J. Kabila et la praxis du pouvoir remodelé en Rdc en contraste avec la reproduction du pouvoir monocratique (extrait de l’essai inédit : L’esprit du pouvoir et le pouvoir de l’esprit Tome II)
…La notion de pouvoir remodelé dans une dynamique révolutionnaire renvoi à une triple réalité politique. Primo, il s’agit de la réalité de la ré-mentalisation et l’exercice du pouvoir ayant actionné la rupture systémique avec les pratiques politiques rétrogrades de la monarchie féodo-absolutiste du Zaïre. Ayant matérialisé la démocratisation, J.Kabila a opéré dans un champ politique polyarchique, sous les pressions intenses, demandes oxydantes, offenses politiques et sociales multiples, sans rupture ou écroulement du système politique. L’ère «kabilienne » est génitrice du système politique républicain polyarchique Congolais le plus long de l’histoire politique de la RDC, après la débâcle de la Première République, le rejet de la démocratie dans la Deuxième République et l’échec de la démocratisation de 1990 à 1997. En réalité, la dispensation politique de J.Kabila est réinventrice de l’Etat Républicain Congolais postcolonial. Secundo, cette conceptualisation se rapporte à la réalité tangible d’une mentalisation et de la praxis politique disjonctive en termes d’opérationnalisation pluraliste du pouvoir. Cela en rupture avec la monopolisation de l’imperium assortie du culte de personnalité narcissique, observée sous Mobutu « le Roi du Zaïre ». Sous cet angle, la personnalité tassée et flegmatique de J.Kabila, a influé sur la préexistante mentalité (L’Esprit du Pouvoir opérant dans la conscience collective) et la pratique ambiante du pouvoir à la zaïroise, avec excentricité nombriliste (gouvernant bling-bling). Ainsi donc, le model du pouvoir intériorisé et pratiqué par J.Kabila a été en contraste radical avec la traditionnalisation paternalisante et la personnalisation impressionniste du pouvoir de l’ordre ancien « tradimonarchique ». Et tertio, la praxis du pouvoir remodelé de J. Kabila a été fondamentalement révolutionnaire dans la mesure où il a mis fin à la conscience-imagerie zaïroise du président-chef traditionnel trônant sur des sujets – Le model rétrograde du « Mfumu » cyniquement repris de 2019 à 2023. Il y a eu donc rupture radicale avec la validation et le fonctionnement du pouvoir, basés sur la construction d’un mythe ancestral (du type « guerrier-chasseur des léopards » à son jeune âge comme ce fut le cas avec Mobutu) sur le registre magico-religieux.
En plus, le déploiement du pouvoir de J. Kabila ne s’est pas accompagné de la construction idéologico-intellectuelle de sa mystification comme étant d’essence divine (« sorti de la cuisse de Jupiter », dixit Sakombi Inongo idéologue de Mobutu). J. Kabila n’a même pas recouru à la factualité de l’écroulement de la monarchie zaïroise par l’action révolutionnaire de son père pour justifier sa détention du pouvoir. Son régime a plutôt justifié la détention du pouvoir par l’impératif de l’unité nationale, la refondation d’un État disloqué et la relance d’une économie ruinée. En d’autres termes, son pouvoir a recouru aux matériaux discursifs essentiellement républicains-rationalistes pour sa légitimation.
Ces aspects de la conception, la pratique et la légitimation du pouvoir ne font plus l’objet de l’attention des Congolais. Pour reprendre l’expression de l’illustre théologien et philosophe Ka-Mana, les congolais zombifiés et crétinisés, auto-vassalisés sous un pouvoir féodo-obscurantiste, sont tractés par des pseudo-élites et autres professeurs complètement dénormativisés. Ils ont tout oublié des corvées et des rituels des incantations qu’ils étaient obligés de déclamer le matin de chaque jour ouvrable avant de commencer le travail, avec des danses, dans les entreprises, dans les marchés, dans l’armée, la gendarmerie, pour chanter les louanges du Président fondateur Mobutu. Les Congolais ont tout oublié des sanctions qui devaient être infligées à ceux qui ne se livraient pas à ces séances d’adoration du roi du Zaïre, digne des empires des Incas ou de Mayas. Pourtant cet aspect indique que L. Kabila et J. Kabila ont véritablement révolutionné l’entendement et la praxis du pouvoir en libérant les Congolais des liturgies puérilisantes inhérentes à un imperium asservissant. C’est ici le rayon révolutionnaire du gain de la dignité d’un peuple ayant croupi dans la « moyenâgisation » politique – qui malheureusement a refait surface après 2019 – avec un héritier du Mobutiste, issu d’un oligarque du MPR Parti-Etat et bénéficiaire de la Zairianisation.
1. Le Prisme Psychopolitique et Républicain du Pouvoir Remodelé dans la Dispensation de J. Kabila
Il est d’une importance capitale de cerner le pouvoir révolutionnaire et consociatif de J. Kabila dans une perspective psychopolitique républicain. En fait, sur le plan psychopolitique, la praxis disjonctive du pouvoir de J. Kabila, mettant fin à la traditionnalisation paternalisante et à l’auto-vassalisation infantilisante des Congolais, porte la causalité explicitée dans les chapitres deux et trois. En effet, le profil psychologique d’un ego contenu et tassé, ainsi que la socialisation politique du modèle conciliant du pouvoir de Julius Nyerere, absorbés par J. Kabila, sont antithétiques à l’Esprit du pouvoir monocratique mégalomaniaque. C’est ainsi que son opérationnalisation du pouvoir a porté les traits étalés en contraste avec le régime zaïrois et sa reproduction de 2019 à 2023 dans le tableau ci-après.
Contrastes caractéristiques psychopolitiques monarchie zaïroise et démocratie pluraliste en RDC (termes conçus par l’auteur)
A travers ce prisme analytique psycho-politique, on peut noter que le mode opératoire du pouvoir de J. Kabila et tout son régime a, dans une large mesure, compressé les pulsions narcissiques et érotiques ; en ce qui le concerne lui-même et sa dispensation. Cela ne veut pas dire qu’il était porteur de sainteté. L’observation sert à indiquer que contrairement à la monarchie zaïroise qui fut même taxée de phallocratie, et le roi lui-même maître des exploits en matière libidino-érotique (à en croire surtout la narration saisissante de Sakombi Inongo dans le film documentaire « Mobutu le Roi du Zaïre »), J. Kabila fit preuve d’une certaine austérité dans ce secteur. Cependant, certains politiciens d’origine mobutiste de son régime (qui se sont transposés en masse dans le régime de Tshisekedi y apportant leur « toxicité de la Mobuité ») se distinguèrent par leurs exploits libidineux à l’échelle olympique. Il est de notoriété publique que cette pulsion érotique est au centre du drame de toute la série des détournements inégalés des fonds (100 Jours, RAM, Tshilejelu, Programme Covid-19) ayant terni l’image et la noblesse de la Présidence de la République dans la dispensation de l’alternance. Les politiciens ego-narcissiques ont toujours des activités phallocratiques intenses exigeant des sommes faramineuses pour satisfaire épouses exubérantes et multiples concubines excentriques. Il s’y ajoute une abondante progéniture produite par des ébats effrénés. Ainsi donc lorsque J. Kabila confesse qu’il n’a pas pu transformer les Zaïrois, c’est fondamentalement dans ce domaine de la propension ego-narcissique et libidino-érotique d’essence zaïroise, dans l’arène politique.
2. La Rupture avec la Nécropolitique par le Pouvoir Consociatif d’Essence Républicaine et le Retour à l’Imperium Thanatos en 2019-2023.
Toujours dans le prisme psycho-politique, l’aspect de la pulsion thanatos (pulsion de la mort ou de l’anéantissement de l’autre, pour monopoliser le pouvoir et les ressources) est aussi d’une importance capitale. Dans l’ère du régime de l’alternance en 2019-2023, certains populistes congolais en association avec leurs relais internationaux ont soutenu à cor et à cris que J. Kabila doit être traduit en justice à la CPI pour ses meurtres. Sans affirmer qu’il est d’une essence absolument angélique, l’exploration historique et politique de notre société démontre que J. Kabila n’a pas été un président « sanguinaire », pratiquant patenté de la nécropolitique comme les dictateurs vampires des années 1970-1980 (Mobutu, Bokassa, Ngema, Amin). Même dans les rumeurs et autres récits des rues et des salons, aucune histoire d’un meurtre gratuit et odieux commis par J. Kabila ou directement ordonné par lui ne peut être établie objectivement et rigoureusement. Il n’y a pas dans son régime des tragédies horribles avec mutilation et disparition des corps comme sous Mobutu le Roi du Zaïre. On voit ce rituel de la nécropolitique dans les cas Pendus de la Pentecôte (Bamba, Anani, Kimba, Mahmba), de Guillaume Lubaya et Pierre Mulele sous Mobutu. Ceux-ci furent mutilés vivants, cruellement tués avec disparition définitive des corps. Il n’y a pas dans le régime de J. Kabila la systématisation du pouvoir de la mort avec pendaisons répugnantes et fusillades médiatisées des officiers de l’armée et politiciens ou des récits des opposants découpés vivants et leurs morceaux jetés dans le fleuve. C’est donc une culture nécropolitique porteuse des traits des meurtres psychopathologiques par des auteurs psychiquement perturbés de type ego-narcissique, dans l’illusion d’omnipotence. Cette nécropolitique psychopathologique avait déjà été déjà initiée par les pères de l’indépendance en 1960. C’est le cas au Katanga dans le parricide dégradant l’être dont le Premier ministre Lumumba fut la victime inaugurale d’une lugubre liturgie politique mortifère. Certes, en 2001-2018 il y a eu des excès de zèle des agents de sécurité, des bavures policières ayant coûté la vie aux Congolais. Dans plusieurs cas, les poursuites judiciaires ont été réalisées avec condamnation des auteurs avérés. Mais, sur la toile générale de l’exercice du pouvoir, rien ne permet d’affirmer que le règne de J. Kabila était un « pouvoir de la mort » (comme le régime de Mobutu, de Bokassa ou de Idi Amin), ayant fait asseoir son pouvoir sur la pulsion thanatos et dominant par la mort.
Cependant, le déploiement du pouvoir de la mort a été observé dans une mesure horrible dans la dispensation de l’alternance, en 2019-2023, notamment dans les tueries des membres de la secte mystico-religieuse de Bundu dia Mayala et le massacre des Wazalendo à Goma par la GR quasi-monotribale de Tshisekedi. On voit dans ce régime des traces de la nécropolitique dans les cas du meurtre du General Kahimbi et l’assassinat du Député Cherubin Okende. Ce dernier fut enlevé, torturé à mort, et son cadavre criblé des balles. Pire, son cadavre a été séquestré, malgré les cris et pleurs de sa famille pour la restitution du corps, aux fins d’un digne enterrement. Dans une certaine mesure cela rappelle la tragédie de Lumumba, dont l’épouse exigea en vain la dépouille mortelle pour finir le deuil et un enterrement digne.
Du point de vue principiel républicain, on peut aussi relever que le pouvoir remodelé de type polyarchique, partagé avec les chefs rebelles, les anciens opposants ayant déversé sur le chef de l’État de 2001-2018 des invectives furibondes, procède également d’un Esprit d’acceptation de l’autre (dans le prisme de l’imago Dei), malgré les différends/différences politiques. Il s’agit d’un Esprit républicain dans le sens principiel de Montesquieu qui cerne l’amour du concitoyen, son acceptation, comme constituant la vertu, principe premier de la République. C’est dans cette optique aussi que l’illustre Mwalibu Nyerere (qui a substantiellement inspiré) J.Kabila) considérait que la construction de la nation imposait moralement que l’on accepte toutes les filles et tous les fils tanzaniens dans la «Jamaa » comme grande famille, en dépit des différences d’opinions, au bénéfice du progrès du pays. Une implacable rationalité de la Res Publica, espace commun d’expression de notre humanité, transcendant les allégeances primaires, et nous libérant des instincts primitifs de tout pour soi et de l’anéantissement des autres. C’est pourquoi, pour Mwalibu Nyerere, la démocratie ne réside pas essentiellement dans la pluralité incontrôlée des partis politiques, mais dans l’acceptation de l’humanité et la dignité des autres. Cela à travers la promotion de l’expression libre de la pensée et de la parole et même la consociation intégrative dans la gestion du pouvoir. Cependant, en RDC, le chef de l’État de 2001-2018 a permis non seulement l’exercice des droits et libertés de pensée et d’opinion, dans une proportion et une densité uniques en Afrique. Il a accepté les politiciens jadis ses détracteurs virulents, en se délestant des émotions, qu’il a mobilisés pour travailler avec lui, malgré les divergences politiciennes et les offenses et invectives exécrables qu’il avait subies d’eux. L’apothéose de cet Esprit Républicain est l’alternance pacifique du pouvoir, en le cédant à Felix Tshsiekedi qui fut à la proue des torrents d’injures furibondes contre J. Kabila. En contraste, après cinq ans de pouvoir monocratique, animé par les pulsions egonarcissiques, la RDC a été rétrogradée en Etat pre-républicain. Une monocratie féodale haineuses, destructive de la cohésion nationale ; où la logique politique moderne, la vertu républicaine, la norme de la civitas, ont été rejetées en faveur de l’obscurantisme dégénérant. L’instinct des accumulations primitives et de l’anéantissement des autres a impulsé l’imperium, fissurant l’essence et le sens même de la Res Publica…
IMHOTEP KABASU BABU K Ecrivain et Libre-Penseur