Les contraintes commerciales étouffantes des Etats-Unis (COMMENTAIRE)
La stratégie agressive de Washington pour contenir la Chine est intrinsèquement contraignante. Et ses répercussions s’étendent au-delà de la Chine, car Washington perdra avec ses alliés non seulement dans le non-libre-échange mais aussi dans le protectionnisme.
Les tactiques de Washington impliquent souvent des menaces subtiles et des incitations économiques, créant un environnement toxique dans lequel les pays se sentent obligés de se conformer aux exigences américaines.
Toutefois, certains alliés des Etats-Unis ont pris conscience que la coercition américaine les a piégés dans un dilemme avec lequel “l’Amérique d’abord” prend systématiquement le pas sur leurs intérêts, sapant leurs libertés commerciales et leur autonomie stratégique.
Les récents commentaires du ministre néerlandais des Affaires économiques, Dirk Beljaarts, ont mis en évidence une frustration croissante face à la pression américaine sur les restrictions visant la Chine sur le commerce des semi-conducteurs.
“Les Chinois sont un partenaire commercial important, tout comme les Etats-Unis et de nombreux autres pays dans le monde”, a-t-il déclaré lors de sa récente visite aux Etats-Unis. “Nous avons notre propre économie à sauvegarder et nous devons veiller à ce que nos entreprises puissent faire des affaires aussi librement que possible.”
Ses remarques reflètent le mécontentement croissant des alliés des Etats-Unis, qui sont gênés par la mainmise croissante de Washington sur la circulation des technologies dans le monde, en particulier lorsque de nombreux pays sont en proie à des difficultés dans une économie internationale morose.
Le cas du géant néerlandais ASML illustre bien ce problème. ASML, entreprise technologique la plus valorisée d’Europe, avec une capitalisation boursière d’environ 240 milliards d’euros (267 milliards de dollars), est désormais soumise à des contrôles à l’exportation imposés par les Etats-Unis qui menacent ses possibilités commerciales et l’avance technologique de l’Europe.
Il n’est donc pas étonnant que Peter Wennink, l’ancien PDG d’ASML, ait récemment qualifié la guerre commerciale des puces électroniques menée par Washington de “fondamentalement non fondée sur des faits ou des données, mais sur une idéologie”.
Alors que les Etats-Unis font presque tout ce qu’ils peuvent pour marginaliser la Chine afin de maintenir leur domination mondiale, leurs alliés portent le poids de ces manœuvres musclées.
Washington a promulgué des lois radicales telles que le “CHIPS and Science Act” et a invoqué le “Foreign Direct Product Rule”, obligeant les entreprises du monde entier – à condition qu’elles utilisent ne serait-ce qu’un minimum de technologie d’origine américaine – à réduire leurs engagements avec la Chine. Dans ce contexte, les ventes mondiales de semi-conducteurs ont chuté de 8,2% en 2023 par rapport à l’année précédente, selon l’Association de l’industrie des semi-conducteurs (Semiconductor Industry Association).
Alors que Washington présente ces mesures protectionnistes comme essentielles pour sa sécurité nationale, ses alliés les perçoivent de plus en plus comme des attaques contre leurs droits à un commerce équitable et à une indépendance économique.
Dans une interview accordée en mars à Nikkei Asia, le ministre japonais de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie de l’époque, Ken Saito, a démenti tout projet d’extension des contrôles sur les puces électroniques, déclarant qu’il avait été “pris au dépourvu” par les pressions exercées par Washington. L’industrie japonaise des semi-conducteurs, qui a subi un coup dur lors de la guerre commerciale des années 1980 avec les Etats-Unis, s’efforce aujourd’hui de retrouver son ancienne position et se méfie donc des retombées potentielles de l’abandon du vaste marché chinois.
En tant que membre fondateur de l’Organisation mondiale du commerce, les Etats-Unis ont longtemps prétendu être les champions du libre-échange. Cependant, leurs actions unilatérales – en particulier l’utilisation de la section 301, relique de la guerre froide – servent à politiser et à militariser les questions commerciales, violant de manière flagrante les règles commerciales multilatérales.
Malgré une large opposition, le gouvernement américain a récemment décidé d’augmenter les droits de douane sur les importations chinoises, en particulier sur les véhicules électriques (VE), les cellules solaires, les batteries de VE et autres produits associés.
Soulignant que “Tesla est tout à fait compétitif sur le marché chinois, sans droits de douane et sans soutien différentiel”, le PDG de Tesla, Elon Musk, a critiqué les prélèvements comme étant “des choses qui entravent la liberté d’échange ou qui faussent le marché”.
Washington contraint une nouvelle fois ses alliés à s’aligner sur ses politiques restrictives en matière de VE, entravant ainsi leur capacité à poursuivre des relations commerciales bénéfiques. En forçant les pays à choisir un camp, Washington sape leur souveraineté et limite la liberté de leurs entreprises de fonctionner selon leurs besoins.
Selon un article de Barron’s, les dirigeants de l’industrie automobile mondiale estiment que près d’un quart de leurs bénéfices pourrait être menacé par des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement d’ici à dix ans, si les tendances de la guerre commerciale se maintiennent.
Alors que les pays sont aux prises avec un Washington toujours plus coercitif, certains réalisent de plus en plus que leur autonomie est compromise par le maintien de la domination américaine.
Comme l’a déploré le législateur néerlandais Laurens Dassen, “nous envoyons un signal clair au monde : L’exportation de nos produits peut cesser si un pays contrarie les Etats-Unis”.
Dans un monde interconnecté, une économie mondiale saine repose sur les partenariats, sur la coopération et la capacité des nations à maintenir leurs propres intérêts légitimes. Les politiques coercitives de Washington ne mettent pas seulement en péril sa crédibilité, mais menacent également les libertés fondamentales de tous les pays souverains.
En poursuivant sur la voie de la contrainte économique, Washington s’isole davantage et s’éloigne de ses alliés, tout en sapant les principes du commerce équitable et de la collaboration qu’il prétend défendre. Une telle stratégie est vouée à l’échec dans un monde qui se nourrit d’interconnexions et de respect mutuel.