De l’enfant de la rue au Kuluna via le “shégué” : cette bave qui nous retombe sur la figure !
La vidéo donne envie plus d’en rire que d’en pleurer. Un enfant congolais – qui doit avoir entre 6 et 8 ans – en train de déclarer à ses formateurs, à l’école où il étudie, son ambition est de devenir…kuluna !
Il en est de même de la vidéo présentant le ministre d’État Constant Mutamba en train de suggérer aux Kuluna une prière à Dieu la veille de leur transfert à la prison d’Agenga, prière accompagnée d’une demande de pardon auprès des victimes de leurs méchancetés. Il y a dans cette prestation de quoi en pleurer car il n’est pas du devoir du patron de la Justice d’ordonner une prière sincère et même un pardon vrai. L’une et l’autre, ça ne se ” télécommande ” pas. A la limite, la charge aurait été confiée à une organisation religieuse dont c’est du reste la vocation. Hélas !.
Rappel des faits
L’Histoire pourrait retenir qu’en 2024, un régime – incarné par l’Udps autrefois champion toutes catégories confondues en matière de défense et de protection des droits de l’homme – a décidé de rétablir la peine de mort et à l’appliquer notamment aux Kuluna, ces bandits sans foi ni loi qui veulent instaurer le banditisme urbain du type haïtien, ces Kuluna utilisés, par moments, en “supplétifs” des membres des partis politiques lors des manifestations publiques.
En majorité, ce sont des enfants et des petits-enfants des parents et grands-parents victimes de la mauvaise gouvernance institutionnelle.
En effet, avant d’être Kuluna, ces bandits étaient pour la plupart des”shégué”, des enfants dits de la rue.
Leur apparition à Kinshasa se situe autour des années 1980 coïncidant avec, d’un côté, la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat et, de l’autre, le phénomène des églises dites du Réveil.
Rappel des faits :
-à partir de 1980 (année de la Lettre des 13 Parlementaires), des foyers sont en train de se disloquer pour cause d’incapacité principalement des époux d’assumer leurs responsabilités.
-au même moment, s’annonce le phénomène “enfant sorcier”.
-livrés à eux-mêmes, les “shégué” doivent s’organiser pour survivre. Surtout ceux chassés des toits paternels du fait d’être soupçonnés de pratiques maléfiques dans leurs familles.
-ces enfants se livrent au mieux à la mendicité, au pire au chapardage.
-sur ces entrefaites, survient le processus démocratique en avril 1990. Première “action d’éclat” : le *pillage de septembre 1991*. En moins de 48 heures, tout ce qui constitue le tissu économique et social à Kinshasa s’effondre, grands-parents et parents perdent leurs emplois.
-la majorité fonde l’espoir du réveil sur l’Opposition et sur la société civile acquises au changement.
-porteuse de tous les espoirs, la Conférence nationale souveraine (juillet 1991-décembre 1992) s’achève dans le cafouillage. Le Conclave politique de Kinshasa (mars 1993-juin 1994), venu en doublon, se dilue dans l’indifférence. La 3ème voie (ni CNS, ni CPK) vécue de juin 1994 avril sombre déjà dans la guerre de l’Afdl surgie, elle, en octobre 1996.
-l’avènement de l’Afdl ne ramène pas les investissements ;
-et vient entre 1998 et 2024 la “saison des guerres de l’Est ” : Rcd et le Mlc en 1998, le Rcd-Kml et du Rcd-N en 2002, du tandem Mutebusi/Nkunda en 2004, Cndp en 2011, M23 première version en 2012, M22 deuxième version en 2022.
-la RDC est présentée auprès des investisseurs en pays à hauts risques. Pas d’investissement, pas d’emplois.
N’est-ce pas un problème réel de société ?
Combien d’emplois créés effectivement entre avril 1990 et (bientôt) avril 2024, soit pendant 30 ans ? Faute de statistiques viables, impossible de donner une réponse fiable.
Une chose est au moins sûre : celles des forces politiques et sociales qui dissuadaient par leurs faits et gestes les investisseurs de (re)venir pour créer des emplois se connaissent et se reconnaissent.
Les unes et les autres sont conscientes du fait qu’au cours de ces 65 ans (bientôt) d’indépendance, le pays n’a pas eu véritablement une *politique d’emploi*, moins encore une politique de natalité contrôlée.
Conséquence : on remplit le pays en ressources humaines sans le remplir d’infrastructures de base. Cas de l’instruction pour ce qui s’agit de l’emploi.
Que vaut alors un diplôme lorsqu’on ne trouve pas un bon emploi ?
Première conséquence : on voit des médecins, des ingénieurs en télédétection, des macro-économistes, des architectes etc. passer des journées entières à débattre dans des médias des enjeux politiques pour espérer trouver un emploi ou vouloir le garder !
Des lauréats du système LMD deviennent des revendeurs des unités de téléphonie cellulaire, des cambistes ou des moto-taxis, quand des finalistes du secondaire sont réduits, eux, au statut de vendeurs à la criée, de racoleurs ou “coupeurs d’ongle”.
La question, à partir de cet instant, est de savoir ce que deviennent les Kuluna “SDF” (Sans Domaine Fixe) parce que sans formation professionnelle nécessaire ! Ils basculent dans le banditisme urbain pourtant illégal !
La bave qui nous retombe sur le visage
Serions-nous en train de plaider pour les Kuluna ? Pas du tout ; loin s’en faut !
La “carrière” choisie est la plus mauvaise qui soit dès lors qu’elle n’a aucune raison d’exister et, en plus, ne donne aucune raison de s’en vanter. Au contraire.
Pour l’histoire, un chef d’Etat congolais s’opposait d’ailleurs à la qualification “enfant de rue”. _”La rue de fait pas d’enfant. Ce sont les parents qui font des enfants_”, disait-il.
A partir de cet instant, c’est le père, la mère, c’est le tuteur ou la tutrice que l’État doit interpeller.
Or, si on lui donne l’occasion de s’exprimer devant tous les Constant Mutamba réunis, le père ou la tutrice posera la question de savoir ce que l’État a fait pour le ou la mettre en position de sécuriser la vie de sa fille, de son fils pour ne pas devenir… Kuluna !
Aucun de tous les Constant Mutamba d’hier ou d’aujourd’hui ne saura répondre à cette interpellation légitime.
Aussi, ayons le courage de l’accepter : le phénomène Kuluna n’est rien d’autre que la bave qui nous retombe sur le visage.
Grâce présidentielle
En attendant, constatons que le ministre d’État Constant Mutamba renvoie la balle (exécution de la peine de mort) dans le camp du Président de la République Félix Tshisekedi, animateur de la seule et unique Institution de la République à disposer du droit d’accorder la grâce présidentielle prévue à l’article 87 de la Constitution !
Pour l’heure, on applaudit.
Mais, le moment venu, le Chef de l’Etat va se retrouver seul devant sa conscience. Il devra choisir entre gracier (et ne pas appliquer la peine de mort) ou ne pas gracier (et autoriser la peine capitale !). Là, Constant Mutamba ne lui sera d’aucun secours, ni consolation.
Là, on aura alors le choix entre en rire ou en pleurer…
Omer Nsongo die Lema