Lamine Ndiaye : « La méritocratie au centre du projet… »
À côté de ses appartements situés dans un quartier calme de Lubumbashi, Lamine Ndiaye, souriant et attachant, nous a reçus pour une première grande interview depuis son retour sur le banc du TPM. Le technicien s’est penché sur bien des sujets, notamment son histoire passionnelle avec les Corbeaux, la pré-saison, ses relations avec le chairman Moïse Katumbi et ses collaborateurs au sein de l’équipe. Il s’est également focalisé sur le travail de fond, de confiance en soi, de tout jouer et surtout la nécessaire transformation de l’état d’esprit d’un groupe pour atteindre la réussite collective.
Avez-vous une relation particulière avec la RDC et le TPM ?
Dans les années 69-70, on était jeune et nos équipes s’identifiaient au Tonnerre de Yaoundé et au Tout Puissant Englebert. On ne savait pas où c’était mais il y avait une équipe pas loin du quartier qui avait ce nom et dégageait une réelle puissance.
Tout le monde avait peur de les affronter. Quand je me suis remémoré cette histoire, j’avoue que cela m’a fait drôle! Je ne pensais pas qu’après tout ce temps-là je me retrouverais un jour en RDC…
Vous signez avec le TPM, vous gagnez la Ligue des Champions, vous jouez la finale de la Coupe du Monde des clubs. De sacrés souvenirs ?
Là on formait un groupe, un bel état d’esprit. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Le président nous envoyait faire des stages en Zambie, au Ghana, au Sénégal, un peu partout. Nous avons passé énormément de temps avec les joueurs, les dirigeants. Cela a renforcé les liens, ça rapproche les gens. Les joueurs savaient ce que je voulais et ce que j’attendais d’eux. On se mettait au travail et tout le monde donnait le maximum. Quand c’était le temps de la rigolade, on le faisait tous et au même moment. Et avec l’aide de Dieu, nous avons réussi à soulever les montagnes…
Vous quittez le club sur décision personnelle à l’époque. Puis quelques années plus tard, en 2023 vous recevez l’appel du président Moïse Katumbi. Expliquez-nous le contexte ?
Avec le président, nous n’avions jamais coupé les ponts. Il nous arrivait de nous parler. Nous avions gardé de bonnes relations, c’est un monsieur très exceptionnel. Il m’a beaucoup aidé dans le travail, il ne lésinait pas sur les moyens pour mettre tout le monde à l’aise, pour être performant.
Lorsque le président vous appelle en mai dernier, avez-vous accepté tout de suite ?
C’est ma vie, je m’identifie à ce club. Je n’ai même pas réfléchi!
Quel sentiment aviez-vous à votre descente d’avion sur Lubumbashi ?
Les choses n’ont pas bougé. Il y avait Héritier YINDULA et Saddam Mubemb. Des personnes dont j’étais proche avant de quitter Lubumbashi en 2014. On a passé plusieurs jours ensemble. J’étais content de retrouver de vieilles connaissances.
La conversation avec le président le jour de votre arrivée. Etait-il question d’un nouveau projet ?
C’est exactement ça. Il avait demandé qu’on aille lui dire bonjour dès notre arrivée. On était content de se revoir. Ça faisait 8 ans qu’on n’était pas retrouvés… Le travail a tout de suite commencé deux jours plus tard. On s’est retroussé les manches, on a défini les contours de ce qu’on voulait. On a fait comprendre aux joueurs qu’il fallait se battre pour gagner sa place. Je n’en connaissais aucun, c’est donc à partir de ce que je pouvais voir sur le terrain que j’allais juger et décider.
Le temps pressait, il fallait décider qui resterait et qui partirait. Ensuite, on a repris avec le stage à Futuka, au beau milieu de la forêt pour la préparation. Avec tout ce qu’il faut pour se mettre au travail, retrouver ce goût du travail. Ce n’était pas facile, surtout pas gagné d’avance. C’était très dur, les joueurs n’ont pas lésiné sur les efforts…
Les premiers mots que vous aviez prononcé à votre première séance d’entraînement de la saison : la méritocratie, pourquoi ?
C’est ma façon de faire, tout le monde est important mais personne n’est indispensable. On n’a pas Messi, ni Ronaldo, ni Mané. Nous avons de bons joueurs. Et il faut conjuguer nos efforts pour réaliser quelque chose de grand. Dès lors, il fallait mériter de porter ce maillot du TPM, ce qui est un honneur. Quand tu portes ce maillot, tu n’as pas le droit de ne pas le mouiller.
Depuis le début de la saison, aviez-vous déjà utilisé tous les joueurs composant votre effectif ?
En tout cas, tous ceux qui sont qualifiés. Il faut faire ce qu’on dit, être consistant. Certains se sont plaints, je leur ai dit de travailler pour mériter. La saison est longue, il y a des blessures, des maladies, etc. tout le monde aura sa chance, il faut savoir la saisir. Tous les joueurs qualifiés ont joué dans les différentes compétitions.
C’est par le travail que tout un chacun aura sa chance, et ce malgré le nombre de compétitions dans lesquelles le club est engagé ?
C’est exactement ça. Quand un club comme Mazembe s’engage dans une compétition, ce n’est pas seulement pour participer. C’est pour aller le plus loin possible et chacun le sait. Il y avait la découverte de l’African Football League, donc il fallait faire une très bonne préparation, redonner confiance aux joueurs qui l’avaient perdue.
Ce n’était pas facile, il fallait sortir un groupe pour pouvoir entamer de la meilleure des façons le championnat (Ligue 1). J’ai entendu pas mal de choses, par exemple qu’on jouait seulement les petites équipes. J’ai parlé de confiance, et on a joué avec des sélections pendant la présaison. Et des oppositions en interne beaucoup plus dures que les matchs de compétition parce que chacun cherchait à s’affirmer et montrer au staff qu’il veut jouer dans cette équipe. Et on a bien débuté le championnat ce qui était un premier objectif.
Comme ça faisait quelques saisons que l’équipe ne s’était pas qualifiée en phase des groupes de la Ligue des Champions, ceci devenait un deuxième objectif. On avait à cœur de frapper un grand coup. Le match de Big Bullets était un bon test, malgré qu’on ait gagné en aller et retour. C’était une bonne équipe, on a souffert surtout chez eux. Il fallait être suffisamment bon pour faire un meilleur résultat, c’est ce que les joueurs ont fait là-bas et s’imposer avec un score plus net au retour. On a concédé un seul but à l’extérieur.
L’importance de la solidité défensive
Quand tu construis un bâtiment et que la fondation n’est pas solide, il ne tiendra pas longtemps. Quand on parle de défense, c’est l’ensemble de l’équipe, avec une organisation qui te permet de récupérer le ballon et de t’en servir convenablement pour pouvoir marquer des buts… C’est ma philosophie, je préfère avoir un capital buts avec plusieurs joueurs que de miser sur un seul joueur. Mais si un joueur est exceptionnel, je le prends (celui qui te marque 20 buts sur toute une saison).
Mais quand tu as des attaquants capables de claquer des buts, des milieux qui marquent des buts importants ou encore des défenseurs qui réussissent à marquer sur des coups de pied arrêtés, ça bonifie l’équipe. On a Fily TRAORE qui est meilleur buteur alors qu’il n’était pas titulaire au début de la saison. Au fil des matchs, il s’est adapté, il a du mental. Il a l’envie de réussir et on cherche des joueurs comme ça.