Croissance économique : Bien gérer le retour de la politique industrielle, la barre est haute

Afin d’éviter les erreurs coûteuses, il faut plus de données, d’analyses et de concertation.

Dans l’histoire, les États ont communément eu recours à des interventions sélectives regroupées sous le nom de politique industrielle pour favoriser les industries nationales en renforçant la compétitivité de leurs entreprises ou en soutenant le développement de certains secteurs. Tombée en disgrâce il y a des années dans la majeure partie du monde en raison de sa complexité et de ses avantages incertains, la politique industrielle n’était plus appliquée que par quelques pays en développement.
Aujourd’hui, il semble que la politique industrielle est partout de retour. La pandémie, l’accroissement des tensions géopolitiques et la crise climatique ont fait craindre pour la résilience des chaînes d’approvisionnement et pour la sécurité économique et nationale et, plus généralement, pour la capacité des marchés à allouer les ressources de manière efficace et à faire face à ces préoccupations. Dans ces circonstances, les États subissent une forte pression pour que la politique industrielle reprenne du service.
La comparaison des avantages et des inconvénients de la politique industrielle est un vieux débat parmi les économistes. Certes, les mesures en question peuvent contribuer à remédier aux défaillances du marché ; c’est le cas, par exemple, des interventions en faveur de la transition climatique. Mais la politique industrielle est coûteuse et peut conduire à diverses formes de défaillance des pouvoirs publics, allant de la corruption à la mauvaise affectation des ressources. Les politiques industrielles peuvent également avoir des effets de contagion transfrontaliers, en augmentant le risque de représailles de la part d’autres pays, ce qui finirait par affaiblir le système commercial multilatéral et aggraver la fragmentation géoéconomique. Davantage de données, d’analyse et de concertation sont nécessaires si l’on veut éviter les erreurs coûteuses.
Dans ce blog, nous analysons le retour de la politique industrielle en nous intéressant particulièrement à trois questions : les raisons de cette résurgence, les arbitrages qu’elle suppose et l’action du FMI à ce sujet.
La nouvelle vague
Le FMI s’est récemment uni au groupe Global Trade Alert pour suivre l’évolution de la situation. Nos dernières études montrent qu’il y a eu plus de 2 500 interventions de politique industrielle dans le monde l’année dernière. Plus des deux tiers d’entre elles ont produit un effet de distorsion sur les échanges commerciaux, en exerçant probablement une discrimination à l’encontre d’intérêts commerciaux étrangers. Cette campagne de collecte de données constitue la première étape vers la compréhension de la nouvelle vague de politiques industrielles.

La multiplication des mesures de politique industrielle ces derniers temps est le fait des grandes puissances économiques : la Chine, les États-Unis et l’Union européenne totalisent près de la moitié de l’ensemble des interventions en 2023. Les pays avancés semblent avoir été plus actifs que les pays émergents et les pays en développement. Les données relatives aux dix dernières années sont moins précises, mais les informations dont on dispose montrent que le recours aux subventions a toujours été plus répandu dans les pays émergents, contribuant ainsi au grand nombre de mesures héritées du passé toujours en place.

Les mesures récentes se concentrent davantage sur la transition écologique et la sécurité économique, et moins sur la compétitivité. Cette dernière a néanmoins été l’objectif d’une mesure de politique industrielle sur trois en 2023, les deux autres étant motivées par l’atténuation des changements climatiques, la résilience des chaînes d’approvisionnement ou des considérations de sécurité.
D’un point de vue sectoriel, étonnamment, ce sont les produits à double usage — militaire et civil — et les technologies de pointe, y compris les semi-conducteurs et les solutions sobres en carbone ainsi que leurs composants, tels que les minéraux critiques, qui ont concentré la plus forte activité de politique industrielle.

La politique industrielle oriente la réaffectation des ressources vers certaines entreprises, industries ou activités nationales que les forces du marché ne parviennent pas à promouvoir de manière socialement efficace. Toutefois, pour produire des avantages économiques nets, ces interventions doivent être bien conçues, ce qui signifie qu’elles doivent viser à remédier à des défaillances du marché bien identifiées et se fonder sur des principes d’amélioration de la concurrence et sur une analyse coûts–avantages rigoureuse.
Étant donné que la politique industrielle vise à modifier les incitations pour les entreprises privées, elle implique aussi deux risques : que les ressources soient mal affectées et que, avec le temps, certaines industries accaparent le soutien public. La politique industrielle peut également perturber les échanges commerciaux, les investissements et les flux financiers, ainsi que les prix sur les marchés mondiaux, ce qui pourrait avoir des retombées importantes sur les partenaires commerciaux et sur l’économie mondiale.
Le premier enseignement qui ressort de l’analyse des nouvelles politiques industrielles par les services du FMI est que la prudence s’impose.
· Les mesures annoncées ou mises en œuvre l’année dernière n’étaient pas toujours clairement liées à des défaillances du marché. Autrement dit, dans certains cas, des politiques bien conçues qui visent à améliorer l’environnement des affaires en général auraient été plus judicieuses que des interventions étatiques ciblées avec leurs risques inhérents de mauvaise affectation des ressources et de coût budgétaire élevé.
· Les études des services du FMI apportent des preuves supplémentaires d’une dynamique de représailles. Les chances que les interventions se concentrent sur un produit en particulier sont accrues si le produit en question fait déjà l’objet de mesures chez d’autres partenaires commerciaux. De fait, les mesures comme les subventions entraînent souvent des effets de contagion transfrontaliers qui peuvent inciter les autorités d’autres pays à réagir de la même manière.
· Certains éléments révèlent aussi que la politique industrielle peut être influencée par des intérêts particuliers.L’analyse montre une forte corrélation entre le nombre de mesures et des variables d’économie politique telles que l’imminence d’une élection et l’importance de certains produits dans le panier d’exportations, laissant entendre que les autorités favorisent peut-être les entreprises établies.
Le rôle du FMI
Le caractère inédit et l’importance macroéconomique des nouvelles mesures de politique industrielle en général ont incité les services du FMI à intensifier leurs travaux dans trois domaines.
Le travail de collecte de données et d’analyse des politiques a été étoffé afin d’accroître la sensibilisation et d’éclairer le débat sur les politiques. Outre la nouvelle activité de surveillance des données, les services s’emploient à vérifier l’efficacité des politiques industrielles dans la réalisation des objectifs fixés — tels que la promotion de l’innovation (voir l’édition d’avril 2024 du Moniteur des finances publiques) et les objectifs climatiques —, ainsi que leurs retombées hors des frontières nationales.
Dans le cadre de la surveillance bilatérale, les services du FMI se concentrent sur l’évaluation des mesures de politique industrielle capables d’influencer fortement la stabilité intérieure ou extérieure d’un pays ou de générer d’importants effets de contagion transfrontaliers. La portée de l’analyse et des conseils des services dépend du type de politique industrielle et de ses objectifs, ainsi que des informations et des compétences spécifiques disponibles. Deux documents récents du FMI fournissent un cadre conceptuel et des principes directeurs pour le traitement de la politique industrielle dans le cadre des activités de surveillance au FMI, y compris les questions touchant aux échanges commerciaux et la cohérence avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Enfin, le FMI collabore avec l’OMC pour lancer une concertation multilatérale sur le commerce et la politique industrielle. Une réunion technique sur les politiques de résilience a été organisée en février avec la contribution de plusieurs pays et d’autres organisations internationales. L’objectif est d’approfondir et d’élargir ces travaux dans les prochains mois. Des échanges de ce type peuvent améliorer le partage d’informations sur les mesures adoptées, leur efficacité et leurs retombées, et aider à établir une compréhension commune des problèmes ainsi que des possibilités de solutions coopératives.
Anna Ilyna, Ceyla Pazarbasioglu, Michele Ruta




Croissance économique : Relancer la productivité est une priorité mondiale pour réveiller la croissance à moyen terme  

Sans mesures ambitieuses pour renforcer la productivité, la croissance mondiale descendra nettement sous sa moyenne historique.

L’économie mondiale fait face à une réalité bien peu enthousiasmante. Le taux de croissance mondial, net des variations conjoncturelles, ne cesse de ralentir depuis la crise financière mondiale de 2008–09. Sans intervention des pouvoirs publics et mise à profit des nouvelles technologies, les taux de croissance plus soutenus risquent d’appartenir définitivement au passé.

Plusieurs vents contraires ont eu raison des bonnes perspectives de croissance : d’après les projections à cinq ans de notre dernière édition des Perspectives de l’économie mondiale, la croissance mondiale va ralentir et s’établir à juste un peu plus de 3 % d’ici 2029. Notre analyse [link] montre que la croissance pourrait chuter d’environ 1 point au-dessous de son niveau moyen prépandémique (2000–19) d’ici la fin de la décennie. Cette situation menace d’annuler les progrès obtenus en termes de niveaux de vie, et le caractère inégal du ralentissement observé dans les pays riches et les pays pauvres pourraient limiter les perspectives d’une convergence mondiale des revenus.

Un scénario d’affaiblissement durable de la croissance, conjugué à des taux d’intérêt élevés, pourrait compromettre la viabilité de la dette, restreignant la capacité des gouvernements à contrer les ralentissements économiques et investir dans des initiatives en faveur du bien-être social ou de l’environnement. De plus, l’anticipation d’une croissance faible pourrait décourager l’investissement dans le capital et les technologies, au point peut-être d’accentuer le ralentissement. Les vents très contraires de la fragmentation géoéconomique ainsi que les mesures commerciales et industrielles prises unilatéralement ne font qu’aggraver la situation.

Notre analyse la plus récente donne cependant des raisons d’espérer : diverses politiques, de l’amélioration de l’affectation du travail et du capital entre les entreprises à la lutte contre les pénuries de main-d’œuvre liées au vieillissement de la population dans les grands pays, pourraient collectivement relancer la croissance à moyen terme.

Les principaux leviers de la croissance économique sont le travail, le capital et l’utilisation judicieuse de ces deux ressources, c’est-à-dire la productivité globale des facteurs (PGF). Le recul de la croissance mesuré depuis la crise s’explique pour plus de la moitié par un essoufflement du troisième facteur, la PGF. Celle-ci augmente grâce au progrès technologique et à une meilleure allocation des ressources, qui permet d’orienter le travail et le capital vers les entreprises les plus productives.

Notre analyse montre que l’allocation des ressources est cruciale pour la croissance. Or, ces dernières années, une répartition de plus en plus inefficiente des ressources entre les entreprises a plombé la PGF et, partant, la croissance mondiale.

Cette affectation toujours moins efficiente s’explique par des obstacles persistants, par exemple des politiques qui favorisent ou pénalisent certaines entreprises sans tenir compte de leur productivité, empêchant le capital et le travail d’atteindre les plus productives d’entre elles, ce qui limite leur croissance potentielle. Si le problème de la mauvaise allocation des ressources ne s’était pas aggravé, la PGF aurait pu augmenter de 50 % et la décélération de la croissance aurait été moins drastique.

Deux autres facteurs ont ralenti la croissance. Dans les principales puissances économiques, où la population d’âge actif diminue, la pression démographique a freiné l’augmentation de la main-d’œuvre. Dans le même temps, le faible niveau d’investissement des entreprises a retardé la formation de capital.

Des pressions à moyen terme

Les Nations Unies prévoient une accentuation des pressions démographiques dans les principales puissances économiques, qui déséquilibrera l’offre de main-d’œuvre et modérera la croissance au niveau mondial. La population en âge de travailler augmentera dans les pays à faible revenu et certains pays émergents, tandis que la Chine et la majorité des pays avancés (sauf les États-Unis) devront composer avec une contraction de la main-d’œuvre. D’ici 2030, le taux de croissance de la population active mondiale devrait se réduire à tout juste 0,3 %, très en deçà de son niveau moyen d’avant la pandémie.

La mauvaise affectation des ressources se corrigera peut-être en partie d’elle-même avec le temps, car le travail et le capital afflueront vers les entreprises plus productives. Ceci contribuera un peu à atténuer l’essoufflement de la productivité globale des facteurs, malgré les obstacles structurels et réglementaires qui continuent de ralentir le processus. L’innovation technologique pourrait aussi limiter le ralentissement.

Néanmoins, le rythme d’accroissement de la PGF devrait continuer de baisser dans l’ensemble, en raison de certains défis comme la difficulté grandissante d’enregistrer de nouvelles percées technologiques, la stagnation des niveaux scolaires et le processus de rattrapage plus lent des pays moins avancés par rapport à leurs homologues plus avancés.

Faute de progrès technologiques ou de réformes structurelles majeures, nous tablons sur une croissance économique mondiale de 2,8 % en 2030, bien inférieure à la moyenne historique de 3,8 %.

Ranimer la croissance mondiale

Notre analyse évalue l’incidence des politiques sur l’offre de main-d’œuvre et l’affectation des ressources, dans un contexte marqué par les progrès rapides de l’intelligence artificielle (IA), le surendettement public et la fragmentation géoéconomique.

Nous étudions des scénarios de modifications ambitieuses mais néanmoins possibles des politiques, visant à corriger la mauvaise affectation des ressources en donnant plus de souplesse aux marchés des produits et du travail et en améliorant l’ouverture aux échanges et le développement financier. Nous examinons également des politiques destinées à renforcer l’offre de main-d’œuvre ou la productivité en réformant les pensions de retraite et l’indemnisation du chômage, à soutenir les services de la petite enfance, à développer les programmes de reconversion et de perfectionnement et améliorer l’intégration des travailleurs immigrés, mais aussi à supprimer les barrières sociales et les inégalités de genre.

Nous en arrivons à la conclusion que les avantages associés à l’augmentation du taux d’activité, l’intégration de migrants plus nombreux dans les pays avancés et une affectation optimisée de la main-d’œuvre dans les pays émergents sont relativement modestes.

En revanche, les réformes qui stimulent la productivité et exploitent toutes les possibilités de l’IA sont essentielles pour redynamiser la croissance à moyen terme. Notre analyse indique que des politiques publiques ciblées visant à accroître la concurrence commerciale, l’ouverture aux échanges, l’accès aux financements et la flexibilité du marché du travail pourraient rehausser la croissance mondiale d’environ 1,2 point d’ici 2030. En outre, même si l’on ignore aujourd’hui dans quelle mesure l’IA peut doper la productivité, son potentiel est sans doute substantiel, avec à la clé une hausse possible de 0,8 point de la croissance mondiale, en fonction de l’adoption de l’IA et de ses incidences sur la population active.

À long terme, des politiques axées sur l’innovation [Link Fiscal Monitor Ch 2] seront indispensables au maintien de la croissance mondiale.

— Ce billet, qui se fonde sur le chapitre 3 des Perspectives de l’économie mondiale intitulé « Ralentissement de la croissance mondiale à moyen terme : comment inverser la tendance ? », rend compte des travaux de Chiara Maggi, Cedric Okou, Alexandre B. Sollaci et Robert Zymek.




Fiscal policy and management : La politique industrielle n’est pas un remède miracle contre la faible croissance  

Si un recours à la politique industrielle peut être tentant pour certains pays, une panoplie de mesures qui soutiennent l’innovation à plus grande échelle peut pourtant contribuer à stimuler la croissance économique.

Sur fond de préoccupations sécuritaires, bon nombre de pays intensifient leur politique industrielle afin de promouvoir l’innovation dans des secteurs spécifiques et dans l’espoir de relancer la productivité et la croissance à long terme. Des initiatives majeures voient le jour dans le monde entier, à l’instar du CHIPS and Science Act aux États-Unis, qui investira dans la recherche et la production de semi-conducteurs au niveau national, du plan industriel du Pacte vert en Europe, qui entend soutenir la transition de l’Union européenne vers la neutralité climatique, de la nouvelle orientation de l’économie et de la politique industrielle au Japon ou encore du K-Chips Act en Corée, sans compter les politiques adoptées de longue date dans des pays émergents comme la Chine.

Menée de façon judicieuse, la politique industrielle, qui consiste pour les pouvoirs publics à soutenir des secteurs spécifiques, peut être favorable à l’innovation. Il est cependant primordial de trouver le bon équilibre, car les antécédents d’erreurs stratégiques, de coûts budgétaires élevés et de répercussions négatives pour d’autres pays sont légion.

Ce tournant récent vers la politique industrielle pour soutenir l’innovation dans des secteurs et pour des technologies spécifiques n’est pas une solution miracle, comme nous le décrivons dans un chapitre du numéro d’avril 2024 du Moniteur des finances publiques. En revanche, des politiques budgétaires judicieuses, qui encouragent l’innovation et la diffusion des technologies à plus grande échelle et privilégient la recherche fondamentale, à la base de l’innovation appliquée, peuvent favoriser une plus forte croissance dans tous les pays et accélérer la transition écologique et numérique de l’économie.

Notre analyse du ciblage du soutien budgétaire à l’innovation dans des secteurs spécifiques montre que ces politiques ne génèrent des gains de productivité et de bien‑être que dans certaines conditions restrictives :

lorsque les secteurs ciblés génèrent des avantages sociaux mesurables, tels que la réduction des émissions de carbone ou l’augmentation des externalités de connaissances vers d’autres secteurs ;

lorsque les politiques ne sont pas discriminatoires à l’égard des entreprises étrangères ; et

lorsque les pouvoirs publics disposent d’une forte capacité à administrer et à mettre en œuvre ces politiques.

La plupart des politiques industrielles recourent largement à des subventions ou des allègements fiscaux, mesures dispendieuses qui peuvent nuire à la productivité et au bien-être si elles ne sont pas bien orientées. C’est souvent le cas, par exemple lorsque les subventions sont détournées au profit de secteurs bénéficiant de liens avec le monde politique. En outre, la discrimination à l’encontre des entreprises étrangères peut s’avérer autodestructrice, car elle peut déclencher des mesures de rétorsion coûteuses. Qui plus est, la plupart des pays, même les principaux pays avancés, s’appuient sur l’innovation développée dans d’autres pays.

Dans certains cas, le recours à la politique industrielle peut se justifier, notamment lorsqu’elle soutient des secteurs qui génèrent d’importantes externalités de connaissances pour l’économie nationale (dans le secteur des semi-conducteurs, par exemple). La promotion de l’innovation verte est un autre motif important de mener une politique industrielle. En effet, pour atteindre l’objectif de zéro émission nette, il faudra faire appel à des technologies qui n’existent pas encore. Cependant, les subventions à l’innovation verte doivent être transparentes, axées sur des objectifs environnementaux et complétées par un système robuste de tarification du carbone afin de minimiser les coûts budgétaires.

Plus généralement, les États adoptant une politique industrielle doivent investir dans les capacités techniques, réajuster leur soutien en fonction de l’évolution de la situation et agir dans le respect de l’ouverture et de la compétitivité des marchés. Les mesures qu’ils prennent doivent être élaborées de manière à éviter les dépenses inutiles et des politiques protectionnistes qui risqueraient de fragmenter davantage le commerce mondial.

Un dosage de politiques favorable à l’innovation

Les pays à la pointe de la technologie gagneraient à adopter un ensemble de mesures qui soutiennent largement l’innovation, en particulier parce que la recherche fondamentale ayant un vaste spectre d’applications souffre généralement d’un déficit de financement.

Un moyen financièrement avantageux de stimuler l’innovation et la croissance consiste à adopter un ensemble complémentaire de mesures de financement public de la recherche fondamentale, de subventions à la recherche et au développement pour les start-up innovantes et d’incitations fiscales pour encourager l’innovation appliquée au sein des entreprises. Selon nos estimations, en augmentant les dépenses consacrées à ces mesures de 0,5 point de pourcentage du PIB, soit environ 50 % du niveau actuel dans les pays membres de l’OCDE, on pourrait accroître de 2 % le PIB d’un pays avancé moyen. Ce niveau de dépenses en faveur de l’innovation pourrait même réduire le ratio dette/PIB à long terme.

La conception de telles mesures est toutefois déterminante. Ainsi, les subventions sont plus utiles si elles sont accordées aux premiers stades du cycle de l’innovation, tandis que les incitations fiscales doivent être aisément accessibles si l’on veut qu’elles ne profitent pas uniquement aux grandes entreprises déjà bien établies.

Le soutien à l’innovation peut certes porter ses fruits à long terme, mais pour les pays disposant d’un espace budgétaire limité, il peut être plus judicieux à court terme de redéfinir d’autres priorités de dépenses et de mobiliser plus de recettes.

Les pays moins avancés sur le plan technologique n’ont pas les mêmes priorités. Les autorités de ces pays peuvent percevoir des dividendes de productivité plus importants grâce à des mesures qui favorisent la diffusion de technologies développées ailleurs. Elles doivent cependant investir dans le capital humain et l’infrastructure stratégique pour profiter pleinement de ces apports technologiques.

Le renforcement de la coopération internationale et l’intensification des échanges de connaissances sont essentiels pour tous les pays afin d’accélérer les transformations vertes et numériques et de parvenir à un avenir plus prospère. Les mesures de repli sur soi amoindrissent la capacité d’innovation mondiale et ralentissent la diffusion des technologies, en particulier vers les pays qui en ont le plus besoin.

—Ce billet est basé sur le chapitre 2 du Moniteur des finances publiques d’avril 2024.




Stabilité du secteur financier : L’intensification des cybermenaces suscite de grandes inquiétudes pour la stabilité financière  

Dans un contexte d’accélération de la transition numérique et d’exacerbation des tensions géopolitiques, le risque augmente de voir une cyberattaque avoir des répercussions systémiques.

Le nombre de cyberattaques a plus que doublé depuis la pandémie de COVID-19. Les pertes directes enregistrées par des sociétés victimes de cyberattaques ont été jusqu’ici relativement modérées, mais certaines ont tout de même payé un beaucoup plus lourd tribut. Par exemple, l’agence de notation américaine Equifax a dû s’acquitter d’une amende de plus d’un milliard de dollars à la suite d’une violation massive de données qui avait touché environ 150 millions de clients en 2017.

Comme nous le montrons dans un chapitre de l’édition d’avril 2024 du Rapport sur la stabilité financière dans monde, le risque de pertes extrêmes provoquées par des cyberincidents est en hausse. Ces pertes pourraient confronter des sociétés à des problèmes de financement, voire compromettre leur solvabilité. L’ampleur de ces pertes extrêmes a plus que quadruplé depuis 2017 pour atteindre 2,5 milliards de dollars. De surcroît, les pertes indirectes, comme l’atteinte à la réputation ou les dépenses engagées pour renforcer la sécurité, sont devenues beaucoup plus lourdes.

Le secteur financier est plus exposé que tout autre au cyberrisque. Du fait des gros volumes de données sensibles et d’opérations qu’elles traitent, les sociétés financières sont souvent la cible de criminels cherchant à voler de l’argent ou à perturber l’activité économique. Les sociétés financières sont concernées par près d’un cinquième des attaques et les banques sont les établissements les plus exposés.

Des incidents survenant dans le secteur financier pourraient mettre en péril la stabilité financière et économique s’ils portent atteinte à la confiance accordée au secteur financier, désorganisent des services essentiels ou occasionnent des répercussions sur d’autres institutions.

Par exemple, un cyberincident de grande ampleur dans une institution financière pourrait ébranler la confiance et, dans des cas extrêmes, provoquer des cessions d’actifs massives sur les marchés ou des ruées sur les dépôts bancaires. Bien que l’on ne recense à ce jour aucun mouvement de panique majeur à la suite d’un cyberincident, notre analyse montre qu’une cyberattaque a donné lieu pendant un certain temps à des retraits de dépôts, certes modérés, dans des banques américaines de petite taille.

L’activité économique pourrait également être gravement perturbée par des cyberincidents entraînant une désorganisation de services essentiels comme des réseaux de paiement. Par exemple, la cyberattaque subie par la banque centrale du Lesotho en décembre 2023 a désorganisé le système national de paiement, empêchant les banques du pays d’effectuer des opérations.

Il faut également tenir compte du fait que les sociétés financières sous-traitent de plus en plus leurs activités informatiques à des prestataires tiers, une tendance qui devrait s’accentuer avec le rôle émergent de l’intelligence artificielle. Ces prestataires extérieurs peuvent certes renforcer la résilience opérationnelle mais ils exposent aussi le secteur financier à des chocs d’ampleur systémique. L’an dernier, par exemple, une attaque au rançongiciel sur un fournisseur de services informatiques sur le nuage a entraîné des interruptions de services simultanées dans 60 caisses de crédit mutuel américaines.

En cette période où, comme le montre le chapitre, le système financier mondial fait face à des cyberrisques considérables et croissants sous l’effet de l’accélération de la transition numérique et de l’exacerbation des tensions géopolitiques, les procédures et dispositifs de gouvernance au sein des sociétés doivent évoluer en conséquence.

Cependant, les motivations guidant le secteur privé pourraient ne pas suffire pour lutter contre les cyberrisques. Par exemple, les sociétés pourraient ne pas tenir pleinement compte des effets systémiques des incidents. Une intervention des pouvoirs publics pourrait alors se révéler nécessaire.

Or il ressort d’une enquête menée par le FMI auprès de banques centrales et d’organes de supervision que les dispositifs des pouvoirs publics en matière de cybersécurité restent souvent insuffisants, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement. Par exemple, les pays dotés d’une stratégie nationale de cybersécurité ciblée sur le secteur financier ou de réglementations spéciales en matière de cybersécurité ne représentaient qu’environ la moitié de l’échantillon.

Pour renforcer la résistance du secteur financier, les autorités devraient mettre au point une stratégie de cybersécurité nationale adéquate, et l’accompagner de capacités de réglementation et de supervision efficaces englobant les axes suivants :

évaluer régulièrement la situation de la cybersécurité et détecter d’éventuels risques systémiques liés à l’interconnexion des acteurs et aux concentrations, notamment ceux engendrés par les prestataires de services tiers ;

promouvoir la « cybermaturité » au sein des sociétés du secteur financier, ce qui passe notamment par une expertise en matière de cybersécurité chez les dirigeants, comme le montre l’analyse du chapitre, qui laisse apparaître qu’une meilleure gouvernance en matière de cybersécurité pourrait atténuer le cyberrisque ;

améliorer la « cyberhygiène » des sociétés, à savoir la sécurité en ligne et la fiabilité des systèmes informatiques (outils de protection contre les logiciels malveillants et authentification multifactorielle, par exemple), ainsi que la formation et la sensibilisation aux questions de cybersécurité ;

donner la priorité à la communication des données et au recensement des cyberincidents, et diffuser les informations aux acteurs du secteur financier afin d’améliorer leur état de préparation collectif.

Sachant que les attaques sur des sociétés financières proviennent souvent de l’étranger et que les gains engendrés peuvent traverser les frontières, il est impératif de faire fonctionner la coopération internationale pour traiter le cyberrisque de façon efficace.

Des cyberincidents se produiront inévitablement mais le secteur financier doit être en mesure d’assurer la continuité de services essentiels pendant les périodes de perturbations. Pour ce faire, les sociétés financières devraient mettre au point et tester des procédures de riposte et de retour à la normale. Quant aux autorités nationales, elles devraient disposer de protocoles et de dispositifs de gestions de crise efficaces.

Le FMI s’emploie à aider ses pays membres à renforcer leurs dispositifs de cybersécurité en leur prodiguant des recommandations, par exemple dans le cadre du programme d’évaluation du secteur financier, et en leur fournissant des activités de développement des capacités.

— Ce billet s’inspire du chapitre 3 de l’édition d’avril 2024 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde, intitulé « Les cyberrisques : une préoccupation croissante par la stabilité macrofinancière ».




Marchés financiers émergents et pré-émergents : Les pays émergents pèsent plus lourd sur l’échiquier économique mondial

Les décideurs doivent se tenir prêts à bien gérer les répercussions issues des pays émergents, dont l’influence sur l’économie mondiale va grandissant.

Les grands pays émergents du Groupe des Vingt (G20) exercent une influence croissante sur l’économie mondiale. Au cours des deux dernières décennies, ils ont fortement accru leur intégration aux marchés mondiaux et sont à l’origine de retombées économiques plus importantes sur le reste du monde.
En cette période où les perspectives de croissance se détériorent en Chine et dans plusieurs autres grands pays émergents, il est primordial que les décideurs, aussi bien ceux des pays émergents du G20 que ceux des pays susceptibles d’être touchés, comprennent les circuits par lesquels un ralentissement pourrait se propager à l’économie mondiale.
Les répercussions que des chocs survenant au sein de pays émergents du G20 peuvent avoir sur la croissance ont pris de l’ampleur au cours des deux dernières décennies, au point d’être désormais comparables à celles provoquées par les chocs frappant les pays avancés, comme nous le montrons dans un chapitre analytique des Perspectives de l’économie mondiale d’avril 2024. Nous examinons aussi la manière dont ces chocs se propagent aux entreprises et aux secteurs d’activité d’autres pays par l’intermédiaire des échanges commerciaux.
Les répercussions les plus importantes sont celles venant de Chine et leur influence sur la variation de la production des pays émergents est désormais aussi puissante que celles provoquées par les États-Unis. D’autres pays émergents du G20, tels que l’Inde, le Brésil, la Russie et le Mexique, jouent également un rôle important sur les résultats économiques de leurs voisins.

Nos simulations, établies à l’aide d’un modèle appliqué aux échanges commerciaux de plusieurs pays dans plusieurs secteurs, laissent apparaître qu’une baisse de la productivité dans les pays émergents du G20 peut faire peser sur la production mondiale un effet trois fois supérieur à son niveau de 2000.
Répercussions sectorielles
Depuis l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, les pays émergents du G20 ont doublé leur part dans les échanges commerciaux internationaux et l’investissement direct étranger, et ils représentent désormais un tiers du PIB mondial. Ils sont devenus de gros importateurs de produits manufacturés et de gros exportateurs de biens intermédiaires, en particulier dans l’industrie manufacturière et l’exploitation minière.

Par ailleurs, dans la mesure où les pays émergents du G20 sont de plus en plus intégrés aux chaînes de valeur mondiales, l’évolution de leur conjoncture économique peut avoir de plus grandes retombées à l’étranger.
De bonnes surprises en matière de croissance peuvent stimuler la progression du chiffre d’affaires d’entreprises étrangères dans des secteurs comme les installations électriques, l’outillage et les produits métalliques, qui sont davantage tributaires de la demande des pays émergents du G20. L’accélération de la croissance dans les pays émergents, comme l’Indonésie et la Türkiye, peut également être favorable à des entreprises étrangères dans des secteurs qui dépendent davantage d’intrants bon marché.
Cependant, une accélération de la croissance dans les pays émergents peut également être le signe qu’ils étendent leur capacité de production en aval afin de fabriquer et d’exporter de nouveaux produits faisant directement concurrence à ceux fabriqués par des entreprises à l’étranger. Les effets de la concurrence des importations en provenance de pays où les salaires sont moins élevés, tels que la Chine et le Mexique, semblent prédominer dans les secteurs dépendant fortement de fournisseurs étrangers, comme les industries textile et chimique.

Il n’est donc pas surprenant que les chocs survenant dans les pays émergents du G20 puissent aussi entraîner de vastes redistributions de l’activité économique entre les pays et les secteurs.
Nos modèles montrent que la plupart des secteurs verront leur activité se contracter à la suite d’un déclin généralisé de la productivité, plus particulièrement en Asie. Cependant, les répercussions sont hétérogènes, en particulier si le déclin est concentré dans des secteurs qui sont intégrés dans les chaînes de valeur mondiales. Dans ce cas de figure, la plupart des secteurs manufacturiers dans le reste du monde connaîtraient une expansion, en particulier l’industrie textile, les produits métalliques et l’électronique, les entreprises tirant profit de la diminution de l’offre en provenance des pays émergents du G20.
Les répercussions sur d’autres pays se manifestent aussi sur le marché de l’emploi. Un choc positif sur la productivité dans des pays émergents du G20 peut provoquer des pertes d’emplois dans les secteurs correspondants en raison d’une concurrence accrue, alors que les retombées provenant de secteurs reliés par les chaînes de valeur mondiale tendent à créer des complémentarités et des possibilités d’emploi.
Une plus grande responsabilité
Les pays émergents du G20 — en particulier la Chine, mais pas uniquement — continuent de montrer qu’ils peuvent générer de vastes effets de contagion au niveau mondial et régional.
Les incidences négatives d’un ralentissement de la croissance dans les pays émergents du G20, notamment à la suite de chocs du côté de l’offre, pourraient mettre en péril la trajectoire descendante de l’inflation dans les pays avancés. Dans les autres pays émergents et les pays en développement, les répercussions pourraient être encore plus importantes, ce qui compromettrait la croissance et la convergence des revenus.
Un ralentissement en Chine pourrait se révéler particulièrement néfaste compte tenu du statut de superpuissance manufacturière de ce pays et de son haut degré d’intégration. Mais le rôle croissant de tous les pays émergents du G20 montre que d’autres peuvent participer au bon fonctionnement de l’économie mondiale. Une accélération de la croissance dans ces pays, qui est un scénario plausible, pourrait générer des retombées positives à l’échelle mondiale et ajouter un demi-point de pourcentage aux taux de croissance mondiale.
Si elle peut avoir des côtés néfastes, la réaffectation de l’activité et des emplois entre les entreprises et les secteurs en raison de répercussions issues de pays émergents du G20 ouvre aussi de nouvelles possibilités. Les secteurs positionnés pour tirer parti de cette réaffectation pourraient être aidés par des réformes structurelles, en particulier dans les marchés du travail et la réglementation des entreprises. Parallèlement, les décideurs devraient également déployer des politiques inclusives, y compris à l’aide d’appuis budgétaires ciblés, afin de permettre une réaffectation efficace de la main-d’œuvre entre les secteurs et d’atténuer les éventuels effets négatifs de ces retombées sur la distribution des revenus.
En cette période où le pouvoir économique mondial continue de se déplacer, une coopération multilatérale efficace et une coordination internationale de l’action des pouvoirs publics demeurent des axes prioritaires pour bien gérer les répercussions et atténuer les risques de fragmentation, y compris en renforçant le dispositif mondial de sécurité financière.
— Ce billet est basé sur le chapitre 4 des Perspectives de l’économie mondiale d’avril 2024 : « Changement de rôles : répercussions économiques réelles des pays émergents du G20 ».
—Nicolas Fernandez-Arias est économiste au département des études du FMI, où Alberto Musso, Carolina Osorio Buitron et Adina Popescu sont économistes principaux.




Politique monétaire : Le logement est une des raisons pour lesquelles les effets des taux d’intérêt plus élevés diffèrent selon les pays  

Ces effets peuvent se manifester avec un décalage dans certains pays : si les taux d’intérêt restent plus élevés plus longtemps, les propriétaires en ressentiront vraisemblablement les conséquences lorsque les taux du crédit hypothécaire s’adapteront.

Les banques centrales ont considérablement relevé les taux d’intérêt ces deux dernières années pour maîtriser l’inflation au sortir de la pandémie, faisant craindre pour beaucoup un ralentissement de l’activité économique. La croissance mondiale s’est pourtant globalement maintenue, une décélération ne se manifestant que dans quelques pays.

Pourquoi certains pâtissent des taux élevés, et d’autres pas ? Les effets des taux directeurs de la politique monétaire sur l’activité dépendent en partie des caractéristiques du marché du logement et du marché hypothécaire, qui varient grandement selon les pays, comme le montre un chapitre de la nouvelle édition des Perspectives de l’économie mondiale.

Le logement est un important vecteur de transmission de la politique monétaire. Les prêts hypothécaires sont le principal engagement financier des ménages et le logement constitue souvent l’essentiel de leur patrimoine. L’immobilier représente en outre une grande part de la consommation, de l’investissement, de l’emploi et des prix à la consommation dans la plupart des pays.

Afin d’évaluer dans quelle mesure certaines caractéristiques du marché résidentiel affectent les effets de la politique monétaire sur l’activité, nous nous sommes appuyés sur de nouvelles données sur les marchés du logement et des prêts hypothécaires recueillies dans différents pays, et avons constaté que ces caractéristiques variaient considérablement selon les pays. Ainsi, la part des prêts hypothécaires qui sont à taux fixe est presque nulle en Afrique du Sud, alors qu’elle est supérieure à 95 % aux États-Unis et au Mexique.

Nos résultats indiquent que la politique monétaire a des effets plus importants sur l’activité dans les pays où la part des prêts hypothécaires à taux fixe est faible. Cela s’explique par le fait que si le taux hypothécaire est variable, le montant des remboursements mensuels augmente en fonction des taux directeurs de la politique monétaire. À l’inverse, les ménages qui ont emprunté à taux fixe ne verront pas de différence immédiate si les taux directeurs changent.

Les effets de la politique monétaire sont également plus marqués dans les pays où le montant des prêts est élevé par rapport à la valeur des biens, ainsi que dans ceux où l’endettement des ménages est élevé en pourcentage du PIB. Dans tous ces pays, un plus grand nombre de ménages sont exposés aux risques de variation des taux hypothécaires, avec des effets accrus si leur endettement est élevé en proportion de leur patrimoine.

Les caractéristiques du marché du logement jouent aussi un rôle : la transmission de la politique monétaire est plus forte là où l’offre de logements est plus restreinte. Par exemple, une baisse des taux réduit les coûts d’emprunt pour les primo-acquéreurs, entraînant une hausse de la demande. Sur les marchés où l’offre est restreinte, cela se traduit par une appréciation des biens. Les propriétaires existants voient donc leur patrimoine augmenter et peuvent consommer davantage, surtout s’ils peuvent donner leur bien en garantie pour emprunter plus.

La transmission est également plus forte si les prix de l’immobilier résidentiel ont connu une surévaluation récente. Les flambées de l’immobilier tiennent souvent à un optimisme déraisonné quant à l’évolution attendue des prix. Elles s’accompagnent souvent d’un endettement excessif qui peut déboucher sur une spirale de chutes des prix des logements et de saisies immobilières en cas de durcissement de la politique monétaire, les revenus et la consommation diminuant plus encore.

Le logement transmet moins les effets de la politique monétaire

Les marchés du crédit hypothécaire et de l’immobilier ont connu plusieurs transformations depuis la crise financière mondiale et la pandémie. Au début du récent cycle d’augmentation des taux directeurs et après une longue période marquée par des taux d’intérêt faibles, les paiements d’intérêts sur prêts hypothécaires étaient à un niveau historiquement bas, la durée moyenne des prêts était longue et la part moyenne des crédits à taux fixe était élevée dans de nombreux pays. En outre, la pandémie a incité les populations à s’éloigner des centres urbains, leur préférant des zones où l’offre est relativement moins restreinte.

Il se peut donc que la transmission de la politique monétaire par le vecteur de l’immobilier résidentiel se soit affaiblie dans plusieurs pays, ou tout au moins qu’elle soit retardée.

Les circonstances varient toutefois énormément selon les pays. L’évolution des caractéristiques du marché hypothécaire dans des pays comme le Canada ou le Japon indique un renforcement de la transmission de la politique monétaire par le vecteur du logement, principalement en raison de la diminution de la part des crédits à taux fixe, de la hausse de l’endettement et de la contraction de l’offre de logements. Cette transmission semble au contraire s’être affaiblie dans des pays tels que les États-Unis, la Hongrie, l’Irlande ou le Portugal, où ces caractéristiques suivent le trajet inverse.

Calibrer la politique monétaire

Il ressort de notre étude que pour calibrer et adapter au mieux la politique monétaire, il faut bien comprendre ses mécanismes de transmission par le vecteur du logement dans chaque pays. Dans les pays où ce vecteur est puissant, surveiller l’évolution du marché résidentiel et de la dette des ménages peut aider à déterminer rapidement si le resserrement de la politique monétaire est trop important. Là où la transmission de la politique monétaire est faible, les autorités peuvent prendre des mesures vigoureuses dès les premiers signes de surchauffe ou de pressions inflationnistes.

Mais que faire aujourd’hui ? La plupart des banques centrales se sont considérablement rapprochées de leur cible d’inflation. À la lueur de ce qui précède, on pourrait conclure que si la transmission est faible, mieux vaut opter pour une politique un peu trop restrictive qu’un peu trop souple. Pourtant, à l’heure actuelle, un resserrement excessif ou le maintien prolongé des taux d’intérêt à un niveau élevé serait plus risqué.

S’il est vrai que les crédits hypothécaires à taux fixe sont devenus plus courants dans de nombreux pays, il est fréquent que ces taux ne soient fixes que sur une courte période. Au fil des révisions de taux de ces prêts, la politique monétaire pourrait soudain transmettre ses effets plus efficacement et freiner la consommation, surtout dans les pays où les ménages sont lourdement endettés.

Plus les taux d’intérêt resteront élevés longtemps, plus les ménages courront le risque d’accuser le coup, même dans les pays où ils sont jusqu’ici relativement épargnés.

— Ce billet est basé sur le chapitre 2 des Perspectives de l’économie mondiale d’avril 2024 : « Qui accuse le coup ? Effets de la politique monétaire sur les marchés du logement ». Ce chapitre a été rédigé par Mehdi Benatiya Andaloussi, Nina Biljanovska, Alessia De Stefani et Rui Mano, avec l’appui d’Ariadne Checo de los Santos, Eduardo Espuny Diaz, Pedro Gagliardi, Gianluca Yong et Jiaqi Zhao. Amir Kermani y a contribué en tant que consultant externe et Jesper Lindé a contribué à la modélisation.




Stabilité du secteur financier : L’essor rapide du marché du crédit privé, qui pèse 2 000 milliards de dollars, exige une plus étroite supervision  

Le marché du crédit privé, au sein duquel des institutions financières non bancaires spécialisées, comme des fonds d’investissement, octroient des prêts à des sociétés emprunteuses, a atteint l’an dernier les 2 100 milliards de dollars d’actifs et de capitaux engagés. Les États-Unis, où sa part de marché se rapproche de celle des crédits syndiqués et des obligations à haut rendement, concentrent environ les trois quarts de ce volume.

Ce marché a vu le jour il y a une trentaine d’années pour octroyer des financements à des entreprises trop grandes ou risquées pour les banques commerciales, et trop petites pour lever des fonds sur les marchés obligataires. Depuis quelques années, il se développe à grande vitesse, les emprunteurs appréciant sa rapidité, sa flexibilité et l’attention qui leur est apportée. Des investisseurs institutionnels tels que des fonds de pension et des compagnies d’assurance ont investi avec empressement dans des fonds qui, bien qu’illiquides, offraient des rendements supérieurs et une volatilité moindre.

Le crédit privé a eu des bienfaits économiques notables en permettant à des sociétés emprunteuses d’obtenir des financements de long terme. Cependant, la migration de ce crédit depuis le cadre des banques réglementées et des marchés obligataires plus transparents vers l’univers plus opaque du crédit privé crée des risques potentiels. Les valorisations ne sont pas établies sur une base régulière, la qualité du crédit n’est pas toujours évidente ou facile à évaluer, et il est difficile de comprendre la façon dont des risques systémiques pourraient se former compte tenu des interconnexions difficilement lisibles entre fonds de crédit privé, sociétés de capital-investissement, banques commerciales et investisseurs.

Aujourd’hui, les risques que le crédit privé fait peser sur la stabilité financière dans l’immédiat semblent limités. Cependant, compte tenu de l’opacité et de la grande interconnexion de cet écosystème, et dans l’hypothèse où le secteur poursuivrait sa croissance rapide avec une supervision limitée, les vulnérabilités existantes pourraient virer en risque systémique pour l’ensemble du système financier. Nous recensons plusieurs fragilités dans notre Rapport sur la stabilitéfinancière dans le monde.

En premier lieu, les sociétés qui ont recours au marché du crédit privé sont généralement plus petites et plus endettées que leurs homologues qui souscrivent des prêts à effet de levier ou émettent des obligations. Cela les rend plus vulnérables face aux hausses des taux d’intérêt et aux ralentissements de l’activité économique. Notre analyse montre qu’avec le récent relèvement des taux d’intérêt de référence, plus d’un tiers des emprunteurs présentent aujourd’hui des charges d’intérêt supérieures à leurs bénéfices actuels.

La croissance rapide du crédit privé a récemment animé les banques à leur faire davantage concurrence sur de grosses opérations. Cela a poussé les fournisseurs de crédit privé à déployer des capitaux, avec pour conséquence un relâchement des normes de souscription et des clauses des prêts, phénomène dont les organes de supervision ont déjà détecté certains signes.

En deuxième lieu, les contrats de prêt sur le marché du crédit privé sont rarement échangés, si bien qu’ils ne peuvent pas être valorisés à l’aide des prix du marché. Au lieu de cela, ils ne sont souvent notés que sur une base trimestrielle à l’aide de modèles de risques, ce qui pourrait donner lieu à des valorisations dépassées et subjectives en fonction des fonds. Notre analyse compare le crédit privé et les prêts à effet de levier (qui sont échangés régulièrement sur un marché plus liquide et plus transparent) et montre que malgré une qualité de crédit inférieure, les actifs du crédit privé tendent à subir des dépréciations moins importantesen périodes de tension.

 

En troisième lieu, bien que l’effet de levier des fonds de crédit privé semble faible, la possibilité que de multiples effets de levier soient dissimulés dans cet écosystème soulève des inquiétudes, compte tenu de l’insuffisance des données disponibles. L’effet de levier est également déployé par les investisseurs dans ces fonds et par les emprunteurs eux-mêmes. Cette superposition des effets de levier complique l’évaluation des vulnérabilités systémiques que pourrait renfermer ce marché.

En quatrième lieu, l’écosystème du crédit privé se caractérise par un degré d’interconnexion élevé. Prises dans leur ensemble, les banques ne semblent pas présenter une forte exposition au crédit privé : la Réserve fédérale a estimé que les emprunts sur le marché du crédit privé américain s’élèvent à moins de 200 milliards de dollars, soit moins de 1 % du total des actifs bancaires du pays. Cela dit, certaines banques pourraient avoir concentré les expositions à ce secteur. De plus, plusieurs fonds de pension et compagnies d’assurance s’engagent plus franchement dans l’univers du crédit privé en augmentant considérablement la part de ces actifs moins liquides dans leurs portefeuilles. Il s’agit notamment de compagnies d’assurance sous le contrôle de sociétés de capital-investissement, comme nous l’avons vu dans un récent rapport.

Enfin, même si les risques de liquidité semblent limités aujourd’hui, la présence grandissante de fonds de détail pourrait modifier ce constat. Les fonds de crédit privé bloquent des capitaux sur de longues durées et restreignent les remboursements des investisseurs afin d’aligner l’horizon de placement sur les actifs illiquides sous-jacents. Mais de nouveaux fonds destinés à des investisseurs individuels pourraient présenter des risques de rachat plus élevés. Bien qu’ils soient estompés par des instruments de gestion de la liquidité (tels que des seuils et des périodes de rachat prédéterminées), ces risques n’ont pas été mis à l’épreuve d’un scénario de sorties massives.

Globalement, ces vulnérabilités ne représentent pas aujourd’hui un risque systémique pour le secteur financier au sens large, mais elles pourraient continuer de prendre de l’ampleur, avec des retombées sur l’économie. Un ralentissement marqué pourrait brutalement détériorer la qualité du crédit, ce qui provoquerait des défauts de paiement et des pertes considérables. Or, l’opacité de ce marché pourrait compliquer l’évaluation de ces pertes. Les banques pourraient réduire leur volume de prêts en faveur des fonds de crédit privé, les fonds de détail pourraient faire face à des remboursements massifs, et les fonds de crédit privé et leurs investisseurs institutionnels pourraient connaître des tensions sur la liquidité. Le haut degré d’interconnexion entre les acteurs pourrait affecter les marchés obligataires, dans la mesure où des compagnies d’assurance et des fonds de pension pourraient être contraints de vendre des actifs plus liquides.

Mis bout à bout, les effets de ces liens pourraient entraîner des répercussions économiques considérables si la tension sur les marchés du crédit privé se traduisait par un recul des prêts aux sociétés. La supervision de ces vulnérabilités au niveau des marchés financiers et des institutions étant compliquée par d’importantes lacunes en matière de données, les décideurs et les investisseurs pourraient tarder à réaliser une évaluation correcte des risques.

Conséquences sur le plan de l’action publique

Il est impératif de redoubler de vigilance en matière de réglementation et de supervision afin de surveiller et d’évaluer les risques sur ce marché.

Les autorités devraient envisager d’appliquer une supervision et une réglementation plus actives à l’égard du crédit privé, en prêtant attention au suivi et à la gestion des risques, aux effets de levier, à l’interconnexion des acteurs et à la concentration des expositions.

Elles devraient renforcer la coopération transfrontalière et intersectorielle afin de combler les lacunes en matière de données et d’harmoniser les évaluations des risques dans l’ensemble des secteurs financiers.

Les organes de réglementation devraient améliorer les normes d’information et le recueil des données afin d’assurer un meilleur suivi de la croissance du crédit privé et de ses implications pour la stabilité financière.

Les organes de réglementation des valeurs mobilières devraient surveiller de près les risques de liquidité et de conduite dans les fonds de crédit privé, en particulier les fonds de détail, car ils peuvent faire face à des risques de rachat plus élevés. Les organes de réglementation devraient appliquer les recommandations du Conseil de stabilité financière et de l’Organisation internationale des commissions de valeurs s’agissant de la conception des produits et de la gestion de la liquidité.

— Ce blog est basé sur le chapitre 2 de l’édition d’avril 2024 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde : « L’essor du crédit privé et les risques associés ».




Qui accuse le coup ? Effets de la politique monétaire sur les marchés du logement

Pourquoi certains pâtissent des taux élevés, et d’autres pas ? Le chapitre 2 des perspectives économiques mondiales compare les effets de la politique monétaire entre les pays et au fil du temps en examinant comment ils se font sentir sur les marchés des hypothèques et du logement.

Les effets de la politique monétaire sont plus marqués lorsque 1) les prêts hypothécaires à taux fixe ne sont pas courants, 2) les acquéreurs de logements sont plus endettés, 3) la dette des ménages est élevée, 4) l’offre de logements est restreinte, et 5) les prix de l’immobilier sont surévalués.

Comme ces facteurs varient considérablement selon les pays, les effets de la politique monétaire sont notables dans certains pays et moindres dans d’autres. Il se peut aussi que les récentes évolutions sur les marchés des hypothèques et du logement aient jusqu’ici amorti l’impact des taux directeurs plus élevés dans plusieurs pays.

Le risque que les ménages accusent le coup doit être pris au sérieux là où la durée des prêts hypothécaires à taux fixe est plus courte, en particulier si les ménages sont très endettés.




Ralentissement de la croissance mondiale à moyen terme : comment inverser la tendance ?

Le moteur de la croissance économique mondiale freine, ce qui interroge sur ses perspectives à moyen terme. Le chapitre 3 analyse les facteurs du repli de la croissance et constate principalement un ralentissement prononcé et généralisé de la productivité globale des facteurs résultant en partie d’une mauvaise allocation du capital et de la main-d’œuvre entre les entreprises dans les secteurs. Des pressions démographiques et un ralentissement de la formation du capital privé ont exacerbé la décélération de la croissance.

Faute de recours aux politiques publiques et aux progrès technologiques, la croissance à moyen terme serait de loin inférieure aux niveaux prépandémiques. Des réformes sont urgentes pour améliorer l’allocation des ressources entre les entreprises productives, accroître la participation à la vie active et mettre l’intelligence artificielle au service de la productivité, afin de stimuler la croissance. Il est impératif de régler ces problèmes, car une dette publique élevée et la fragmentation géoéconomique pourraient davantage peser sur la croissance à l’avenir.




L’IGF bénéficie du soutien de la Licoco et du Prof Luzolo contre les accusations mensongères d’une fausse enquête

Suite aux complots et allégations mensongères que subissent l’Inspection générale des finances et son chef de service Jules Alingete, ce dernier a reçu ce mercredi 10 avril 2024, le professeur Luzolo Bambi, l’un des pionniers de la lutte contre la corruption et le président de la ligue congolaise contre la corruption (Licoco), Ernest Mpararo.

Ces deux personnalités ont apporté leur soutien à l’inspecteur général des finances chef de service, victime des attaques fortuites des prédateurs des finances publiques.

Très touché par ces comportements inciviques, le professeur Luzolo Bambi Lesa a voulu publiquement réconforter l’IGF dans ce combat étant lui-même jadis victime de cette bande organisée.

« … j’ai observé le combat de l’IGF-CS que nous avons soutenu depuis le début, qui a concrétisé la volonté du Président de la république de lutter contre la corruption mais surtout de lutter comme jamais auparavant contre les détournements des deniers publics avec les résultats que nous connaissons tous. J’ai été très touché de constater depuis un moment les tirs croisés contre lui, contre sa personne par devoir de citoyen et en tant que compagnon de la lutte contre la corruption, je ne pouvais pas rester indiffèrent face à ce comportement. Raison de ma présence aujourd’hui à l’IGF pour le soutenir publiquement, avec ce grand travail de pionnier dans cette lutte qu’il est en train d’abattre et dont les résultats sont connus de tous », a martelé Luzolo Bambi.

Dans le même ordre d’idée, le président de la Licoco, Ernest Mpararo a exprimé un soutien indéfectible dans la lutte que mène l’inspection générale des finances et travail en synergie avec celle-ci en menant des actions de contrôle citoyen et étatique.

« En tant que société civile nous avons un partenariat avec l’IGF et lorsque l’un des partenaires est attaqué nous devons le soutenir étant donné qu’il exécute et réalise les désirs des citoyens qui veulent à ce que la corruption puisse être combattue. Malheureusement nous constatons effectivement qu’il y a des tirs croisés, des attaques sans preuves qui sont dirigées contre un de nos partenaires et cela ne nous laisse pas indifférent, c’est pour ça que nous sommes venus le réconforter pour effectivement aussi étudier comment nous pouvons répondre à ces attaques », a souligné monsieur Ernest.

Emue par la visite de ses pionniers dans l’assainissement des finances publiques, l’IGF-CS a tenu à rassurer ses hôtes que face à toutes les provocations de la prédation financière, il répond par une intensification des actions de l’IGF

« Je suis honoré de recevoir la visite de 2 hôtes, vous savez le professeur Luzolo Bambi Lesa qui est l’un des pionniers de la lutte contre la corruption dans notre pays est venu nous encourager pour le travail que nous sommes en train de faire et aussi nous demander de tenir bon parce que lui-même a une très longue expérience en la matière, il a vécu des attaques, oppressions plus grandes et virulentes que celles que l’IGF est en train de vivre ; et le président de la Licoco est venu dans le même ordre d’idée pour un appui de la société civile engagée dans la lutte contre la corruption, affirme que la société civile est de cœur avec nous et nous demande de continuer ce travail qui s’inscrit dans un partenariat. C’est dans ce cadre-là que nous arrêtons beaucoup des stratégies dans la lutte contre la corruption », a conclu Jules Alingete.

Depuis quelques jours l’Inspection Générale des finances est mise-en mal par une synergie de prédateurs de tous bords. Malgré les multiples attaques à l’encontre de cet organe supérieur de contrôle, l’IGF poursuit sans faiblir la lutte contre la corruption avec l’intensification de la patrouille financière sur le territoire nationale congolais.

Didier Mbongo Mingi