Le casse-tête nigérien (Ambassadeur André-Alain Atundu Liongo)
La perte du pouvoir d’Etat par le Président Mohamed Bazoun à la suite de sa séquestration au palais présidentiel aura été une trainée de poudre qui a abouti à révéler la véritable nature du scénario mis en place par les Militaires à Niamey.
Cette méthode astucieuse de strangulation par contactions à la façon d’un boa, a réussi à consolider la mainmise du Général Tchiani sur le pouvoir d’Etat.
La dissimulation stratégique de la nature réelle du coup de force en un premier temps aura servi à jauger l’impact et l’incidence sur les populations du Niger.
L’enthousiasme populaire a été la chiquenaude qui a achevé la strangulation du pouvoir du Président BAZOUN. Par rapport à la déclinaison de l’attitude évolutive de la Communauté Internationale vis-à-vis du coup de force du Général Tchiani, il apparait désormais que la réaction de la CEDEAO et de la France d’intervenir pour rétablir militairement le Président Mohamed Bazoun au pouvoir était émotionnelle et mécanique.
Par la suite, une évaluation contextuelle de la situation a démontré les points faibles de la détermination de ces 2 acteurs. Ils comptaient, d’une part, sur la division de l’Armée et la réprobation de la population, d’autre part, sur la cohésion de la CEDEAO et l’abnégation des Etats de la Sous-région ayant subi le contrecoup des sanctions contre le Mali et le Burkina Faso.
L’adhésion unanime des populations nigériennes et la réprobation profonde des populations des Etats de la Sous-région ont fini par sortir la CEDEAO et la France de la torpeur de leur rêverie.
D’autant que les alliés stratégiques de la CEDEAO et de la France comme les USA recommandent une issue diplomatique.
Et comme pour allier la parole à l’acte, leur ambassadrice a débarqué à Niamey dans la foulée.
D’autre part, certains partenaires importants du Niger, comme l’Algérie et la Russie, ont clairement exprimé leur opposition à l’intervention militaire de la CEDEAO et de la France comme pour soutenir, de facto, les Nouvelles Autorités du Niger.
Enfin, le Mali et le Burkina Faso ont frappé les esprits et l’opinion internationale en prenant fait et cause avec les nouveaux dirigeants du Niger, au point de considérer toute attaque contre le Niger comme une attaque contre leurs pays – ils seraient alors en position de défense légitime face aux troupes d’intervention.
Dans cet imbroglio politico-diplomatique, le sort de la Sous-région est dans la main des Chefs d’Etat de la CEDEAO qui doivent s’interroger si l’intervention au Niger va résoudre le vrai problème au de-là du rétablissement hypothèque de Mohamed Bazoun, au risque de déclencher une guerre de résistance contre les occupants dont il faudrait libérer le Pays.
Il importe donc que les forces de la CEDEAO se comportent en baïonnette intelligente au lieu d’être une mécanique aveugle.
Sinon cette intervention risque d’apparaitre comme une guerre contre la population nigérienne et de créer ainsi un stigmate profond dans le chef de tout nigérien et africain.
Dans cette ambiance surréaliste, les partisans d’une intervention comme le Nigéria, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin et le Togo paraissent de plus en plus seuls et leur volonté de plus en plus veule.
Enfin, il se pose avec une certaine acuité la question de savoir combien d’Etats vaudrait-il pour que cette intervention soit perçue comme la volonté de l’organisation régionale.
Sans entrer dans la complexité technique de coordination, les Présidents de ces Etats prendront-ils le risque et la responsabilité de jeter dans la bataille les troupes des Etats qui ne réunissent pas l’unanimité sur le plan interne.
Cette absence de modestie face à un fait avéré est plus une démission que l’expression d’une volonté déterminée.
Et la présence éventuelle de la France dans cette intervention ne risque-t-elle pas de décrédibiliser les dirigeants de ces Pays et accroitre le sentiment anti-français ? Dans ce contexte, le bras de fer autour de la décision d’expulsion de l’Ambassadeur français risque d’apparaître comme un constat d’arrière-garde ou un baroud d’honneur.
La vraie sagesse diplomatique consiste, en l’occurrence, à négocier dans un esprit de modestie et de réalisme vis-à-vis d’un fait avéré que l’on ne maitrise pas au risque de faire basculer toute la région dans la précarité sociale et politique.
Halte donc à l’égo surdimensionné de la France et à la vanité indécente d’un sens de l’honneur qui n’en est pas un.
Casse-tête ou nœud gordien, les Chefs d’Etats de la CEDEAO doivent trancher en ayant à l’esprit l’intérêt bien compris de la Sous-région.