Conflit dans l’Est de la RDC: «C’est une guerre que nous allons gagner» (Patrick Muyaya)

« Que fait la communauté internationale ? Pourquoi elle ne sanctionne pas le régime rwandais qui est derrière les attaques meurtrières du M23 contre nos villes de l’Est du Congo ? ». C’est l’interrogation de plus en plus pressante du gouvernement congolais, après la percée ce mardi des rebelles du M23 sur la ville de Minova, à la frontière entre le Nord et le Sud-Kivu, à quelque 20 kilomètres de Goma. Patrick Muyaya est le ministre congolais de la Communication et des Médias. De passage à Paris, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : L’ennemi a fait une percée sur Bweremana au Nord-Kivu et sur Minova au Sud-Kivu, a annoncé l’armée congolaise ce mardi par communiqué. Est-ce que vous confirmez ?

Patrick Muyaya : Oui, je confirme. L’armée a évidemment communiqué parce que c’est la dynamique de la guerre. Parfois vous perdez une bataille, parfois vous gagnez. Mais il y a une détermination claire que nos forces armées vont assurer la défense de l’intégrité territoriale et la protection de nos populations et que c’est une guerre que nous allons gagner. L’ennemi dont l’armée parle, aujourd’hui, c’est un ennemi qui est connu, c’est l’armée rwandaise. Ça ne vaut même plus la peine de parler du groupe terroriste M23 qui n’existe pas. C’est l’armée rwandaise qui opère. Référez-vous au dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies qui parle à la fois des équipements utilisés, mais aussi du nombre de militaires envoyés sur le terrain. C’est illustratif justement de la volonté criminelle du président rwandais et cela doit cesser absolument.

Donc, depuis ce mardi matin, la ville de Minova est occupée par votre ennemi ?

Oui, évidemment. Et ce que l’on ne vous dit pas, c’est qu’il y a des massacres qui se font en même temps. Parce qu’à chaque fois qu’il y a une avancée des terroristes, le premier objectif, c’est de mettre la main sur les jeunes et de les mettre hors de portée de nuire. Vous savez que nous avons une dynamique de jeunes qu’on appelle les « wazalendo » qui contribuent à la défense de la patrie. Et chaque fois qu’il arrive, l’ennemi s’assure que tous les jeunes identifiés aveuglément puissent être mis hors de portée. Ça veut dire qu’il y a des assassinats, des massacres. Certains journalistes ont publié des images qui sont assez choquantes de la manière dont certains compatriotes ont été tués, parce qu’il y a une volonté de semer la terreur. Et c’est cette situation, d’ailleurs, qui devrait, de notre point de vue, être un élément déclencheur pour obtenir de la communauté internationale des mesures plus fermes et plus fortes.

 

 

 

Aujourd’hui, nous avons vu évidemment les pays occidentaux condamner le Rwanda, dénoncer le Rwanda, mais ce n’est pas suffisant en termes d’actions pour nous assurer justement que ces aventures criminelles cessent parce qu’il y a trop de drames. Tout ceci se passe sous les yeux de la communauté internationale et c’est illustratif justement de la nécessité pour elle d’agir plus énergiquement dès lors que le processus de Luanda a été publiquement saboté par le président rwandais qui, sans gêne d’ailleurs, revendique les actes terroristes posés par les terroristes du M23. Et il y a une nécessité d’avoir une action plus énergique pour prévenir un conflit plus intense dans la région.

Sur le plan politique, le processus de Luanda est au point mort depuis l’annulation de la rencontre du mois dernier entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Pourquoi dites-vous que Paul Kagame a saboté le processus ?

Mais parce qu’il n’est pas venu pour ne pas consacrer la mort de son fils préféré, le M23, qui est un mouvement terroriste.

Apparemment, il n’est pas venu parce qu’il voulait un dialogue direct entre la République démocratique du Congo et les rebelles du M23…

Écoutez, ça, ce sont les subterfuges qu’ils ont sortis, la veille justement de la tenue du sommet. Le président de la République l’a déjà dit et redit, il n’est pas question pour nous de discuter avec le M23 qui en réalité n’existe pas, parce que l’agenda qu’ils ont, c’est l’agenda rwandais. Pourquoi on va discuter avec le pantin alors que nous avons « l’autorité morale » de toutes ces actions criminelles sur la table ? Et donc celui qui a choisi délibérément de saboter ce processus, de mettre le processus au point mort, il s’appelle Paul Kagame, et il est urgent que la communauté internationale puisse tirer des conséquences de la manière la plus ferme pour qu’il rentre sur la table et pour que le processus puisse aboutir.

Alors, vous demandez des sanctions internationales contre le Rwanda, mais l’Union africaine, pour l’instant, refuse que les Nations unies inscrivent un débat sur ce sujet dans leur agenda 2025. Vous n’êtes pas déçu ?

Ecoutez, pour tous ces pays qui estiment aujourd’hui que le Rwanda devrait être épargné des sanctions, ils devraient juste regarder la situation humanitaire. C’est évident qu’aujourd’hui il y a des millions des jeunes femmes et hommes qui sont déplacés dans leur propre pays du fait des agissements du président rwandais. Il y a des viols, des massacres qui se perpétuent en plein jour. Ces pays-là, je ne pense pas qu’ils veulent être complices de ces dégâts. Ne pas prendre des sanctions fortes en ce moment, c’est être complice de massacres qui sont commis dans l’est de la RDC.

Et vous pensez qu’Emmanuel Macron ne va pas assez loin, lui non plus ?

Il devrait aller plus loin, justement…

C’est-à-dire ?

Plus loin. Ça veut dire que la France aujourd’hui peut activer des sanctions plus fermes parce qu’on connait les rapports des Nations unies, ce sont des rapports qui sont publics et je pense qu’il y a sûrement des experts français. La France, qui généralement est derrière les plumes qui rédigent des résolutions au niveau du Conseil de sécurité, devrait tirer les conséquences au regard de la situation humanitaire et du côté belliqueux prouvé par le président rwandais. Et donc le président Macron est lui aussi tenu d’user de plus de fermeté vis-à-vis du Rwanda pour que la paix soit restaurée dans l’est de la RDC.