Joseph Kabila rejette une nouvelle offre d’alliance de Félix Tshisekedi

Dans les salons politiques de Kinshasa bruisse une rumeur tenace. Félix Tshisekedi veut renouer avec Joseph Kabila. Le Chef de l’Etat congolais a compris que l’Union Sacrée n’est pas la machine fiable sur laquelle il peut compter pour gagner la prochaine présidentielle. Un front de l’opposition se profile à l’horizon autour de Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Denis Mukwege, Augustin Matata, Delly Sesanga, Jean-Marc Kabund et Joseph Kabila. Le président congolais veut y couper court !
Après avoir fait main basse sur la CENI et sur la Cour Constitutionnelle, les élections de 2023 ne devaient être qu’une simple formalité pour Félix Tshisekedi. Malgré les ralliements des figures comme Jean-Pierre Bemba et le retour au bercail de Vital Kamerhe ainsi que le débauchage d’une escouade de leaders kasaïens, parmi lesquels Lambert Mende, Evariste Boshab et Adolphe Lumanu, l’affaire est loin d’être entendue.
A peine la campagne d’enrôlement des électeurs a-t-elle démarré que les indices sérieux de fraude se multiplient. Rien n’indique que Denis Kadima, le président de la CENI, saura maintenir la barque à flot jusqu’aux élections. En qualité d’observateurs du processus électoral, les Eglises catholiques et protestantes qui se sont toujours opposées à ce président de la CENI trop proche de Tshisekedi savourent. Et comme si cela ne suffisait pas, la progression du M23 assombrit le paysage. La situation sécuritaire à l’Est ne cesse au jour le jour d’empirer !

Trop légers ces poids plumes
La réconciliation katangaise a semé le doute dans le camp Tshisekedi… Personne ne pouvait imaginer que sous l’influente pression de l’Archevêque de Lubumbashi, Monseigneur Fulgence Muteba, les deux frères ennemis Joseph Kabila et Moïse Katembe, pourraient un jour se serrer la main. C’est chose faite. Les Katangais ont espoir de retrouver le pouvoir. Les lieutenants de Félix Tshisekedi au rang desquels le conseiller Dany Banza, les gouverneurs Jacques Kyabula et Fifi Masuka sont bien trop légers pour endiguer le bloc anti-kasaïen qui se lève dans le Grand Katanga.
Au Kivu, même constat. Le prix Nobel Denis Mukwege se pose de plus en plus en recours crédible en cas de désaccord des leaders de l’opposition à dégager un candidat commun. Le carnet d’adresse du patron de l’hôpital de Pansi dispose des plus prestigieux noms de la planète. L’ancien Premier Ministre Augustin Matata Ponyo est lui aussi à ranger parmi les opposants radicaux. A l’Ouest, Martin Fayulu ne lâche rien à ses ambitions. Son récent divorce avec Adolphe Muzito n’y fait rien. Le grand Bandundu auquel il faut ajouter les 30% de ses ressortissants dans la capitale demeure plus que jamais un bastion de l’opposition radicale. Au Kasaï, Delly Sesanga occupe l’espace entre Kananga son terroire à Luiza. Le Tout Sauf Tshisekedi (TST) commence donc à faire son petit bonhomme de chemin.
C’est pour prévenir un isolement politique suicidaire que, juste avant l’arrivée du président français à Kinshasa, Félix Tshisekedi a pris nuitamment son tout nouvel avion pour se rendre à Lomé au Togo. Pour la petite histoire, cet aéronef a coûté la bagatelle de 55 millions USD au Trésor congolais. Il serait la propriété de la société Evergreen du fameux conseiller spécial Jean-Claude Kabongo qui fait bien entendu office de prête-nom. L’avion a été mis en gestion auprès de Capitole Sarl, la société du commandant Simon Diasolwa. Félix Tshisekedi loue son avion à prix d’or pour ses missions. A chaque voyage présidentiel, le ministre des Finances règle rubis sur ongle les factures de Capital et remplit la cassette personnelle du locataire du Palais de la Nation.
Félix Tshisekedi veut à tout prix reprendre langue avec son ancien allié. Le Président congolais est confronté à un grave dilemme. L’Union Sacrée, fruit de son divorce avec son prédécesseur accuse de sérieux signes de faiblesse. Les responsables de son parti UDPS renâclent à céder la main aux leaders d’un rassemblement hétéroclites composés d’opportunistes et de recrues de la dernière heure. L’impossibilité à faire cohabiter son ancien directeur du Cabinet Vital Kamerhe et l’actuel président du Sénat Modeste Bahati, constitue une hypothèque sérieuse. A l’Ouest, l’ancien chef de guerre Bemba n’a plus l’aura de son passé. A l’Equateur, les jeunes Turcs Guy Loando et Jean-Lucien Bussa se partagent les faveurs de Félix Tshisekedi. Et du côté de l’opposition, José Makila qui conserve une cote de popularité intacte auprès des Ngbaka.

Voyageur clandestin
C’est donc sans crier gare et sans la moindre annonce de la presse présidentielle congolaise que le Chef de l’Etat congolais s’est envolé en toute discrétion pour Lomé afin d’y rencontrer son homologue Faure Eyadema. Parti à 22 heures de Ndjili, le Chef de l’Etat congolais est rentré à 4h05 le matin même. Deux heures d’entretien en tête-à-tête au cours desquels le fils d’Etienne Tshisekedi a fait part au fils de Yassingbe de sa volonté de reprendre langue avec Joseph Kabila.
Au cours de son échange avec le président togolais, Félix Tshisekedi l’a convaincu de lui prêter main forte et de dépêcher à Kinshasa le ministre togolais préféré de Joseph Kabila, Gilbert Bawara. Ce dernier est un conseiller écouté et dispose de l’estime de l’ancien président congolais. Il a également l’oreille à Bruxelles de Louis et Charles Michel, le président du Conseil européen. Pendant la nuit, les deux Chefs d’Etat ont convenu que Gilbert Bawara se chargerait de porter le message de Félix Tshisekedi. Depuis plusieurs mois, le sénateur à vie Kabila refuse en effet de parler à son successeur.
La réponse sans fard du gentleman farmer
Flanqué du Conseiller Spécial du Chef de l’Etat congolais, Gilbert Bawara a donc été reçu mercredi dernier à Kinshasa par Joseph Kabila. “Félix Tshisekedi regrette les malentendus qui ont conduit à ce qui s’est passé il y a deux ans”, a affirmé le ministre togolais, en utilisant les éléments de langage choisis par le Chef de l’Etat, à son ami Kabila en ajoutant : “il veut y mettre un terme et vous propose de reprendre la Primature et la Présidence de l’Assemblée Nationale. En échange, vous vous entendriez sur la tenue des prochaines élections et vous lui laisseriez le Sénat”. L’offre de Félix Tshisekedi a donc été posée de manière claire sur la table.
En réponse aux deux émissaires, et selon les indiscrétions glanées dans l’entourage de Félix Tshisekedi, l’ancien président s’est fendu d’une déclaration tout aussi claire. “Je viens de rentrer du Kongo Central, je suis devenu fermier et il ne faut pas venir me déranger avec la politique”, a répondu le sénateur à vie.
Converti en gentleman farmer, l’ancien président partage aujourd’hui son temps entre ses domaines de Kingakati dans la banlieue de Kinshasa, Kashamata au Katanga et ses élevages au Kongo Central. Et si, contrairement à ce qu’il a affirmé à Gilbert Bawara et au conseiller spécial togolais, il continue à suivre la politique, il ne veut pas entendre parler d’un nouveau deal avec Félix Tshisekedi qui continue à débaucher dans ses troupes. Face au glissement du calendrier et à la crise sécuritaire, le Chef de l’Etat congolais a besoin de trouver un allié au sein de l’opposition. Mais à l’évidence, Félix Tshisekedi n’a plus l’oreille ni l’estime de son prédécesseur qui a la rancune tenace…