La croissance des envois de fonds des migrants se poursuit mais ralentit en 2023 (Banque mondiale)
Après avoir atteint un niveau record ces deux dernières années, la progression des envois de fonds des migrants a marqué le pas en 2023. Selon les estimations de notre dernière note d’information sur les migrations et le développement, les remises migratoires vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont augmenté de 3,8 % seulement en 2023, contre une croissance d’environ 9 % en moyenne en 2021 et 2022. Et si elles atteignent encore cette année la somme de 669 milliards de dollars, le rapport alerte sur le risque d’une baisse des revenus réels des migrants en 2024, dans un contexte mondial marqué par l’inflation et de faibles perspectives de croissance économique.
La croissance des envois de fonds en 2023 a été particulièrement forte en Amérique latine et dans les Caraïbes (+8 %), à la faveur d’un taux de chômage historiquement bas aux États-Unis, ainsi qu’en Asie du Sud (+7,2 %), en raison principalement d’une augmentation soutenue des remises migratoires vers l’Inde. Elle a été plus modérée dans les pays d’Asie de l’Est-Pacifique (+3 %) — mais si l’on exclut la Chine, la progression atteint 7 % —, ainsi qu’en Afrique subsaharienne, où les envois de fonds des migrants ont augmenté de 1,9 %, soit un taux équivalent à celui enregistré au Nigéria, premier pays bénéficiaire de la région. Après le montant exceptionnellement élevé des transferts d’argent en provenance de la Fédération de Russie en 2022, les remises migratoires à destination de l’Europe et Asie centrale ont enregistré un recul de 1,4 % cette année ; les flux d’envois de fonds dans la région ont pâti de l’évolution des prix du pétrole et, en particulier, de la dépréciation du rouble russe par rapport au dollar américain. Enfin, la baisse a été encore plus prononcée pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (-5,3 %) ; en cause notamment, les écarts importants entre taux de change officiel et marché parallèle dans certains pays, qui ont eu pour effet de détourner les envois de fonds au profit de canaux informels.
La croissance des transferts d’argent vers les pays à revenu faible et intermédiaire devrait encore ralentir en 2024 : les prévisions tablent sur une progression de 2,4 % seulement , sur fond de ralentissement de la croissance économique dans plusieurs pays à revenu élevé. Elles sont en outre sujettes à des risques importants de dégradation, du fait de l’éventualité d’une intensification de la guerre en Ukraine et du conflit au Moyen-Orient, d’une volatilité accrue des prix du pétrole et des taux de change, et d’un coup de frein plus marqué que prévu dans les économies à revenu élevé.
Le coût des envois de fonds vers les régions en développement demeure élevé, à 6,2 % pour l’envoi de 200 dollars au deuxième trimestre 2023, soit un chiffre deux fois supérieur à l’objectif de 3 % fixé à l’horizon 2030 par les Objectifs de développement durable. C’est en Afrique subsaharienne que les tarifs sont en moyenne les plus élevés (7,9 %) et en Asie du Sud qu’ils sont les plus bas (4,3 %). Seuls deux des pays du G20 (la République de Corée et l’Arabie saoudite) ont atteint l’objectif de ramener le coût des transferts d’argent à 5 %.
Malgré les crises et les incertitudes, les remises migratoires représentent désormais la première source de financement pour les pays à revenu faible et intermédiaire : en 2023, elles ont dépassé de plus de 250 milliards de dollars les flux d’investissements directs étrangers, qui se caractérisent par une plus grande volatilité. Dans un dossier spécial, le rapport décrit comment les pays pourraient mobiliser la manne de la diaspora pour financer leurs besoins de développement, mais aussi améliorer leur situation sur le front de la dette. Il est notamment possible de structurer le lancement d’une obligation de manière à exploiter directement l’épargne de la diaspora détenue à l’étranger. De nombreux pays s’emploient aussi à attirer cette épargne dans des comptes de dépôt en devises pour les non-résidents. Le montant cumulé des dépôts sur ces comptes d’épargne est loin d’être négligeable : en Inde, où un programme de ce type a été mis en place il y a quelques décennies, il se chiffrait à l’équivalent de 143 milliards de dollars en septembre 2023. Toutefois, contrairement aux obligations, il s’agit d’une épargne généralement de court terme et volatile, qui, par conséquent, ne se prête pas au financement de projets de développement de long terme.
Par ailleurs, les futures entrées de fonds peuvent servir de garanties et permettre de réduire le coût des emprunts internationaux des banques nationales. Les remises migratoires peuvent aussi améliorer considérablement la notation souveraine d’un pays et sa capacité à rembourser sa dette, du fait de leur poids par rapport à d’autres sources de devises , de leur caractère contracyclique et de leur contribution indirecte aux finances publiques — elles entraînent en effet une hausse des revenus tirés des taxes sur la consommation, ainsi qu’une augmentation des recettes du seigneuriage puisque ces fonds sont déposés dans le système bancaire. La contribution des envois de fonds à la viabilité de la dette dans les pays à faible revenu a été prise en compte dans la révision 2017 du cadre d’analyse de la viabilité de la dette du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Cette évolution s’est traduite par une amélioration significative de l’évaluation de la solvabilité dans un certain nombre de pays bénéficiant d’un volume important de remises migratoires. De même, des résultats économétriques montrent que l’inclusion des remises migratoires dans le ratio dette/exportations améliorerait d’un cran la note souveraine des pays à revenu intermédiaire où ces entrées de fonds sont considérables.