Mme Judith Suminwa Tuluka, et un total de 17 femmes sur 54 membres. Elle s’est félicitée des échanges qu’elle a eus avec les membres du cabinet, qui ont permis de discuter du nouveau plan d’action du Gouvernement et des possibilités de soutien de la MONUSCO.

La Représentante spéciale a ensuite dressé un bilan des violences touchant le pays, en commençant par parler de l’attaque du 19 mai qui a visé la résidence du Président de l’Assemblée nationale, M. Vital Kamerhe. Elle a également dénoncé le fait que le M23 se soit emparé de la ville de Kanyabayonga (Nord-Kivu), accusant ce mouvement « et ses soutiens » d’avoir incendié plusieurs bases des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et déclenché de nouveaux déplacements de population.

Citant le Groupe d’experts qui travaille avec le Comité des sanctions établi par le Conseil de sécurité, elle a dit que le Gouvernement rwandais a renforcé son soutien au M23 et lui a ainsi permis de réaliser des gains territoriaux majeurs dans l’est de la RDC. Ce qui lui a fait dire que l’escalade rapide de la crise du M23 pose un risque très réel de provoquer un conflit régional plus large.

Mme Keita a aussi dénoncé les attaques « horribles » menées par les Forces démocratiques alliées (ADF), les milices Zaïre et les groupes armés de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) dans la province de l’Ituri, qui ont fait près de 300 victimes supplémentaires depuis le 27 mars. La MONUSCO, a-t-elle relaté, a poursuivi son soutien aux FARDC pour la protection des civils contre la CODECO et des groupes Maï-Maï en Ituri, formant 500 nouvelles recrues des FARDC et poursuivant son opération Springbok, en défense de Goma et Sake.

7,3 millions de personnes déplacées, dont 6,9 millions dans les seules provinces de l’Est

Abordant la crise humanitaire qui s’accentue, Mme Keita a dénombré 7,3 millions de personnes déplacées, dont 6,9 millions dans les seules provinces de l’est. Une situation qui ne fait qu’augmenter les cas de violence sexuelle et violences basées sur le genre (de 3% depuis 2022), en particulier ceux touchant les enfants qui ont augmenté de 40%. Face à cette crise, seulement 26% du Plan de réponse humanitaire 2024 (2,6 milliards de dollars) ont été versé, s’est-elle inquiétée.

En pleine période de retrait de la MONUSCO, Mme Keita comme les membres du Conseil ont abordé la question de l’aide à apporter à la Mission de la SADC en RDC, qui atteindra sa pleine capacité opérationnelle d’ici à la mi-juillet. Face aux différentes options possibles présentées par le Secrétaire général, « qui excluent la solution militaire » a rappelé Mme Keita, la RDC a dit souscrire à l’option 2, à savoir « une utilisation limitée des moyens logistiques et des capacités militaires de la MONUSCO ». La RDC a plaidé pour un soutien incluant des moyens aériens, de transports terrestres, d’infrastructures ainsi que la remise des installations de la MONUSCO lors de son retrait, des ressources financières pour compléter le budget de la Mission de la SADC en RDC pour l’achat de drones et de transport aérien stratégique, et des plateformes de collecte d’informations et de renseignements.

Le Rwanda a dit ne s’être jamais opposé au déploiement d’une force multilatérale dans l’est de la RDC, avant d’accuser la Mission de la SADC de s’être alliée aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui constituent une grande menace pour la sécurité, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Rwanda ainsi que pour la région des Grands Lacs. Le délégué a invité l’ONU à examiner minutieusement la Mission de la SADC et à vérifier sa conformité avec les principes des droits de l’homme de l’Organisation. Le Conseil doit veiller à ce que les contributions des États Membres ne bénéficient pas aux FDLR, a-t-il plaidé. Le représentant congolais a répliqué que les FDLR sont aujourd’hui « une force résiduelle », avant de demander au Rwanda de « rentrer chez lui pour que nous restions des voisins et pour que nous puissions discuter ».

Le Royaume-Uni a estimé pour sa part que tout soutien de l’ONU à la force régionale de la SADC ne doit pas entraver la capacité de la MONUSCO à remplir son mandat. D’un point de vue opérationnel, a précisé la Suisse, ce soutien doit être centré sur la protection des civils et un partage d’informations solide. Toute aide de l’ONU à cette mission doit être fournie dans le strict respect des droits humains, a ajouté le Japon. La Fédération de Russie a tout simplement appelé à appuyer la nouvelle Mission.

Pour sa part, la Sierra Leone, au nom des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique, Sierra Leone) a estimé que l’unité des membres du Conseil est un « impératif moral » afin de garantir que la Mission de la SADC reçoive le soutien dont elle a besoin pour la paix et la stabilité du pays. Les États-Unis ont plaidé pour qu’un appui limité lui soit apporté alors que la France, prenant note des recommandations du Secrétaire général pour renforcer la coopération entre la MONUSCO et la Mission de la SADC, a promis de présenter prochainement un projet de texte à cette fin.

Les délégations ont également commenté la clôture, le mois dernier, des opérations de la MONUSCO au Sud-Kivu, mettant fin à plus de 20 ans d’opération. Le processus de transition se poursuit sous la forme d’un plan provincial de transition pour la province du Sud-Kivu, accompagné par un plan d’appui de l’équipe pays des Nations Unies, a fait savoir Mme Keita. La Chine a appelé la MONUSCO à travailler avec le Gouvernement congolais afin de veiller à un retrait en toute sécurité et de façon ordonnée avant de réclamer « un petit ajustement » de son mandat pour qu’elle puisse assurer une coordination avec les forces régionales.

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