Dans une interview exclusive: Bodom Matungulu propose un Plan stratégique Rdc Emergent 2050 (PSCE)
Le Quotidien, un groupe de presse paraissant en République démocratique du Congo, est allé à la rencontre de M. Bodom Matungulu, initiateur du Think Tank Rdc Stratégie, qui est le 1er incubateur de politiques publiques et de la prospective en Rdc qui fournit de façon ouverte et indépendante des analyses prospectives et des solutions innovantes en matière de politiques publiques afin de promouvoir et favoriser le développement de secteurs stratégiques de la Rdc pour son émergence à l’horizon 2050.
Matungulu est détenteur d’un diplôme d’ingénieur civil de la Faculté de Polytechnique de l’université de Kinshasa, d’un Master spécialisé en systèmes de transport ferroviaire et urbain de l’École nationale des ponts et chaussées Paris Tech en France, d’une certification en planification et construction urbaine de Shanghai Business School, en Chine, d’une certification en prospective stratégique de l’université Polytechnique Mohammed IV au Maroc et d’un diplôme d’Executive master en politique et management de développement – Potentiel Afrique de l’Université Science-po Paris en France.
Dans le cadre de sa dernière formation, cet expert en conception et évaluation de politiques publiques nous parle de son travail qui porte sur : « La proposition d’un nouveau cadre de planification de la Rdc : le plan stratégique Rdc Émergent 2050 (PSCE 50) », qui est un nouveau projet de société « Bâtissons la RDC du futur », soit une nouvelle ambition, celle de faire de la RDC un pays émergent en moins d’une génération.
Le Quotidien : Parlez-nous du Think Tank Rdc Stratégie : ses missions et la motivation qui vous a conduit à sa création
M. Bodom Matungulu : La RDC STRATEGIE est un « THINK TANK », c’est-à-dire un laboratoire d’idées, un groupe de réflexion, un regroupement d’experts, de droit congolais dont la vocation première est de fournir de façon ouverte et indépendante des analyses prospectives et des solutions innovantes en matière de politiques publiques au service de l’intérêt général afin de promouvoir et favoriser le développement de secteurs stratégiques de la Rdc pour son émergence à l’horizon 2050. Il joue un rôle d’incubateur de politiques publiques et de la prospective.
Ainsi, la grande motivation qui a conduit à la création de ce groupe de réflexion, c’est le profond désir de concrétiser le développement de la République démocratique du Congo, qui passe inévitablement par l’amélioration continue du social de la population. Nous sommes convaincus que la providence divine a créé la République Démocratique du Congo pour accomplir un destin exceptionnel. Nous estimons que la Rdc ne peut être Rdc sans sa grandeur. La Rdc de demain doit se bâtir par des idées et des réflexions innovantes.
Pourquoi préconiser un nouveau cadre de planification que vous appelez: Le Plan stratégique RDC émergent 2050 ?
La République Démocratique du Congo s’est caractérisée depuis ses origines par une tradition d’élaboration et de mise en œuvre de programmes et plans de développement. En 63 ans pas, moins de 25 plans ou programmes ont été conçus, parfois avec l’aide des partenaires bilatéraux et multilatéraux.
En effet, tous les plans ou programmes de développement mis en place depuis l’accession de la RDC à l’indépendance en 1960, n’ont jamais réussi à faire décoller l’économie de la RDC, qui reste d’ailleurs, selon le récent rapport de la Banque mondiale de 2022, l’un des pays les plus pauvres de la planète. L’autre constat qui ressort de l’évaluation de la mise en œuvre du Plan National Stratégique de Développement (PNSD), 9 ans après son élaboration, est chaotique, moins de 15% de réalisation. Le manque d’appropriation par tous les acteurs, la défaillance du cadre institutionnel de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation ainsi que la modicité des ressources affectées pour financer lesdits programmes sont les principales causes de cet échec constaté.
Par ailleurs, compte tenu des enjeux et tournant géopolitiques, technologiques, économiques, sociaux et environnementaux de l’ère, il est primordiale d’amorcer une réflexion profonde sur la manière dont nous souhaitons façonner la RDC de demain. Dans ce contexte, une réévaluation constante de nos politiques et stratégies est impérative. Nous devrons redéfinir notre place dans ce nouvel ordre mondial en gestation.
D’où la nécessité de repenser le cadre programmatique en vue de renforcer l’efficacité et l’efficience dans la mise en œuvre des politiques de développement en RDC afin de relever les défis actuels auxquels la RDC est confrontée dans la valorisation de son potentiel.
Ce projet ambitieux vise à repenser la planification stratégique du pays pour les décennies à venir, en prenant en compte les défis actuels et à venir du développement technologiques, économique, social et environnemental de la RDC.
Que sont les grands axes de ce Plan stratégique RDC émergent 2050 ?
LE PSCE 2050 est un nouveau projet de société « Bâtissons la RDC du futur » et une nouvelle ambition : faire de la RDC un pays émergent en moins d’une génération.
Trois caractéristiques fortes de la RDC Emergent en 2050 : Une Nation unie et prospère assise sur une économie forte, compétitive, diversifiée et dynamique ; Une Nation où l’Etat exerce une souveraineté sur ses ressources naturelles ; Locomotive du développement de l’Afrique.
Le PSCE comporte trois axes stratégiques : le renforcement des fondations de l’émergence ; le développement des piliers de l’émergence ; le partage équitable du fruit de la croissance.
i) le renforcement des fondations de l’émergence : vise à développer les facteurs-clés de compétitivité de la RDC, à travers quatre dimensions clés considérés comme les fondations de l’émergence, à savoir le
Développement du Capital humain, la protection sociale et le développement durable : Doit constituer le fer de lance du nouveau modèle de développement de la RDC. Cela va consister à offrir une éducation et système sanitaire de qualité à tous pour favoriser l’ascension sociale, de doter la nouvelle économie de la RDC Emergent des qualifications et compétences dont elle a besoin et garantir une valorisation optimale des ressources de la RDC, dans une optique de préservation des intérêts des générations futures.
Développement des Infrastructures (transports, énergie et NTIC) : Trois objectifs stratégiques permettront de matérialiser cette fondation : i) désenclaver la RDC et moderniser les infrastructures de transport, ii) développer une offre d’électricité durable, diversifiée et accessible pour tous, iii) construire des infrastructures numériques de rang mondial.
Bonne Gouvernance, réformes institutionnelles et amélioration du climat des affaires : La gouvernance constitue un préalable à l’attractivité d’un pays. Dans un environnement de mondialisation, elle se révèle déterminante dans les décisions des investisseurs.
Cela passe par l’amélioration de 3 indicateurs importants :
institutionnels ;
macroéconomiques ;
stabilité politiques.
Restauration de la paix et sécurité : Elle porte sur des actions visant à poser des préalables basiques au travers essentiellement des réformes pour obtenir (i) la paix et la sécurité sur toute l’étendue du territoire national, (ii) la consolidation de la démocratie et d’un Etat de droit, (iii) l’Emergence d’une armée républicaine, professionnelle, puissante, équipée et dissuasive et (iv) Participation de l’armée à l’effort de reconstruction nationale.
ii) le développement des piliers de l’émergence :
Le deuxième axe stratégique du PSCE est le développement des piliers de croissance. L’émergence ne deviendra une réalité que si la RDC réussit la mutation d’une économie de rente reposant sur les matières premières (hydrocarbures, bois, mines) vers une économie à valeur ajoutée et diversifiée. En 2050, l’économie Congolaise ne reposera plus sur un seul pied, mais sur trois piliers solides, La RDC Industrielle, La RDC Agricole et La RDC des Services.
L’érection du pilier RDC Industrielle : passe par une meilleure valorisation des richesses du sous-sol Congolais, en y apportant plus de valeur ajoutée avec la mise en place des chaines des valeurs et en développant un local content (sous-traitance locale, le transfert des technologie…) parmi les objectifs stratégique nous avons :i) le Développer le potentiel minier en matière première stratégique pour la transition énergétique. ii) Promouvoir le développement d’industries de soutien (BTP, matériaux de construction, maintenance industrielle…)
L’érection du pilier RDC Agricole : s’appuiera sur la valorisation durable de notre formidable écosystème càd par la pleine valorisation des richesses du sol : nos 80 millions d’hectares de terres arables, notre potentiel en ressources halieutiques d’eau douce, et nos 150 millions d’hectares de forêt
Le pilier RDC des Services : renvoie à la valorisation, non plus des matières premières du sol ou du sous-sol, mais du capital le plus précieux du Congo, son capital humain. Dans une économie mondiale devenue une économie de la connaissance, ce capital humain doit être formé, s’approprier sans complexe le meilleur des nouvelles technologies et porter l’éclosion de nouveaux services, dans l’éducation, le transport, la santé, la sécurité, les services financiers, les services administratifs aux citoyens, où de manière plus générale dans l’économie numérique.
iii) le partage équitable du fruit de la croissance.
La mise en place des fondations et l’érection des trois piliers de l’émergence permettront de générer une croissance plus forte et plus durable. L’axe stratégique 3 du PSGE vise à assurer que cette croissance bénéficiera à tous les Congolaise, non seulement par l’augmentation des revenus des populations, mais également par un rattrapage dans les secteurs sociaux (santé, emploi, protection sociale, l’accès à l’eau potable, assainissement, logement décent, culture…).
Quelles innovations apporte ce plan ?
Plan Stratégique RDC Emergent 2050 décline le chemin vers l’émergence (la destination future), il précise les repères de la RDC que nous désirons en 2050.
Les innovations apportées sont d’ordre
de structuration du plan pour atteindre l’émergence,
l’ajustement des stratégies et actions à l’évolution des défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels la RDC est confrontée mais aussi aux mutations géopolitiques et technologiques de l’ère ;
des innovations en termes d’appropriation : Conférer au PSCE une force de loi opposable à tous en le ratifiant au parlement
la mise en place d’un cadre institutionnelle avec une amélioration des mécanismes de mise en œuvre, suivi et évaluation : Faire évoluer la gouvernance vers une culture de prestation de services (ce qui offre des avantages significatifs en termes de coordination, de gouvernance, de réactivité, d’optimisation des ressources et de renforcement de l’efficacité des programmes : un mode de fonctionnement axé sur les solutions et les résultats);
ainsi que sur les stratégies de financement : il est donc nécessaire de diversifier les sources de financement, notamment en se tournant vers des mécanismes de financement innovants.
Comment votre plan pourrait aider à matérialiser les 6 engagements du président de la République ?
Ces sont des engagements louable qui visent entre autre à améliorer la qualité de vie des Congolais, à répondre aux besoins essentiels de la population et à apporter des changements significatifs dans plusieurs domaines clés en renforçant la compétitivité du pays sur la scène internationale. Cependant, ces engagements seront les fruits ou les retombées des actions qui devront être menées à savoir Objectifs du Programme d’Action du Gouvernement (PAG) 2024-2028 qui constitue la première étape du voyage vers la réalisation des grands projets structurants et des réformes audacieuses pour stimuler ainsi la croissance économique.
La proposition du PSCE 2050, préconise que le Programme d’Action du Gouvernement (PAG) 2024-2028 doit constituer la première étape de ce voyage vers l’émergence, de façon à impulser de manière irréversible la marche vers l’émergence. Nous proposons 20 projets structurants phares et 15 reformes clés avec pour objectif qu’en 2028:
Les Objectifs du Programme d’Action du Gouvernement (PAG) 2024-2028 qui constitue la première étape du voyage seraient donc :
Quelles sont pour vous les conditions de succès pour rendre effectif ces engagements ?
Pour rendre pour rendre effectif ces engagements, il y a des conditions de succès. Je tiens cependant à souligner deux faits important ;
nous sommes à un moment décisif de l’histoire, où les équilibres géopolitiques sont en train d’être refaçonnés, nous connaitrons de changement sans précédent. Les alliances traditionnelles sont remises en question, de nouveaux acteurs émergent sur la scène mondiale et les rapports de force évoluent. Ce moment de tournant géopolitique appelle à une réflexion profonde sur la manière dont nous souhaitons façonner la RDC de demain. Dans ce contexte, une réévaluation constante de nos politiques et stratégies est impératif. Nous devrons redéfinir notre place dans ce nouvel ordre mondial en gestation.
La situation politique et économique que traverse la République Démocratique du Congo actuellement, de nombreux pays émergents ont également fait face à des défis similaires il y a quelques décennies, et ont réussi à surmonter ces difficultés pour devenir des puissances économiques et politiques respectées.
Un exemple frappant est celui de la Corée du Sud, qui dans les années 1960, était confrontée à des difficultés économiques et politiques considérables. Aujourd’hui, le pays est devenu l’une des plus grandes économies mondiales, avec un niveau de vie élevé et une influence mondiale significative. De même, Singapour, un petit État insulaire, a réussi à se relever économiquement et politiquement pour devenir un centre financier majeur et un exemple de développement réussi.
la RDC peut également surmonter ses difficultés actuelles et se diriger vers un avenir prospère, réalise son potentiel et devenir à son tour un exemple de réussite pour d’autres pays du continent africain car l’avantage que nous avons ces sont les ressources que nous possédons.
Les éléments clés pour réussir cette transition à l’instar de ces pays sont :
Afficher une forte volonté politique et un engagement clair de tout le gouvernement ;
la volonté politique est indispensable pour mettre en œuvre des réformes audacieuses et pour prendre des décisions stratégiques qui favorisent le développement à long terme.
se doter d’un nouvel outil de planification pour concrétiser ces ambitions de développement et d’émergence. Planifier des stratégies avec une vision long terme (35 ans) assortie des plans quinquennaux et faire de ce plan le principal guide stratégique pour l’ensemble des politiques et programmes de développement.
Le Programme d’Action du Gouvernement (PAG) 2024-2028 doit constituer la première étape du voyage, de façon à impulser de manière irréversible la marche vers l’émergence.
Promouvoir la méritocratie
En promouvant les individus en fonction de leurs compétences, de leurs performances, de leur mérite et de leur moralité, le pays peut s’assurer de disposer des meilleurs talents pour piloter son développement. Cela favorise l’émergence d’une classe dirigeante compétente et intégré, et encourage l’excellence à tous les niveaux de la société.
Pour ce faire, je suggère que le Gouvernement qui sera formé soit essentiellement composé à 70% des technocrates durant les trois premières années du quinquennat.
Le pragmatisme
le pragmatisme est crucial pour s’adapter aux réalités changeantes et pour trouver des solutions efficaces aux problèmes rencontrés.
‘’Ces engagements résument ma détermination à offrir des solutions pragmatiques par la force de la volonté et de la mobilisation des énergies de tous’’
Le succès de ces engagements dépendra également de la mobilisation de toutes les parties prenantes, à savoir : le gouvernement, le secteur privé, la société civile et même l’opposition, pour travailler ensemble à la réalisation de ces objectifs ambitieux annoncés afin de construire un avenir commun
Les grandes nations se construisent en mutualisant les intelligences, ce que nous appelons, l’intelligence collective.
Propos rendus par Le Quotidien