Dix ans après son lancement, l’initiative chinoise « Une ceinture une route » présente une nouvelle dynamique de développement en Afrique

Dr Professeur Antoine Roger LOKONGO, a obtenu son doctorat en politique Internationale et stratégies, Département des Relations Internationales, Université de Pékin, Beijing, Chine. Professeur Associé….

Professeur Associé à l’Université Président Joseph Kasa-Vubu (UKV) à Boma; Attaché Supérieur de Recherche au Centre de Recherche pour  les Echanges entre les Peuples, Université de Pékin; Chercheur Invité à l’Institut pour la Coopération Mondiale et la Compréhension Mutuelle entre les Peuples, Université de Pékin.

 

La Chine et ses pays partenaires se préparent à célébrer le 10e anniversaire de l’Initiative « la Ceinture et la Route » visant à stimuler la connectivité, le commerce et les échanges culturels le long des routes vaguement inspiré de l’ancienne Route de la Soie d’il y a 2000 ans; qui reliait la Chine à l’Europe, jusqu’aux rives de la Mer Méditerranée.

Plus important encore, outre les représentants de 90 pays qui ont confirmé leur participation, le Président Russe Vladimir Poutine honorera de sa présence les événements du Troisième Forum international sur l’Initiative « la Ceinture et la Route » à la mi-octobre. Cela montre que la Russie soutient cette initiative chinoise. La construction du tracé oriental du gazoduc sino-russe, entre autres projets, dans le cadre de l’Initiative « la Ceinture et la Route », témoigne de ce soutien.

A titre de rappel, la soie était le produit favori le long de la Route de la Soie. La soie chinoise était considérée comme un trésor dans l’Asie centrale, l’Afrique et l’Europe anciennes. Le marché européen avait la plus grande demande de soie et la soie chinoise était très appréciée en Europe, comme le confirme le site chinahighlights.com.

Le Président Xi Jinping a donné un nouveau souffle à l’Initiative « la Ceinture et la Route » en inaugurant la « Nouvelle Ceinture Economique de la Route de la Soie » et la « Route de la Soie Maritime du 21e siècle » en 2013; et tous les pays sont invités à participer à tous ses grands projets d’infrastructure. L’objectif est de renforcer la connectivité afin de promouvoir un développement moderne dans de multiples domaines, notamment: l’industrie manufacturière, les nouvelles technologies (par exemple les batteries), les énergies renouvelables, les infrastructures propices au commerce (y compris les pipelines et les routes), les TIC (par exemple les centres de données), des transactions adossées à des ressources (par exemple, mines, pétrole, gaz), des projets à haute visibilité ou stratégiques (par exemple, chemin de fer), tels que répertoriés par la « Green Finance and Development Center », un groupe de réflexion indépendant basé à l’Université de Fudan, en Chine. Depuis lors, l’Initiative « la Ceinture et la Route » est devenue un programme phare de la coopération internationale au développement.

En avril 2023, le nombre de pays ayant rejoint « l’Initiative la Ceinture et la Route » en signant un protocole d’accord avec la Chine s’élève à 148. Ainsi, 149 pays dont la Chine font partie de la « l’Initiative la Ceinture et la Route » (selon le site www.yidaiyilu .gov.cn). 149 pays ont signé des protocoles d’accord, dont la Palestine, qui n’est pas un pays indépendant aux termes des Nations Unies. Les pays de « l’Initiative la Ceinture et la Route » sont répartis sur tous les continents : 44 pays de « l’Initiative la Ceinture et la Route » se trouvent en Afrique subsaharienne ; 35 pays de « l’Initiative la Ceinture et la Route » se trouvent en Europe et en Asie centrale ; 25 pays de « l’Initiative la Ceinture et la Route » se trouvent en Asie de l’Est et dans le Pacifique (y compris la Chine) ; 21 pays de « l’Initiative la Ceinture et la Route » se trouvent en Amérique latine et dans les Caraïbes ; 18 pays de « l’Initiative la Ceinture et la Route »  au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et 6 pays se trouvent en Asie du Sud-Est – comme le relaye la « Green Finance and Development Center ». Nous pouvons voir ici que l’Afrique subsaharienne est le domaine d’engagement de « l’Initiative la Ceinture et la Route » qui connaît la croissance la plus rapide, y compris la coopération entre l’Union Africaine et la Chine dans le cadre de « l’Initiative la Ceinture et la Route »; ce qui en fait un bon exemple de la coopération Sud-Sud.

L’initiative chinoise la Ceinture et la Route n’a pas d’agenda caché dans sa mise en œuvre bilatérale et multilatérale en Afrique. Elle ne cherche pas à créer des « zones d’influence» dans lesquelles « les autres concurrents devraient être chassés ». Ça c’est plutôt la mentalité occidentale de la guerre froide. La Chine n’intervient qu’en tant que partenaire et non en tant que maître colonial. « L’Initiative la Ceinture et la Route » ne s’inscrit ou ne s’aligne que sur le programme que l’Afrique elle-même a déjà défini ou sur les stratégies que l’Afrique elle-même a déjà formulées.

Par exemple, l’Afrique, à travers son organisation continentale, l’Union africaine, a formulé « l’Agenda 2063 de l’Union africaine : l’Afrique que nous voulons ». Ce projet stipule les aspirations des Africains et ses mécanismes de mise en œuvre pour les 40 à 50 prochaines années, ce qui comprend l’intégration de l’Afrique en résolvant le déficit d’infrastructures. Alors que la BRI a adopté l’Afrique comme partenaire et que l’agenda 2063 considère l’agenda d’intégration comme moyen et résultat de la renaissance africaine, il existe des éléments communs entre les initiatives de ces deux grands projets. Voir: Honglie Zhang and Niway Tesfaye, Alignment of Belt and Road Initiative with Africa Agenda 2063, Proceedings of the 3rd International Symposium on Asian B&R Conference on International Business Cooperation (ISBCD 2018).

Prenons un autre cas : la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine ou ZLECAf, qui est l’un des projets phares de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine. La ZLECAf est la plus grande zone de libre-échange au monde regroupant les 55 pays de l’Union Africaine et huit (8) Communautés Economiques Régionales (CER) pour créer un marché unique pour le continent. L’objectif est de permettre la libre circulation des biens et des services à travers le continent et de renforcer la position commerciale de l’Afrique sur le marché mondial. Puisqu’il ne peut y avoir de marché continental intégré sans un réseau d’infrastructures continental intégré, l’initiative non imposée de « la Ceinture et de la Route » proposée par la Chine se présente comme une solution menant à l’intégration politique et économique de l’Afrique. Comme nous le savons, l’Afrique est encore divisée en Afrique francophone, Afrique anglophone, Afrique lusophone, Afrique arabophone, ect, héritage du colonialisme arabe et occidental oblige.

Et cet héritage est le principal facteur ou la cause profonde sur laquelle reposent la plupart des conflits meurtriers en Afrique. Oui, le « diviser pour régner », un principe néocolonial tenace depuis l’esclavage jusqu’à nos jours, reste toujours un appât que les puissances occidentales lancent et que les Africains sautent facilement dessus. Les guerres par procuration que mènent les puissances occidentales en République Démocratique du Congo, en utilisant le Rwanda et l’Ouganda avec la complicité de certains Congolais depuis près de 30 ans maintenant; et pour le contrôle des minerais stratégiques nécessaires à une nouvelle économie de haute technologie et verte, parlent d’eux-mêmes.

Dix ans plus tard, tout Africain sérieux ne peut ne pas se rendre compte que l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » offre à l’Afrique une porte de sortie pour se libérer de ce type d’emprise néocoloniale. Après avoir soutenu les luttes d’indépendance en Afrique, la Chine, à travers des initiatives telles que « la Ceinture et la Route », s’engage désormais pour soutenir la libération économique de l’Afrique, en proposant un partenariat gagnant-gagnant (car il n’y a rien de tel qu’un déjeuner gratuit), ouvrant ainsi la voie à un développement partagé et à une prospérité commune.

L’Afrique a besoin d’unité, de paix et de développement. Pour y parvenir, les Africains doivent transformer leurs épées en socs de charrue en transformant les frontières coloniales héritées de la colonisation en autoroutes et en voies ferrées. Et la Chine est très bonne et très efficace pour la construction de telles infrastructures. Le chemin de fer Tanzanie-Zambie (TAZARA), premier projet d’infrastructure phare de la Chine à prêt gratuit en Afrique, construit de 1970 à 1975, bien avant que Xi Jinping ne lance «l’Initiative la Ceinture et la Route », a été construit dans cette optique. Il a atténué l’isolement et l’enclavement dans lesquels les colons britanniques avaient laissé la région et l’a ouverte au commerce. Le chemin de fer devait partir de la «copperbelt zambien » (ceinture de cuivre zambienne) pour atteindre la l’Océan Indien sans avoir à transiter par les territoires sous domination blanche de la Rhodésie du Sud (aujourd’hui le Zimbabwe) et de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.

Enfin, pour terminer, la mise en œuvre de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » en Afrique est très inclusive. Elle ne cible pas uniquement les zones riches en ressources naturelles et minières du continent. C’est dans le cadre de «l’Initiative la Ceinture et la Route », que des pays naturellement démunis  en ressources naturelles et minières comme l’Éthiopie ont vu leurs infrastructures nationales fortement modernisées. En revanche, si l’on considère par exemple la décision des États-Unis et de l’Union européenne de financer la reconstruction du corridor ferroviaire atlantique de Lobito, qui s’étend à travers l’Angola pour relier les régions minières du Katanga en République Démocratique du Congo et la province zambienne de Copperbelt, c’est dans le but de «contester la domination de la Chine dans le principal corridor commercial africain». Cela n’ouvre clairement pas la voie à un développement partagé et à une prospérité commune. Ce type de résurgence de la mentalité de guerre froide, de confrontation de blocs, de politisation et de militarisation des relations économiques et commerciales doit être rejeté. Nous devons tous défendre la coopération gagnant-gagnant que représentent des initiatives telles que «la Ceinture et la Route ».