La CASE fustige le dirigisme électoral susceptible de constituer une violation de l’indépendance de la CENI
Simaro Ngongo Mbayo, la Commission Africaine pour la Supervision des Élections (CASE), invite le Président de la République à évaluer sans complaisance ni parti pris la santé médiocre du processus électoral pour se rendre compte des risques évidents d’une explosion de la colère populaire avant même la date programmée pour les scrutins. La sagacité du Président de la République peut sauver ce cycle électoral confié à une main inexperte qui n’est autre que la personne de Monsieur Denis Kadima Kazadi et retracer des meilleures perspectives pour notre gouvernance électorale.
1. La Commission Africaine pour la Supervision des Élections (CASE) est préoccupée par la position très défiante et très autoritaire du Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi sur le processus électoral, une matière relevant indépendamment de son pouvoir et qui heurte actuellement d’innombrables obstacles à cause d’un leadership déficient. Cette prise de position très ferme qui a tendance à imposer son unique volonté de rempiler coûte que coûte pour un nouveau mandat constitutionnel, a cette faiblesse d’avoir été exprimée depuis la République Populaire de Chine en ce sens qu’elle a ouvertement la prétention de violer intentionnellement l’indépendance de la CENI, ce qui met davantage en péril le processus électoral déjà agonisant.
2. Par sa communication présidentielle selon laquelle nous citons: “les élections auront bel et bien lieu à la date prévue par le calendrier et personne ne nous empêchera de le faire”, le Chef de l’Etat menace de contrevenir aux deux principes fondamentaux à savoir : le principe de séparation des pouvoirs et le principe d’indépendance qui régit la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), conformément à l’article 211 de la Constitution et l’article 7 de la Loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante telle que modifiée et complétée par la Loi organique n° 13/012 du 19 avril 2013 et la Loi organique n° 21/012 du 03 juillet 2021 qui stipule ce qui suit: «Dans l’exercice de sa mission, la CENI jouit de l’indépendance d’action par rapport aux autres institutions. Elle bénéficie néanmoins de leur collaboration ».
3. La CASE rappelle au Président de la République la teneur de sa correspondance lui adressée en avril dernier et à travers laquelle elle lui suggérait de faire le constat de la déconfiture du processus électoral sous Monsieur Denis Kadima Kazadi. Il est urgent que le Président Félix Tshisekedi se distingue dans sa gouvernance démocratique en ne s’immisçant pas dans la gestion pratique du processus électoral et en ne favorisant pas tout nouveau passage en force d’un fichier électoral composté, pour ne conserver que sa casquette constitutionnelle de Garant de la nation et du bon fonctionnement des institutions.
4. À ce titre, le Président de la République est invité à évaluer sans complaisance ni parti pris la santé médiocre du processus électoral pour se rendre compte des risques évidents d’une explosion de la colère populaire avant même la date programmée pour les scrutins. La sagacité du Président de la République peut sauver ce cycle électoral confié à une main inexperte qui n’est autre que la personne de Monsieur Denis Kadima Kazadi et retracer des meilleures perspectives pour notre gouvernance électorale.
5. L’indépendance de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a déjà été mise à rude épreuve par l’option gouvernementale de la mutualisation des opérations d’identification, de recensement général de la population et d’enrôlement des électeurs. De façon tout à fait indélicate, le ministre des Finances s’était emporté contre la CENI en tenant des propos inappropriés en ces termes : «il s’agit d’une décision prise par le Gouvernement, une décision qui est conforme à l’orientation du Chef de l’Etat, validée en Conseil des Ministres. Il n’est hors de question que cela puisse être remise en question par qui que ce soit, ce serait une atteinte au fonctionnement normal des institutions…_ », fin de citation. Cet égarement du Ministre des Finances, Monsieur Nicolas Kazadi constituait une atteinte grave à l’autonomie et à l’indépendance de la CENI en ce sens que la volonté du Gouvernement d’imposer à la CENI son option de mutualisation des opérations susmentionnées, comme il ressortait des propos du Ministre des finances, ne pouvait prospérer si l’on avait respecté la Constitution et les lois de la République.
6. La CASE rappelle que dans l’exercice de sa mission, la CENI jouit non seulement de l’autonomie administrative et financière, mais aussi de l’indépendance d’action, par rapport à d’autres institutions conformément aux dispositions des articles 6 et 7 de la Loi organique. Cette indépendance lui donne la possibilité de prendre des décisions en toute liberté et à l’abri de toute instruction et pression.
7. L’exécutif (Gouvernement) et Président de la République étant tenus au respect de la Constitution et des lois de la République, toute décision qui ne s’y conforme pas est annulable suivant les procédures juridiques consacrées. La compétence d’organiser les élections en RDC étant le monopole de la CENI, celle-ci l’exerce de manière non concurrente, même si elle peut bénéficier du concours d’autres institutions, notamment le Gouvernement, le Parlement, les Cours et tribunaux ainsi que d’autres parties prenantes au processus électoral. Cependant, cette collaboration ne saurait être le lieu d’érosion de son indépendance. C’est dans ce cadre que la CASE invite le Premier Ministre à renvoyer à la CENI le projet de loi portant répartition des sièges étant donné que les données statistiques des électeurs qu’il dégage ne reflètent pas la réalité de l’électorat congolais.
8. La CASE rappelle au Gouvernement de la République que la confiance est l’âme du processus électoral. Ainsi, l’indépendance structurelle de la CENI devrait s’accompagner d’une véritable indépendance d’action. Cette indépendance a un impact considérable sur la qualité des élections, elle augmente la perception de crédibilité du processus électoral et contribue à garantir les droits électoraux suivants : le droit aux élections intègres qui reflètent la libre expression de la volonté du peuple (transparence, absence de discrimination et de corruption) ; la primauté de la loi et l’obligation pour l’Etat de prendre des mesures visant à rendre effective la jouissance de tous ces droits ; le droit à la prévention de la corruption par l’Etat ; le droit à un recours effectif ; le droit à un procès juste et impartial ; le droit de participer aux affaires publiques de son pays ; le droit de vote ; le droit d’avoir des élections périodiques, conformément à la loi ; le droit à l’égalité devant la loi ; le droit d’accès à l’information ; la liberté de mouvement et de réunion; le droit à la sécurité de la personne ; le droit à l’égalité entre hommes et femmes etc.
9. La CASE est par ailleurs préoccupée par la forte politisation de la CENI qui se traduit en une caisse de résonance du pouvoir de l’Union Sacrée où se joue une guerre de l’ombre des acteurs politiques dans la récupération des délégués de la société civile au sein de la CENI lors du tumultueux processus de leur désignation. Depuis leur installation, les délégués de la Société Civile, mis à part le président, font de la pure figuration et laissent aux acteurs politiques libre champ à leur triste manipulation, alors que les délégués usurpateurs du quota de l’opposition s’illustrent allègrement par une politisation débordante de leurs fonctions.
10. La CASE souhaite voir le Président de la République, Chef de l’Etat opérer une critique objective de la marche de la CENI et de ses gestionnaires, surtout concernant le délégué des Confessions religieuses et les deux extraterrestres qui occupent illégitimement les sièges dévolus à l’opposition. Car l’indépendance, la neutralité, l’apolitisme, le professionnalisme, l’impartialité, la transparence, l’intégrité, l’efficacité et l’efficience sont autant de valeurs à promouvoir pour rendre le processus électoral crédible, dans une perspective de consolidation de la culture démocratique.