Le vrai coût de la vie

La forte hausse des coûts de l’emprunt, en particulier ceux liés à l’immobilier résidentiel, a favorisé un déphasage entre les statistiques de l’inflation et le moral des consommateurs.

Les Américains commencent enfin à ressentir un regain d’optimisme à l’égard de l’économie. Le moral des consommateurs, mesuré par l’indice de l’Université du Michigan sur la confiance des consommateurs, a atteint en mars son niveau le plus élevé depuis près de trois ans. Le moral s’est quelque peu dégradé depuis lors, mais les consommateurs semblent pour la plupart penser que leur sort est en train de s’améliorer.

Il était temps. Depuis la pandémie, les Américains affichent un mécontentement systématique quant à la situation économique. Le moral des consommateurs a sombré au plus bas niveau jamais enregistré lorsque l’inflation a atteint son plus haut niveau depuis 40 ans au milieu de l’année 2022. Il n’a pas décollé de ces profondeurs pendant la majeure partie de 2023, en dépit d’une série d’indicateurs signalant une reprise économique plus générale, notamment une croissance plus forte, une augmentation de l’emploi et un ralentissement de l’inflation.

Les économistes sont restés perplexes face à ce paradoxe apparent : leurs prédictions sur la réaction de la population à des nouvelles économiques positives ne concordaient pas avec la persistance d’un moral globalement négatif chez les consommateurs. Certains ont avancé qu’il fallait du temps pour que les gens tirent parti du ralentissement de l’inflation, d’autres ont parlé de perceptions (vibes) négatives, tandis que d’autres encore ont souligné les prix élevés des biens les plus appréciés des consommateurs, comme l’essence et les produits d’épicerie. Des chercheurs ont regroupé ces théories ainsi que d’autres dans l’hypothèse de la « douleur projetée », selon laquelle le moral économique pourrait désormais être déterminé par des préoccupations non économiques.

Nous ne rejetons aucun de ces arguments. Mais dans un article récent rédigé en collaboration avec Karl Oskar Schulz de l’Université Harvard, nous affirmons que cette explication passe outre un mécanisme essentiel dont les économistes et les décideurs tenaient davantage compte par le passé : la hausse du coût de l’argent.

Pour les consommateurs, le coût de l’argent fait partie du coût de la vie. Aussi, lorsque les taux d’intérêt ont atteint des sommets inégalés depuis 20 ans au second semestre de 2023, les consommateurs ont ressenti des pressions financières. Aux États-Unis, les prix des logements ont encore augmenté de plus de 50 % depuis le début de la pandémie et les taux d’intérêt des prêts hypothécaires ont à peu près doublé. Le paiement des intérêts liés à un nouveau prêt hypothécaire sur 30 ans pour un logement moyen a quasiment triplé depuis fin 2019. Les remboursements au titre d’un nouveau prêt automobile ont presque doublé. En conséquence, les paiements d’intérêts des ménages ont augmenté d’environ 30 % en 2023, soit la hausse la plus rapide jamais enregistrée (graphique 1).

Toutefois, l’indice des prix à la consommation (IPC) ne prend directement en compte aucune de ces augmentations. Tel n’a pas toujours été le cas. Lorsqu’Arthur Okun a proposé, dans les années 70, son « indice de souffrance sociale », qui combinait l’inflation et le chômage, l’IPC de l’agence américaine de statistiques du travail englobait alors les taux des prêts hypothécaires et les taux des crédits automobiles. Ces deux éléments ont été supprimés en 1983 et 1998, respectivement. La version actuelle de l’indice de souffrance sociale ne tient donc pas compte d’éléments essentiels des dépenses de consommation.

L’agence américaine de statistiques du travail avait des raisons valables de retirer les taux hypothécaires et les taux des crédits automobiles de son indice, et nous ne pensons pas qu’elle devrait les rétablir. En revanche, nous estimons que cette lacune dans l’indicateur actuel constitue un élément essentiel pour appréhender l’état d’esprit des consommateurs américains. Une fois ce changement intégré, il est possible de se pencher sur les autres hypothèses.

Absence du coût de l’argent

Nous présentons notre argumentation en trois étapes. D’abord, nous montrons que les variations de l’indice de l’Université du Michigan sur la confiance des consommateurs qui ne peuvent être expliquées par l’inflation et le chômage ont toujours présenté une forte corrélation avec des indicateurs indirects de l’augmentation des coûts de l’emprunt des consommateurs.

Les données sous-jacentes de l’enquête de l’université peuvent être regroupées en deux catégories : les préoccupations liées au revenu et celles relatives au coût de la vie. Les préoccupations au sujet du revenu sont tombées, en 2023, à un niveau comparable à celui d’avant la pandémie. Ces inquiétudes étaient donc cohérentes avec un environnement de faible taux de chômage et n’expliquent pas l’anomalie de l’état d’esprit des consommateurs.

Les préoccupations liées au coût de la vie ont tendance à être en forte corrélation avec l’inflation officielle. Elles ont atteint des sommets durant les cycles inflationnistes du début des années 80, du début des années 90, de la fin des années 2010 et de la récente période de l’après-COVID. La part des préoccupations relatives au coût de la vie que ne peuvent expliquer les variations de l’inflation officielle est toutefois montée en flèche durant ce cycle. Cette part inexpliquée est fortement corrélée à la fois à la hausse réelle des charges d’intérêt liées aux prêts hypothécaires et à la volonté des banques de consentir des prêts à la consommation à remboursements échelonnés. Ces résultats portent à croire que l’exclusion du coût de l’argent des indicateurs officiels explique en grande partie l’écart entre le niveau d’inquiétude des consommateurs et les taux d’inflation officiels.

Coûts de l’emprunt

Ensuite, nous montrons que d’autres questions de l’enquête fournissent des preuves directes qu’en 2023, les inquiétudes des consommateurs au sujet des coûts de l’emprunt ont atteint des niveaux qui n’ont été dépassés que pendant la présidence de Paul Volcker à la Réserve fédérale, de 1979 à 1987. Nous établissons un indice qui synthétise les variations dans les réponses aux questions sur les coûts de l’emprunt concernant les biens durables, les véhicules et les logements.

Les préoccupations des consommateurs relatives aux taux d’intérêt ont connu deux pics manifestes. Le premier se situe à l’époque de Volcker, durant laquelle le taux des fonds fédéraux et les taux hypothécaires ont bondi au-dessus de 15 %. Ces inquiétudes ont fortement diminué après l’assouplissement de la politique monétaire de la Fed en 1982. Le deuxième pic de préoccupation des consommateurs s’est produit en 2023. Cet indicateur devrait s’améliorer avec le début de la baisse des taux d’intérêt.

Enfin, nous présentons des mesures de rechange du coût de la vie qui intègrent explicitement le coût de l’argent. La méthodologie actuelle de l’agence américaine de statistiques du travail s’appuie uniquement sur le marché locatif pour expliquer les variations de l’équivalent-loyer des propriétaires (Bolhuis, Cramer et Summers, 2022). Avant 1983, l’IPC comprenait une mesure du coût de la propriété qui tenait compte des taux hypothécaires et des prix de l’immobilier résidentiel. De même, les statistiques officielles excluent les coûts des crédits automobiles et d’autres paiements d’intérêts sur les prêts personnels (les dettes sur cartes de crédit, par exemple) qui rendent mieux compte des coûts réels supportés par les consommateurs.

Ces précisions étant apportées, nous présentons des indicateurs de substitution à l’IPC qui tiennent compte des paiements d’intérêts hypothécaires, des paiements d’intérêts sur les prêts personnels au titre de crédits automobiles et d’autres consommations non liées au logement, ainsi que des coûts de location avec option d’achat de véhicules. Notre principal indicateur de rechange pour l’inflation reconstitue l’IPC d’avant 1983 et l’élargit en y intégrant les coûts de l’accession à la propriété et les paiements d’intérêts sur les prêts personnels. Ces indicateurs de rechange laissent apparaître à la fois un pic beaucoup plus élevé et le maintien d’une forte inflation tout au long de 2023 (graphique 2).

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Notre méthodologie de rechange pour l’inflation de l’IPC contribue grandement à résoudre l’énigme de la persistance du moral en berne des consommateurs dans un contexte de faible taux de chômage et de baisse de l’inflation officielle. Tout au long de 2023, l’écart entre le moral des consommateurs et la situation économique, après prise en compte du chômage, de l’inflation officielle selon l’IPC et de la croissance du marché boursier américain, a atteint des niveaux records. La prise en compte des coûts de l’accession à la propriété immobilière et des paiements d’intérêts sur les prêts personnels permet de combler plus des deux tiers de cet écart pour l’année 2023.

Depuis la publication de notre étude, certains chercheurs ont laissé entendre que les facteurs qui influent le plus sur le moral des consommateurs sont les prix de l’essence et des articles d’épicerie, et non les coûts de l’emprunt. Nous constatons, toutefois, que l’écart demeure quasiment inchangé, même après prise en compte des variations des prix de l’essence et de l’épicerie.

Explication concrète

L’écart entre les mesures du bien-être économique effectuées par les économistes et ce que les consommateurs déclarent effectivement ressentir a laissé nombre de chercheurs perplexes. Les observateurs ont parlé d’une vibecession — une récession qui trouverait son origine non pas dans une hausse du coût de la vie ou d’une augmentation du chômage, mais dans les vibes, autrement dit les perceptions — dès le milieu de 2023. Le faible moral des consommateurs, qui aurait pourtant dû être largement positif compte tenu de la forte croissance du PIB, de la baisse des prix et de la poursuite de la création d’emplois en 2023, présageait-il d’une récession ? Tout rentrerait-il dans l’ordre si les prix de l’essence et des articles d’épicerie revenaient à des niveaux plus normaux ?

Nous présentons une explication plus concrète de l’écart entre le moral des consommateurs et les fondamentaux économiques : les consommateurs jugent leur propre bien-être économique en tenant compte du coût de l’argent. Les économistes et les indicateurs officiels passent à côté de cet élément essentiel.

Le déficit de moral observé en 2023 ne s’est pas limité aux États-Unis ou à ce cycle, comme le montrent nos travaux. Les consommateurs du monde entier ont assimilé les données économiques d’une façon cohérente avec le moral affiché par les consommateurs lors des précédents épisodes de forte inflation et de hausse des taux d’intérêt. Les données recueillies à l’échelle des pays confirment que les consommateurs du monde entier se soucient du coût de l’argent : les pays ayant connu les plus fortes hausses des coûts de l’emprunt sont en général ceux où le moral des consommateurs a été le plus en décalage avec les fondamentaux. Nous avons trouvé peu d’éléments probants qui montrent que les États-Unis — en dépit de la montée de l’esprit partisan, de la méfiance sociale et de rapports détaillés faisant état d’une « douleur projetée » générale — se sont distingués de façon significative des autres démocraties occidentales.

Depuis la publication de notre article, il est de plus en plus reconnu que le coût de l’immobilier résidentiel constitue une préoccupation majeure pour les consommateurs des pays riches (Romei et Fleming, 2024). La baisse des taux d’intérêt n’est pas une panacée pour le marché sclérosé de l’immobilier résidentiel aux États-Unis et ailleurs, mais elle pourrait contribuer à remonter le moral des consommateurs si davantage de logements sont construits et si les populations jouissent d’un meilleur accès à des financements abordables. Si l’offre de logements reste faible et que la baisse des taux d’intérêt ne contribue qu’à gonfler les prix, les consommateurs risquent d’être encore plus pessimistes que ne le laisse supposer l’indice de souffrance sociale.

LAWRENCE H. SUMMERS, ancien secrétaire au Trésor des États-Unis, est professeur titulaire de la chaire Charles W Eliot à l’Université Harvard.

MARIJN A. BOLHUIS est économiste au département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI.

JUDD CRAMER est maître de conférences en économie à l’Université Harvard.




La crise de l’accessibilité financière du logement

Une nouvelle série de données montre comment la pandémie a débouché sur la pire crise de l’accessibilité financière du logement depuis plus d’une décennie.

La pandémie et le retour subséquent de l’inflation ont déclenché la pire crise de l’accessibilité financière du logement depuis plus de 10 ans. Cette crise s’est propagée à certains des plus grands pays avancés, nourrissant une colère et un ressentiment vis-à-vis de la situation économique chez une grande partie de la population.

L’accessibilité financière a reculé aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, au Canada, en Allemagne, au Portugal et en Suisse. D’après une série de données établie dernièrement, les logements dans les différents pays sont en moyenne moins abordables aujourd’hui que pendant la bulle des prix de l’immobilier qui a précédé la crise financière mondiale de 2007–08.

Ainsi, selon des sondages d’opinion réalisés dans le monde entier, le logement est en tête des préoccupations urgentes des ménages, devant les soins de santé et l’éducation (Romei et Fleming, 2024). C’est un enjeu central pour les pouvoirs publics de nombreux pays, compte tenu du rôle essentiel que joue le logement dans l’activité économique. À la différence d’autres biens, le logement revêt une dimension sociale, et d’aucuns estiment que l’accession à la propriété est un droit du citoyen, alors même que la spéculation peut pousser l’investissement dans ce secteur et faire gonfler les prix.

La crise de l’accessibilité financière reflète la hausse des coûts d’emprunt provoquée par le relèvement des taux d’intérêt décidé par les banques centrales pour contrer l’inflation. Dans le même temps, la pénurie de logements et la forte demande exprimée dans un contexte où la progression du nombre de ménages suit un rythme soutenu ont maintenu les prix à un niveau élevé. La complexité de l’économie post-pandémie a mis vivement en lumière les problèmes structurels larvés dont le marché mondial du logement souffrait depuis longtemps.

Mesurer l’accessibilité financière

L’accessibilité financière du logement est un concept crucial mais subtil, surtout quand il s’agit d’établir des comparaisons entre des pays dont les marchés et les structures de financement du logement sont très différentes. Jusqu’ici, les indicateurs les plus utilisés se fondaient essentiellement sur une simple notion de bon sens, celle du coût relatif du logement, par exemple le ratio du prix sur le revenu ou la part du revenu consacrée au logement.

S’ils sont utiles, ces indicateurs ne rendent pas entièrement compte de la dynamique du marché hypothécaire et des caractéristiques habituelles des logements et des ménages. Avec mes collègues Nina Biljanovska et Chenxu Fu, nous avons cherché à combler cette lacune en élaborant un nouveau jeu de données transnationales à l’aide d’un indicateur d’accessibilité financière du logement basé sur les hypothèques (Biljanovska, Fu et Igan, 2023).

Cette méthode se concentre sur la capacité d’un ménage à rembourser régulièrement le prêt qu’il a contracté pour acquérir un bien standard destiné à une famille de taille ordinaire sans avoir à rogner sur d’autres dépenses essentielles. Plus précisément, notre indice calcule le ratio du revenu effectif du ménage sur le revenu requis pour accéder à un prêt hypothécaire classique. Il offre une vision plus nuancée de l’accessibilité financière, en complément d’autres mesures. Un indice d’accessibilité financière du logement supérieur à 100 correspond à un logement plus abordable ; au-dessous, l’accessibilité financière est moindre.

Crise post-pandémique

Nous avons calculé cet indice pour 40 pays sur les 50 dernières années. Le constat le plus frappant est une dégradation soudaine de l’accessibilité financière ces toutes dernières années. Les États-Unis, première économie mondiale, ont vu leur indice plonger, d’environ 150 en 2021 à des valeurs voisines de 85 en 2024. Au Royaume-Uni, le chiffre a chuté de 105 en 2021 à 70–74 en 2024.

Des baisses similaires ont été constatées en Autriche, au Canada, en Hongrie, en Pologne, au Portugal, en Türkiye et dans les pays baltes. C’est une inversion brutale de la tendance générale à l’amélioration de l’accessibilité financière au cours des décennies précédentes. Comme le retour de l’inflation, cette inflexion spectaculaire a eu d’énormes répercussions psychologiques pour bien des ménages.

Comment est-ce arrivé ? Pendant la récession due à la COVID19, les prix des logements ont décollé dans de nombreux pays (Ahir et al., 2022), contrairement à ce que l’on avait constaté lors de ralentissements économiques passés, où le marché du logement s’était généralement affaissé (Igan, Kohlscheen et Rungcharoenkitkul, 2022). Cette situation était le résultat d’un mélange de facteurs agissant sur l’offre et la demande, notamment les contraintes du confinement qui ont limité les chantiers. La hausse rapide et inattendue des prix du logement laissait craindre une correction imminente.

Quand les banques centrales du monde entier ont commencé à relever les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, de nombreux observateurs s’attendaient à ce que la correction finisse par s’opérer. Les prix des logements sont effectivement retombés légèrement, mais bien moins que ce qui était attendu, alors même que les taux hypothécaires augmentaient fortement. Pour comprendre ce qui est à l’œuvre, il est utile de s’intéresser à l’évolution dans le temps de l’accessibilité financière du logement et de ses leviers.

L’évolution dans le temps de l’accessibilité financière

L’accessibilité financière du logement a fluctué au cours des 50 dernières années. Des années 70 au milieu des années 90, l’indice médian d’accessibilité financière selon nos calculs était inférieur à 100, indiquant des logements moins abordables (graphique 1). À la fin des années 90, les logements sont devenus plus abordables, avec une valeur de l’indice restant constamment supérieure à 100 avant de diminuer au cours de la décennie suivante. Après la crise financière mondiale, le logement est redevenu plus abordable, et l’indice est resté stable jusqu’après la pandémie.

Les moteurs de ces tendances sont les composantes de notre indice qui varient dans le temps : taux hypothécaires nominaux, revenu des ménages et prix des logements (graphique 2). Au milieu des années 70 et au début des années 80, les logements sont devenus moins abordables du fait de la hausse des prix de l’immobilier et des taux d’emprunt. Le revenu des ménages n’a pas suivi.

Pendant la crise financière mondiale, les prix des logements ont chuté, avant de remonter lentement quand les banques centrales ont opté pour une période prolongée de taux bas afin de stimuler les économies mal en point. Avec la diminution des coûts d’emprunt et du prix des logements, l’accessibilité financière s’est améliorée sur cette période.

Mais la pandémie a ensuite inversé la tendance : d’abord, les prix des logements ont fortement augmenté, puis les taux hypothécaires leur ont emboîté le pas.

Cette analyse générale a cependant ses limites. L’indice se concentre sur le point de vue d’un acquéreur potentiel souhaitant financer l’achat de son logement par un prêt immobilier ; les taux d’intérêt jouent donc un rôle important. La mesure ne reflète pas les autres aspects de l’accessibilité financière, par exemple dans le cas d’une acquisition simple, sans prêt ni bail. L’orientation de l’analyse sur le ménage moyen masque aussi des différences cruciales selon la distribution du revenu et entre les générations.

Les variations propres à chaque pays ne sont pas non plus prises en compte. Pour commencer, l’accessibilité financière tend à être plus faible et plus volatile dans les pays émergents, en partie parce que leurs marchés hypothécaires sont moins développés. De plus, la baisse des coûts d’emprunt avantage principalement les ménages vivant dans des pays où les prix du logement ne sont pas excessifs. Dans plusieurs pays connaissant une forte hausse des prix, le faible niveau des taux d’intérêt n’a pas suffi à compenser l’effet des prix élevés de l’immobilier sur l’accessibilité financière. En Belgique, par exemple, le logement est devenu plus abordable, car les taux d’intérêt plus bas ont équilibré des hausses de prix modérées. Au Canada, au contraire, l’accessibilité financière a décliné en raison de la forte hausse du prix des logements.

Que nous réserve l’avenir ?

L’indice d’accessibilité financière ne traite pas entièrement la question de la viabilité d’une acquisition immobilière en cas de variations fortes et soudaines des taux d’intérêt ou du revenu. Un propriétaire capable de rembourser son prêt quand les taux sont bas ne l’est plus forcément si le taux est relevé. Il s’agit là d’un point crucial, surtout à l’heure actuelle : l’indice médian a progressé dans les décennies qui ont précédé la pandémie, principalement parce que les taux d’intérêt étaient bas. Mais il ne reflétait que l’accessibilité des prêts immobiliers à ce moment-là. Les progrès ont vite été annulés quand les taux sont remontés.

Est-il possible de revenir à des niveaux abordables autrement qu’avec une chute notable des prix des logements ? Peut-être. Des taux hypothécaires plus bas auraient un effet positif, mais ne seraient sans doute pas d’un très grand secours. D’une part, nous constatons que pendant le demi-siècle étudié, les variations des taux hypothécaires n’expliquaient qu’un peu plus du quart des fluctuations de l’accessibilité financière. D’autre part, la majorité des prévisions indiquent des taux d’intérêt à long terme plus élevés qu’avant la pandémie. De surcroît, si les taux baissent, il est à prévoir qu’un plus grand nombre de ménages voudront devenir propriétaires et qu’ainsi, la demande croissante poussera les prix à la hausse (Banerjee et al., 2024).

Alors que faire ? Les responsables des politiques macroéconomiques pourraient accroître les chances d’un scénario favorable en maintenant leurs économies respectives sur la voie d’un atterrissage en douceur.

Mais les autorités doivent aussi régler les problèmes structurels qui pèsent sur l’accessibilité financière du logement. Lever les obstacles réglementaires pour améliorer l’élasticité de l’offre pourrait être un début. Une série de règles (codes du bâtiment, restrictions de l’utilisation des sols, obligations administratives, etc.) encadrent la construction et la rénovation de logements. Bien souvent, ces règles ont leur raison d’être : elles visent à atténuer les externalités négatives et maintenir un certain niveau de qualité de vie. Mais elles peuvent aussi devenir excessivement contraignantes. Il arrive par exemple que les codes du bâtiment ne fassent qu’enrichir les fabricants de matériaux, en allant au-delà des exigences raisonnables de protection de la santé et de la sécurité.

Les problèmes structurels peuvent aussi résulter d’un défaut de concurrence dans les ressources, la construction ou la vente. Il peut être nécessaire de démanteler des oligopoles.

Dans certains cas, des interventions plus précises des pouvoirs publics pourraient être utiles. Par exemple, ils pourraient envisager d’allouer des aides ciblées aux ménages modestes ou aux personnes vivant dans des habitats informels. Il pourrait aussi être utile d’inciter les promoteurs à proposer des logements abordables, par exemple en leur accordant des droits de construire supplémentaires.

Assurément, les perturbations du marché du logement provoquées par la pandémie et ses répercussions, dont une forte incertitude et des dynamiques politiques fragiles, devraient nous rappeler que les gouvernements ne peuvent pas faire fi de la crise mondiale de l’accessibilité financière du logement. L’accélération du changement climatique entraîne une élévation du niveau de la mer, une multiplication des feux de forêt et des phénomènes météorologiques extrêmes. Aujourd’hui, elle fait peser une menace sur une offre de logements déjà insuffisante au niveau mondial. Et la forte hausse des flux migratoires fait peser une pression accrue sur l’hébergement et son accessibilité. Les dirigeants doivent se montrer à la hauteur du défi consistant à rendre le logement à nouveau abordable, cette fois de manière durable et en s’appuyant sur un plan complet.

DENIZ IGAN est responsable de l’analyse macroéconomique à la Banque des règlements internationaux.




Des ponts plutôt que des murs

De l’intérêt de mettre la macroéconomie en regard avec l’économie immobilière

La macroéconomie, par définition, s’intéresse à l’économie dans son ensemble et laisse de côté les évolutions microéconomiques de moindre ampleur à l’échelle des entreprises ou des secteurs. En 2007, Edward Leamer, professeur d’économie à l’Université de Californie à Los Angeles, a attiré l’attention sur le fait que cette lacune avait un coût élevé, avançant qu’il était inutile de tenter d’analyser les cycles économiques sans prêter attention au secteur du logement.

Comme il l’explique dans « Housing IS the Business Cycle », article désormais célèbre, le marché du logement est crucial pour comprendre pourquoi les économies connaissent des périodes ’’d’expansion et de récession. Il fait remarquer que presque toutes les récessions survenues aux États-Unis depuis la seconde guerre mondiale ont été précédées de difficultés dans ce secteur. En d’autres termes, nous aurions tout intérêt à jeter des ponts entre la macroéconomie et l’économie immobilière plutôt que de les cloisonner.

Après tout, l’incidence du logement sur la macroéconomie est évidente partout dans le monde. Les villes sont parmi les endroits les plus productifs de la planète : elles regorgent de créativité et d’idées innovantes, et sont les moteurs de la croissance économique. Pourtant, dans nombre d’entre elles, le coût du logement est prohibitif, même pour les cadres qui gagnent relativement bien leur vie, et encore plus pour les travailleurs essentiels moins bien rémunérés qui assurent la sécurité, la propreté et le bon fonctionnement des centres urbains. Beaucoup de ces travailleurs agents de police, enseignants, infirmiers, livreurs — exercent une activité en présentiel. Ils ne peuvent donc pas tirer parti de l’essor du télétravail pour trouver un lieu de vie plus abordable pour eux et leur famille.

Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui sont en majorité des pays riches, les prix de l’immobilier ont augmenté de près de 40 % en termes réels au cours des dix dernières années. Aux États-Unis, cette hausse est d’environ 50 %. Stimulée par la croissance démographique et la hausse des revenus, la demande de logements a été extrêmement forte au cours des dernières années. Toutefois, l’offre n’a pas suivi le même rythme, en partie en raison des règles d’occupation des sols (destinées, par exemple, à empêcher la construction de logements collectifs dans des quartiers où l’on trouve des maisons individuelles), limitant le nombre de logements pouvant être construits sur une parcelle donnée. Entre autres conséquences, cela risque d’exacerber les inégalités intergénérationnelles : 60 % des 18–29 ans se déclarent modérément ou fortement préoccupés par la recherche d’un logement adéquat. L’accessibilité financière du logement est une source d’inquiétude croissante pour les entreprises également. Celles-ci déclarent être obligées d’augmenter le salaire de leurs employés et d’allouer un budget accru au coût de la main-d’œuvre.

Et ce problème ne concerne pas uniquement les pays riches. Les logements à un coût abordable sont rares, particulièrement pour les plus pauvres. Par exemple, l’OCDE estime qu’en Colombie, 82 % des locataires du quintile de rémunération le plus bas versent plus de 40 % de leurs revenus à des propriétaires privés.

Les prix élevés des biens immobiliers et des loyers peuvent pousser à l’endettement excessif. Comme l’a montré le FMI, l’emprunt des ménages peut stimuler la croissance économique à court terme, mais il a de graves répercussions à long terme : les consommateurs limitent leurs dépenses pour rembourser leur dette, l’économie ralentit et le chômage augmente. En Chine, par exemple, la dégradation du marché du logement a eu une incidence majeure sur la consommation. Un choc économique soudain — tel qu’une chute des prix de l’immobilier — pourrait déclencher une spirale de défaut de paiement qui ébranlerait tout le système financier.

Si des ponts avaient été établis entre la macroéconomie et l’économie immobilière, nous aurions sans doute mieux anticipé les évolutions constatées lors de la crise financière mondiale de 2008–09. Nous aurions sans doute aussi mieux compris les récentes problématiques liées aux politiques, comme le montrent les articles du dossier spécial de ce numéro.

Si des ponts avaient été établis entre la macroéconomie et l’économie immobilière, nous aurions sans doute mieux anticipé les évolutions constatées lors de la crise financière mondiale de 2008–09.

Cette année, les macroéconomistes ont dû relever deux grands défis : déterminer les causes et la durée probable du regain d’inflation en 2021–22 et établir un moyen de favoriser un « atterrissage en douceur » en ralentissant l’économie afin de contenir l’inflation sans basculer dans la récession. Ils auraient mieux répondu à ces questions de politique générale essentielles s’ils avaient eu une compréhension plus approfondie des évolutions du marché immobilier.

Le taux d’inflation obstinément élevé aux États-Unis était le résultat de facteurs complexes et mouvants liés à la demande et à l’offre. Le rôle du logement a toutefois été une surprise, poussant d’éminents macroéconomistes à se démener pour comprendre précisément comment les prix de l’immobilier et des loyers participaient de la mesure du coût de la vie. En effet, la hausse du coût de l’emprunt immobilier a contribué au pessimisme déconcertant des consommateurs dans leur perception de la situation économique et a suscité de nombreuses interrogations chez les économistes déterminés à expliquer l’absence de lien avec l’indice des prix à la consommation.

Les banques centrales ont dû relever le défi de déterminer dans quelle mesure le relèvement des taux d’intérêt qu’elles avaient appliqué pour contenir l’inflation affecterait le secteur du logement et l’économie dans son ensemble. Ce n’est pas une tâche facile. Les canaux par lesquels les taux d’intérêt influent sur le marché du logement sont complexes et évoluent dans le temps. Un économiste qui chercherait à les comprendre devrait étudier les marchés immobiliers et disposer de connaissances approfondies qu’on ne trouve pas dans les manuels de macroéconomie en général, comme le faisait remarquer Edward Leamer il y a près de 20 ans, lorsqu’il déplorait de ne pouvoir trouver ne serait-ce qu’un seul manuel qui accorderait à l’immobilier toute la place qu’il mérite.

L’un des canaux susceptibles de faire varier l’effet des taux d’intérêt sur le logement est la part des prêts hypothécaires à taux fixe, qui est presque nulle en Afrique du Sud, alors qu’elle est supérieure à 95 % aux États-Unis et au Mexique, par exemple. Les autres facteurs déterminants de la puissance de la politique monétaire sont notamment le niveau d’endettement des propriétaires, l’ampleur des restrictions imposées à l’offre, et l’appréciation des prix immobiliers et leur possible surévaluation, autant de facteurs qui peuvent être difficiles à mesurer.

Si la situation n’était pas déjà suffisamment complexe, la force de ces canaux évolue avec le temps. La part des prêts hypothécaires à taux fixe a, par exemple, récemment augmenté dans de nombreux pays. Par ailleurs, l’accès au refinancement varie selon les pays et selon les périodes. Pour ajuster la politique monétaire, il est indispensable d’avoir une compréhension fine du marché immobilier d’un pays.

Se nourrir, se vêtir et se loger sont considérés comme des besoins humains fondamentaux. De fait, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et plusieurs autres traités internationaux relatifs aux droits humains ont reconnu le droit à un logement convenable. L’élimination de la faim est l’un des objectifs de développement durable phares de l’ONU (objectif 2). Des organismes des Nations Unies, comme le Programme alimentaire mondial, passent à l’action lorsque les prix alimentaires flambent, et même le FMI lance de nouveaux programmes de prêt pour aider les populations et les pays à faire face en cas de chocs sur les prix des denrées alimentaires. Le logement est le parent pauvre des objectifs de développement durable, dans lesquels il est à peine mentionné, alors que son accessibilité est un problème omniprésent dans nombre, si ce n’est dans la majorité, des principales puissances économiques de la planète. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été au cœur de plusieurs campagnes électorales nationales et locales.

PRAKASH LOUNGANI dirige le master d’économie appliquée à l’Université Johns Hopkins.




Message de voeux au président de la république et aux membres des institutions publiques à l’occasion des festivités de fin d’année 2024 et de nouvel an 2025




Financement du développement : des économies en souffrance

Au départ, pourtant, l’idée était audacieuse, et le slogan accrocheur (a) : From Billions to Trillions, ou « des milliards aux milliers de milliards de dollars ». Il y a dix ans, alors que les capitaux privés affluaient vers les économies en développement, les gouvernements et les institutions de développement y ont vu une aubaine pour donner un coup d’accélérateur à la réduction de la pauvreté et aux autres objectifs de développement. « La bonne nouvelle, c’est que l’épargne mondiale se chiffre à 17 000 milliards de dollars, et que les liquidités atteignent des records historiques », peut-on lire dans un document de stratégie (a) phare publié à l’époque.

La mauvaise nouvelle, c’est que cette vision s’est révélée une chimère, et que l’on a assisté au contraire à un bouleversement du paysage du financement du développement. Depuis 2022, les créanciers privés étrangers ont reçu (a) près de 141 milliards de dollars de plus en paiements au titre du service de la dette contractée par des emprunteurs publics des économies en développement que ce qu’ils ont déboursé en nouveaux financements.

Dans ce paysage, la Banque mondiale et les autres institutions multilatérales font figure de grande exception : en 2022 et 2023, elles ont injecté près de 85 milliards de dollars de plus par rapport aux remboursements perçus au titre du service de la dette. Les institutions multilatérales ont ainsi été investies d’un rôle pour lequel elles n’ont pas été pensées. Elles font désormais office de prêteur en dernier ressort et les ressources limitées dont elles disposent pour financer un développement de long terme viennent compenser le retrait des autres créanciers.

L’année dernière, les institutions multilatérales représentaient environ 20 % de l’encours de la dette extérieure à long terme des économies en développement, soit cinq points de plus qu’en 2019. Au sein de la Banque mondiale, l’Association internationale de développement (IDA) assure aujourd’hui près de la moitié (a) de l’aide au développement fournie par les institutions multilatérales aux 26 pays les plus pauvres. Et en 2023, un tiers de l’ensemble des flux nets de créances vers les pays éligibles à l’aide de l’IDA provenait de la Banque mondiale, soit un montant de 16,7 milliards de dollars, plus de trois fois supérieur à celui d’il y a dix ans.

Ces évolutions sont le reflet d’un système financier défaillant. Les capitaux — tant publics que privés — étant essentiels au développement, les progrès à long terme dépendront dans une large mesure de la reprise des flux de capitaux dont ont profité la plupart des pays en développement au cours de la première décennie de ce siècle. Mais il est indispensable de remédier au déséquilibre qui prévaut aujourd’hui entre risque et rendement, où les institutions multilatérales et les créanciers publics assument la quasi-totalité des risques, tandis que les créanciers privés récoltent la quasi-totalité des bénéfices.

Lorsque les taux d’intérêt mondiaux ont grimpé en flèche en 2022 et 2023, entraînant un grave alourdissement de la dette des pays les plus pauvres, la Banque mondiale a agi comme à son habitude. Au lieu de continuer à fournir des prêts à faible taux d’intérêt aux pays présentant un risque élevé de surendettement, elle s’est plutôt tournée vers les dons. Elle a également augmenté le montant global de ses financements en faveur de ces pays, en les assortissant généralement de conditions de remboursement généreuses, avec des échéances comprises entre 30 et 50 ans. Mais les créanciers privés, eux, se sont désengagés, en bénéficiant de taux d’intérêt élevés qui compensent totalement leurs risques d’investissement.

En l’absence d’un système mondial prévisible pour la restructuration de la dette, la plupart des pays en difficulté ont choisi de tenir bon plutôt que de faire défaut et de courir le risque d’être indéfiniment exclus des marchés financiers mondiaux. Dans certains cas, les nouveaux financements venus de la Banque mondiale sont rapidement ressortis du pays pour rembourser (a) des créanciers privés.

En 2023, les pays en développement ont dépensé un montant inédit de 1 400 milliards de dollars (soit près de 4 % de leur revenu national brut) rien que pour assurer le service de leur dette. Alors que les remboursements du principal sont restés stables — à environ 951 milliards de dollars —, les paiements d’intérêts ont augmenté de près d’un tiers et se sont élevés à 406 milliards de dollars environ. Avec, pour de nombreux pays en développement, des effets dévastateurs sur les ressources disponibles pour des domaines essentiels à la croissance et au développement à long terme, tels que la santé et l’éducation.

La pression financière est particulièrement aiguë dans les pays les plus pauvres et les plus vulnérables, autrement dit ceux qui sont éligibles aux prêts de l’IDA. Dans ces pays, les charges d’intérêt sur la dette extérieure ont été multipliées par quatre depuis 2013, pour atteindre un niveau record de 34,6 milliards de dollars en 2023. En moyenne, les paiements d’intérêts des pays IDA s’élèvent aujourd’hui à près de 6 % de leurs recettes d’exportation, une proportion qui n’a pas été observée depuis 1999 et qui va même jusqu’à 38 % pour certains d’entre eux. Il n’est pas étonnant que plus de la moitié des pays admis à emprunter à l’IDA soient en surendettement ou fortement menacés de l’être, ni que les créanciers privés battent en retraite.

Ce que cela signifie, c’est que les pays les plus pauvres du monde ne souffrent pas tant de problèmes de liquidités que d’une crise de solvabilité qui se propage dangereusement. Il serait facile de gagner du temps en accordant à ces pays les financements tout juste nécessaires pour les aider à honorer leurs échéances immédiates. Cela ne ferait en réalité que prolonger leurs souffrances. S’ils veulent parvenir à réduire le fardeau de leur dette, ces pays doivent croître plus rapidement. Or, pour cela, il faut des investissements plus importants. Compte tenu du poids écrasant de leur dette, il y a peu de chances que cela se produise. Sur la base des tendances actuelles, leur capacité de remboursement ne sera jamais rétablie.

Il faut se rendre à l’évidence : un allégement de la dette est nécessaire pour permettre aux pays les plus pauvres surendettés d’avoir une chance de connaître une croissance économique soutenue et une prospérité durable. Le système mondial doit évoluer pour répondre aux enjeux du 21e siècle et garantir à toutes les économies en développement des conditions de prêt équitables. Les emprunteurs souverains devraient bénéficier de ne serait-ce que quelques-unes des protections que les législations nationales accordent habituellement aux entreprises et aux personnes surendettées. Les créanciers privés qui consentent aux pays pauvres des prêts risqués et assortis de taux d’intérêt élevés devraient assumer une juste part des coûts lorsque leur placement tourne mal.

Dans un contexte de méfiance internationale croissante, il sera difficile d’instaurer ces principes. Ils sont pourtant indispensables car, sans eux, tous les grands objectifs de développement resteront compromis, risquant d’être soumis au même sort que la promesse des « milliers de milliards de dollars ».

Ce billet a initialement été publié en anglais sur Project Syndicate.




L’IGF salue les résultats économico-financiers du gouvernement en six mois

L’Inspection Générale des Finances (IGF) a récemment félicité le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) pour les résultats économiques et financiers remarquables obtenus au cours des six derniers mois. Dans un communiqué officiel, l’IGF a souligné les avancées significatives réalisées dans plusieurs domaines clés, notamment la maîtrise des dépenses publiques, la stabilisation du taux de change et la réduction de l’inflation.

Ces résultats positifs sont le fruit d’une meilleure coordination entre les ministères des Finances, du Budget et de l’Économie nationale. Grâce à une gestion plus rigoureuse des dépenses publiques, le gouvernement a réussi à maîtriser le déficit budgétaire et à réduire la pression sur les finances publiques. Parallèlement, la coordination des politiques monétaire et budgétaire a permis de stabiliser le taux de change du franc congolais, renforçant ainsi la confiance des investisseurs et des consommateurs.

La réduction de l’inflation, qui a pesé sur le pouvoir d’achat des ménages pendant plusieurs années, est également une avancée majeure. Cette amélioration est attribuable à plusieurs facteurs, tels que la stabilisation du taux de change, une meilleure gestion des stocks alimentaires et une politique monétaire plus restrictive. Ces résultats encourageants témoignent de la détermination du gouvernement à mettre en œuvre des réformes structurelles visant à améliorer la situation économique et sociale du pays.

En saluant ces progrès, l’IGF encourage les ministères concernés à poursuivre leurs efforts pour consolider ces acquis et à mettre en œuvre de nouvelles mesures visant à accélérer la croissance économique et à réduire la pauvreté. Il est essentiel de maintenir cette dynamique positive pour assurer un développement durable et inclusif de la RDC.

Par Didier Mbongomingi




4ème Forum Economique Afrique-Japon:  La RDC candidate potentielle après Abidjan 

Véritable plaidoyer qu’aura fait Daniel Mukoko Samba, ci-devant Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie Nationale, de voir le 4ème Forum Economique Public-Privé Japon-Afrique de 2027, se tenir prochainement en République Démocratique du Congo. C’était en marge du 3ème Forum Economique Public-Privé Afrique-Japon, tenu du 16 au 17 décembre, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Mukoko Samba a profité de ses entretiens avec Ogushi Masaki, Vice-ministre de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie du Japon, pour faire ce plaidoyer qui, sans nul doute, porter ses fruits dans les trois années. Les deux hommes d’état se sont retrouvés pour parler coopération entre Kinshasa et Tokyo.

Au cours des échanges, au nom du Chef de l’Etat congolais, Félix-Antoine Tshisekedi, le Vice-Premier ministre, ministre de l’Economie nationale a remercié le gouvernement japonais pour la sympathie dont il a fait montre en apportant de l’aide financière aux victimes de l’épidémie de M-Pox et à l’INRB que l’Empire du soleil levant a appuyé matériellement. Il a aussi profité de l’occasion pour remercier l’Etat japonais pour l’aide qu’il apporte à la RDC pour le fonctionnement de l’Institut Nationale de Préparation Professionnelle (INPP).

 

Joint-venture pour l’exploitation des minerais en RDC

Les échanges bon cœur, bon enfant ont servi à Daniel Mukoko Samba que « vers les années 70, le Japon était le champion dans la mise en place de joint-venture pour l’exploitation des minerais en RDC », avant de regretter « l’absence, depuis quelques années, des entreprises japonaises dans l’exploitation des ressources naturelles au pays de Patrice-Emery Lumumba ». Le VPM, Ministre de l’Economie Nationale a rassuré que « la RDC n’est pas un pays offert à tel ou tel autre pays. Notre souci est celui de diversifier nos partenaires ».

Dans le souci de voir les entreprises japonaises venir investir en RDC, Mukoko Samba a informé Ogushi Masaki que la RDC dispose de tous les minerais critiques dont son pays a besoin. Pour ce faire, il invité les deux parties à accélérer la coopération économique entre Tokyo et Kinshasa.

« Je demande aux entreprises japonaises de ne pas hésiter pour venir en RDC, car elles trouveront toutes les opportunités pour développer leurs affaires dans les domaines des mines, de l’agriculture, des infrastructures, de l’énergie… », a lancé le VPM à l’Economie nationale, estimant, par ailleurs que « le Gouvernement congolais est prêt à apporter son appui aux entreprises japonaises qui veulent s’installer en RDC, notamment en ce qui concerne l’amélioration du climat des affaires, dossier sur lequel le Chef de l’Etat porte une attention particulière ».

Ceci étant cela, il a insisté que « le premier Forum s’était tenu en Afrique du Sud ; le deuxième au Kenya ; le troisième en Côte d’Ivoire. Mon souhait est que le quatrième se tienne en Afrique centrale et, particulièrement, en RDC », a argumenté Daniel Mukoko Samba.

 

Remerciements à Félix Tshisekedi

L’occasion faisant le larron, le chef de la délégation du Japon à ces assises, a présenté, au nom de son pays, les condoléances au gouvernement congolais à la suite des décès enregistrées au sein de nombreuses familles congolaises ; décès causés par l’épidémie de M-Pox qui a sévi dans le Nord-Est de la République Démocratique du Congo.

« Je tiens à remercier le gouvernement congolais, dont le Président Félix-Antoine Tshisekedi, qui a envoyé une forte délégation aux travaux du 3ème Forum Economique Public-Privé Japon-Afrique à d’Abidjan », a déclaré le Vice-Ministre de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie du Japon. Et d’ajouter : « Nous avons tenu à échanger directement avec vous parce que votre pays, la RDC, regorge des potentialités énormes qui intéressent beaucoup les investisseurs japonais ».

Ogushi Masaki a rappelé que plusieurs accords ont été signés, depuis quelques années, entre son pays et le Ministère des Mines de la République Démocratique du Congo, mais aussi avec la Gécamines pour l’exploitation des minerais.

Rappelons qu’engageant leurs gouvernements respectifs, Daniel Mukoko Samba et Ogushi ont émis les vœux de voir la coopération économique s’accélérer entre le Japon et la RDC, et cela, dans tous les domaines.

Willy Kilapi




DGRAD : Me Etienne Utshudi rend hommage à son prédécesseur Lucien Ekofo Bonyeme

Le Directeur Général de la Direction Générale des Recettes Administratives, Domaniales et de Participation (DGRAD), Me Etienne Utshudi Lutula, s’est incliné ce mercredi 18 décembre 2024, à la morgue de l’Hôpital du Cinquantenaire, sur la dépouille mortelle de son prédécesseur, Monsieur Lucien Ekofo Bonyeme qui avait tiré sa révérence de suite d’une maladie en Inde le 05 décembre dernier.

Aux côtés de son Ministre de tutelle, M. Doudou Fwamba Likunde et sous la présidence du Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le patron de la DGRAD a rendu les derniers hommages à celui qu’il remplace, lui privant ainsi d’une épaule sur laquelle il pouvait s’appuyer en termes d’expérience et d’expertise de la régie, les dernières années.

Ce triste événement arrive pendant que le bâtiment qui abrite la DGRAD a connu un incendie le 10 novembre dernier dont l’origine reste à élucider. Sans eaux et sans électricité, le DG Me Etienne Utshudi a sollicité et obtenu de la part de son Ministre de tutelle, la délocalisation des services de la régie en attendant les enquêtes qui sont menées et la réhabilitation de l’immeuble, en vue de ne pas casser l’élan de la mobilisation qu’il a insufflé, depuis son arrivée où on est parti de 42% le mois d’octobre pour dépasser les assignations, soit 110% au mois de novembre.

C’est ce qui justifie la délocalisation des services de la DGRAD tout près de la Gare centrale, sise avenue des Sénégalais dans la commune de la Gombe dans une résidence qui n’est pas à l’ancien Directeur Général de la DGRAD, M. Jean Elongo Ongona. Cette concession appartient aux Prêtres catholiques qui l’ont fait louer aux Libanais. La DGRAD ne vient qu’en sous-location. Une manière de démontrer qu’il s’agit d’une intoxication répandue certainement par ceux qui ont provoqué cet incendie, soit pour cacher des crimes économiques commis, soit pour saboter le pouvoir de Tshisekedi à travers la nomination de la nouvelle équipe constituée essentiellement des experts et technocrates pour réussir la mobilisation et la maximisation des recettes.

Qui est Jean Lucien Ekofo Bonyembe ?

Né le 19 août 1962 à Kinshasa, il détenait un master en Sciences politiques et administratives de l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Il avait également suivi des formations spécialisées en gestion, audit opérationnel et juridique à Casablanca et Paris.

Avant de diriger la DGRAD, il avait occupé plusieurs postes stratégiques, notamment à la Société Nationale des Assurances, où il a gravi les échelons jusqu’à devenir Directeur Général en 2019. Sa carrière s’est distinguée par son expertise en gestion des ressources humaines et financières, ainsi que par son engagement pour des réformes organisationnelles.

À la tête de la DGRAD à partir de mai 2023, Jean Lucien Bonyeme a mené plusieurs initiatives pour améliorer la collecte des recettes non fiscales grâce à la digitalisation et une gestion axée sur les résultats. Sous sa direction, la DGRAD a battu des records de mobilisation des recettes, dépassant pour la première fois les performances de la Direction Générale des Impôts à certaines périodes

Jean Lucien Bonyeme Ekofo est décédé le 5 décembre 2024 en Inde de suite d’une maladie, marquant la fin d’une carrière reconnue pour son impact sur la modernisation de la gestion des finances publiques en RDC.

Ce fut un visionnaire, un patriote au vrai sens du terme, et un mentor qui aura transmis ses valeurs à plusieurs générations et dont le nom restera toujours gravé dans les mémoires.

Joël Cadet N. Ndanga




La Gouverneure de la BCC recommande la poursuite de l’exécution des réformes structurelles

Intervenant en tant qu’invitée, la Gouverneure de la Banque Centrale du Congo a informé le Conseil que l’économie nationale est restée globalement stable au cours de la première semaine du mois de décembre courant.

En effet, les taux de change se sont globalement maintenus à leur niveau de la semaine précédente. Le rythme de formation des prix s’est légèrement accéléré après deux semaines consécutives de ralentissement. A 6% à fin 2024, la croissance économique devrait demeurer vigoureuse. Elle est tirée notamment par le secteur extractif.

Sur les marchés mondiaux des produits de base concernant notre pays, il y a eu notamment : la légère baisse hebdomadaire de 0,77 % du prix du baril de pétrole (Brent), se situant à 71,84 USD, influencée par les craintes d’une baisse de la demande face à une offre abondante ; la légère augmentation, du prix de la tonne du cuivre, de 0,97 %, se situant à 9.132,0 USD, portée par les perspectives favorables de l’économie chinoise sur fond des mesures de relance prises par les autorités ; le maintien du cours du cobalt à son niveau du 27 novembre 2024, soit 24.050 USD la tonne ; la hausse de 1,38% du prix de l’once d’or, s’affichant à 2.661,11 USD; les progressions de 1,83 % et 1,66% des prix du blé et du maïs se situant à 205,26 USD et 159,97 USD, alors que celui du riz s’est maintenu à son niveau de la semaine précédente, à 334,44 USD.

Cette évolution de la conjoncture intérieure est justifiée par le maintien de l’orientation restrictive de la politique monétaire, combinée à une politique budgétaire prudente. A cela, s’ajoute le renforcement de la coordination de ces politiques conjoncturelles.

La Gouverneure de la Banque Centrale du Congo a recommandé la poursuite de l’exécution des réformes structurelles pour améliorer la résilience de l’économie aux chocs exogènes et assurer une croissance solide et incl

usive.




3ème Forum Economique Public-Privé Afrique-Japon: Mukoko Samba vante les potentialités de la Rdc

Il est en déplacement à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour représenter la République Démocratique du Congo aux Le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie Nationale, Daniel Mukoko Samba, a pris part, au nom de la République Démocratique du Congo aux travaux du 3ème Forum Economique Public-Privé Afrique-Japon, tenu du 16 au 17 décembre, à Abidjan, capitale de la Cote d’Ivoire. Organisé après trois ans, ce Forum est devenu un lieu d’échanges entre les entrepreneurs et investisseurs japonais et les pays africains. C’est la raison qui explique la présence de Daniel Mukoko Samba, Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie nationale qui, au nom du pays qu’il représente, a mis en avant plan les potentialités que regorge son pays, la RDC, en affirmant que « la République Démocratique du Congo a un rôle crucial à jouer dans l’approvisionnement mondial en minerais critiques, rappelant que « sur le plan énergétique, la RDC possède également des atouts, notamment le gigantesque site d’Inga ».

Au cours de cette rencontre économique qui réunit les grandes sommités mondiales, le VPM et Ministre de l’Economie Nationale a a exposé sur « la connectivité et l’intégration ». Ce qui lui a permis d’insister que « la connectivité et l’intégration sont des thèmes extrêmement importants dans le cadre du développement des pays africains », thème de cette grande messe.

En outre, l’orateur a rappelé que ces deux thèmes sont au cœur de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui plaide pour « une Afrique intégrée, physiquement et économiquement ».

Transmettant le message du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, aux participants des assises d’Abidjan, le Vice-Premier ministre, Ministre de l’Economie Nationale, a indiqué que « la République Démocratique du Congo a un rôle crucial à jouer dans l’approvisionnement mondial en minerais critiques. Pour illustrer l’importance de la connectivité et de l’intégration, Daniel Mukoko Samba a également mis en avant le lancement, il y a quelques semaines, du corridor de Lobito, qui s’étend sur 1 300 kilomètres de voie ferrée, pour acheminer les produits miniers du Sud de la RDC (le cuivre et le cobalt et d’autres produits importants, mais aussi des produits miniers de la Zambie) vers le port angolais de Lobito. Pour lui, « c’est un bel exemple d’intégration entre trois pays africains, à savoir : l’Angola, la Zambie et la RDC ».

 

Importance des corridors

« Ces corridors de transport sont extrêmement importants, car il y a des cas similaires en Guinée-Conakry et au centre de l’Afrique », a soutenu Mukoko Samba. Seulement, a-t-il regretté « le Japon s’est beaucoup appuyé avec l’initiative des infrastructures de haute qualité en Afrique de l’Ouest et de l’Est, oubliant l’Afrique centrale dans ces initiatives », avant de souligner que « ces corridors africains sont importants, comme le corridor africain n°6 qui devrait relier la Nord-Ouest de la RDC au port de Kribi, au Cameroun, en passant par la République Centrafricaine ».

« Il n’est plus question, comme dans les années 60 et 70, d’extraire et d’exporter des produits bruts », a dit Daniel Mukoko Samba. « Il est également essentiel que ces corridors de transport se transforment en véritables corridors de développement ». Pour lui, des plateformes logistiques doivent être installées le long de ces corridors. Il a cité l’exemple de l’installation en cours, d’une Zone Economique Spéciale dédiée à la production de composants de batteries pour véhicules électriques entre la Zambie et la RDC.

Par ailleurs, l’envoyé de la RDC a ces assises rappelé que sur le plan énergétique, la RDC possède également des atouts, notamment le gigantesque site d’Inga. « Le projet Inga est l’un des projets prioritaires de l’Union africaine, et il est considéré comme un projet qui pourrait transformer systématiquement l’Afrique. Nous saluons la coopération économique qui s’établit entre pays africains. Un exemple récent est la collaboration entre des entreprises marocaines, les gouvernements angolais et zambien, ainsi que celui de la République Démocratique du Congo, pour alimenter ce hub minier majeur situé au sud de la RDC », a souligné le VPM Mukoko Samba.

« Sur le plan énergétique, la RDC possède également des atouts, notamment le gigantesque site d’Inga. Le projet Inga est l’un des projets prioritaires de l’Union africaine, et il est considéré comme un projet qui pourrait transformer systématiquement l’Afrique », a-t-il fait savoir.

L’homme d’Etat congolais a expliqué que « la mise en œuvre de ces plateformes de développement, qu’il s’agisse de transport ferroviaire, routier ou portuaire, ainsi que des plateformes énergétiques ou numériques, offre des opportunités dans le cadre des partenariats public-privé ». Pour lui, ces opportunités sont ouvertes aux entreprises du monde entier, y compris les entreprises japonaises.

Se sentant dans sa peau, le Patron de l’Economie Nationale a insisté que l’Afrique a donné le ton, notamment avec la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF), qui facilite les opérations douanières et vise à créer un marché unique africain. C’est ce que souhaite l’Afrique, c’est l’Afrique que nous voulons, a-t-il été explicite.

Willy K.