Dans un Colloque international à l’Unilu: Julien Paluku explique les obstacles constitutionnels, légaux et politiques qui empêchent l’émergence des provinces 

La problématique de la promotion de la gouvernance locale en République Démocratique du Congo est au centre du colloque international lancé ce lundi à l’Université de Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga. Et ce, en présence des meilleurs professeurs d’universités que compte le pays.

Développant le thème : ” Regard sur les crises politiques récurrentes dans les provinces de 2006 à nos jours, analyse et perspectives”, Julien Paluku Kahongya, praticien de la décentralisation avec 21 ans dans la territoriale a au cours de ce rendez-vous des savants parlé de la constitution, du pouvoir central, des acteurs politiques et des causes subjectives qui constituent les principales causes de l’instabilité au niveau des provinces en Rdc.

Le ministre de l’Industrie et ancien Gouverneur du Nord-Kivu préconise l’adaptation de la constitution aux réalités réelles du terrain pour la bonne mise en œuvre de la décentralisation qui augure l’émergence de la Rdc, a-t-il renchéri.

«Je voudrais commencer par remercier le Recteur de l’Université de Lubumbashi qui m’a invité entant que praticien de la décentralisation pour l’avoir pratiquée pendant 21 ans afin que je vienne partager mon expérience sur les crises récurrentes dans les provinces. Pourquoi ça ne marche pas dans les provinces ? Il y a des causes qui sont liées à la constitution, des causes qui relèvent de la loi et du comportement politique. Au niveau de la constitution, on a calqué les sanctions des autorités provinciales sur le modèle national. Alors que le Premier ministre est issu de la majorité parlementaire au sein de l’Assemblée nationale, et nommé par le président de la République, le Gouverneur n’est pas nommé. Il est élu par l’Assemblée provinciale. Mais aux deux personnalités, on applique les mêmes types de sanctions. Ce qui est déjà anachronique au niveau de la constitution. Quelqu’un qui est nommé et quelqu’un qui est élu, on ne peut pas leur appliquer les mêmes mesures », explique Julien Paluku.

Il ajoute que ce billet est venu de la constitution lorsqu’il a dit à l’article 146 que la manière dont on doit sanctionner le Premier ministre et les ministres doit être la même que le Gouverneur et les ministres provinciaux. Ce billet est réconforté par la taille de l’Assemblée nationale et de l’Assemblée provinciale. Pour l’Assemblée nationale, on a 500 députés, c’est difficile de réunir 125 signatures et de faire partir un Premier ministre. Au contraire, la constitution a appliqué la même proportion à une province qui a 20 députés où les 10%, c’est deux députés qui se réunissent et qui introduisent une motion.

Selon lui, on doit changer pour élever le niveau du seuil de recevabilité d’une motion pour qu’il ne soit pas de 10% ni de 25%. Qu’il se situe entre 50% et 2/3 des membres qui composent l’Assemblée nationale. A ce moment-là, si les 2/3 signent une motion, ça va traduire la perte de la confiance, au lieu que 2 personnes signent pour faire parvenir un Gouverneur.

Au niveau politique, note-t-il, chaque acteur politique veut contrôler une province en y envoyant les siens. Le Gouverneur devrait être élu, pas parce qu’il est au service d’un individu, mais parce qu’il est au service d’une population. Le fait que chaque acteur politique veut amener son Gouverneur, affecte le développement de la province et le Gouverneur ne se sent pas responsable devant la population et les députés, mais devant celui qu’il a envoyé. Et la conséquence est qu’il oublie et les députés et le peuple.

Il en a profité pour stigmatiser le comportement du pouvoir central depuis 2006 jusqu’à aujourd’hui. Le pouvoir central a retenu le transfert des compétences et des charges, ce qui ne donne pas aux provinces la possibilité d’exécuter leurs programmes. Ils ne vivent que sur base des ressources minables. Alors que si on prenait les 40% pour un budget de 10 milliards, ça vous fait 4 milliards et si on le répartissait sur chaque province, ça va booster le développement à la base.

« Ma réflexion était d’interpeller le pouvoir central où certains acteurs se comportent comme s’ils n’appartenaient pas aux provinces. Alors que chacun de ces acteurs vient au moins d’une province. Cette invitation de l’Unilu permet de relancer le débat autour des politiques publiques depuis 2006 jusqu’aujourd’hui et la valeur que ces institutions ont pour contribuer au développement du pays. Les institutions provinciales tardent à devenir efficaces, pas parce qu’elles ne veulent pas, mais parce qu’il y a des obstacles constitutionnels, politiques et légaux », martèle Julien Paluku, ministre de l’Industrie.

Accorder de l’intérêt à la gouvernance des provinces et des ETD

Parlant de la réforme de l’Etat, Professeur André Mbata Mangu, Premier Vice-président de l’Assemblée nationale a de son côté insisté sur la qualité des élus provinciaux avec comme conséquence, le manque de propositions d’édits. Pour lui ce colloque vient de combler un vide.

« Le pays ne peut se construire qu’à partir de la base. Et c’est tout l’intérêt que s’organise actuellement à l’Université de Lubumbashi ce forum. C’est une initiative vraiment louable. Nous avons veillé à être là, même si au niveau de l’Assemblée nationale nous allons vers la clôture de la session. Mais il était important pour nous de prendre part à ce colloque pour démontrer l’intérêt que le président de la République, l’Assemblée nationale et toutes les institutions attachent à la gouvernance en Rdc. Car il y a effectivement des problèmes avec toutes ces crises à répétition. On ne peut pas arriver à un Congo fort dont parle le président Tshisekedi, on ne peut pas arriver à l’émergence d’une nation émergente et puissante si nous n’accordons pas suffisamment d’intérêt à la gouvernance des provinces et entités territoriales décentralisées », indique-t-il.

Signalons que pendant deux jours, des éminents Professeurs venus des provinces de la RDC vont faire des propositions pour la bonne mise en œuvre de la gouvernance politique et administrative au niveau local ; des résolutions qui seront présentées au Président de la République, aux Présidents de deux chambres du parlement et au Premier Ministre.

JMNK