La monnaie : Un instrument de domination

La monnaie reste encore et toujours une des grandes découvertes de l’homme sur terre. Toute la bataille de l’homme sur la terre tourne autour de l’argent. Déjà au 16ème siècle de notre ère, le monétariste Jean Cantillon avait fait l’apologie de l’or en ces termes : « Seul l’or a de la valeur, il est beau à voir, rare et inaltérable…. Celui qui possède l’or a de la valeur et, celui qui en manque, n’a pas de valeur ».

 

Dans sa théorie sur le paradoxe de la valeur, Adam Smith s’interroge : « Comment se fait-il que l’or et le diamant, choses parfaitement inutiles à la vie, puissent avoir des prix si hauts, alors que l’eau, élément si utile que la vie est impossible à son défaut, puisse avoir des prix si bas ? » Finalement, Smith avait tiré une conclusion en ces termes : « plus un bien est rare, plus il a de la valeur, la valeur d’un bien est fonction de sa rareté ».

 

Toute personne sur la terre est censée travailler pour avoir de l’argent, qui est un bien rare. L’argent est à la base de la différence entre les classes sociales dans le monde. La liste des personnes les plus riches dans le monde est affichée en dollar américain, et le dollar est accepté comme une monnaie de référence à coté bien sûre de l’Euro. Les autres monnaies ne sont pas encore acceptées dans les échanges internationaux.

 

La monnaie, le drapeau, l’hymne national….. sont comptés parmi les symboles du pouvoir. Mais la monnaie permet à l’homme d’acquérir ce dont il a besoin ou d’accéder à toutes les commodités de la vie. Elle a un pouvoir libératoire illimité dans le temps et dans l’espace. Toutes les monnaies n’ont pas cour légale partout. Seules deux monnaies trônent dans les transactions commerciales, à savoir le roi dollar et l’Euro pour l’Europe.

Dernièrement, lors du sommet du BRICS qui a eu lieu en Afrique du Sud, le président brésilien Lula Da Sylva a proposé la création d’une monnaie pour les pays membres du BRICS, pour contourner l’utilisation du dollar américain. C’est plus facile à dire que de traduire cela dans les faits.

Aujourd’hui dans le monde, 60% des réserves monétaires sont exprimées en dollars américains et 30% sont en Euro, la monnaie chinoise prend 3%. Les autres monnaies se partagent le reste.

En utilisant le dollar, les USA ont imposé leur domination dans le monde. Le 15 août 1971, le président américain Richard Nixon, avait supprimé l’étalon dollar adossé à l’or par un décret qui permettait à la Fédéral réserve d’imprimer les dollars sans se référer à l’or. Un simple papier était devenu une monnaie par décret.

En 1973, Nixon était arrivé en Arabie Saoudite pour signer un accord sur le pétrodollar. Tous les pays producteurs du pétrole devaient vendre leurs barils en dollar américain. Le pétrodollar avait renforcé la puissance économique des Etats Unis d’Amérique dans le monde.

Toutes les grandes guerres qui s’en sont suivies avaient pour cause, le pétrole.

Le président irakien Saddam Hussein qui voulait ventre son pétrole en Euro avait été tué, et Kadhafi n’a pas été épargné parce qu’il avait appelé à la création d’une monnaie africaine, et voulait vendre son pétrole en dinar adossé à l’or. Le dollar américain est un instrument de domination américaine dans le monde. En 2005, les pays européens ont créé leur propre monnaie, l’Euro dont le pouvoir d’achat est supérieur au dollar américain.

Le Franc congolais a été lancé le 30 Juin 1998 par Laurent Désiré Kabila. Sa parité était de 1 dollar pour 1,43 Fc. Pas question de voir des cambistes à travers la ville. Avec 1 Fc, un ménage de dix personnes pouvait se procurer quatre bols de Fufu de manioc. A ce jour, pour acquérir la même quantité, il faut débourser 8000 Fc, environ trois dollars ou quatre, pour une denrée alimentaire de base produite localement.

Selon les statistiques de la Banque Centrale du Congo (BCC), le gouvernement importe chaque année un million de tonnes de vivres pour plusieurs millions de dollars américains.

Pour David Ricardo, disciple classique d’Adam Smith, dans sa théorie des avantages comparatifs: « on ne peut importer un bien que si son coût de production est très élevé localement par rapport à l’extérieur ».

En RDCongo, la nature est généreuse et, n’est pas avare, nous ne sommes pas dans un désert. Avec une population estimée à plus de cent millions d’habitants, c’est quand même beaucoup de bras pour les champs.

Un autre problème à résoudre a pour origine le comportement de l’autorité monétaire qui estime que toute économie a nécessairement besoin d’une abondance de liquidités pour bien fonctionner. Il est question de respecter les équilibres entre l’offre et la demande monétaire et de ne pas céder à la sollicitation de dirigeants politiques. La quantité de la masse monétaire en circulation doit être connue et maitrisée au courant de l’année. Comme l’autorité monétaire recourt à la planche à billets pour faire face aux urgences, cette quantité supplémentaire des billets sans contrepartie va rompre les équilibres sur le marché et, les prix des biens vont prendre l’ascenseur.

La vitesse de circulation de la monnaie va augmenter. La vitesse de circulation d’un billet de 1000 Fc correspond au nombre de fois que ce billet a changé de mains au cours d’une journée.

Depuis un certain temps, on a remarqué que les billets à faible valeur faciale de 50 Fc, 100 Fc …….ont tendance à disparaitre de la circulation.

Le Franc congolais ne joue plus pleinement sa fonction de réserve de valeur. Devant le Fc, la préférence pour le billet vert est très forte dans notre pays.

La rémunération de hauts cadres est exprimée en dollars américains, les salaires des cadres d’entreprises, les députés….et même le budget national est exprimé en dollar américain.

Si nous visitons l’évolution des taux de change, nous constatons qu’à partir de 2014, le taux était encore inférieur à 1000 Fc soit 924 Fc pour un dollar américain à fin septembre.

En 2016, on avait atteint et dépassé le mille avec une tendance à la hausse. Fin 2022, le taux avait approché le deux mille. La tendance actuelle laisse voir que l’on va atteindre trois mille Fc à l’approche des élections prévues pour le 20 décembre 2023.

Le gouvernement ne devrait pas laisser la population urbaine à la merci des transporteurs privés qui fixent les prix de transport en commun au gré des humeurs pour saboter l’Etat. Une façon à eux, de saboter la valeur de la monnaie congolaise.

 

Alex Tutukala/CP