La fistule, une maladie considérée comme honteuse alors qu’elle se prévient et se guérit
Célébration ce 23 mai 2024 de la journée internationale de la fistule. La fistule obstétricale constitue, en effet, un problème de santé publique en République démocratique du Congo. Elle est considérée comme honteuse et pourtant, elle se prévient et se guérit. Selon les autorités sanitaires congolaises, au moins 4000 femmes en souffrent chaque année à travers le pays. Cette maladie est causée à 90% par l’accouchement sans assistance médicale professionnelle. La blessure dévastatrice que cause la fistule crée l’incontinence urinaire chez les femmes d’une façon permanente. Seules les interventions chirurgicales qui peuvent guérir redonner la joie à la porteuse de la fistule. A l’occasion de la célébration de cette journée, les reporters de l’Agence Congolaise de Presse sont allés à la rencontre de quelques femmes porteuses des fistules opérées à Fistula clinic dans l’enceinte de l’hôpital Saint Joseph dans la commune de Limete.
La fistule est une maladie très peu connue du grand public. Elle survient au moment de l’accouchement, lorsque la tête du bébé exerce une pression de longue durée sur les parois du canal pelvi génital de la mère, occasionnant ainsi une ouverture entre le vagin et la vessie ou encore le rectum. Dolores Nembunzu est gynécologue. Elle opère les femmes porteuses de fistule depuis 21 ans déjà.
« La fistule obstétricale comme son nom l’indique, obstétricale donc ça arrive après un accouchement, mais un accouchement qui ne s’est pas bien passé. Un travail d’accouchement difficile et la femme a mis au monde un enfant qui la plupart de temps est mort et après ça, parce que l’enfant était bloqué au niveau du corps de la maman, il va y avoir un trou anormal entre la vessie de la maman où les urines sont fabriquées et les voies génitales donc, une communication anormale entre les voies génitales et la vessie de la femme qui en souffre », explique le Dr Dolores Nembunzu, Directrice de Fistula Clinic.
La fistule touche dans la plupart des cas des femmes vulnérables de la société. Cette communication anormale entre la vessie et le vagin est également due à plusieurs autres causes.
«Il y a la chirurgie gynécologique. La femme qui est allée se faire opérer d’une intervention gynécologique, un accident peut arriver et la femme va se mettre à perdre aussi les urines. Il y a des causes traumatiques. Dans le traumatique, il y a les accidents, le trafic routier, il y a le viol aggravé, il y a les balles perdues, il y a la chute sur les objets contendants des accidents des trafics routiers etc… Ça c’est le traumatique. Il y a les causes dues au cancer. Lorsque la femme souffre d’un cancer du col à un stade avancé, le cancer peut évoluer vers la vessie et provoquer ce trou anormal. Et, quelques fois il y a aussi les infections aggravées dues aux champignons spécifiques ou la tuberculose vésicale qui peut entraîner une fistule», poursuit le Dr Dolores Nembunzu, Directrice de Fistula Clinic
Estimées à 4000 femmes porteuses de fistules chaque année en RDC, la plupart des cas de cette maladie vivent dans la clandestinité par manque d’informations, aussi parce qu’elles ont honte de leur maladie. Et la province la plus touchée reste l’ancien Équateur.
«Je dirais que les provinces les plus touchées, là où les gens ne vont pas beaucoup. Je peux dire le Grand Equateur mais dans d’autres provinces il y a beaucoup d’équipes qui y vont et à l’Equateur parce qu’il y a eu les guerres, il y a aussi le fait que les femmes accouchent très jeunes là-bas, les petites filles. Le travail d’accouchement est difficile. Et quand ils sont devant les personnes qui ne sont pas qualifiées pour les aider à bien accoucher ou à décider de la césarienne, en ce moment-là, ça se passe mal. Il y en a presque partout mais les conditions-là des grossesses jeunes et les conditions de déplacement quand il n’y en a pas de quitter un lieu à l’autre vers un centre de santé ou bien un hôpital, ça aggrave la situation des femmes dans la communauté», mentionne-t-elle.
La prise en charge médicale de la fistule commence passe par l’intervention chirurgicale qui peut se faire près de 3 fois. Une fois opérée la femme porteuse de fistules peut encore donner la vie.
«Ça dépend des dégâts, il y a des femmes qui ont à part la vessie, tout le reste est normal, elle peut aussi accoucher. Il y en a qui ne peuvent pas par exemple si on a fait la stéréotomie elle ne peut pas. Mais, si toutes choses étant égales par ailleurs et que c’est possible, c’est possible d’accoucher. Il y en a qui ont eu mais elles doivent accoucher par césarienne parce que si on a réparé là il ne faut pas que l’enfant vienne repasser de nouveau parce que généralement, c’est parce qu’elles ont un petit bassin que l’enfant ne passe pas. Donc, la prochaine grossesse, il faut qu’elle accouche par césarienne pour préserver ce qu’on a fait et puis pour éviter les dégâts qu’elle a connus par l’accouchement qui a amené la fistule», note la même source.
Les femmes qui ont reçu les soins appropriés contre la fistule retrouvent leur joie de vivre alors qu’elles étaient autrefois stigmatisées par leur entourage à cause de l’incontinence urinaire. Christelle MENGI a subi une intervention chirurgicale qui lui a redonné le sourire.
«Je suis venu accoucher et j’ai été prise en charge pour le cas de la césarienne. Quand j’ai subi la césarienne cela m’a compliqué et j’ai constaté que les urines sortaient de soi, même lorsque les médecins ont enlevé les sondes, les urines continuaient à couler. Ils m’ont transféré à l’hôpital Saint Joseph en nous informant que cette maladie est incurable et que personne n’en guérissait car la vessie est fragile. Mais, quand j’ai été opéré, j’ai retrouvé le sourire car je n’arrivais plus à rire. Ici les interventions sont gratuites», indique pour sa part Christelle Mengi, Porteuse de la fistule obstétricale.
Cette question de santé doit être prise très au sérieux par les autorités sanitaires congolaises qui doivent y consacrer des moyens conséquents. Les interventions chirurgicales sont gratuites pour les femmes bénéficiaires puisqu’elles ont prises en charge par les partenaires du gouvernement congolais.