Du recours en rectification d’erreur matérielle devant la Cour constitutionnelle: Quelle incidence sur le dispositif ?

« Du recours en rectification d’erreur matérielle devant la Cour constitutionnelle : Quelle incidence sur le dispositif ? », c’est la question que se pose M. Reymond Mulenda, chercheur en droit constitutionnel et Apprenant de 3è Cycle/DES-DEA en Droit/UNIKIN. Le caractère de l’irréversibilité des Arrêts signifie que l’option de revenir à nouveau échappe aux parties, au Ministère public même dans l’intérêt de la loi et le cas échéant au juge. Les compétences en droit public étant d’attribution, le juge ne saurait saper le fondement de ses propres décisions (art. 168 al 1 de la Const), autrement il doit statuer sur tous les autres cas précédents. Par ailleurs, s’il est généralement admis en droit que la rectification d’erreur matérielle n’est point soumise aux règles de procédures contraignantes de délais franc ou non franc, c’est évidement en raison de l’absence d’incident sur le dispositif. Ci-dessous l’entièreté de la tribune :

 

Comme dans le poème d’Octave Aubert, un enfant, au bout d’une route, trouva tout à coup deux chemins… fallait-il prendre à gauche, à droite, ou bien rester là jusqu’au soir ?

 

Le mardi 12 mars 2024 tard dans la nuit, la juridiction compétente de connaitre le recours en contentieux électoraux des législatives nationales a rendu ses derniers arrêts. Comme on pouvait s’y attendre les réactions fusent de partout. Les avis des juristes aussi ne se sont pas fait attendre. Les requêtes en rectification d’erreur matérielle sont déposées au greffe de la Cour constitutionnelle (Cc) sans s’atermoiements. Alors qu’on sait que les arrêts de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours mais que, dans un passé récent nous avions vu des recours introduite dans cette juridiction contre les arrêts de la Cc.

 

Sommes-nous au bout d’une route après la décision de la Cour constitutionnelle ?

 

Pour trouver le chemin de la légalité de la requête en rectification d’erreur matérielle, la seule lecture de la Constitution ne suffit pas, il convient de joindre à celle-ci deux autres textes, d’abord la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cc en son article 93 alinéa 4 : « Ils (les arrêts) ne sont susceptibles d’aucun recours, sauf interprétation ou rectification d’erreur matérielle » en suite la loi du 22 juin 2022 modifiant et complétant la loi électoral en son article 74 quinquies alinéa 5 : «  l’erreur matérielle n’a aucune incidence sur le dispositif, sauf en cas d’inexactitude avérée des chiffres mentionnés dans la décision attaquée ou de vices de transcriptions ».

 

On sait que l’action en recours de rectification d’erreur matérielle devant la Cc est formée contre une décision définitive, c’est élémentaire. On sait aussi que la décision rendue par la Cc est auréolé d’effet prévue à l’article 168 alinéa 1 de la Constitution, c’est fondamental : « Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers ».

Il ressort de la lecture combinée de différentes dispositions évoquées que les arrêts de la Cc revêtent le caractère de l’irréversibilité et de l’exécution immédiate, ils ne sont pas appelables, point opposables – opposition- ni de tiers opposition encore moins objet de pourvoi en cassation mais seulement de recours en interprétation et de rectification en cas d’erreur matérielle.

S’agissant de la rectification d’erreur matérielle, certains estiment que sur le fondement de l’article 74 quinquies al 5 de la loi électorale, le juge constitutionnel serait fondé de statuer à nouveau, « pour d’inexactitude avérée des chiffres mentionnés dans la décision attaquée ou de vices de transcriptions » et qu’en plus les précédents arrêts de la Cour dans laquelle celle-ci statuant sur les actions en rectification d’erreur matérielle de 2019 font objet de précédent jurisprudentiel.

Les deux chemins de l’enfant nous rattrapent, en effet faut-il statuer à nouveau comme le ferait le juge d’appel, quel est l’issu de ce recours à l’aune du principe de l’irréversibilité consacré par l’art 168 al 1 de la Constitution, et enfin quelle suite donnerait le juge du contentieux électoral saisi d’un moyen soulevé par une partie sur fondement de l’article 74 quinquies al 5.

 

Le chemin à suivre. 

 

Dans un passé récent, saisie quant à ce, la Cour constitutionnelle nous avait donné la portée de ce recours : « Le recours en rectification d’erreur matérielle ne peut avoir pour objet de réformer entièrement un arrêt revêtu de l’autorité de la chose jugée, ni tendre à remettre fondamentalement en cause l’appréciation par la Cour des éléments de preuve soumis à son examen, ni aboutir à un second examen d’une cause déjà jugée par elle. En son temps , la Cour Suprême de Justice considérait à juste titre que l’erreur matérielle dans une décision judiciaire est une inexactitude au niveau du support extérieur que constitue son écriture, ainsi entrent au nombre d’erreur matérielles, notamment :

L’erreur de transcription d’identité ;

L’erreur sur la date d’introduction d’un recours ;

L’absence de prise en compte d’un mémoire pourtant dûment en registré pendant l’instruction ;

L’omission de donner acte de désistement.

On nous objecterait qu’il existe des précédents jurisprudentiels, où la Cour a rectifié ces arrêts. D’avis avec le professeur Jean-Louis ESAMBO, bien qu’il existe une jurisprudence où le juge électoral a, dans une décision, retenu l’erreur matérielle comme justifiant le recomptage des voix (…) c’est par inadvertance. Mieux écrira-t-il plus tard, c’est par maladresse, inattention. Car, devant le juge, le recomptage des voix n’est envisagé que dans la mesure où les bulletins de vote ont été, avec les autres pièces, communiqués à la juridiction compétente. À défaut, le juge peut par une décision avant dire droit, en ordonner la communication. Il s’agit d’une procédure en plein instance.

Le caractère de l’irréversibilité des arrêtes signifie que l’option de revenir à nouveau échappe aux parties, au minister public même dans l’intérêt de la loi et le cas échéant au juge. Les compétences en droit public étant d’attribution, le juge ne saurait saper le fondement de ses propres décisions (art. 168 al 1 de la Const), autrement il doit statuer sur tous les autres cas précédents. Par ailleurs, s’il est généralement admis en droit que la rectification d’erreur matérielle n’est point soumise aux règles de procédures contraignantes de délais franc ou non franc, c’est évidement en raison de l’absence d’incident sur le dispositif.

Si tentant qu’il soit besoin de le prouver, le recours fondé sur l’article 74 quinquies al 5 de la loi électorale ne vise point les arrêts de la Cc, à cet effet l’article 74 quinquies al 2 de la Loi électorale reprend in extenso le principe de l’irréversibilité des arrêts de la Cour. Ceci après qu’elle ait posé le droit au recours en son article 74 quinquies alinéa 1 in fine. En outre les élucubrations du renversement du principe ci-haut rappelé cèdent facilement les armes devant le caractère d’exécution immédiate (art 168 al 1 Const, art 94 al 2 loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cc) attaché aux des décisions de la Cour.

Une logique jusqu’au-boutiste ne concilie point le caractère d’exécution immédiate et l’attente qu’implique une décision attaquée. Abscons !

Au plan du contentieux constitutionnel, l’emploie du groupe des mots « décision attaquée » par le législateur électoral, s’ils visent les décisions de la Cour, l’article 74 quinquies al 5 tomberait sous le coup d’une interprétation sous réserve ou mieux neutralisante.

Reymond MULENDA.

Chercheur en droit constitutionnel.

Apprenant de 3è Cycle/DES-DEA en Droit/UNIKIN.