Devant se retirer progressivement: La MONUSCO craint pour l’avenir
Même si les autorités congolaises rassurent quant à la montée en puissance des FARDC pour sécuriser le pays et protéger la population, le discours de Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux Operations de paix, laisse entrevoir un doute quant à la capacité réelle de l’armée congolaise à s’assumer. Raison pour laquelle il promet un soutien accru au renforcement des capacités de l’État congolais, notamment au renforcement des FARDC et de la police. Il a aussi pris note et tiendra compte dans la préparation de son rapport, du soutien au processus de DDR et PDDRCS qui est lié au processus de Nairobi. Et ce, sans mettre de côté l’appui politique et logistique que l’ONU apporte depuis le début de ce processus et le soutien à la protection des civils.
Pour clôturer sa mission en Rdc, M. Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux Operations de paix s’est adressé à la presse pour donner les principales conclusions. Il a expliqué que les États membres de l’ONU financent la MONUSCO sur la base de contributions obligatoires selon un barème spécifique aux Nations Unies et les autres opérations de maintien de la paix. Pour lui, lorsque ces opérations partent, ces financements cessent, il n’y a pas de vases communicants avec les agences, fonds et programmes des Nations Unies, puisque celles-ci ou ceux-ci sont financés de manière totalement différente.
S’il a tenu à le dire à la presse, c’est parce qu’ils ont convenu avec les autorités congolaises qu’un processus de transition graduelle de la MONUSCO implique que l’État prenne en charge les activités qui sont aujourd’hui conduites par la MONUSCO. Bien sûr, les agences humanitaires et de développement doivent continuer leur travail et, si possible même l’intensifier, et nous sommes prêts à faire le plaidoyer pour que les ressources des agences, notamment dans le domaine humanitaire, soient renforcées. Et ça veut d’abord dire qu’il appartient à l’État congolais, de monter en puissance de manière à ce que, encore une fois, les activités conduites par la MONUSCO aujourd’hui puissent être prises en charge par cet État.
S’il insiste là-dessus, c’est parce que parmi les activités de la MONUSCO, il y a en particulier la protection des civils. C’est ici qu’il a cité certains endroits qu’il a eu à visiter : Bunia ou le site de déplacés à Drodro en Ituri. « Ce que je veux dire c’est qu’en Ituri, mais aussi dans d’autres provinces où nous sommes présents, il y a des centaines de milliers de personnes qui sont protégées aujourd’hui quasi exclusivement et souvent exclusivement par la présence de la MONUSCO. Et si elle partait demain, ces civils seraient en très grave danger, pour le dire simplement, d’être massacrés », alerte-t-il.
Et d’ajouter que les populations que nous rencontrons dans ces camps, dans ces sites de déplacés nous disent : « restez, surtout ne partez pas ». Il faut les écouter, mais en même temps, ce que cela veut dire, c’est qu’il doit y avoir une transition qui permette la montée en puissance des services de l’État, de la protection assurée par l’État à ces populations, alors que nous partirions de manière graduelle.
Ce qui est positif, c’est qu’il y a des perspectives en ce sens. En Ituri, notamment il y a un plan pour le renforcement de la présence des FARDC qui sont aujourd’hui très peu nombreuses aussi parce qu’une partie des ressources des FARDC a été dirigée vers le Nord-Kivu. « Et donc nous comptons pour que ce plan soit mis en œuvre de manière que nous puissions effectuer cette transition graduelle, pas seulement bien entendu pour les forces militaires congolaises, mais aussi pour la police. Et aussi les capacités civiles des autorités de l’État, notamment de la justice », dit-il.
Des similitudes
A en croire M. Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux Operations de paix, en ce qui concerne le Nord-Kivu, et notamment les zones affectées par le M23, il y a une situation qui présente des similitudes et des différences. La similitude, c’est qu’il y a beaucoup de civils qui sont protégés aujourd’hui, notamment les déplacés, par la MONUSCO et il faut en tenir compte, dans un processus de départ graduel, il ne faut pas laisser de vide dans ce domaine.
Deuxièmement, il y a des besoins humanitaires qui sont loin d’être satisfaits. Nous devons faire et nous allons mener un plaidoyer vigoureux pour que les ressources des agences humanitaires soient renforcées. Et c’est difficile parce que malheureusement, il y a beaucoup de crises humanitaires dans le monde et les donateurs sont très sollicités, nos agences et nos collègues humanitaires ont des problèmes pour recueillir les ressources suffisantes pour faire leur travail.
La troisième similitude, c’est qu’il y a aussi une présence importante de la MONUSCO qui joue un rôle, notamment dans la défense de Goma, dans la défense d’autres sites en bonne intelligence avec les forces congolaises et en bonne intelligence avec les autres forces, notamment la force de la communauté de l’Est africain, avec laquelle la coopération s’est renforcée. « Nous avons beaucoup travaillé pour nous engager à soutenir le projet de pré-cantonnement et de cantonnement des éléments du M23. Il en a été question dans nos discussions avec les autorités. Nous avons aussi discuté de ces questions avec les autorités angolaises, avec lesquelles je me suis entretenu à Luanda. C’est également le cas de la Représentante spéciale Bintou Keita récemment », souligne-t-il.
Et d’ajouter, nous sommes engagés à soutenir ce processus de pré-cantonnement et de cantonnement avec nos efforts politiques et aussi avec nos soutiens en matière logistique. De même, nous sommes déterminés à soutenir, à faire un plaidoyer pour qu’avance de manière plus rapide le processus de désarmement dans le cadre du PDDRCS. Il y a un besoin de ressources, mais il y a besoin aussi d’agir vite là où les conditions peuvent être réunies pour que ce désarmement intervienne rapidement, et c’est le cas notamment en Ituri. Potentiellement, c’est le cap, avec à la suite de l’accord qui a été agréé entre différents groupes armés, ce qu’on appelle le processus d’Aru. Donc saisir l’opportunité, de faire en sorte que ça se fasse le plus rapidement possible.
La MONUSCO attend des recommandations
De l’avis de Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux Operations de paix Alors, dans le cadre de cette transition et de ce processus, nous devons soumettre un rapport à nos États membres du Conseil de sécurité et faire le constat et aussi des recommandations sur ce que pourrait être l’évolution du mandat de la MONUSCO dans la phase qui va s’ouvrir et qui doit être une des phases qui nous fera avancer dans la direction de la transition.
Il promet de poursuivre évidemment ce travail et en même temps travailler avec les autorités congolaises pour que le processus de montée en puissance de l’État congolais nous permette de diminuer graduellement cette présence de la MONUSCO, mais le faire de manière responsable. Encore une fois, il a souligné qu’il ne faut pas qu’il y ait de vide sécuritaire qui serait fatal à ces populations.
« Nous allons, en ce qui concerne les régions affectées par l’offensive du M23, non seulement continuer ce travail commun avec les autorités de protection des civils, de travail sur la préparation du pré-cantonnement, cantonnement. Nos efforts politiques au niveau du soutien que nous avons apportés depuis le départ au processus régionaux, processus de Luanda, processus de Nairobi et nous allons aussi examiner et peut-être faire des recommandations dans le rapport que nous allons soumettre au Conseil de sécurité de manière à ce qu’éventuellement, nous soyons en mesure de faire davantage pour soutenir non seulement le renforcement des forces de sécurité, Forces armées congolaises et du reste des capacités de l’État congolais. Mais également les efforts régionaux, en particulier les déploiements régionaux, ceux qui sont déjà en cours comme la force de la Communauté de l’Afrique orientale, éventuellement celui de l’Angola, dont l’objectif est clairement défini par les autorités angolaises en liaison avec les autorités congolaises ; superviser le pré-cantonnement et le cantonnement des éléments du M23, lorsque ces opérations seront réalisées, et enfin le déploiement annoncé d’une force de la SADC », indique-t-il.
Vous le savez, une des positions les plus marquées et soulignées des Nations Unies, c’est la nécessité de renforcer le soutien aux opérations africaines de paix, y compris à travers le recours à des contributions obligatoires et dans le cadre des mandats donnés par le Conseil de sécurité.
« Nous nous inscrivons dans cette logique. Nous saluons ces efforts régionaux au niveau politique, ces efforts régionaux au niveau opérationnel concret et nous souhaitons donc avoir la possibilité, mais cela dépend d’une évolution éventuelle de notre mandat, parce que son mandat aujourd’hui, nous limite dans le soutien que nous pouvons apporter à ces forces régionales. Nous souhaitons pouvoir faire davantage. En tout cas, c’est la logique de la position générale de l’organisation en ce qui concerne le soutien renforcé aux opérations africaines de paix », pense-t-il.
JMNK