Les conséquences juridiques et politiques du forcing de Theo Ngwabije, aucun pouvoir ne peut être exercé contre la volonté du peuple

Oubliant que son bilan largement négatif constitue la déception permanente de la population, Ngwabije a décidé de déjouer l’Assemblée provinciale soutenue par toutes les forces vives et toutes les communautés du Sud-Kivu. En provoquant en justice une décision inique et malencontreuse contre toute attente de la population, son maintien juridiquement questionnable à la tête de la province ne sera qu’éphémère. Quelle que soit la configuration du bureau d’âge qu’il forge à l’Assemblée provinciale, la seule solution de la population du Sud-Kivu est de faire la rupture avec la mauvaise gouvernance de M. Théo Ngwabije au cœur des vives tensions.

L’incompréhension par M. Ngwabije de la lecture de chaque motion de censure contre lui par ailleurs, du point de vue des conséquences juridiques, l’adoption de la motion de censure, entraine d’office plusieurs devoirs ou implications impératives :

1°) La fin des fonctions de tous les membres du gouvernement révoqué à partir de la remise de la démission du gouvernement au Président de la République ou, à défaut, après expiration du délai de 24 heures à compter de la notification de l’acte d’adoption de la motion, au Gouverneur de Province. Articles 147 al 1er et 198 alinéa 8 de la constitution, articles 23 al 7 et 42 al 1er de la loi sur la libre administration des provinces et l’article 160 al 1 à 3 de la loi électorale telle que révisée à ce jour.

Cette fin de fonction entraine aussi d’autres conséquences notamment : la déclaration du patrimoine à la Cour administrative d’Appel, sous peine de poursuite pénale (art 24 de la loi sur libre administration des provinces), les droits à l’indemnité de sortie, conformément à l’arrêté d’organisation du gouvernement (la loi n’en prévoit pas expressément), application des règles d’intérim, etc. Le non-respect de cette conséquence (sauf l’application de la gestion par intérim pour l’expédition des affaires courantes, pourrait exposer son auteur, aux poursuites pour usurpation de fonction, faux en écriture, … s’il continue de poser les actes).

2°) Le Gouverneur de province a 24 heures (à partir de la notification à lui faite, s’il n’a pas été présent à la séance de vote de la motion) pour remettre la démission de tout son gouvernement (sa révocation étant déjà intervenue par le vote de la motion), au Président de la République. Art 147 al 1er de la constitution, Article 42, alinéa 1er de la loi sur la libre administration des provinces et article 160 de la loi électorale telle que modifiée et complétée à ce jour.

Si après ces 24 heures, le gouverneur de province ne remplit pas ce devoir, la démission s’opère d’office conformément à l’article 160 al 3 de la loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la loi électorale.

3° L’intérim est ouvert, dès la remise de la démission au Président de la République ou à défaut, après l’expiration des 24 heures à compter de la notification de l’acte d’adoption de la motion, au gouvernement provincial ; et les affaires courantes sont expédiées par le même gouvernement révoqué mais sous la direction du vice-gouverneur et ce, jusqu’à l’investiture du nouveau gouvernement (par l’Assemblée provinciale). L’article 31 de la loi sur la libre administration des provinces, combiné avec l’article 160 alinéa 4 de la loi électorale telle que modifiée et complétée par la loi du 24 décembre.

4° La commission électorale nationale indépendante (CENI) doit organiser l’élection du gouverneur et vice-gouverneur dans les trente (30) jours à compter de la notification (de l’acte d’adoption de la motion de censure) au Ministre ayant les affaires intérieures dans ses attributions. Article 160 al 4 de la loi électorale telle que modifiée à ce jour.

Au reste, la question de droit qui mérite d’être discutée amplement, est celle de savoir si la décision d’adoption d’une motion (de censure) par une Assemblée provinciale peut faire objet d’un quelconque recours en annulation, si oui devant quelle instance ? Si non, quel serait le sort des illégalités ou inconstitutionnalités qui entacheraient la procédure d’adoption d’une motion de censure ?

A dire vrai, on souhaiterait que la motion (de censure), comme toute décision, qui ne respecterait pas l’une ou l’autre condition prévue par la constitution ou par la loi (telle qu’énumérée ci-haut), soit susceptible d’annulation par le juge, pour éviter les désordres et injustices qui risquent de déstabiliser la province. Cependant, pour soutenir pareille thèse, il faudrait qu’il y ait un texte juridique qui le prévoit et qui le définit expressément !

Mais curieusement, il faudrait relever que la constitution et les lois de la RDC, n’ont pas institué le juge des contentieux des décisions politiques non législatives (notamment les décisions de motion, de dissolution des assemblées, etc.). En effet, le recours en annulation pour inconstitutionnalité (devant la cour constitutionnelle) ne concerne que les seuls actes législatifs (lois, édits et règlements ayant force de loi). Art 160 al 1er et 162 al 2 de la constitution et l’article 43 de la loi sur le fonctionnement de la cour constitutionnelle. Cependant, une décision de motion de censure n’est pas un acte législatif (R.I. de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu), mais une décision politique individuelle et particulière. La cour constitutionnelle se déclarerait incompétente, pour connaitre d’un recours en annulation d’une telle décision.

De même, en vertu de la théorie classique « d’acte de gouvernement », les juridictions administratives (et même judiciaires) sont naturellement incompétentes pour connaitre de l’annulation des actes purement politiques (et des dommages-intérêts qui en résulteraient). C’est donc clair que les décisions de motions ne peuvent faire objet d’aucun recours en annulation, faute de base juridique.

Toutefois, la cour constitutionnelle peut au moins, dans son rôle consultatif, donner un avis (contraignant) sur la portée des dispositions constitutionnelles prétendument violées dans la procédure de motion, et ce, conformément à l’article 54 de la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la cour constitutionnelle et l’article 161 al 1er de la constitution. Notons à cet effet que, l’article 56 de cette loi dispose que « l’interprétation de la Cour lie les pouvoirs publics, les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi que les particuliers ».

Nous pensons donc que par un recours en interprétation de la constitution, la cour constitutionnelle peut par un avis qui oblige l’Assemblée provinciale à annuler sa décision de motion de censure, conformément aux articles précités. Cependant, cet avis de la cour ne peut empêcher l’assemblée provinciale à recommencer la procédure d’adoption de la motion dans le respect des conditions constitutionnelles. De même, faute de texte, ce recours en interprétation de la constitution, n’est pas suspensif de la décision d’adoption de la motion.

Il ressort de ce qui précède que les motions ne devraient pas techniquement, faire l’objet de recours en annulation pour inconstitutionnalité, sauf à faire le recours en interprétation de la constitution et demande d’avis de la cour constitutionnelle sur la procédure d’adoption de la motion de censure.

En définitive, on comprend que les mécanismes des motions relèvent généralement des rapports politiques non législatifs et ces rapports ne sont efficacement contrôlés que par les jeux politiques, lesquels sont essentiellement fondés sur la confiance et les intérêts partisans.

Par cette réflexion, nous n’avons fait que remplir notre devoir de science au service de la société pour justifier techniquement la forme abusif du pouvoir qui accable la population du Sud-Kivu dont le seul remède est le départ de Ngwabije qui à travers la volonté des députés provinciaux à l’unanimité sera destitué pour la dernière fois ce vendredi .

Me Alain Bacoke

Master en droit pénal et criminologie,

Coordinateur national du Mouvement National des Kamerhistes MNK RDC,

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