« La paix et la sauvegarde de la création sont interdépendantes »
Altesse,
Monsieur le Secrétaire Général,
chers frères et sœurs !
Je voudrais remercier Monsieur Ahmad Al-Tayyeb, Grand Imam d’Al-Azhar qui m’a exprimé sa proximité ; le Muslim Council of Elders que j’ai rencontré il y a un an, le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE), et tous les partenaires qui ont organisé et promu ce pavillon religieux. Il est le premier du genre au cœur d’une COP et montre que toute croyance religieuse authentique est source de rencontre et d’action.
Avant tout, de rencontre. Il est important de se retrouver, au-delà de nos différences, en tant que frères et sœurs en humanité, et surtout en tant que croyants pour nous rappeler à nous-mêmes et au monde que, en qualité de pèlerins plantés sur cette terre, nous sommes tenus de prendre soin de la maison commune. Les religions, consciences de l’humanité, rappellent que nous sommes des créatures finies, habitées par le besoin d’infini. Oui, nous sommes mortels, nous sommes limités, et protéger la vie c’est aussi s’opposer au délire de toute-puissance avide qui ravage la planète. Celui-ci naît lorsque l’homme se considère comme le maître du monde ; lorsque, vivant comme si Dieu n’existait pas, il se laisse ravir par les choses qui passent. Alors l’être humain, au lieu de se servir de la technologie, se laisse dominer par elle, il se “marchandise” et devient indifférent : incapable de pleurer et de compatir, il reste seul avec lui-même et, s’élevant au-dessus de la morale et de la prudence, il va jusqu’à détruire même ce qui lui permet de vivre. C’est pourquoi le drame climatique est aussi un drame religieux : parce qu’il trouve sa source dans la présomption d’autosuffisance de la créature. Mais « la créature […] sans le Créateur disparaît » (Gaudium et spes, n. 36). Que ce pavillon soit au contraire un lieu de rencontre et que les religions soient toujours des “lieux hospitaliers” qui, témoignant prophétiquement de l’exigence de transcendance, parlent au monde de fraternité, de respect et d’attention les uns pour les autres, sans justifier en aucune manière la maltraitance de la création (cf. Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, Abu Dhabi, 4 février 2019).
Cela nous amène à l’autre thème central de ce pavillon et de la croyance religieuse : l’action. Il est urgent d’agir pour l’environnement, mais il ne suffit pas de mettre en œuvre davantage de ressources économiques. Nous devons changer notre mode de vie et il convient donc d’éduquer à des styles de vie sobres et fraternels. C’est une action incontournable pour les religions qui sont également appelées à éduquer à la contemplation, car la création n’est pas seulement un système à préserver, mais un don à accueillir. Et un monde pauvre en contemplation sera un monde pollué dans l’âme, qui continuera à rejeter les personnes et à produire des déchets ; un monde sans prière dira beaucoup de paroles mais, manquant de compassion et de larmes, il ne vivra que d’un matérialisme fait d’argent et d’armes.
À cet égard, nous savons à quel point la paix et la sauvegarde de la création sont interdépendantes : nous voyons tous comment les guerres et les conflits endommagent l’environnement et divisent les nations, empêchant un engagement partagé sur des questions communes, telles que la sauvegarde de la planète. Une maison n’est habitable pour tous que si un climat de paix s’y installe. Il en est ainsi pour notre Terre, dont le sol semble se joindre aux cris des enfants et des pauvres pour faire monter jusqu’au ciel une seule supplique : la paix ! Maintenir la paix, c’est aussi la tâche des religions. S’il vous plaît, qu’il n’y ait pas d’incohérence à ce sujet. Que ce que l’on dit du bout des lèvres ne soit pas démenti par les faits : que l’on ne se contente pas de parler de paix, mais que l’on prenne clairement position contre ceux qui, se prétendant croyants, nourrissent la haine et ne s’opposent pas à la violence. Je me souviens des paroles de François d’Assise : « La paix que vous annoncez par votre bouche, ayez-la encore plus abondamment dans vos cœurs » (Légende des trois compagnons, XIV,5 : FF 1469). Frères, sœurs, que le Très-Haut bénisse nos cœurs afin que nous soyons, ensemble, des bâtisseurs de paix et des gardiens de la création. Je vous remercie.