Etats Généraux des Entreprises du Portefeuille, Et l’implacable loi du marché : Innover ou disparaitre ! Instantd’humeur d’Antoine Tshimpi

Les rideaux viennent juste de tomber au Centre Financier de Kinshasa, où se sont déroulés, durant six jours, les Etats Généraux des Entreprises du Portefeuille, édition 2024.

Il y a eu du beau monde, des communications de haute facture et des propositions pour relever ce secteur que la plupart d’entre nous, à commencer par le Ministre de tutelle lui-même, considère de sérieusement malade, voire moribond !

Le diagnostic est implacable et connu, même pour les non-initiés : la plupart de nos Entreprises sont en Etat de ce que nous appellerions DMA, Dérèglement Multifonctionnel Avancé.

Les causes principales ne font pas mystère, et se tiennent les unes les autres ; elles ne laissent guère de place au doute. Nous pouvons citer, en vrac, la mauvaise gouvernance, les conflits fréquents et meurtriers entre les mandataires, le manque d’expertise des mandataires, choisis souvent par accointances politiques, tribales, etc. et pas toujours sur base de compétence, l’absence des plans de développement des entreprises, manque de plans de formation, l’Insuffisance des ressources humaines, le faible toux de numérisation, etc.

La contribution des Entreprises du Portefeuille pesait, en période postcoloniale jusqu’à 25%, sur la vie économique de notre pays. Elle s’est effondrée, progressivement, au su et au vu de la plupart d’entre nous, jusqu’à moins de 1% actuellement. Et quand on sait que les 16 banques commerciales viables en RDC sont entre des mains étrangères, alors que nos deux banques, SOFIDE et CODECO, sont dans un état d’Insuffisance Respiratoire avancée… Oui, oui, vous avez bien compris et bien lu : Une déliquescence irréversible, ou presque, dans un contexte qui donne l’impression d’une véritable Non-assistance à Entreprises en danger… de mort ! Une mort inéluctable pour beaucoup de ces entreprises, qui ont pu résister ‘’grâce’’ à des renflouages périodiques de l’Etat, dont l’impact, lorsqu’il existe, est souvent éphémère. Vous le savez, il est difficile de remplir d’eau un seau troué. Comme dans beaucoup de domaines, la respiration assistée ne permet que de passer un cap, mais si la vraie cause de la pathologie n’est pas cernée, ni prise en charge, l’issue est connue. Et nous pourrions paraphraser Einstein en affirmant que ‘’recommencer indéfiniment avec les mêmes catégories des personnes, avec les mêmes formules, et espérer des résultats différents relève d’une folle immaturité !’’

Alors, le Docteur, pardon, Son Excellence Jean-Lucien Bussa, Expert Auditeur de son Etat, a décidé de prendre le taureau par les cornes. Attaquer le problème par ces racines, et y apporter le remède de cheval. Dans sa méthodologie, il a opté pour des Réunions de Concertation Pluridisciplinaire. Les Médecins vous parleront de ces fameux ‘’RCP’’, qu’ils pratiquent au quotidien et qu’ils n’hésitent pas de précipiter lorsque l’état préoccupant d’un patient l’exige.

La RCP ici a fait appel à des experts provenant des écoles, ou plutôt des horizons différents. Parmi eux, le Dr Gilbert Kabanda, Ministre de la Recherche Scientifique et Innovation Technologique (MRSIT).

Celui-ci a mis en lumière une autre cause, majeure, généralement sous-estimée, pour la vie et le développement d’une entreprise : la recherche, et la valorisation de ses résultats.

Un peu d’explications, à travers un exemple. La plupart d’entre nous ont connu les premières années de la téléphonie mobile. Nokia, Grande Entreprise Finlandaise, a connu la pluie et le beau temps, jouissant presque du monopole du marché à l’époque. N’ayez surtout pas honte d’avouer en détenir, comme moi, quelques spécimens dans les tiroirs. Mais que s’était-il passé pour que brusquement cette belle marque se laisse doubler par les BlackBerry, I-phone, Samsung et autres ? Une des raisons habituellement évoquées est la non-adaptation de sa direction Recherche et Développement, cette fameuse R & D, face à la concurrence ! Les grands groupes y consacrent jusqu’à 10 à 15% de leur Chiffre d’Affaires. C’est que même la magnifique Rolls-Royce, dès les premiers mètres parcourus, après sa sortie d’usine, perd immédiatement de la valeur sur le marché. Pour une grande marque, se réinventer doit rester une préoccupation permanente.

La plupart de nos Entreprises publiques ne donnent que peu, ou pas d’intérêt à cette direction, R & D, pourtant incontournable si elles espèrent vivre, devenir rentable, et se développer. Aujourd’hui, le Ministère de la RSIT dispose de plus de 240 prototypes, issus du Génie Congolais, validés par des experts et prêts à être déversés dans notre tissu socioéconomique, et contribuer ainsi à créer des emplois et des richesses. Du vrai pain béni ! Comme disent les chinois, quand vous devez chercher, commencez par regarder autour de vous ! Presque toutes nos entreprises devraient y trouver leur compte.

L’histoire de Nokia, évoquée ici, vient appuyer, humblement, le plaidoyer du Dr Gilbert Kabanda, Ministre de la RSIT, développé brillamment lors de la RCP, euh, lors de ces assises. Et son message a été reçu 5 sur 5, puisque au moins deux grandes résolutions, en lien avec la recherche, ont été intégrées dans les actes finaux :

Les Entreprises Publiques sont appelées à conforter ou créer un département de Recherche et Développement ;

Les Entreprises sont conviées à nouer et entretenir une collaboration étroite avec le MRSIT.

Il restera à mettre en place des indicateurs clairs de suivi.

Mais disons-le haut et fort : Nous refusons la disparition de nos Entreprises Publiques ; elles doivent se rapprocher, à nouveau, du sérail de l’Etat qui doit dicter les perspectives générales, comme cela se passe dans la plupart de grandes nations. Et elles doivent constamment saisir les opportunités d’Innover, pour créer des richesses !

Kinshasa, le 14 décembre 2024

Professeur Antoine TSHIMPI WOLA