Félix Tshisekedi devrait se chercher des contradicteurs privés. De préférence ceux qui le connaissent bien et ceux qu’il connaît très bien !

L’initiative est inspirée d’une anecdote révélée par Didier Mumengi sur Top Congo Fm au sujet de ses relations avec Mzée Laurent-Désiré Kabila. S’étant rendu compte que son ministre de l’Information osait le ” défier ” en se permettant de lui faire des remarques même jusque dans son habillement – ce que ses compagnons de l’Afdl s’abstenaient d’entreprendre de peur de l’effaroucher- le tombeur de Mobutu avait confirmé le défaut de cuirasse ou le tendon d’Achille propre à tout homme normal : il avait cédé ! En effet, il avait nommé Mumengi son contradicteur personnel. Pourtant, Mzée Kabila était soupçonné d’être un bloc de glace, sinon de granite.

Être humain comme tout le monde, Félix Tshisekedi ne peut pas ne pas avoir lui aussi son défaut de cuirasse, son tendon d’Achille.

Les cinq ans de son premier mandat doivent l’avoir édifié sur la gestion non pas que de la famille biologique et de la famille politique, mais de l’Etat.

Il a pris conscience de la portée de chacun de ses actes. D’où l’aveu fait, dans son discours d’investiture le 20 janvier 2024, des erreurs commises au cours de son premier mandat, erreurs qu’il n’entend pas répéter au cours de son second et dernier mandat.

C’est ici l’occasion de lui dire que tant qu’il vit, il n’arrêtera pas de commettre des erreurs. Cependant, il y a des erreurs à éviter absolument.

Comment n’y reviendrait-il pas s’il continuait à entretenir des courtisans qui le félicitent dans tout ce qu’il dit ou fait, même quand l’erreur est visible ?

Nous retenons pour cette chronique trois preuves.

La dernière (troisième) est cette désignation ou nomination prématurée d’un informateur au moment où l’Assemblée nationale n’est même pas à 50 % de sa procédure d’installation.

Une semaine après, Augustin Kabuya s’est présenté le jeudi 15 février 2024 aux médias avec son bureau, preuve que le Trésor public met déjà à sa disposition des fonds pour fonctionnement et rémunération.

 

Or, pour entamer les consultations, il doit attendre la plénière de l’Assemblée nationale à consacrer à la DÉCLARATION D’APPARTENANCE prévue à l’article 26 durèglement intérieur de la chambre basse.

Il y a déjà risque de le voir perdre deux semaines avant d’entamer en formel sa mission.

La deuxième preuve est en rapport avec les manifestations publiques contre la Monusco et contre les ambassades des États-Unis, de la Grande Bretagne et de la France à Kinshasa.

Après les attaques menées concomitamment contre les installations de la Monusco et l’ambassade des États-Unis sur l’avenue des Aviateurs, celles qui ont suivi ont failli déraper avec la tentative de pillage des commerces tenus par les étrangers au Centre-ville. De quoi rappeler le pillage de 1991 ayant mis tué au sens propre du terme l’économie congolaise, au grand plaisir d’un parti politique de l’Opposition.

Les opérateurs économiques ont dû baisser les stores pour se mettre eux-mêmes à l’abri, affectant les efforts déployés jusque-là dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires.

Résultant d’un incident lié à la Can avec pour première victime le diffuseur Canal Plus, ces manifestations voient l’autorité de l’Etat bafouée par des forces agissant en électrons libres. Le VPM Peter Kazadi s’époumoné pour dégager la responsabilité des Forces du progrès dans ces manifestations, structure impliquée dans plusieurs actes délictueux. S’affichant de l’Udps, ces forces avaient déjà été désavouées par le président intérimaire Augustin Kabuya au lendemain du saccage, par elles, de la maison de Franck Diongo et des installations d’une église protestante à Ngaliema, Cité des Anciens combattants.

Comme si cela ne suffisait pas, les consignes du Gouvernement interdisant la circulation des moto-taximen et l’attroupement de 5 personnes à Gombe ont été violées ouvertement. Les Wewa et les femmes du Pouvoir sont passés outre.

Tour à tour, autour de ces manifestations publiques, on a vu le VPM Jean-Pierre Bemba prendre courageusement fait et cause pour la Monusco et le VPM Christophe Lutundula, très embarrassé devant le corps diplomatique visé, obligé de rassurer les partenaires que la RDC n’est pas sortie des processus de Nairobi et de Luanda.

Pour avoir déclaré pendant la campagne électorale qu’il ne rencontrera Paul Kagame que devant Dieu (une façon de signifier à Joao Lourenço la fin de sa mission), Félix Tshisekedi ne peut pas ne pas admettre avoir isolé un peu plus la RDC.

C’est finalement un Lutundula diminué qui va déclarer devant les diplomates : “Les solutions existent, la RDC est ouverte au dialogue, mais il faut créer les conditions du dialogue”

sur base de l’existence du processus de Nairobi et de la feuille de route de Luanda en tant que “*initiatives parrainées par l’Union africaine, les Nations unies et soutenues par l’Union européenne».

Bref, quand on connaît les réactions épidermiques des Kinois, ces incidents devraient absolument être évités.

Première preuve (la plus grave de toutes) : l’annonce unilatérale de la non-participation des territoires de Rutshuru et Masisi ainsi que de la province du Mai Ndombe aux élections du 20 décembre 2023.

Selon l’article 3 de la loi électorale qui la régit, “La CENI est chargée de l’organisation de tout processus électoral et référendaire. Elle en assure la régularité”.

En termes simples, elle est le seul pouvoir organisateur des élections et du référendum en RDC. Le seul à déterminer le calendrier électoral et à annoncer la participation ou non de telle circonscription électorale ou de telle autre. Ce n’est ni l’Exécutif national (Président de la République et Gouvernement), ni le Législatif (Assemblée nationale et Sénat), moins encore les Cours et Tribunaux…

Or, le Président de la République a pris sur lui la responsabilité d’exclure Rutshuru et Masisi de ce processus sans en discuter avec la Céni, ni avec le Gouvernement, moins encore avec l’Assemblée nationale et le Sénat.

Il n’a même pas pris l’avis des Cours et Tribunaux.

Autrement, on en aurait trouvé trace dans un compte-rendu d’un conseil des ministres ou dans une communication d’une réunion inter-institutionnelle.

Ayant quant à elle pour moyen de communication les COMMUNIQUÉS DE PRESSE avec références précises, la Ceni n’a pas dans ses archives entre les 10 et les 19 novembre 2023 un seul document y relatif.

Pour rappel, le 14 novembre, Félix Tshisekedi a délivré au Congrès son dernier discours annuel sur l’état de la Nation. Il n’y a pas fait allusion.

Par contre, le 16 novembre 2023, soit 48 heures après, il fera cette annonce dans une interview à France 24-Rfi !

Il n’était pas sans savoir qu’il y avait des revendications territoriales sur Rutshuru et Masisi exprimées respectivement par Paul Kagame en avril 2023 pendant son séjour au Bénin et par Bertrand Bisimwa le 15 septembre de la même année, la veille de l’assemblée générale des Nations Unies.

Soustraire ces deux circonscriptions du processus électoral devrait être une décision collégiale et non individuelle prise consciemment en violation de la loi électorale.

Que faire alors pour prévenir, pour éviter la répétition des erreurs du passé au cours de son second et dernier mandat ?

La tentative de réponse est dans le titre : Félix Tshisekedi doit se chercher des contradicteurs privés. De préférence ceux qui le connaissent bien et ceux qu’il connaît très bien !

Des contradicteurs qu’il doit cependant sécuriser dans tous les sens du terme. Il trouvera sans doute la formule de les gérer avec discrétion et efficacité.

Il en va autant de son intérêt que de celui de la République.

Probablement que le seul fait pour les courtisans de tous bords d’apprendre l’existence de ces contradicteurs sera un facteur incitatif pour tous les collaborateurs à changer de narratif !

Omer Nsongo die Lema