Guerre en Ukraine : Les Congolais divisés en trois camps opposés (Une tribune de Musene Santini Be-Lasayon)
Face à la guerre pour l’hégémonie géopolitique mondiale qui oppose, par l’Ukraine de Volodymyr Zelensky interposée, la Russie de Vladimir Poutine à l’Occident conduit par les Etats-Unis d’Amérique de Joe Biden, les RD-Congolais sont incroyablement divisés en trois camps distincts, séparés et antagoniques ! En effet, ils se posent soit en partisans de la Russie, soit en partisans de l’Occident, soit en partisans de la RD-Congo ! Et pourtant, cette guerre n’est pas, dans le fond, leur guerre, mais plutôt la guerre de ces monstres froids et bourreaux des faibles toujours égocentriques. Ainsi, dans cette guerre-là, la place des RD-Congolais n’est ni derrière la Russie de Vladimir Poutine, ni derrière l’Occident de Joe Biden, mais bel et bien plutôt aux côtés de leurs compatriotes qui se battent, ici même, pour la survie, le développement intégral, intégré et durable de leur propre pays.
Face à la guerre pour l’hégémonie géopolitique mondiale que se livrent, par le biais de l’Ukraine, la Russie de Vladimir Poutine et l’Occident mené par les Etats-Unis d’Amérique de Joe Biden, les RD-Congolais sont incroyablement divisés en trois camps distincts, séparés et antagoniques. Certains se réclament être des partisans de Vladimir Poutine ou, si l’on veut, de la Russie de Vladimir Poutine contre l’Occident. Certains autres se disent défendre l’Occident de Joe Biden contre la Russie. Enfin, certains autres encore, refusant toute sorte de balkanisation de leur pays, se rangent catégoriquement, entièrement et uniquement derrière la RD-Congo de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo contre la Russie de Vladimir Poutine et l’Occident de Joe Biden. A travers les lignes qui suivent, nous exposons et décortiquons les arguments que chacun de ces trois groupes avance pour justifier sa position particulière.
Guerre pour l’hégémonie
Cependant, deux observations s’imposent avant d’y arriver. Primo, ce que nous rapportons ici est le fruit, non pas d’une enquête sociologique approfondie, mais plutôt des entretiens libres, individuels et collectifs, réalisés avec un certain nombre d’universitaires de divers formations académiques et milieux socio-rofessionnels de Kinshasa sensibles à la guerre en Ukraine et soucieux du développement intégral, intégré et durable de la RD-Congo. Et ce, par rapport à la guerre qui sévit dans l’Est de leur propre pays quasi-abandonné par la communauté internationale. Dans ce contexte, il nous est difficile de mesurer le degré exact des sentiments des participants à nos entretiens envers la Russie et l’Occident. Mais, nous dégageons avec aisance, à travers leurs propos, leurs penchants à l’égard de l’une ou de l’autre des deux entités sociopolitiques.
Secundo, de l’avis général des participants à nos différents entretiens, la guerre en Ukraine n’est pas foncièrement une guerre idéologique opposant la gauche marxiste-léniniste, socialiste, communiste et révolutionnaire à la droite libérale, capitaliste, conservatrice et réactionnaire. Comme ç’était le cas durant la longue guerre froide de 1945 à 1991. En effet, si l’Occident demeure fondamentalement libéral, capitaliste et démocratique, la Russie de Vladimir Poutine paraît avoir essentiellement rompu avec le marxisme-léninisme, le socialisme et le communisme de l’ère soviétique. La preuve la plus cinglante ? Le parti communiste russe d’aujourd’hui, resté essentiellement orthodoxe, est le leader incontesté des farouches oppositions à ce régime fondamentalement nationaliste et totalitaire du parti Russie Unie au pouvoir depuis 23 ans. D’ailleurs, les experts de divers horizons idéologiques qualifient généralement ce régime politique de « super-présidentiel », de « démocratie dirigée», de « militocratie libérale », d’ «autoritarisme bureaucratique », de « totalitarisme, etc. » Ainsi, l’écrasante majorité des participants à nos entretiens perçoit la guerre en Ukraine comme l’expression des ambitions illimitées de son instigateur, Vladimir Poutine, l’irrésistible aspirant à l’hégémonie géopolitique mondiale, et de l’orgueil également démesuré des Occidentaux qui croient détenir, pour de bon, l’hégémonie sur le monde entier. Il s’agit, en définitive, d’une guerre impitoyable pour l’hégémonie géopolitique mondiale fondée sur les intérêts particuliers de chacun des deux camps.
Ces deux importantes remarques précisées et soulignées, revenons maintenant aux trois différents camps hostiles dans lesquels s’inscrivent les RD-Congolais quant à la guerre en Ukraine par rapport à celle de l’Est de leur propre pays.
Partisans de la Russie
Le premier groupe, le plus bruyant et le plus grouillant de tous, c’est celui des pro-Russie, mieux, des pro-Poutine. Car, il se constitue, en réalité, des fanatiques et autres inconditionnels de Vladimir Poutine qu’ils considèrent comme un leader ou un héros intraitable. Et ce, pour deux raisons connexes. Primo, le Président de la Fédération de Russie se pose en figure de proue de la farouche opposition à la domination unilatérale de l’Occident sur le monde entier et de la soumission à ce monde « pourri, satanique et cupide», selon ses propres mots. Il le démontre en défiant, par la guerre totale et impitoyable qu’il impose à l’Ukraine, les Etats-Unis d’Amérique et ses alliés de l’Union Européenne, les détenteurs exclusifs de l’hégémonie géopolitique mondiale depuis 1945 et les soutiens indéfectibles de l’Ukraine contre sa Russie. Secundo, Vladimir Poutine fait rêver à ses partisans à travers la RD-Congo, même sans leur avoir dévoilé la procédure à suivre pour y parvenir, l’avènement de l’hégémonie géopolitique mondiale multipolaire et partagée qu’il revendique au nom de tous les opprimés du monde et qu’ils espèrent bénéficier.
Ce groupe, psychiquement conduit, ragaillardi et requinqué par le discours de Vladimir Poutine qu’il prend pour parole d’Evangile, perçoit la Russie comme un pays à diplomatie accomodante, douce et coopérative par rapport à celle de l’Occident qu’elle juge offensive, hégémonique et écrasante. Il qualifie l’Occident d’hypocrite, d’injuste, d’ingrat et de méchant à l’égard de la RD-Congo. Il lui reproche particulièrement de laisser, depuis environ trois décennies, certaines de ses puissantes multinationales armer le Rwanda de Paul Kagame afin d’attaquer et d’envahir incessamment et impunément, pour des raisons mercantilistes, la RD-Congo qu’il exploite pourtant depuis 138 ans. Pire, pendant que l’Occident abandonne l’Est de la RD-Congo au Rwanda de Paul Kagame commandité par certaines de ses puissantes multinationales, il soutient massivement et puissamment, depuis le 24 février 2022, l’Ukraine de Volodymyr Zelensky contre la Russie de Vladimir Poutine.
Face à cette politique absurde de deux poids, deux mesures de l’Occident par rapport à la guerre en RD-Congo et à celle en Ukraine, ce groupe, viscéralement anti-américain en particulier et anti-occidental en général, prend clairement et nettement position en faveur de la Russie de Vladimir Poutine. Se fondant sur la supériorité supposée de la Russie dans le domaine du nucléaire militaire (elle aurait plus de têtes nucléaires que les Etats-Unis d’Amérique), il pousse l’Etat congolais à s’allier à cette dernière dans l’objectif de libérer l’Est du pays du joug rwandais et, par ricochet, occidental. Il croit foncièrement que la promotion et la défense des intérêts majeurs de la RD-Congo doivent nécessairement passer, aujourd’hui, par l’alliance avec la Russie de Vladimir Poutine. Car, contrairement à l’Occident, la Russie est, selon ce groupe, disposée à accompagner le pays de Félix Antoine Tshisekedi dans ses efforts pour son développement intégral, intégré et durable.
Partisans de l’Occident
Le deuxième groupe de Congolais, qui intervient dans ce débat, condamne également, avec force, le comportement ambigü et hypocrite de l’Occident envers la RD-Congo quant à la guerre dans sa partie Est. Cependant, il croit qu’il est fondamentalement logique, normal et juste que l’Occident assiste massivement et puissamment l’Ukraine dans la guerre injuste et injustifiée que la Russie de Vladimir Poutine, la deuxième puissance militaire mondiale, inflige à son voisin infiniment plus petit et plus faible. Il qualifie l’instigateur de cette guerre, Vladimir Poutine, de fou, de criminel, d’assassin, de dictateur, etc. Il juge la Russie, deuxième puissance mondiale uniquement militaire, mais économiquement et technologiquement arriérée par rapport à l’Occident, incapable d’assister intégralement, sérieusement et profondément la RD-Congo dans son combat pour le développement. Car, la RD-Congo est confrontée, non seulement à la guerre dans sa partie Est, mais aussi et surtout à d’innombrables autres problèmes embrouillés dans tous les secteurs d’activités. Or, le seul et l’unique bénéfice que la RD-Congo peut tirer de la coopération avec la Russie de Poutine, ce sont des armes, des munitions et des avions de guerre. Et ce, bien sûr, en échange avec des cargaisons et des cargaisons des minerais stratégiques de la RD-Congo. En dehors de ces instruments de guerre russes, la RD-Congo ne peut s’attendre à rien d’autre de plus. Pire, il n’y a aucune garantie que ces instruments de guerre russes feront gagner la RD-Congo contre le Rwanda et l’Occident.
Pour se convaincre de l’infime importance et de l’insignifiante qualité de la coopération avec la Russie, ce deuxième groupe propose que l’on se mette à compter et à comparer, objectivement, ce que les Occidentaux et les Russes ont déjà réalisé en RD-Congo. Il est sûr qu’on ne trouverait, à travers le pays, ni une seule petite école ou un seul petit hôpital, ni une seule petite route, ni une seule petite entreprise, etc, comme résultats de la coopération avec la Russie! Or, malgré ses insuffisances, l’Occident, longtemps représenté par le royaume de Belgique, a quand même montré le chemin du développement à la RD-Congo. Des exemples sont légion. En effet, dès son établissement ici en 1885, il s’est employé à créer ce grand Etat africain, appelé aujourd’hui République Démocratique du Congo, qui n’avait jamais existé avant lui et qui fait la fierté des autochtones. A part la ville de Gbadolite fondée sous le régime Mobutu, l’Occident a progressivement créé, en 75 ans, toutes les villes et tous les autres centres urbains du pays. Par l’intermédiaire des Eglises Catholique et Protestante qu’il a autorisées à s’implanter ici, il a doté la RD-Congo de l’écrasante majorité de ses institutions d’enseignement et de santé de tous les niveaux. Malgré quelques désinvestissements opérés à partir des années 1990, il est demeuré, pendant très longtemps, le premier investisseur étranger de la RD-Congo. En effet, l’écrasante majorité des entreprises de tous les secteurs d’activités qui faisaient travailler les Congolais sont occidentales. L’écrasante majorité des diverses infrastructures publiques (bâtiments, ponts et chaussées, rails, barrages hydro- électrics, etc), éparpillées à travers le pays, sont des apports indéniables de l’Occident. Enfin, si l’Occident était réellement satanique et la Russie paradisiaque, comment expliquer que des RD-Congolais de toutes les tendances idéologiques, qui s’expatrient particulièrement pour des raisons socio-économiques, ne vont jamais en Russie, mais toujours dans les pays occidentaux : Belgique, Etats-Unis d’Amérique, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Suède, Norvège, Danemark, etc, ?
Les RD-Congolais honnêtes, sérieux et responsables ne peuvent pas nier ces évidences. Par conséquent, ils ne peuvent renier l’Occident à cause de son impérialisme qu’ils connaissent pourtant depuis 138 ans et de l’outrecuidance de certaines de ses multinationales liées à la guerre de l’Est. Au contraire, la présente conjoncture est la mieux indiquée pour le gouvernement de rendre, par une diplomatie pro-active, dynamique et agissante, l’Occident plus conscient que jamais auparavant de ses responsabilités historiques sur le sort de la RD-Congo et de l’amener à changer positivement de comportement, d’attitudes et de pratiques à son égard. Visiblement anti-russe, ce groupe croit donc en la capacité du très riche Occident, généralement attaché à la démocratie, de se ressaisir, de s’amender et d’apporter encore à la RD-Congo l’assistance dont elle a grandement besoin pour son développement intégral, intégré et durable.
Partisans de la Rd-Congo
Le troisième et dernier groupe de Congolais, qui prend part à ce débat sur la guerre en Ukraine par rapport à celle dans l’Est de leur propre pays, condamne et regrette amèrement, comme les deux premiers groupes, le comportement hypocrite et ambigü de l’Occident vis-à-vis de la RD-Congo durant les trois dernières décennies. Comme le deuxième groupe, il reconnaît et apprécie à leur juste valeur les réalisations de l’Occident en RD-Congo. Cependant, contrairement aux deux premiers groupes, il tient à la promotion, à la défense et à la progression ininterrompue d’un développement essentiellement endogène en RD-Congo. Dans cet objectif, il est très sévère à l’égard et de la Russie de Vladimir Poutine et de l’Occident conduit par les Etats-Unis d’Amérique de Joe Biden et même de la Chine de Xi Jinping. Considérant l’ensemble de leurs œuvres passées et présentes à travers le monde, ce groupe ne fait confiance ni à l’Occident, ni à la Russie, ni même à la Chine quant à la consistance de leur contribution au développement de la RD-Congo. Car, l’Occident et la Russie sont, tous deux, de nature impériale et expansionniste. Ils sont, tous deux, de cyniques monstres froids toujours accrochés à la promotion, à la défense et à l’accroissement ininterrompu de leurs seuls intérêts au détriment de ceux des autres pays, surtout les plus faibles, qu’ils minimisent, manipulent et exploitent inconsidérément.
Des preuves palpables ? L’Occident a colonisé tous les pays d’Afrique, y compris l’Ethiopie et le Libéria. Il a colonisé tous les pays d’Océanie, d’Amérique latine, des Antilles et des Caraïbes et la majorité des pays d’Asie. Et ce, durant plusieurs siècles ou décennies. Partout, il s’est comporté et se comporte toujours en maître, même après l’accession de ses ex colonies à la souveraineté nationale et internationale. Il a politiquement, économiquement, socialement et culturellement dominé, exploité et ruiné tous ces pays. Actuellement, l’écrasante majorité de ces pays, demeurés généralement pauvres et sous-développés, le boudent. Et ce, en partie, sous l’instigation des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et République Sud-Africaine) qui prônent un nouvel ordre économique international fondé sur le partenariat et la multipolarité. Mais, l’écrasante majorité de ces pays n’abandonnent pas, pour autant, cet Occident qui les assujettit !
A bien examiner la question, les seules colonies de l’Occident, qui se sont réellement émancipées et se retrouvent aujourd’hui parmi les pays les plus hautement développés, sont des anciennes colonies britanniques de peuplement. C’est-à-dire, des colonies que les Britanniques avaient prises, dès leur implantation, pour leurs propres homelands et qu’ils ont transformées de fond en comble en leur propre faveur. Nous citons, dans ce contexte, les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et, dans une moindre mesure, la République Sud-Africaine. Mais, les peuples autochtones, qu’ils y avaient trouvés, ont généralement été parqués, pendant très longtemps, dans des réserves. Où ils étaient généralement privés de dignité et de considération et n’avaient pas voix au chapitre.
La Russie, qu’elle soit tsariste ou soviétique, a aussi politiquement, économiquement, socialement et culturellement colonisé, dominé, exploité et ruiné tous les pays de l’Europe de l’Est, la quasi-totalité des pays de l’Europe centrale, tous les pays d’Asie centrale (Turkménistan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan, Afghanistan, etc) et un pays d’Asie orientale, la Mongolie (extérieure). Et ce, pendant des siècles ou des décennies. A ce propos, Mme Salomé Zourabitchvilli, présidente de la République de Géorgie voisine, témoigne sans ambages : « La nature de la Russie est impériale. Et ça fait plus de deux siècles que les Russes attaquent et occupent tous les pays autour d’eux. » Mais, au bout du compte, aucun de ces pays longtemps soumis à la Russie ou à l’URSS n’a pris de l’envol en matière de développement. Ils croupissent généralement dans la pauvreté, la misère et le sous-développement. Leur seule et unique véritable puissance coloniale ou impériale, la Russie tsariste d’abord et l’URSS ensuite, désillusionnée par ses propres contradictions internes, s’est finalement désintégrée et a cessé d’exister en décembre 1991. Certains pays voisins, autrefois souverains, indépendants et libres, que la Russie soviétique avait intégrés par la force en son sein et transformés en ses républiques fédérées, sont redevenus, depuis décembre 1991 également, des Etats souverains, indépendants et libres. Les ex démocraties populaires, jadis pays satellites de l’URSS enfermés dans un camp retranché du monde, sont aussi redevenues des Etats souverains, indépendants et libres que jamais auparavant. Depuis lors, ils se sont ouverts au reste du monde et particulièrement à l’Occident.
Dès l’écroulement et la disparition de l’URSS en 1991, et ces anciennes républiques soviétiques et ces ex. démocraties populaires se sont, dans leur écrasante majorité, désolidarisé de l’impériale et expansionniste Russie de Vladimir Poutine. D’où, la mort subite inévitable du Pacte de Varsovie et du Comecon qui les reliaient entre elles, sous l’égide de Moscou, sur les plans respectivement militaire et économique. D’où, la plupart d’entre elles se sont rapprochées, ont déjà rejoint ou tendent à rejoindre l’Otan et l’Union Européenne. D’où, les guerres que la Russie de Poutine a suscitées et imposées à la Géorgie en 2008 et à l’Ukraine en 2014 et en 2022. D’où, enfin, les menaces qu’elle fait peser sur la plupart de ses anciens esclaves affranchis qu’elle tiendrait à ramener sous son giron.
Sous le couvert de l’URSS, la Russie, la seule et l’unique puissance de ce conglomérat de pays qui se sont finalement avérés tout simplement juxtaposés, avait la main mise sur certains pays d’Afrique, tel que la Guinée Conakry de Sekou Touré ; sur quelques pays d’Amérique latine, des Antilles et des Caraïbes, comme Cuba de Fidel Castro ; et sur des pays d’Asie, aux côtés de la Chine de Mao, à l’instar du Vietnam de Hô Chi Minh et du Cambodge des Kmers Rouges. Mais, aucun de ces divers pays n’est sorti du sous-développement. Au contraire, ils se sont davantage enfoncés dans la pauvreté et la misère.
Selon ce troisième et dernier groupe, les grandes puissances mondiales, qu’elles soient de l’Occident ou de l’Orient, sont globalement des oiseaux du même plumage. Rejeter, dans ce contexte, l’Occident en vue d’embrasser précipitamment et aveuglément la Russie de Vladimir Poutine équivaudrait à déshabiller Saint Pierre pour habiller Saint Paul. Car, Saint Paul et Saint Pierre sont, tous deux, de la même nature chrétienne. Ils sont, tous deux, des écclésiastiques adonnés à la propagation et à l’inculturation du christianisme à travers le monde. La Russie et l’Occident sont également, tous deux, de la même nature impériale et expansionniste. Ils sont, tous deux, de cyniques monstres froids toujours enclins à dominer et à exploiter littéralement les autres pays du monde, surtout les plus faibles. Ils ne promeuvent, ne défendent et ne développent sérieusement que leurs seuls intérêts au détriment de ceux des autres avec lesquels ils font semblant de traiter d’égal à égal.
A ce sujet, ce groupe exhibe le cas du contrat du siècle que la RD-Congo avait signé, en avril 2008, avec un groupe d’entreprises chinois dans le cadre de la joint-venture Sicomines qu’ils ont montée ensemble. Contrat par lequel les Chinois ont, selon l’Inspection Générale des Finances (IGP), roulé le gouvernement congolais sur tous les plans. En effet, pour réaliser le programme d’infrastructures dont le pays a grandement besoin pour son développement, le gouvernement avait mis à la disposition de la Sicomines des gisements riches en minerais de cuivre, de cobalt et de lithium évalués à près de USD 93 milliards. Il a ajouté, à ces riches gisements miniers, les exonérations de tous droits de l’Etat estimés à près de USD 10 milliards. Les deux entreprises chinoises n’ont apporté aucun capital frais leur appartenant en propre. Elles ont seulement amené un endettement de USD 4,4 milliards pris auprès d’Exim Bank China pour le fonctionnement de la Sicomines. Cependant, incroyable, mais vrai ! Les deux entreprises chinoises ont gagné, à elles seules, USD 17 milliards, les banques chinoises USD 1,2 milliards et la RD-Congo seulement USD 0,8 milliards en infrastructures depuis 2008!
Considérant toutes ces réalités concrètes, ce troisième et dernier groupe de Congolais conclut qu’ il n’ y a point, entre l’Occident, la Russie et la Chine, le moindre mal. Car, ils sont tous habités par le même esprit dominant de mercantilisme. Ils sont tous des vendeurs de rêve, des hypocrites, des « kuluna » en cravate, des capitalistes sauvages, des exploiteurs insoucieux de leurs esclaves, des expansionnistes autoritaires et des impérialistes sans scrupules. Ils ont tous, d’une manière ou d’une autre, polititiquement, économiquement, socialement et culturellement dominé, exploité et ruiné tous les pays du monde où ils ont posé pieds. La preuve la plus tangible? Aucun pays d’Afrique, aucun pays d’Asie, aucun pays d’Océanie, aucun pays d’Amérique latine, aucun pays des Antilles et des Caraïbes et aucun pays d’Europe centrale et orientale ne s’est jamais développé, selon le modèle occidental, russe ou chinois, grâce à l’Occident, à la Russie ou à la Chine. Les quelques pays qui émmergent empruntent leur propre voie.
Par rapport à cette guerre pour l’hégémonie géopolitique mondiale qui oppose, par l’Ukraine interposée, les bourreaux des faibles entre eux, ce troisième et dernier groupe est profondément convaincu que cette guerre n’est pas, dans le fond, la guerre des Congolais. Elle est plutôt la guerre de ces cyniques monstres froids toujours égocentriques, habitués à manipuler, à tromper, à diviser, à exploiter et à écraser les faibles. Ainsi, dans cette guerre là, la place des RD-Congolais n’est ni derrière l’Occident mené par les Etats-Unis d’Amérique, la superpuissance mondiale, ni dernière la Russie, la deuxième puissance militaire mondiale, ni derrière la Chine, la deuxième puissance économique mondiale, mais bien plutôt aux côtés de leurs concitoyens qui se battent, ici même, pour la survie et le développement intégral, intégré et durable de leur propre patrie.
Compter sur soi-même
Si les Congolais tiennent réellement à mettre fin à leur propre guerre, celle de l’Est leur imposée par le Rwanda de Paul Kagame soutenu par certaines multinationales occidentales, ils doivent cesser de perdre du temps en se querellant avec ce pays et en chargeant uniquement l’Occident de tous leurs malheurs. Pour y parvenir, ils doivent préalablement, dans un premier temps, identifier systématiquement les fameuses multinationales occidentales impliquées dans la guerre de l’Est. Ils doivent impérativement chercher et obtenir, dans un deuxième temps, de négocier d’égal à égal, non pas avec le Rwanda du commissionnaire Paul Kagame et les chefs de ses divers groupes terroristes, mais bien plutôt directement avec leurs commanditaires et sponsors occidentaux, les fameuses multinationales friandes des minerais stratégiques rd-congolais et leurs gouvernements respectifs. Ils doivent trouver avec ceux-ci, dans un troisième et dernier temps, un modus vivendi rationnel, réaliste, opérationnel, juste et profitable à tous.
Si les Congolais veulent vraiment construire en profondeur leur pays, ils ne doivent compter ni sur les Occidentaux seuls, ni sur les Chinois seuls, ni sur les Russes seuls, mais bien plutôt et avant tout sur eux-mêmes. En cherchant et en trouvant, eux-mêmes, les voies et moyens les meilleurs de sortir de leur mauvaise situation devenue chronique. En empruntant leur propre voie, à l’instar du Brésil et de l’Inde, pour émmerger. Ils ont tous les atouts, sauf l’impulsion au développement intégral, intégré et durable de leur propre pays.
En définitive, la solution aux multiples problèmes embrouillés du colosse aux pieds d’argile qu’est la RD-Congo ne se trouve ni dans la guerre contre le Rwanda et l’Occident, ni dans l’alliance soit avec la Russie de Vladimir Poutine seule, soit avec la Chine de XI Jinping seule, soit avec l’Occident de Joe Biden seul, ni dans le repli de ce pays sur soi-même, mais bien plutôt et avant tout dans le patriotisme sincère, engagé et sérieux de ses propres filles et fils, dans sa prise en charge effective, profonde et totale par ses propres citoyens et dans la diplomatie et la coopération stratégiquement rentables avec le reste du monde, dont les incontournables grandes puissances. Et ce, dans le cadre du partenariat au sens plein de ce terme. Le développement intégral, intégré et durable de la RD-Congo est à ce prix et à ce prix seulement.
Nota Bene : L’auteur est Master of Arts en Sociologie et Bachelor/honour of Arts en Communication de l’Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario, Canada. De nationalité rd-congolaise, il vit et travaille à Kinshasa, en RD-Congo.