Elections en Algérie: Le pouvoir verrouille la liste des candidats pour laisser place à Tebboune
En Algérie, la marche vers la démocratie a encore de longs jours avant d’être une réalité, et à l’approche des élections présidentielles du 7 septembre, l’autorité nationale indépendante des élections (ANIE) vient de verrouiller le champ de démocratie en rejetant tous les candidats mis à part 3 hommes, dont le président Abdelmadjid Tebboune, en lice pour sa propre succession.
En connaissant l’impopularité inégalée de l’actuel chef d’Etat algérien, élu en 2019 à l’issue d’un scrutin truqué par les militaires pour contrer le mouvement populaire du Hirak qui rejetait en masse la « continuité » de l’Etat militaire, l’ANIE n’avait d’autre choix que de ne laisser que deux candidats face à Tebboune qui a porté l’Algérie vers la dérive à tous points de vue.
L’instance censée être indépendante a annoncé la liste des candidats retenus pour la présidentielle algérienne de septembre prochain et seuls 2 sur 15 ont été retenus, si l’on ne compte pas le candidat choisi par l’institution militaire, à savoir Abdelmadjid Tebboune.
Les dossiers de candidature devaient comporter au moins 600 signatures individuelles de membres élus de différentes assemblées des 29 wilayas algériennes, ou une liste de 50.000 signatures individuelles d’électeurs inscrits sur une liste électorale.
La « nouvelle Algérie » n’a en réalité rien de nouveau et le « système » perdure malgré le soulèvement de la population algérienne pendant de nombreux mois bravant soleil et pluie pour sortir manifester leur désir d’un pays qui les écoute.
Le système aura des beaux jours devant lui à voir le comportement de l’ANIE qui vient de retirer leur chance à plusieurs candidats qui font le poids contre Tebboune et auraient pu incarner un changement réel.
Les deux candidats choisis sont des hommes sans expérience politique, des inconnus de la population algérienne qui n’ont jamais essayé de prétendre à la Mouradia. Il s’agit du premier secrétaire national du Front des forces socialistes (FFS), Youcef Aouchiche, et du président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abdelaali Hassani.
Le MSP, un parti d’inspiration islamiste qui se revendique de l’opposition, a en réalité toujours apporté son soutien à l’ancien président Abdelaziz Bouteflika et n’a jamais présenté de candidat contre lui. Même chose pour Abdelmadjid Tebboune, il n’aurait jamais pu rêver d’une opposition aussi docile et effacée.
De son côté, Youcef Aouchiche qui représente le FFS, il se présente pour la première fois après sa nomination à la tête du parti en 2020. Le FFS a adopté depuis 1999 une politique de boycott des élections présidentielles rejetant la politique du fait accompli et les conditions non réunies pour un scrutin démocratique et libre.
En 1999, le candidat du FFS s’était retiré avec cinq autres postulants, laissant Abdelaziz Bouteflika seul en lice, et ce pour protester contre le parti pris du pouvoir en faveur de leur adversaire.
Aucune femme n’a été choisie, pourtant il y en avait au moins deux, Zoubida Assoul, Saida Neghza, sans compter l’omniprésente Louisa Hanoune qui s’est retirée de la course à la présidentielle. Parmi ces femmes, se trouve Zoubida Assoul, une femme de poigne qui s’est fait remarquer pendant le Hirak de 2019.
La patronne de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), a elle-même admis que l’Algérie était un pays « verrouillé » mais a quand même voulu se présenter pour ne pas accepter la logique du pouvoir en place. Ce pouvoir, vient de la priver d’une chance de remporter cette présidentielle.
L’opposante avait refusé la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat et avait demandé l’application de l’article 88 de la Constitution pour empêcher le chef de l’État en cas de maladie grave et durable.
Les candidats malheureux de ce scrutin pourront introduire un recours auprès du Conseil constitutionnel contre la décision de l’ANIE dans un délai maximum de 48 heures à partir de l’heure de la notification.
Le Conseil constitutionnel aura un délai de 7 jours pour traiter les demandes et valider la liste des candidats. L’issue est toutefois connue d’avance.
Yasmine Saih