Cherté de la vie : Florimond Muteba de l’ODEP pointe du doigt les Congolais qui ne produisent pas assez

« Cherté de la vie et baisse du pouvoir d’achat de la population : les explications de l’ODEP », c’est le titre d’une enquête produite par l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) à travers Florimond Muteba Tshitenge, Président du Conseil d’Administration. Il nous revient que cette enquête a été faite pour faire comprendre au Congolais de ne pas croire aux mensonges de ceux qui nous disent que la détérioration du pouvoir d’achat de tous les congolais est liée à la guerre entre l’Ukraine et la Russie. « La cause c’est nous-même congolais. Nous ne produisons pas assez nous-même pour notre consommation, pour notre sécurité alimentaire. N’oublions pas que les Etats Unis, la Chine, l’Union Européenne, sont d’abord et avant tout des grandes puissances agricoles et puis industrielles après », tranche-t-il.

A la question de savoir, quelle inspiration théorique (courant radical) aiderait une construction pertinente des politiques de développement ? L’ODEP explique que pour ce courant de pensée, le sous-développement est le produit historique du développement d’un nombre restreint d’économies, aujourd’hui dominantes. Cet état a tendance à se perpétuer par l’interaction de la dépendance externe et la dynamique des transformations sociétales du tiers-mode.

Ce courant d’inspiration, d’abord humaniste, s’est nettement radicalisé avec l’exaltation du tiers-mondisme dans les années soixante. Pour ce courant de pensée, le sous-développement est un processus de dépendance et de désintégration des structures. Ses indicateurs sont la pauvreté absolue, les multiples déséquilibres et inégalités, se traduisant sur le plan : Politique : par l’oppression externe et interne, Economique : par l’exploitation impérialiste, Culturel : par l’aliénation.

Pour ce courant de pensée économique, le développement consiste en l’éradication de la pauvreté absolue, la satisfaction des besoins fondamentaux, l’intégration, la libération, la redistribution, la décentralisation du pouvoir, etc.

S’il faut construire une économie endogène pour gagner le combat de la 2ème indépendance, mais comment une économie autocentrée est-elle articulée ? A cette question, le professeur Florimond Muteba Tshitenge, Président du Conseil d’Administration de l’ODEP explique que dans une telle économie, il existe une relation d’équilibre de croissance entre le flux intersectoriel au niveau de la production, des échanges et de la répartition du revenu global entre le capital et le travail, c’est-à-dire la demande solvable qui va vers chaque secteur. Le surplus économique reste sur place et détermine justement la répartition du revenu global. Le salaire va vers le secteur de production de biens de consommation de masse, les profits sont épargnés ou réinvestis. Le salaire a une fonction économique, il n’est pas qu’un coût de production, il y a une relation objective entre le salaire et le niveau de développement des forces productives.

Les relations externes économiques et/ou politiques sont soumises aux exigences de l’accumulation intérieure. Il existe une alliance des classes entre une bourgeoisie industrielle et agricole qui sont une classe dominante, dans le cadre d’un Etat national achevé et puissant.

Les structures économiques héritées de 63 années de néocolonialisme sont différemment construites : le capitalisme a été introduit de l’extérieur par domination politique. Il n’y a pas eu de désagrégation des rapports ruraux précapitalistes, mais leur déformation par soumission aux lois de l’accumulation du centre. Pas de révolution agraire, stagnation de la production agricole.

Pas l’alliance des classes dominantes internes, mais une alliance internationale entre le grand capital monopoliste et des alliés subalternes. Pas d’Etat national réellement achevé, indépendant, au service des classes locales, mais une néo-colonie. Le salaire n’est qu’un coût qui est maintenu aussi bas que les conditions économiques et politiques le permettent.

Comment construire le développement endogène ?

Ayant défini au départ les objectifs d’une telle voie, l’ODEP s’interroge sur les directions dans lesquelles il faudra agir sur l’ordre mondial afin de favoriser la réalisation de ces objectifs : Ce développement est avant tout populaire, donc national ; L’industrie doit être mise au service de la productivité agricole ; Il faut abandonner la production de luxe pour le marché local et à l’exportation fondée sur la reproduction d’une force de travail bon marché (mieux servir les masses urbaines).

N’ayant pas réalisé une révolution agraire préalable à la révolution industrielle, nous devrons renverser la valeur, c’est-à-dire que nous devrons articuler un secteur moderne de l’industrie rénovée dans ses orientations de base, au secteur des petites industries rurales qui permettent de mobiliser directement les forces latentes de progrès

Dans ce sens, seule une révolution dans le secteur agricole pourra financer une industrialisation saine, dégager un surplus vivrier capable d’assurer l’indépendance nationale ; L’industrie doit être mise au service des masses urbaines et rurales pauvres et cesser d’être guider par la logique financière qui favorise le marché local privilégié et l’exportation vers le centre ; Les emprunts éventuels à la technologie dont des modèles nouveaux devront être imaginés seront fait en fonction des besoins internes du développement populaire.

Il faudra aussi songer au développement endogène, même s’il exige de compter d’abord sur ses propres forces, n’a rien à voir avec l’autarcie. Le pays se doit de recourir à l’importation des inputs nécessaires à l’accélération de son développement (équipement, énergie, certaines matières premières). Les échanges avec les occidentaux restent nécessaires mais doivent être qualitatifs ; Il va falloir développer l’autonomie collective avec les pays de l’Afrique, l’Amérique Latine, l’Asie, le Moyen orient en agissant dans deux directions : L’entraide mutuelle (échange des matières premières, en évitant plusieurs intermédiaires) ; Contrôle national de l’exploitation des ressources naturelles. Les exportations doivent être réduites au niveau des importations exigées par la stratégie interne du développement endogène. Actuellement, on exporte en fonction des besoins du centre et puis on se pose la question de savoir quoi faire avec les devises.