Une vidéo en circulation montre Rochereau Tabu Ley, de son vrai nom Pascal Sinamoyi, en train de présenter au cours d’un tour de chant Sorozo” comme étant une rwandaise.
Elle a le malheur d’en rajouter à la rwandophobie ambiante que nous attribue (lisez nous reproche) l’administration américaine dans toutes ses prises de position en rapport avec la collusion M23/RDF. Washington nous indexe avec le mot haine et l’expression discours de haine.
Pour tout congolais averti, ce mot et cette expression dans le chef des États-Unis ne concernent que la communauté rwandaise et la communauté rwandophone auxquelles est assimilé seulement le tutsi. Si bien que le Hutu, pourtant majoritaire au Rwanda (comme au Burundi d’ailleurs, sinon dans la majorité des pays membres de l’Eac), se voit progressivement privé de son appartenance à la communauté rwandaise.
La faute ? Disons-le clairement et courageusement : au leadership congolais. Précisément aux faiseurs d’opinion qui, pour besoin de la Cause, manipulent l’homme de la rue.
A cet homme de la rue, Félix Tshisekedi s’est pourtant adressé le 3 décembre 2022. ” Ça ne sert à rien de regarder le Rwandais comme un ennemi. C’est le régime rwandais avec Paul Kagame à sa tête qui est l’ennemi de la RDC. Les Rwandais et les Rwandaises sont nos frères et sœurs. D’ailleurs, ils ont besoin de notre aide pour se libérer, parce qu’ils sont muselés », a-t-il déclaré dans sa communication aux délégués des jeunes venus des 26 provinces de la RDC dans le cadre du Conseil national de la jeunesse.
Il a même souligné que les Rwandais « ont besoin de notre solidarité pour se débarrasser de ces genres de dirigeants rétrogrades comme Paul Kagame ».
Peut-on dire de ce message qu’il a été suffisamment capté ou expliqué à la base ?
Il y a de quoi douter.
On peut, à la limite, comprendre la rwandophobie développée particulièrement par le kivutien, l’iturien ou le tanganyikais qui vit dans sa chair l’humiliation que lui font subir des acteurs institutionnels rwandais pro-Kagame, du Président de la République en personne au soldat qu’on envoie au front.
Mais, entendre aujourd’hui des officiels congolais recourir à cette rhétorique pour disqualifier leurs adversaires politiques, là, c’est le bouquet ! Car les conséquences sont terribles.
On en veut pour preuve cette autre vidéo montrant un enseignant congolais en train d’inoculer la rwandophobie aux élèves de sa classe. Au lieu de mettre en exergue les régimes qui sont pour ou contre la RDC, cet enseignant parle des pays voisins. Ainsi, ses élèves vont grandir avec la conviction d’un Rwanda ennemi du Congo-Kinshasa pour l’éternité.
Or, le Rwanda, c’est d’abord 84,99 % des Hutu qui sont des Bantus, et plus ou moins 15 % des Tutsi, les Twa (pygmées) se partageant le reste. Il en est de même au Burundi.
Pour l’histoire, à Berlin 1885, ces deux pays avaient été acquis par l’Allemagne sous forme de protectorat alors que Léopold II se faisait confirmer la propriété de l’EIC qui deviendra colonie belge en 1908.
Ils vont passer sous la coupe de la Belgique en compensation de l’agression allemande pendant la guerre 1914-1918. D’où la colonie belge Congo-Rwanda-Urundi.
Aussi, dans sa politique de peuplement (recherche de la main d’œuvre) dans les provinces minières du Congo Belge, la Belgique avait transplanté notamment des Rwandais (Hutu et Tutsi) au Kivu (particulièrement le Maniema) et au Katanga, exactement comme elle l’avait fait avec les Kasaïens au Katanga.
De toutes les façons, jusqu’au 30 juin 1960, Congolais, Rwandais et Burundais se fréquentaient dans tous les sens du terme.
Des Sorozo en sont la preuve vivante.
Une preuve si édifiante que le premier référendum constitutionnel organisé sous Mobutu à la création du Mpr en 1967 (à ne pas confondre au Mpr Parti-Etat créé en 1974) avait connu la participation des Rwandais résidant sur le territoire congolais, principalement au Kivu !
L’ordonnance-loi n°71-20 du 26 mars 1971 ne contient qu’un article ainsi libellé : “Les personnes originaires du Rwanda-Urundi établies au Congo à la date du 30 juin 1960 sont réputées avoir acquis la nationalité congolaise à la date susdite”.
La loi de 1972 va renforcer cette ordonnance avant l’avènement de la loi de 1982 ayant en quelque sorte remis le compteur à zéro.
Entre-temps, le sort des Rwandais nés en terre congolaise entre 1967 et 1982 devrait nous interpeller tous.
Certains Commissaires du peuple (députés nationaux et sénateurs) ainsi que certains Commissaires d’Etat (ministres du gouvernement central), de même que certains membres du corps judiciaire (magistrats et juges) sont vivants. Ils assument les uns totalement, les autres partiellement, la responsabilité de la situation sécuritaire à l’Est.
Au lieu de le faire, ils situent la cause de cette situation à l’avènement de l’Afdl, conglomérat d’aventuriers apparu en 1996, soit 30 ans après le référendum de 1967. Dans leurs discours, ils soutiennent que l’insécurité remontent à deux décennies, comme pour se dédouaner devant un peuple qu’ils croient sans mémoire.
Résultat : Sorozo !
Ainsi, on veut disqualifier tout le travail abattu par Rochereau Tabu Ley, dans le rayonnement international de la musique congolaise.
Déjà, on tire sur le petit Innocent Didace Balamune, Innobs, qu’on présente en preuve d’infiltration rwandaise en RDC.
On fait semblant de ne pas savoir qu’ils sont nombreux, les artistes, les écrivains, les sportifs, les médecins, les enseignants, les avocats, les ingénieurs, les pilotes, les opérateurs économiques, les agriculteurs, les journalistes etc. ayant fui le Congo de leur père ou de leur mère, simplement parce que leur mère ou leur père est du Rwanda assimilé désormais au pays des Tutsi, exit les Hutu !
Ils ne savent même pas qu’en pratiquant cette ségrégation, ils poussent en réalité les Hutus à se rapprocher de Paul Kagame parce que redoutant de devenir apatrides du fait d’être déclarés indésirables au Congo Kinshasa où tous ne sont ni Rwandais, ni Burundais parce que Congolais à part entière.
Au final, on s’étonne d’avoir un pays de 63 ans géant par la taille et par les ressources, mais demeuré nain par son leadership !
Le 29 juin prochain, dans le cadre d’Indépendance Day, ils se livreront en spectacle dans une scène qui s’annonce, au regard de la thématique et des intervenants, plus pour la division des Congolais que pour leur union, leur unité…
C’est le déclic qu’ils comptent proposer au Président de la République Félix Tshisekedi.
Omer Nsongo die Lema