« En 2023 la croissance devrait chuter pour la deuxième année consécutive, en s’établissant à 3,3 % contre 4,0 % l’an passé »
Deux mille vingt-trois est une nouvelle année difficile pour l’activité économique des pays d’Afrique subsaharienne. Le choc inflationniste survenu à la suite de la guerre de la Russie en Ukraine a suscité des hausses de taux d’intérêt dans le monde entier, ce qui a entraîné un ralentissement de la demande internationale, une hausse des écarts de rendement sur les obligations souveraines et des pressions persistantes sur les taux de change, indique les perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne.
Il en résulte que la croissance en 2023 devrait chuter pour la deuxième année consécutive, en s’établissant à 3,3 % contre 4,0 % l’an passé. L’activité devrait repartir à la hausse dans la région en 2024 et afficher un taux de croissance de 4,0 %, en augmentation dans les quatre cinquièmes des pays d’Afrique subsaharienne, et les pays pauvres en ressources naturelles devraient afficher de solides résultats.
Par ailleurs, les déséquilibres macroéconomiques se résorbent : l’inflation marque le pas dans la plupart des pays de la région et les finances publiques empruntent une trajectoire plus viable. Mais ce rebond n’est pas garanti. Si les réformes tardent à se faire, que l’instabilité politique s’accroît dans la région ou qu’un risque extérieur se matérialise (notamment en raison du ralentissement de l’économie chinoise), la croissance pourrait être compromise.
De plus, la présence de quatre nuages à l’horizon exige que les pouvoirs publics procèdent de manière résolue à de difficiles arbitrages :
Premièrement, l’inflation est toujours trop élevée. Elle dépasse les 10 % dans 14 pays et continue de dépasser la fourchette visée dans la quasi-totalité des pays qui se sont explicitement fixé un objectif en la matière.
Deuxièmement, la région continue de subir de considérables pressions sur ses taux de change. Troisièmement, les facteurs de vulnérabilité liés à l’endettement sont élevés. La pénurie de financement n’est pas terminée : les taux des emprunts sont toujours élevés et les dettes sont difficiles à refinancer. De plus, la moitié des pays à faible revenu de la région sont surendettés ou risquent fort de le devenir.
Enfin, si la reprise a bel et bien lieu, les divergences économiques au sein de la région se creusent ; en particulier, les revenus par habitant restent faibles dans les pays riches en ressources naturelles.
Les priorités
Dans ce contexte, les priorités pour l’action publique sont les suivantes : Faire baisser l’inflation : Dans les pays où l’inflation est élevée, mais en diminution, une « pause » peut se justifier. Il s’agit alors de maintenir les taux à leurs niveaux actuellement élevés tant que le taux d’inflation n’aura pas clairement commencé de converger vers sa valeur cible. Dans les pays où l’inflation augmente encore, il peut s’avérer nécessaire de poursuivre le resserrement de la politique monétaire tant que l’inflation n’aura pas visiblement marqué le pas.
Gérer les pressions sur les taux de change : Dans les pays en régime de change fixe, l’orientation de la politique monétaire doit correspondre à celle du pays à la monnaie duquel la leur est arrimée, afin de préserver la stabilité extérieure et d’empêcher de nouvelles baisses du niveau des réserves. Dans les pays en régime de change flottant, il convient de laisser les monnaies fluctuer autant que possible, dans la mesure où il peut s’avérer coûteux de résister à des évolutions dictées par des paramètres fondamentaux de l’économie.
Cet ajustement doit s’accompagner d’autres mesures : resserrement de la politique monétaire pour maîtriser l’inflation, soutien ciblé en faveur des pauvres, réformes structurelles pour renforcer le secteur des exportations, et rééquilibrage des comptes publics lorsque le déficit budgétaire vient s’ajouter aux pressions qui s’exercent déjà sur le taux de change.
Honorer les remboursements de dette tout en se ménageant des marges de manœuvre pour les dépenses de développement : Dans une grande partie des pays de la région, la politique budgétaire doit s’adapter à la baisse des financements et à la multiplication des facteurs de vulnérabilité liés à l’endettement. Pour y parvenir, il convient d’accroître les recettes intérieures, de dépenser de manière stratégique, d’emprunter prudemment et d’ancrer la politique budgétaire dans un cadre crédible à moyen terme.
Dans le petit nombre de pays dont la dette n’est pas viable, il peut également s’avérer nécessaire de procéder à des restructurations. Les besoins de développement sont considérables et l’espace budgétaire, limité, aussi la plupart des pays auront-ils besoin d’une plus grande aide de la part des donateurs. Améliorer les niveaux de vie et le potentiel de croissance, en particulier dans les pays riches en ressources naturelles : Les autorités devront procéder à d’ambitieuses réformes structurelles pour favoriser la croissance du revenu par habitant, notamment en investissant dans l’éducation, en assurant une meilleure gestion des ressources naturelles, en améliorant le climat des affaires et en adoptant des solutions numériques, et en s’engageant en faveur de l’intégration commerciale.